Petit havre de paix caverneux à vendre, 1310 cm² répartis sur trois niveaux. Quinze ans de travaux sont à prévoir avant d’obtenir le bien acquis. Le paiement se fait en gamètes. Dépêchez-vous, il n’y aura rien de tel jusqu’au mois prochain !
Les parents de Suranis s’étaient empressés d’échanger leurs gamètes. Après sept ans de relation et la certitude qu’une rupture coûterait plus chère qu’une très artificielle tentative de renouvellement de leur amour, ils s’étaient mis à cette tâche fastidieuse. Il avait fallu une année de plus pour que le ventre de madame Rhéon finisse par s’arrondir et que Suranis naisse sous les néons froids de la salle d’accouchement. L’accouchement avait été délicat et avait nécessité l’utilisation de ventouses qui avaient donné à Suranis une drôle de tête pour ses premiers jours. Elle ressemblait à une petite extraterrestre à la frimousse rousse. Malgré cette difformité passagère, le bébé n’avait pas manqué d’émerveiller toute l’équipe médicale.
Il fallait alors avoir beaucoup d’imagination pour la concevoir, bien des années plus tard, remontant vers la Surface avec une bombe enfouie dans le crâne que les neuro-techniciens du Conseil n’avaient pas su voir. Une petite puce, rien de plus, qui lui servait d’aide-mémoire, de disque dur de secours crypté qui se déclencherait très progressivement si une altération mémorielle était détectée. Cette petite merveille technologique fut créée lorsque les Sagistes apprirent l’existence du GH-Drain par un transfuge du nom de Magner avant qu’il ne meurt assassiné. Le SAGI avait réagi en mettant ses meilleurs éléments sur l’élaboration d’une contre-mesure efficace qu’on glissa dès lors dans le bulbe rachidien des nouveaux venus sans qu’ils ne soient prévenus.
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Personne n’avait encore découvert leur existence, mais désormais il était trop tard pour que le Conseil puisse réagir en conséquence. La puce se déclencha chez Suranis six ans, sept mois et trente-sept heures après l’implémentation des faux souvenirs inhérents au GH-Drain 2. L’odeur de la poudre, les cadavres s’étalant en un grotesque tapis, les cahutes détruites dans le SAGI. Tout revint à Suranis alors qu’elle remontait vers la Surface à la fois dépitée et libérée par ce qu’elle venait de vivre. Elle commençait à croire qu’elle ne saurait jamais rien et que c’était une bonne chose. Après tout, sa situation était devenue plus agréable que ce qu’elle avait toujours été. La vie était moche, elle était belle et elle allait abandonner sa carrière d’espionne pour se consacrer à la tâche pour laquelle elle était vraiment employée. Elle reprendrait même contact avec ses parents, ils seraient fiers… Oh oui, le monde serait merveilleux et son quotidien extraordinaire. Quelle belle routine qui aurait pu être sienne si dans les 1310 cm² de son crâne ne s’était alors pas déversé le torrent mnésique qui la fit chavirer de l’autre côté.
La vie avait été plutôt belle. Pas totalement moche en tout cas.