Bien avant que ne naissent le parent le plus éloigné de Seth Karenth, le marché noir s'était déjà développé dans les étages inférieurs de la Cité. Plus on s’éloignait des yeux du pouvoir, plus on acquerrait ce que l’on voulait sans se donner trop de peine. L’un des produits qui se vendait le mieux se retrouvait sous forme de pièces détachés, faciles à assembler entre elles pour former une arme sommaire. Avec du recul, Seth Karanth aurait trouvé la chose particulièrement drôle quand on considérait l’équipement non-léthal dont étaient équipés les forces de l’ordre. Il était si facile de se procurer un pistolet fait de bric et de broc, dont l’alimentation ne cesse de défaillir, quand d’autres se contentaient d’un neutraliseur qui, même s’il pouvait tuer, ne le faisait pas avant la cinquième fléchette.
L’arme que Seth était venu acquérir tirerait difficilement le même nombre de munition de son chargeur vétuste, mais elle tuerait. Le contact qu’il avait trouvé lui assurait que les pièces contenues dans le carton étaient fiables et pourraient tenir au moins les deux chargeurs fournis avec. Seth n’y croyait pas, surtout quand le carton qu’il lui tendit cliqueta trop à son goût :
— Sur quoi vous avez mis la main ? demanda-t-il.
— C’est une surprise… Mais je sais que c’est du 10 mm et que ça vaut grosso modo 270 körptes l’ami.
— Grosso modo ? s’amusa Seth Karanth. C’est drôle, j’ai à peu près galérer pour obtenir les 270 körptes.
Le contact caché derrière une casquette lui sourit et Seth lui tendit un sac rempli d’à peu près 270 körptes en bijoux, alcools et marchandises diverses. Un coup d’œil rapide aurait estimé la valeur des objets accumulés aux alentours des 300. Mais c’était ainsi que ça fonctionnait dès que la possibilité d’être tracé devenait une hantise.
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Le gars à la casquette le remarqua rapidement :
— Il y a trop, dit-il. Vous m’en voudrez si je garde la petite monnaie ?
— Faites donc.
— Vous êtes trop bon.
Bon ? Pas vraiment, mais indulgent encore moins. Il venait de saigner ses dernières économies et il n’en aurait plus besoin pour ce qu’il s’apprêtait à faire.
— Vous allez faire quoi de ça ? demanda le contact, curieux.
— Chasser des rats.
— Un peu déconnant comme calibre, non ? Je parle trop peut-être ?
— Peut-être bien, adieu.
Humains ou rats, quelle différence ? Pour Seth Karanth, il n’en existait aucune. Il s’éloigna du vendeur louche et se mit à l’abri des caméras, dans une ruelle sombre et empestant l’urine. Il entrouvrit la boîte et vit l’éclat argenté d’une culasse qui se promenait librement. Le ressort, le marteau et toutes les autres pièces semblaient présentes bien que pas forcément conçues pour être montées ensemble. Il y avait aussi une boîte de cartouches en mauvais état, rouillées et dont il doutait que l’amorce ait survécu aux années. Mais il en ferait l’expérience par lui-même et dans le pire des cas, l’arme lui exploserait en main.
Pour peu qu’il arrive à tirer un chargeur, il en serait heureux et garder le clou du spectacle bien au chaud sous sa chemise. Ça ronronnait avec la précision d’une horloge et il eut la certitude que tout brûlerait avec lui. Cramer les mauvaises herbes, voilà la seule technique qu’il expérimentera de toute sa courte existence de jardinier.