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KITTY KITTY // FRENCH ORIGINAL
#13 LES ANNEAUX DE L'APOCALYPSE (1/2)

#13 LES ANNEAUX DE L'APOCALYPSE (1/2)

Bien des choses ont été importées par les sapiens aux confins du système. Pour le meilleur ; comme le Mr Pibb et les mésaventures télévisuelles du Captain Kirk. Mais aussi pour le pire à l’instar des peluches d’Alf l’extra-terrestre ou les chiens. En soi, l’humain, bien que se faisant désormais appeler Homo Novus, n’avait pas beaucoup évolué et possédait toujours les mêmes besoins et défauts.

La guerre est à l’origine de la course aux étoiles. Les nazis voulaient coloniser la Lune. Les soviets l’ont fait dès 1949 après leur avoir botté les fesses. Cela leur a valu leur expulsion des Nations Unies peu avant de perdre Mars de justesse face aux américains et leur moteur canadien.

Mais les communistes vaincus, il fallait bien faire tourner l’industrie militaire et occuper la chair à canon. Des centaines de conflits ont continué de fleurir à travers le système. Le dernier en date en était à sa cinquième année et les bourses ne se sont jamais aussi bien portées. Bien évidemment, les traders de Mars n’étaient pas sur le champ de bataille et loin des obus.

L’un d’entre eux, un obus et non pas un trader, vint finir sa trajectoire dans le trou adjacent ; réduisant à l’état de pluie rougeâtre l’ensemble de ses occupants. Rien ne nous laissa présager du funeste destin de nos voisins jusqu’à ce que le ceinturon fumant du Commandant me frappe le museau.

« Le Commandant Oppenheimer est parti en fumée ! hurlai-je à travers les explosions tonitruantes de phosphore blanc. Rappelle-moi ce que nous sommes venus chercher ici ? »

Ali me fixait avec le sourire, comme si tout ce chaos lui était totalement indifférent. C’était d’ailleurs le cas. Le casque sur les oreilles, elle profitait du nouveau walkman que lui avait envoyé Zéphir.

« Tu disais ? me demanda-t-elle en soulevant son casque pour le laisser reposer sur ses épaules.

— Rien, me ravisai-je. Qu’est-ce que tu écoutes ?

— Du disco. Boney M. J’aime bien ce casque, il couvre bien le vacarme.

— Zéphir t’a offert un magnifique cadeau certes, acquiesçai-je. Il aurait été cependant plus agréable d’être avec lui à détrousser la Maffia de Neosterdam. »

Un éclat d’obus creusa un sillon à travers la boue jaune, faisant couler le contenu d’une flaque sur le bout de ma queue. Je protégeai cette dernière sous un casque à moitié fondu avant de poursuivre :

« Penses-tu qu’il s’en veuille toujours pour Europa ? »

Une gerbe de phosphore siffla par-dessus notre tête, recouvrant de son voile blanc les positions avoisinantes. J’entendis des humains hurler de douleur. Ils ne sortirent de leur trou que pour se faire clouer par le Barett qui nous gardait à distance depuis trois jours.

Je dus répéter ma question et mon humaine me répondit :

« Vu le nombre de cadeaux et leur qualité croissante : oui. »

Ce fut le tour d’un drone de quitter de notre trou. L’état-major situé à cinquante kilomètres estimait les dégâts de cette façon.

« Ou alors la présence de Braun en orbite de Saturne le rend nerveux… » poursuivit Ali en saluant la caméra du moustique en aluminium.

Il n’y avait pas que Raspoutine. La moitié de la flotte du système extérieur se battait en ce moment contre les séparatistes au-dessus de notre tête.

« Je pense qu’il est jaloux depuis notre affaire avec le MP sur Amalthea », continua Ali.

Du revers de la paume, elle nettoyait du mieux qu’elle pouvait l’anorak de plastique qu’elle avait volé sur un cadavre.

« Il n’y a pourtant pas de quoi », la provoquai-je alors qu’elle remettait son casque stéréo.

Ma partenaire me fit les gros yeux. Mais ce ne fut pas la seule à être désormais de mauvaise humeur. Notre discussion avait courroucé le Marine avec qui nous partagions notre abri.

« Dites, ça vous ferait mal de vous intéresser un petit peu à ce qui se passe tout autour ? »

Une explosion proche tapissa notre trou, ne laissant dépasser que nos têtes.

Ali jura. Elle venait de finir de nettoyer sa couverture plastique. Mais ce n’était pas si mal après tout. Nous étions protégés des prochains tirs de gaz pyrophorique.

« Soyons honnête, Lance-Corporal, expliquai-je au jarhead en extirpant mes pattes avant de la mélasse malodorante. Si un obus de 350 nous tombe sur le minois… il nous tombera sur le minois. Et nous ne pourrons pas y faire grand-chose. »

La tempête d’acide s’était calmée pour être remplacée par une grêle de plomb. Des mitrailleuses lourdes hurlaient dans le lointain, parfois agrémentées de coups de sifflet et de tirs de mortiers.

« Ils sonnent la charge ! On doit y aller ! » hurla le soldat en s’arrachant de notre caveau auquel il manquait juste la pierre tombale.

Il revint néanmoins quelques secondes plus tard. En partie.

« C’est le dernier assaut, commentai-je en enjambant ce qu’il restait de notre compagnon. La ville devrait tomber et nous n’aurons plus qu’à cueillir ce Colonel Fritz Von Gebhardt sur un tas de gravats fumant.

— Je te parie C500 que le Colonel/Ingénieur-en-Chef Von Gebhardt s’est déjà carapaté avec un transport du losange rouge », conclut Ali avant d’aller rejoindre les combats.

Une vision d’apocalypse nous attendait. L’astre solaire était visible et pourtant l’atmosphère était noire d’encre. Ce voile de ténèbres était sillonné de lignes blanches qui crépitaient en tourbillonnant au milieu des déflagrations. À nos pieds s’étendait une mer de cadavres à moitié ensevelis dans cette boue jaune gorgée de sang. Enfin, une fumée pourpre s’élevait des cratères qui avaient vomi les corps déchiquetés par les précédents assauts sur cette plaine défigurée.

« C150'000 en contrat interne pour la tête d’un simple trafiquant d’implant, c’est quand même bien cher payé ! s’étonna ma partenaire, les mains en visière sur ses sourcils.

— L’Alliance n’a pas apprécié se faire voler des microchips et la Marine n’a pas digéré sa désertion il y a deux ans. Le voilà recherché par deux des plus grosses instances du système !

— Ce sera au premier qui le trouve ! » s’exclama mon associée en courant à grandes enjambées vers une exploitation hydroponique réduite en cendres.

Les combats faisaient rage un peu plus loin. Nous eûmes les échos de blessés acheminés derrière les murs calcinés de la ferme par les corps-mens de la division.

Un droïde médical vint soudainement nous hurler de nous précipiter à couvert. Traversant les nuages noirs, les vestiges d’un destroyer de la Marine venaient de pénétrer la basse atmosphère. Ils se crashèrent à la vitesse du son à une dizaine de kilomètres. L’impact fit vaciller les cloisons et mes entrailles. Une nuée de débris balaya la vallée et les collines environnantes.

« Les obus ne suffisent plus, voilà qu’ils nous envoient nos propres vaisseaux, plaisanta un sous-officier en maintenant en place la seule jambe qui lui restait.

— Bénis soient les pauvres gars qui étaient en dessous, réagit un jarhead qui se protégeait de la fine pluie de décombres à l’aide du couvercle d’une caisse de munitions.

— Bénir les morts ? C’est nous qui avons besoin de bénédiction ! hurla un jeune tireur d’élite sur son perchoir. Mais Dieu ne répond pas !

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— Il ne répond pas parce qu’il n’existe pas », conclut ma partenaire en s’attirant le regard noir de l’officier.

Au rythme des tirs de mortiers, nous rejoignîmes ensuite la ligne de front en traversant par les tranchées occupées il y avait encore quelques minutes par les défenseurs séparatistes. Un Rhino-blindé ZK12, largué depuis les ailes volantes, était passé par là et avait réduit en charpie nombre d’entre eux.

« C’est crade un peu… » maugréa Ali, à mi-cuisse dans la bouillie humaine.

M’ayant pris dans ses bras, elle pataugeait dans ce liquide gluant, mélange de boue, d’essence et de membres. Dans celui-ci surnageait un blessé sans visage qui nous accosta pour demander de l’aide. Le condamné suffoquait en avalant sa propre langue.

Mon humaine le fit taire d’une balle dans le crâne.

« Je doute que cela fût l’aide qu’il recherchait, lui fis-je remarquer en sautant en dehors du cordon.

— Les morts ne savent qu’une chose : il vaut mieux être vivant . »

Je fis glisser une échelle dans la mare de sang, aidant ainsi ma partenaire à rejoindre une ravine qui nous conduisit à un poste d’observation abandonné, à flanc de colline.

Au loin, les remparts de la ville étaient inondés d’une vapeur jaune. Le nuage repoussait les Marines en dehors des fortifications qu’ils venaient de prendre. Les séparatistes étaient en train de gazer toutes les troupes, alliées ou ennemis en périphérie de la cité. Tous fuyaient vers notre direction.

« Ne vise que les uniformes gris, la prévins-je en descendant dans ce qui devait être autrefois un récupérateur d’eau de pluie. Que nous n’ayons pas de problèmes par la suite s’il te plaît.

— Difficile à discerner avec toute cette boue… »

Ali avait remis le casque de son walkman sur les oreilles. Dansant au milieu des projectiles et des retombées de phosphore, elle déchargeait son calibre à travers des cibles aléatoires. Rivers of Babylon devait couvrir les hurlements et le sifflement des balles de ses quatre chargeurs. L’ennemi comme les Marines hésitèrent à rebrousser chemin dans les gaz nocifs.

« Tu as ton masque ? » demandai-je à la sapiens avant qu’elle ne me reprenne dans ses bras une fois le carnage terminé.

Le brouillard empoisonné nous avait enveloppés quelques secondes plus tard. Heureusement, nous possédions chacun une protection adaptée. Le dernier groupe de soldats arrivé aux berges du récupérateur n’en détenait pas. Leurs yeux fondirent avant même qu’ils ne puissent sauter dans l’égout d’évacuation du limon.

« Tout cela ressemble à une offensive inédite ratée et nous voilà dans une cuvette en plein no man’s land, conclus-je dès l’arrêt des tirs. Le plus judicieux serait de rebrousser chemin sous le couvert du gaz moutarde.

— On n’a pas d’uniforme, me fit remarquer Ali en ôtant son anorak souillé par la boue et de nouvelles taches de sang. On va s’introduire dans la ville, car j’en ai marre d’attendre. »

Le nuage mortel se dissipa peu après que nous ayons rejoint les fortifications d’acier et de béton. La muraille avait été pulvérisée à divers endroits et les réparations de fortune avaient partiellement cédé aux charges creuses des Rhino-blindés. Derrière la carcasse de l’un d’eux, nous pûmes découvrir une brèche suffisamment large pour que l’on s’immisce dans la base ennemie.

Mon humaine fouilla ensuite les décombres avoisinants avant de saisir la main d’une jeune femme brune à moitié écrasée par une poutre d’acier. Celle-ci eut à peine le temps de la remercier que la psychopathe avec qui je partageais mon existence la fit taire à l’aide de la crosse de son pistolet. La loque d’uniforme volée sur les épaules, nous pouvions rejoindre les lignes de la Ligue en toute sécurité.

« Ali ? Tu ne vas pas la laisser là comme ça ? » demandai-je en désignant le corps dénudé de la combattante qui se noyait désormais dans la boue.

Elle rangea le sabre qu’elle avait trouvé par terre et fit basculer la jeune femme sous une tôle avant d’y glisser une grenade dénichée à côté. La détonation fit décoller la plaque d’acier qui atterrit à quelques pas d’une patrouille séparatiste qui surgit de derrière une batterie antiaérienne sabotée.

Juché sur son Marcheur bipède, l’un d’eux nous héla :

« Vous êtes timbrés là-bas ! »

Mais l’un de ses camarades reconnut le costume d’officier que portait Ali et ils se confondirent rapidement en excuses.

« Major ! s’exclamèrent-ils enfin en réalisant le curieux salut poing tendu des lunes séparatistes.

— Charlie s’était cachée dans ce trou, soldat, mentit Ali. Heureusement mon chat d’attaque l’a débusqué et j’ai pu m’en débarrasser. »

Les combattants s’esclaffèrent en cœur avant de partir fouiller la zone. Nous en profitâmes pour leur demander si le Colonel Gebhardt était toujours dans les parages ce qu’ils validèrent. Le Marcheur réquisitionné, il était temps de rejoindre le commandement séparatiste et d’y dénicher l’ingénieur tant recherché.

Hélas, à notre arrivée, il ne restait plus grand-chose à part des ruines fumantes et quelques brûlés.

« Vous là ! Le type avec un grade que je ne reconnais pas », s’était écriée ma partenaire en approchant d’un pas appuyé le pauvre ingénieur de second échelon.

L’adolescent aux dents écartées leva les yeux de son établi de fortune. Il avait le visage couvert d’huile et de terre.

« Major ! » répondit le soldat du Génie en se mettant au garde à vous après avoir coupé la Boombox qui crachait du Johnny B. Good.

Ses droïdes l’imitèrent avant de reprendre la réparation d’un autre modèle de Marcheur criblé d’impacts de balles.

« Le Colonel Gebhardt ! Et plus vite que ça ! » ordonna Ali.

Notre interlocuteur gratta le rebord de sa casquette avant de parcourir de ses lunettes câblées les restes du tarmac que la pluie d’obus n’avait pas épargné. Les quelques vaisseaux encore debouts étaient désossés pour renforcer les remparts de la cité.

« L’Ingénieur-en-chef Gebhardt n’est plus là, Major, dit-il finalement. Il est parti avec le dernier Hornet-IX au Baltimore fonctionnel. »

D’un doigt hésitant il désigna les carcasses carbonisées des autres chasseurs clouées à jamais au sol par la DCA de la Marine.

« Avez-vous encore un tas de boulons capable de voler ? demandai-je.

— Pour aller en orbite ? s’étonna l’ingénieur. Et bien, il y a ce vieux Skylark dans le hangar C, mais…

— Ça fera l’affaire ! » conclut ma partenaire avant de se mettre à courir vers le bombardier au revêtement antiradiation écaillé.

Les droïdes mécaniciens déconnectèrent les pompes de liquide de refroidissement pendant que j’actionnais l’ouverture des portes de l’entrepôt.

« Get to the choppa ! m’aboya-t-elle en déverrouillant le sas d’entrée situé entre le poste de pilotage et les énormes turbines latérales.

— Tu es punie de films jusqu’à nouvel ordre », rétorquai-je après l’avoir rejointe.

À l’intérieur, la version de l’ordinateur de contrôle datait de l’époque où les sodas étaient vendus sans shot d’insuline. La moitié des capteurs étaient hors d’usage. Et pourtant, ils avaient eu le temps de le désacraliser avec un panneau de commande tactile.

« Un sens des priorités équivalant à leur goût », maugréai-je en prenant place dans le siège en mousse conçu pour un humain.

Le réacteur post-nucléaire engagea son cycle en grinçant, mais la minute suivante nous étions dans l’espace. Néanmoins, le spectacle me faisait regretter les obus et la fange que j’avais répandue dans tout le cockpit.

« C’est déjà le 4 juillet ? demanda ironiquement Ali en contemplant la pluie de flammes que les deux flottes se crachaient au visage. J’adore ces couleurs ! Ça donne envie de s’engager !

— Tu pourrais m’aider à localiser le Hornet de Gebhardt, plutôt que de t’extasier sur les feux d’artifice ? »

Ali, déçue que nous ne participions pas au chaos, interrogea l’ordinateur de contrôle et les instruments qui répondaient encore.

Le tableau de bord ne cessait de s’illuminer comme le Dr Maboul d’un parkinsonien. Chaque seconde, un missile ou une salve de 40 mm frôlaient notre carlingue et ses deux tonnes de charges nucléaires.

« Ce vieux coucou est aussi lent que l’administration de l’Alliance ! hurlai-je.

— Lâchons du leste ! » répondit mon inutile copilote à travers les alarmes.

Tirant le levier de commande de la soute, elle déclencha une nouvelle sirène qui nous déchira les tympans.

Notre chargement mortel se déversa ensuite dans l’espace. Il flotta jusqu’à ce qu’un destroyer de la Marine le percute de plein fouet. Les explosions soufflèrent notre bombardier dont je ne récupérai le contrôle qu’au milieu d’un dogfight acharné. Nous venions d’ajouter la mention crime de guerre à notre merveilleux palmarès.

« Je préfère quand tu te contentes de te gaver de Giggles Cookies ! » la grondai-je avant qu’elle ne me réponde d’un pied de nez.

Je l’avais ensuite assigné à l’unique poste mitrailleur afin de couvrir nos arrières maintenant qu’un droïdodrone de l’armée nous avait pris en chasse. Ces vautours volants étaient conçus pour s’accrocher aux cockpits avant d’en aspirer l’oxygène.

Le radar détecta finalement le chasseur subtilisé par notre cible. Arrivant à sa hauteur par miracle, nous le vîmes traverser un nuage de drones de sabotage. Il fut percuté de plein fouet par un Intercepteur et tous deux passèrent à travers la coque fragile d’une frégate médicale. La structure de la nef blanche en forme de dent de requin vacilla, mais aucun des vaisseaux n’en ressortit.

« Lee ? Je viens d’avoir une illumination.

– Oh non », miaulai-je en baissant les oreilles.