Un cri déchirant résonna dans le SAGI. Une nuée de brancardiers descendirent des cahutes pour se porter au secours de Zed, mais il était déjà trop tard. Nesta, incertaine, avait accompagné le défilé mortuaire en assommant Suranis de questions : « Que lui est-il arrivé ? », « Il est vivant ? ». Cette dernière question revenait le plus souvent, sur un rythme de plus en plus soutenu et avec une tonalité penchant toujours plus vers les aigus. Car non, vivant Zed ne l’était plus lorsque le Doc’ et son cercueil d’acier accueillirent sa dépouille pour tenter de le ressusciter, plus que de le ranimer.

Le chirurgien mécanique décida d’incinérer le corps plutôt que de le restituer et Ertsy ne put se retenir davantage. Contenue dans un angle de la salle, les ongles arrachés à force d’être rongés pour ne plus révéler qu’une pellicule de peau irritée, elle se précipita sur la machine alors que les premières émanations d’un aimé vaporisé s’en échappaient. Elle tabassa la carte-mère, arracha le cerveau électronique qui cracha, avant de périr à son tour, sa toute dernière analyse. Zed était mort depuis au moins dix minutes, peu de temps après qu’il ne se soit évanoui en bas des escaliers.

Le Doc’, respectant à la lettre le protocole, décida que son patient n’était plus à sauver, mais que ses propres composants pouvaient encore l’être et agit avant d’être attaqué par le composé acide. Mais ça Nesta ne l’entendit pas. Elle ne croyait pas dans l’encéphalogramme plat qui s’affichait depuis le début de la prise en charge de Zed et s’était décidée à croire aux morts qui marchaient parmi les vivants. Si le Christ s’était relevé d’entre les morts, son amant pouvait en faire autant. Ce devait être une erreur, comme la mère de famille enterrée vivante et réveillée par des pilleurs de tombes, comme les accidentés se réveillant sous le scalpel du légiste… Pourtant, lorsque le sarcophage de Zed s’ouvrit, il s’obstina à refroidir en-deçà des températures habituelles pour un corps humain, passant d’un 224°C en surface à l’inertie thermique.

Find this and other great novels on the author's preferred platform. Support original creators!

L’horrible certitude s’abattit sur Nesta. Zed ne se relèverait jamais. Son cœur réduit en cendres ne battrait plus et ne plaisanterait plus avec lui en palpitant à la folie. Il ne marcherait pas dans l’avenir radieux que lui, et tous les autres, se promettaient d’acquérir. Il était mort pour un maigre rapport sanglé de vinyle noir et on l’avait fauché en pleine course vers l’irréalisable. Ils avaient foi en un nouveau monde, ignorant que l’ancien, instauré depuis la nuit des temps, ne céderait pas si facilement. Des salauds vivaient et des héros mouraient dans l’indifférence.

Le fardeau d’os s’alourdissait et la blague était finie pour le SAGI. Suranis rencontra sa première mort, meurtrière malgré elle.