Horreur ! Je glissai immédiatement sur le sol en essayant tant bien que mal de garder un soupçon de stabilité dans cette gravité aléatoire.
L'ombre se tenait désormais en équilibre sur le rebord d’une meurtrière abritée par un auvent de bois. C'était bien Kumo Raïda, un ami depuis les cavernes mélodieuses et vieille connaissance de Koviràn, le père d'Ali, qui venait de tirer sur ma sapiens.
Le samurai souleva son chapeau de paille avant de le jeter au sol. Puis, il sauta et atterrit à quelques mètres de nous au même moment que son sugegasa. Le sabre modifié en main, il avança enfin d’un pas lent, jugeant chacun de nos possibles mouvements.
Je rejoignis ma partenaire et le soviet désormais tous deux inconscients quand un second coup de feu souleva la poussière près de mon museau. La balle m’avait manqué de peu. Sa course s’était terminée à quelques centimètres de ma patte avant droite. Les petits fragments de métal qui ne s'étaient pas incrustés dans le pavé flottèrent pour finalement glisser sur la visière de mon casque.
« Cruel destin, n’est-ce pas ? » dit finalement le chasseur de primes, une fois à quelques pas de l’arche de pierre.
Il arma de nouveau le chien de son calibre .44 intégré qui cliqueta bruyamment.
« Une nouvelle génération de Koviràn trahissant l'ordre des Auxiliaires de Justice ? Une telle honte ne s’invente pas.
— Laissez-nous partir, Raï ! Tout cela n’est qu’une grossière erreur.
— Allons… un peu de dignité, pouffa le samurai en me mettant lentement en joue. Autrefois, je respectais votre conduite désinvolte. Hélas, il faut désormais en assumer les conséquences. Ne vous avais-je donc pas prévenu ? N'aurait-il pas été plus malin de faire profil bas après le Firmament de feu ?
— Vous ne comprenez pas ! Vous...
— C’est étrange, m'interrompit-il. J’ai eu le droit à un identique refrain il y a quelques années.
— Que voulez-vous dire ?
— Je fais mention de mon cher ami et collègue. Félix Koviràn. »
Raï était désormais à deux mètres de nous ; la distance réglementaire pour une mise à mort sans bavures ni risques.
« C’est moi qui l’ai exécuté. Pour la même et unique raison que je me tiens ici aujourd’hui. »
La révélation eut l’effet d’une onde de choc.
Je me rappelai très bien cette journée funeste. La moitié du quartier avait été réduite en cendres. Il y avait des dizaines de morts dans les rues. Ali gisait dans la boue sous des poutres d’acier qui lui avaient broyé les jambes. Et le vieux Koviràn…
Je vis Raï fermer les yeux. Il devait ressasser le même souvenir douloureux. Cette ordure apparaissait aujourd’hui pourtant comme le responsable !
« C’était mon ami. Aussi sombre qu’eût été le dénouement, je suis satisfait d’avoir eu à l’exécuter moi-même pour avoir trahit la Hanse. Je n’allais pas laisser ce plaisir aux bourreaux mécaniques. Koviràn ne méritait pas cela, tant bien qu’il ait brisé le code d’honneur. Ainsi que notre profonde amitié.
— Vous avez assassiné le vieux… bégayai-je en reprenant le surnom qu'Ali donnait à son père adoptif.
— Et je me vois navré de finir aujourd’hui la vie de sa fille, l’enfant de cuve responsable de tout. Ainsi que son matou ; ce qui est tout aussi regrettable.
— Raï, je vous en supplie ! »
Le samurai tira. Sa balle traversa ma visière, me coupant les vibrisses de la joue gauche et me faisant taire par la même occasion.
« Crois-tu que je ne ressente pas de la pitié ? Hélas, il est grand temps de finaliser ce pour quoi on m’a envoyé sur Titan en premier lieu. L'honneur de mon clan n’a que faire des sentiments. J’ai été bien stupide vous laisser vagabonder de la sorte ! Stupide et faible.
— Et moi je n’ai que faire de tes excuses bidons ! » s’exclama Ali qui ponctua son retour parmi les vivants d’une série de coups de feu qui soulevèrent un nuage de poussière brune.
Mon humaine s’était brusquement retournée, criblant de balles les vêtements traditionnels du samurai sans parvenir à le blesser. Sans prendre le moindre élan, ce dernier avait aussitôt sauté dans les airs, dépliant son kimono de kevlar. Enfin, marchant dans le vide comme par magie, il rejoignit une barbacane accolée au donjon.
Je l'entendis tirer une troisième fois mais Ali n’était plus dans sa ligne de mire. Elle était avec moi et Braun, à couvert dans l’écurie.
« Lee ? Je crois que ma radio est morte.
— En parlant de morte…
— Quoi ? me gronda la miraculée. La balle s’est encastrée dans le revêtement de ma combi'. »
Je la fusillai du regard.
« Ce n’est qu’une banale hémorragie interne, rétorqua-t-elle. C’est là que le sang est supposé se trouver de toute façon, non ?
— Que proposes-tu ? maugréai-je malgré la joie de la savoir saine et sauve. Sur son perchoir, Raïda surveille la cour tout comme la sortie !
— À gigoter dans les airs comme ça, il reste à découvert, me répondit Ali en soulevant la visière de sa combinaison pour s'éponger le front. Avec un tir de couverture, tu vas pouvoir aller demander de l'aide à l’Arche pendant que je camoufle Yossef. En espérant qu'il y ait encore du monde en vie !
— Yossef par ci. Yossef par là. Je regrette le temps des Raspoutine et autres sobriquets moins flatteurs !
— Tu te rappelles Grissom City ? dit-elle avant de souffler la poussière de son calibre .50.
— Non car je n'y étais pas ! m'énervai-je en surveillant les mouvements de notre adversaire. Et tu refuses de me dire ce qui s'est passé là-bas !
— Nous nous sommes mariés là-bas ! »
Me poussant du pied, Ali ouvrit aussitôt le feu en direction du donjon. Le samurai ne s’y trouvait plus. C’était le moment d’en profiter !
« Je n'arrive pas à croire que vous vous êtes mariés en secret !
— Lee ! Ce n'est pas le moment ! Attention ! »
Je fus stoppé dans ma course quand une balle me perfora l'épaule depuis le dos. Le choc m’avait cloué au sol. C’était impossible à moins que…
« Ali ! Là-haut ! »
Raï était immobile dans les airs juste au-dessus de moi, comme suspendu depuis les nuages. Je vis au mouvement de son ombre qu’il arma un second coup pour m’achever. Fort heureusement, mon humaine fut plus rapide et répliqua.
Déséquilibré, le samurai visa trop à gauche et chuta. Cet interlude permit à Ali de venir me récupérer. Traversant le reste de la cour, elle enfonça la porte en bois menant au rez-de-chaussée du donjon.
« Qu’est-ce que c’est que ça ? » me demandai-je avant que la douleur ne me fasse grimacer et que je m’effondre sur un tatami.
Après avoir barricadé la porte, ma partenaire m’avait rejoint au centre de la pièce avant de laisser subtilement transparaître son étonnement :
« Merde, alors ! Mais nous nous trouvons chez Raï ! »
La peinture qui occupait l’immense mur nous faisant face était sans équivoque. Raï, plus jeune, y était représenté avec tous les membres de sa famille. Hommes comme femmes, tous portaient des combinaisons spatiales inspirées des armures traditionnelles du japon féodal.
« Le clan des Kumo Raïda, lis-je sur le terminal au poignet d’Ali. L’honorable main armée des Méta-Castes de Lunapolis. »
L’implant informatique retranscrit les diverses inscriptions gravées sur les piliers de pierre grâce au transducteur hors-ligne. Sur chacun d’eux était accroché un sabre unique surplombant une urne funéraire. Ces dernières reposaient au sein de petites alcôves illuminées de bougies artificielles. Nous n’étions pas dans un dojo, mais dans une chapelle baignant dans la pénombre et la poussière.
« Tiens, l’un des autels est vide, remarqua Ali. Il y a pourtant un nom dessus.
— Akira, répondit le samurai en descendant de l'une des étroites fenêtres sans avoir à toucher le sol. Le dernier des Chevaucheurs de Nuages. »
Sans nous laisser le moindre répit, notre assaillant s’élança et son sabre siffla. Percutant le canon du calibre .50 de ma partenaire, il la priva de son arme qui alla rebondir près de la fresque.
« Que croyez-vous accomplir chez moi ? Dans le château de mon clan ?
— Ton clan a besoin d’une femme de ménage », se moqua ma sapiens en soutenant le regard sévère du samurai.
Il n’y avait qu’elle pour sortir de telles absurdités dans un moment pareil alors que la lame de Raï dansait sous son menton.
« Tu as le bagout de ton père, constata le samurai en positionnant la pointe de son sabre droit sur le cœur de mon humaine. Mais as-tu sa bravoure face au trépas ?
— Tu monologues sur mon père depuis le début et tes sentiments conflictuels ne m'intéressent pas. Alors je vais juste te casser la figure ! »
Raï hurla, se projetant en avant pour perforer les entrailles de mon humaine. D’un réflexe miraculeux, elle esquiva l'attaque. Virevoltant sur la droite du samurai emporté par son élan, elle lui asséna un violent coup de poing dans l’estomac.
Plié en deux, Raï réalisa une pirouette aérienne pour se remettre d’aplomb. Mais lorsqu’il se redressa, Ali avait déjà empoigné le sabre le plus proche, une curieuse lame aux reflets rose irisé attachée au-dessus d'une urne corail.
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« Je t’interdis de toucher à ce sabre ! » hurla le chasseur de primes tout en se plaçant en position de combat.
Il planait toujours mystérieusement au-dessus des tatamis, maîtrisant la gravité qui me plaquait au sol sous le poids de ma combinaison. Mais le courant d'air qui envoya valser la poussière entre les deux adversaires m’apporta un précieux indice quant à l’étrange pouvoir de ce clan ancestral.
« Buenos Dias, caqueta ma partenaire en faisant tournoyer son arme volée. Je m’appelle Inigo Montoya, tu as tué mon père, prépare-toi à mourir.
— Ali… soupirai-je en titubant derrière elle. Au lieu de raconter des bêtises. Regarde sur quoi il saute depuis tout à l’heure…
— Bien vu ! » sourit ma sapiens en parvenant à la même conclusion que moi.
Imperturbable, Raïda fonça de nouveau vers sa cible, le sabre en arrière. Ali l’accueillit et encaissa la charge sans sourciller bien que je remarquasse un filet vermeil s’échapper d’entre ses dents. Elle roula ensuite sur le côté, réalisant une série de moulinets avec son arme. Mais ceux-ci n’étaient grotesques qu’en apparence.
Le samurai comprit que son secret avait été percé. Les fils d’acier presque invisibles qui lui servaient de moyen de locomotion aérien étaient réduits peu à peu en charpie devant ses yeux.
Notre adversaire jura avant de s’élancer une dernière fois depuis sa position surélevée. Le choc des lames rompant le silence ne s’arrêta que lorsque le maître des lieux reprit finalement l’avantage.
Piégée comme dans la toile d’une araignée, ma partenaire venait de trébucher sur le sol. Le sabre toujours en main, elle tentait de se dépêtrer des liens invisibles qui se resserrèrent autour de sa combinaison. À se débattre, elle finit par se trancher la chair à l'intérieur même du vêtement en nylon.
« Tout en furie sans rien dans la tête, maugréa Raï avec un perceptible sentiment de déception. Mais… aïe ! »
J’avais rassemblé mes dernières forces pour venir lui mordre le mollet après avoir retiré mon casque. Me maudissant, il me renvoya contre le pilier du sabre irisé d’un coup de geta dans le museau.
« On ne touche pas au kitty ! cria Ali, la combinaison spatiale en lambeaux et ensanglantée.
— Cette obstination finit par coûter la vie aux êtres que l’on aime… reprit Raï. Tu es tout comme ton…
— Nous sommes d’accord sur ce dernier point ! » mugit ma sapiens tout en se débattant à s’en déchirer le corps.
Les liens cédèrent à la surprise de Raï. Celui-ci se dépêcha d’en produire de nouveau depuis l’un des colliers de perles qu’il portait au poignet. Hélas pour lui, ma furie de chasseuse de primes à la retraite l’avait déjà plaqué au sol.
Martelé de coups de poing, le tueur répondit en plantant son arme dans la cuisse d’Ali. Ils tombèrent à la renverse, tandis que mon humaine hurlait de douleur.
Le samurai se releva, me bousculant au passage. Non sans quelques coups de griffes, il parvint à me saisir par le cou et m’approcha de son visage en resserrant ses doigts autour de ma gorge.
« Je suis désolé », conclut-il en japonais tout en brisant l’urne corail contre mon dos dans son effort meurtrier.
Je lus cependant dans ses yeux que ces mots ne m’étaient pas adressés.
Une lame siffla. Récupérée par Ali qui avait pu se relever, son éclat attira mon regard juste au-dessus du sternum du samurai. Le sabre venait de lui transpercer le cœur.
Kumo Raïda relâcha son étreinte. Je parvins à m’enfuir avant que son corps ne bascule en arrière. Je pus alors voir qu’Ali, enchevêtrée dans les fils meurtriers, avait eu tout juste assez de liberté pour me sauver la mise.
« Koviràn... toussa Raï en essayant de se redresser.
— Perdu, rétorqua son interlocutrice en se libérant méticuleusement des liens de métal. Je suis sa fille. Change de disque un peu. Car tu deviens lourd.
— Ta fille, Koviràn…
— Ali ? articulai-je difficilement afin de comprendre les dernières paroles du chasseur de primes.
— Ta fille… conclut Raï. Ta fille est le diable. »
La tête du samurai retomba, soulevant un nuage de poussière aux pieds de ma partenaire. Le sort de l’assassin lui semblait indifférent, mais ses derniers propos ne me laissèrent pas de marbre.
« Oublie-le, il divaguait, tenta de me rassurer ma partenaire. Maintenant peux-tu m’aider ? Car je suis sur le point de mourir.
— En parlant d'aide... commenta Braun en pénétrant dans la pièce. Je n’apprécie guère être enfoui sous une meule de foin avec un bras en lambeaux... »
Je me perdis en insultes diverses ayant pour thème principal les soviétiques, la Marine et enfin ce mariage secret à Grissom City. Des noces auxquelles je n'avais pas été invité. L'effort me valut cependant une chute de tension qui me cloua au sol.
Pendant ce temps, Ali me fabriqua un garrot de fortune à l’aide du tissu déchiré de sa combinaison. Je vis ainsi que la balle n’avait pas du tout été stoppée et avait même perforé son abdomen juste en dessous du pancréas.
J’étais désormais malheureusement bien trop faible pour lui crier dessus alors son concubin tout neuf s’en chargea à ma place.
« Attendez ! Taisez-vous, tous les deux ! m'exclamai-je suffisamment fort pour couvrir leur joute verbale.
— Qu’est-ce qui y’a ? s’enquerra Ali.
— Vous entendez ? Cela vient de dehors.
— Oui, me soutint Braun en me prenant dans ses bras.
— Tu emportes ce sabre irisé ? demandai-je en voyant ma partenaire retirer la lame du corps de Raï.
— Il va bien avec mon calibre, non ? Ils ont la même couleur.
— Notre vaisseau devient un vrai bric-à-brac... Entre les cailloux de Yan-ze, les nunchakus de Piotr et le bien trop volumineux Desert Eagle penta-canon de ce pauvre Marcus...
— Les souvenirs c'est important ! insista la brocanteuse. N'est-ce pas Yossef ?
— Affirmatif ! », conclut son lèche-bottes de mari en contribuant du mieux qu’il put à guider Ali hors du mausolée de la famille Kumo Raïda.
Tout aussi estropié que nous, le MP poussa péniblement le battant de bois d’un coup d’épaule, soulevant un fin nuage de sable et de particules radioactives qui firent grésiller le terminal au poignet d’Ali.
« Le bruit est toujours là ! fis-je remarquer une fois dehors.
— Il provient du Oda, nota Braun. Cela ressemble à une alerte de messagerie. »
Le soviet avait vu juste. Me déposant dans le siège de pilote, il alluma le tableau de bord de l'appareil. Mais le bruit avait aussitôt cessé.
« L'Alliance doit attendre des nouvelles de notre exécution. Ils essaient sans doute de joindre Raï mais...
— Probablement pas, il ne pouvait pas de douter de votre venue, dit Braun. Ce Kumo Raïda nous a attaqué en orbite et n’a certainement pas été envoyé par l’Alliance.
— C’est vrai que l’Arche était la cible. Quel était l’objectif de votre présence en orbite ?
— Malgré la mort du Techno-Sénateur qui vous vaut cette alléchante prime, nous avons poursuivi le travail avec Nora, qui a insisté pour nous aider. Le Commandant Caïus a obtenu un mandat afin d’enquêter avec elle sur la Lune. Mais au moment de récupérer l'équipe d'investigation de la Marine, une flotte mystérieuse nous est tombée dessus, entraînant notre chute sur Terre. Les enquêteurs sont morts ; abattus par le Oda. Puis l'Arche a poursuivi votre Raï qui tentait de s'enfuir après l'attaque...
— Cette attaque est cependant une preuve que vous êtes sur le bon chemin ! intervint Ali. C'est presque un aveu de la part des Célestes ! »
Le Marine sourit avant de poursuivre :
« Une bonne preuve que nous sommes désormais des hommes morts... »
Quel défaitisme. Entre le Kitty, Nora et l'Arche, l’Awen ne possédait pas la moindre idée du fléau qui allait leur tomber sur la figure. Et ma partenaire partagea mon avis !
« Votre copain le chasseur de primes était lourdement accompagné avec ces MK de chrome... dit Braun.
— Ce sont des sbires Célestes, intervint Ali. Tout est lié à la guerre sur Saturne et à votre enquête. Mais je ne pensais pas que Raï était impliqué là-dedans aussi. Surtout que ces mêmes MK nous ont attaqués pendant la bataille du Firmament de feu…
— Les Kumo Raïda sont un clan d'assassins qui ont autrefois été à la solde des Méta-Castes, reprit Braun. Mais maintenant, il nous faut savoir exactement qui essaie de joindre notre ami le tueur. »
L'alerte résonna de nouveau. Elle provenait d'un curieux module holographique ajouté sur le tableau de bord antique que le soviet activa aussitôt de son bras valide. En mode projection, le dispositif dessina une forme humaine immense, debout sur le nez du vaisseau monoplace.
C’était celle d’un humanoïde au corps asexué, mais musculeux, d’au moins trois mètres. À en juger par sa peau de glace et les cicatrices purement esthétiques qui se dessinaient le long de ses membres, c’était très certainement un cyborg. Sa tête plate de requin marteau, fourmillant de diodes, le confirma quand il apparut enfin.
« Qui es-tu ? » demanda Ali.
L’inconnu répondit d'un geste de la main.
« Qui êtes-vous ? répétai-je suffisamment fort pour couvrir les ruminements du Marine.
— Voilà enfin une première marque de respect, aussi médiocre soit-elle, répondit le visiteur d’un ton autoritaire renforcé par un timbre de voix extrêmement grave. C’est la moindre des politesses quand on s’adresse à un Céleste, ne croyez-vous pas ? »
Une brise tiède souleva un voile de particules qui firent grésiller la représentation fantomatique.
« Je vois, maugréa Braun. À qui avons-nous affaire ? À l’Awen, je présume.
— À l’Arch-Prince Taranis de la Méta-Caste de l’Awen. »
Incapable de tenir debout, ma partenaire trébucha. Braun et moi-même nous précipitâmes hors du Oda pour la relever. Curieusement, l’hologramme nous rejoignit aussi au niveau du le sol.
« Je vois que vous êtes venu à bout du funambule, grogna Taranis. Quel incapable !
— Le samurai ? Il a donc été envoyé sous votre ordre pour nous intercepter.
— Désintégrer dans le vide votre pathétique équipe d’investigation devait être un jeu d’enfant, grogna le cyborg à la tête de requin. Mais, même épaulés du fleuron de l‘armement que sont les MK-X, les sub-humains sont si empotés. »
— On aura ta peau pour tes crimes sur Saturne, espèce de raclure ! mugit Braun en s’élançant vers notre interlocuteur. Tu ne pourras pas toujours te cacher derrière un hologramme !
— Un hologramme ? » réagit Taranis alors que les diodes de sa tête de requin marteau s’illuminèrent de rouge.
La représentation du corps cybernétique se pencha puis agrippa le col du Marine d’une poigne bien réelle. Braun laissa échapper un hoquet de surprise avant d’être soulevé à deux mètres du sol. Son visage était désormais presque au contact de l’hideuse tête du Céleste.
« Sub-humain ! mugit ensuite Taranis. Je vais vous apprendre à rester dans la crasse qui vous a vu naître ! »
Ignorant la réponse peu distinguée du MP, son assaillant, dorénavant totalement matérialisé sur Terre, fit claquer son immense mâchoire. S’ouvrant depuis la base de son cou jusqu’aux diodes clignotantes entourant son crâne plat, ces dernières laissèrent apparaître plusieurs rangées de dents laminaires acérées.
Braun aurait perdu son scalp si l’Intercepteur n’avait pas subitement fait irruption derrière les remparts, disloquant le toit du donjon. Les poutres et les tuiles noires s’envolèrent avant de rebondir sur les invisibles filins d’acier. Ce fut alors un déluge de débris meurtriers dont le fracas était couvert par des tirs de mitrailleuses provenant de l’Arche.
Pendant que les débris et les balles pulvérisaient les réacteurs du Oda, un madrier frappa le poignet de Taranis. Le bras de ce dernier grésilla avant de lâcher prise. Le Marine atterrit alors aux pieds du colosse désormais redevenu immatériel.
« Votre enquête futile n'ira jamais plus loin ! Vous allez être la risée de la Marine, misérable soviet. »
Ali dégaina son arme du peu de force qu'il lui restait.
Les réacteurs de l’Arche, visiblement fraîchement réparés avec les moyens du bord, mugirent avant que nous soyons rejoints par McCoy et plusieurs Marines en armure de combat. Car l'Intercepteur n'était pas arrivé seul. Planant dans l'atmosphère, le T.M.S. Africa était enfin venu à la rescousse.
« Vous caquetez beaucoup pour quelqu’un qui enchaîne les défaites, trancha Braun en dévisageant l'Arch-Prince. Le bilan de cette journée est pourtant un bel échec au Roi. N’est-ce pas, Prince ? »
Le Marine défiait du regard le Céleste pendant que son équipage évacuait Ali.
« Pauvre Fou », conclut Taranis avant de couper la communication.
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