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KITTY KITTY // FRENCH ORIGINAL
#17 SAFARI SUR JUPITER (2/2)

#17 SAFARI SUR JUPITER (2/2)

Quelques jours plus tard, après avoir esquivé les flottes pirates qui s’aventuraient de plus en plus ardemment sur l’ultime tronçon de l’autoroute spatiale, nous fûmes en vue d’une invisible lune frôlant l’exosphère orange de l’astre de Zeus. Celle-ci était juste légèrement plus grande que Thyone, notre dernière escale, mais ne semblait posséder aucune station ou habitation.

« Tu es certain que c’est là ? s’enquit Ali, la main dans son second paquet de Crok'Images de la matinée.

— Dans ce système, entre les dômes électromagnétiques et les palais de bismuth peuplés par des lampions, nous ne sommes jamais sûrs de rien à moins d’y poser la patte ! »

Et j’avais vu juste, évidemment. Le curieux objet céleste et sa surface noire dissimulaient, au sein d’un cratère d’impact naturel, une entrée secrète suffisamment large pour y faire délicatement passer l’Hirondelle.

« Cool ! On se croirait dans un James Bond ! s’écria Ali en postillonnant des météorites de biscuit dans tout le cockpit.

— Moore ou Dalton ?

— Connery. Pour qui tu me prends ? »

Tout cela ressemblait à une cachette parfaite. Du moins jusqu’à ce que ma partenaire ne me fasse remarquer les impacts d’obus à l’intérieur du sas de décompression qui accueillait désormais notre vaisseau.

« Aucune réponse sur les ondes radio. Restons sur nos gardes. »

La base possédait une atmosphère stérile et une gravité artificielle. Nous pûmes donc marcher sans combinaison jusqu’aux portes d’accès situées à l’autre bout du petit hangar : non sans que l’odeur de poudre ne me chatouille le nez.

« Des caméras sont désormais disséminées un peu partout. Mais aucun comité d’accueil », remarquai-je tandis que glissaient les battants d’acier aux reflets émeraude.

La dépouille d’un homme bascula alors lourdement en arrière au pied de ma partenaire. Son corps nu recouvert d’implants suppurés et de câbles était griffé de part en part. Son visage, dont il ne restait que quelques os apparents couverts d'une marmelade ensanglantée, avait vraisemblablement été dévoré.

Le coupable était le lion qui gisait, mort lui aussi, contre la console de contrôle située au centre du vestibule. Ce panthera leo n’était cependant pas ordinaire avec son étrange fourrure blanche et bleue. Comme si nous avions devant nous le négatif d’un appareil photographique.

« Je pense que Séléna a eu une autre visite à laquelle elle ne s’attendait pas.

— Cela date d'il y a quelques temps car le sang a déjà séché. Et ils ont dû repartir car nous sommes le seul vaisseau ici. Ce qui signifie le pire des scénarios pour le contact de Mancéphalius.

— Je ne vois pas d'armes, poursuivit mon interlocutrice en ramassant l'équipement électronique et les lunettes teintées du défunt qui reposaient dans un coin de la pièce. Comment est mort le gros matou ? »

Délaissant l'homo sapiens pour mon royal cousin, je pris conscience d'un curieux détail. La bête sauvage avait été achevée à coups de chocs électriques. Pourtant, ce n'était pas une odeur de chair brûlée qui flottait dans l'air mais celle de circuits électroniques carbonisés.

« Un robot ? demanda Ali en soulevant délicatement la tête du pauvre animal.

— Non, répondis-je en grimpant sur son épaule. C'est un lion de cuve. De chair et de sang. »

Sous ma directive, nous fouillâmes dans la crinière du roi de la jungle. Là, entre les poils blancs brûlés, nous pûmes apercevoir un discret implant électronique et les restes d'un disque dur fondu.

« Un animal cyborg, alors.

— Ces courtiers ne peuvent donc pas garder leurs informations sur un ordinateur ? Comme tout le monde... » m'emportai-je en sautant maintenant sur le panneau de commande.

Mon humaine désormais prête à tirer, j'actionnai l'ouverture des portes. Derrières elles, il n'y eut cependant pas de nouvel humain grignoté comme un bâton de réglisse, ni même de fauve. A la place, nous nous retrouvâmes subitement aveuglés par des projecteurs lumineux.

« C'est comme se mettre du citron dans les yeux ! gémit ma partenaire en se protégeant de la manche de sa veste rose.

— Je viens de perdre ma mémoire immédiate, glapis-je alors que mes yeux de chats commencèrent à s'habituer. Gare à la crise d'épilepsie !

— Qu'est-ce que tu vois ? »

Une fois à l'intérieur, ce fut difficile à décrire. Nous étions face à une jungle aux couleurs néons si tape-à-l’œil que mes rétines rétrécirent comme des raisins secs. Des kapokiers roses fleurissaient entre les enchevêtrements de lianes brillantes comme le Soleil. Un vent chaud faisait artificiellement danser les palmiers et les fougères dont les teintes couvraient le reste du spectre connu.

Mes pattes traversaient les fantômes lumineux des feuilles mortes qui recouvraient le sol. Néanmoins, quand je m'approchai enfin d'un baobab de la taille du Kitty, je pus percer l'illusion. Les arbres, hologrammes eux-aussi, dissimulaient des étagères accueillant dans leurs racks des empilements de serveurs. Les anarchiques lianes étaient les câbles d'alimentation de cette ferme de données.

« Il y a bien plus fun que tes trucs de geeks, me fit cependant remarquer Ali qui m'avait rejoint affublée de la paire de lunettes de soleil trouvée dans le sas. Regarde-moi donc tous ces animaux !

— Quels animaux ? »

Obnubilé par la végétation, je n'avais pas remarqué l'étrange et bruyante faune occupant les hauteurs comme les buissons touffus de gomphrena blancs. Des négatifs de tapirs, fourmiliers et perroquets s'approchaient doucement d'Ali comme une princesse Disney.

« Ils n'ont pas l'air méchants », dit cette dernière en ouvrant un snack pour l'insistant orang-outan qui tirait le lycra noir au niveau de sa cuisse.

Les animaux avaient détecté la bonne nature de mon humaine. Ou bien avaient-ils senti les bonbons et les chips qu'elle cachait toujours dans ses poches.

« Ne faites pas de mal à Nixon ! »

Cette voix qui m'avait surpris provenait d'une ombre à peine visible par-delà les feuillages du baobab nous surplombant tous deux. Là-haut, je pus apercevoir notre farouche interlocutrice.

Cette jeune femme était la copie conforme d'Ali avec son corps mince dissimulé sous un costume moulant d'Arlequin. Sauf qu'elle était brune, possédait des yeux brillants de félin, tout comme une queue. Et aussi des crocs. En vérité, elle était bien mieux qu'Ali.

Lorsqu'elle sauta sur le sol pour atterrir silencieusement entre ma partenaire et moi, elle fut aussitôt suivie par un groupe de chattes blanches qui feulèrent en me voyant. Nous avions là, sans aucun doute, la maîtresse des lieux, à savoir Carole Séléna.

« Vos minettes sont malpolies, fis-je remarquer en repoussant l'une d'elles qui était venue renifler trop près de mes vibrisses.

— C'est vous qui êtes bien impolis en pénétrant ici sans autorisation, miaula Séléna, la queue méchamment gonflée.

— Nous venons de la part de Mancéphalius, dit Ali en cédant la fin de son paquet de chips à son cousin aux poils de glace. Tu aurais des informations pour nous ! »

La data-broker se braqua aussitôt. Elle se mit dans une colère noire avant que l'une de ses chattes ne lui saute dans les bras. Le volcan apaisé, toutes deux se mirent à ronronner. A en juger par son caractère, il y avait définitivement mon ancestral ADN dans son génome mutant...

« J'entretiens une relation des plus ombrageuse avec Mancy, dit-elle enfin. Pour cette raison, j’hésite encore à honorer cette requête. »

Déposant la chatte au sol, elle tendit la main vers l'orang-outan qui vint aussitôt la rejoindre de sa démarche gauche.

« Nixon est d'habitude excessivement timide, reprit-elle. Je ne connaissais qu'un seul autre sapiens pouvant s'approcher de lui avec tant d'aisance.

— Qui donc ?

* Zéphyr », conclut la Freak.

Je vis Ali se figer. Notre ancien compagnon cyborg rencontré sur le paquebot Danaë possédait une place importante dans son cœur. Et sa réaction n'échappa pas à Carole Séléna.

Cette dernière nous guida ensuite à travers la jungle jusqu'à chez elle : une cabane de bambous magenta perchée en haut d'un sequoia dont la cime se perdait dans le faux ciel cyan. A l'intérieur, entre les arbres à chats et les piles de croquettes, émergeaient un lit à baldaquin ainsi qu'un mobilier biscornu et loufoque.

Nixon, une brique de soda en main, s'effondra sur le canapé aux côtés de ce qui semblait être sa petite amie, un chimpanzé blanc avec un nœud rouge sur la tête. Tous deux regardaient maintenant la télévision où s'agitaient les infopubs entrecoupant le pilote de cette nouvelle série appelée Le Prince de Bel Air.

Séléna activa un ventilateur mural en raison de la forte chaleur des lieux. Puis, après avoir échangé un sachet de poudre acidulée pour un livre dans les mains du chimpanzé, elle fouilla dans les poils du dos de l'animal. Du petit lecteur incrusté entre ses omoplates s’éjecta une minuscule disquette de plastique transparent.

« Margaret vous les gardait bien au chaud. Reste à savoir si vous les méritez... »

Tandis que Séléna faisait danser le disque souple entre ses doigts, une discrète alerte retendit sur le laptop dormant sur le lit.

« Encore ? s'écria notre hôte en se précipitant sur l'ordinateur fin comme une encyclopédie.

If you spot this narrative on Amazon, know that it has been stolen. Report the violation.

— Que se passe-t-il ? m'enquerrai-je.

— Les voleurs de données sont déjà de retours. Et sans Luther, je n'ai plus rien pour me défendre ! »

Connectant sa montre-terminal à l'unité centrale portable, la Freak jura entre ses crocs.

« Ils vont s'en prendre aux animaux ? » demanda Ali.

Cette dernière regardait jusqu'ici la télévision cathodique avec ses deux proches cousins. Tous les trois dévisagèrent ensuite Séléna avec la même inquiétude.

« Oui. Et j’ai déjà perdu mes tigres et mon lion avec ces cyber-braconniers. Je suis aujourd’hui complètement à découvert !

— Dans ce cas, nous possédons un accord, exposai-je en grimpant sur le lit pour jeter un œil à la merveille technologique qu’était ce terminal portable. Nous vous débarrassons des chasseurs et vous ne rechignez pas à nous donner le disque. »

La data-broker accepta non sans grogner. Ravie, mon humaine était déjà en train d’enlever le cran de sûreté de son Desert Eagle.

« Ils avaient verrouillé la station depuis l’extérieur suite à l’attaque de Luther, expliqua Séléna. Nous paralysant ici depuis deux rotations. »

Cette dernière chargea ensuite à l’écran le plan de son complexe, avant de poursuivre :

« Désormais, ils vont pouvoir se rendre dans la jungle.

— Combien sont-ils ? »

Catwoman ferma le fichier pour afficher les quelques caméras de sécurité encore fonctionnelles dans le hangar. Le vaisseau des braconniers, un Beetle-XII mal entretenu, venait de se poser juste à côté de l’Hirondelle. Ces sagouins avaient éraflé la peinture corail toute neuve de l’aile gauche.

L’équipage de malotrus au grand complet descendit peu après de la soute et du cockpit. Nus comme des vers en prévision de la chaleur étouffante de la data-jungle, les huit hommes et femmes étaient en train d’activer leurs armes électromagnétiques.

Bricolées, mais dangereuses, leurs lances et machettes étaient alimentées par les bobines qu’ils portaient à leur dos. Certains d’entre eux avaient cependant pris la précaution de se munir de mitrailleuses ZeG-4. Comme le craignait Séléna, ils ne voulaient rien laisser au hasard.

« Vous n’avez aucune chance en les combattant frontalement !

— Oui, concéda Ali. C’est pour cette raison que nous allons nous défendre dans la forêt. Elle représente une couverture parfaite ! Comme dans Predator. »

Notre hôte quitta le lit pour aller fouiller dans une armoire métallique. Elle en sortit des lunettes de plongée superposées de câbles et de puces qu’elle nous tendit après avoir configuré quelques boutons mous situés sur les montants.

« Je peux vous prêter des verres spéciaux vous permettant d’ignorer mes hologrammes, proposa-t-elle. De cette façon vous pourrez m’accompagner et…

— Et m’enlever tout le fun ? maugréa ma sapiens, les mains sur les hanches. Non merci, mets donc les animaux en sécurité pendant qu’on s’occupe de tout. Et sans ces lunettes ridicules !

— Vous êtes fous ! J’ai déjà eu du mal à les repousser la dernière fois et ils n’étaient que deux ! »

Je me positionnai à la place libre devant l’ordinateur. Le moniteur retransmit les images du système de surveillance qui montraient les brigands entrer dans le vestibule précédant la jungle de serveurs.

Ali enleva sa combinaison trempée de sueur pour ne garder que son caleçon. Pendant ce temps, Nixon et Margaret se bagarrèrent pour la veste rose avant que Séléna ne leur ôte des mains. Celle-ci insista de nouveau pour que ma sapiens emporte les lunettes situées aux antipodes de la furtivité :

« Même en désactivant la fonction anti-hologramme, il y a toujours une radio incorporée.

— Très bien. Merci, Séléna, dis-je en effectuant un test de liaison avec ma partenaire. Maintenant, mettons un peu d’ambiance pour camoufler le bruit. Avec cette chaleur, nous pouvons entendre Ali respirer jusqu’à Andromède.

— Que voulez-vous faire ?

— Je vois dans votre data-core qu’il y a des enceintes disséminées un peu partout. Idéal pour de la new wave ! »

Quelques minutes plus tard, l'holo-forêt était désormais totalement silencieuse. L’ensemble des animaux avaient rejoint les différentes cachettes dispensées par Séléna. À peine couvert par le murmure des ventilateurs, seuls résonnaient les pas des braconniers sur le véritable sol de métal.

Sur les flux vidéo en direct, Ali était accroupie sur une tour de serveurs, dissimulée dans le feuillage d’un caoutchoutier à l’improbable nuance de rose. Je l’alertai discrètement par radio que la première cible se dirigeait vers sa position.

« Je ne sais pas pour toi, mais j’ai une faim de loup ! » murmura-t-elle en réponse.

Il n’en fallait pas plus pour que notre hôte, enfin de retour, ne choisisse de dépoussiérer l’un des vieux vinyles qui traînait sous les sachets de pop-corn de Nixon. À travers les pixels du terminal, je vis les intrus sursauter aux premières notes électriques de Duran Duran.

« Parfait ! » dit Ali à travers le premier couplet d’Hungry like the Wolf.

La première cible se trouvait juste en dessous d’elle. Sans lunettes, l’homme à la coupe balai-brosse était perdu dans les fougères de lumières et empêtré dans les câbles bien réels camouflés par les lianes illusoires. Ces dernières grésillèrent quand il les empoigna. Il reçut alors une décharge électrique qui lui arracha un juron étouffé.

In touch with the groundI'm on the hunt, I'm after you

Le braconnier ne vit pas la mort à la queue de cheval blonde venir des airs. Les pieds sur ses épaules, le boxer plaqué contre son nez, le canon contre son front.

Le bruit du coup de feu disparut dans les harmoniques aussi vite que ma jeune femme dans le décor surnaturel.

Smell like I sound, I'm lost in a crowd

And I'm hungry like the wolf

Un second homme fit immédiatement irruption, un cigare allumé à la bouche et la sueur aux tempes. Voyant le corps sans vie de son compagnon, il recula pour se plaquer contre un spectre de tronc.

Sa main glissa en arrière pour prendre appui, mais il n’effleura pas le chaud métal d’un bloc de serveur. Cet iconoclaste était en train de se perdre entre les cuisses de ma partenaire, agrippée à deux mètres du sol, juste derrière lui.

Sautant par-dessus l'intrus d’un athlétique salto, elle le mit à terre d’une balle dans le genou avant de disparaître de nouveau.

À quatre pattes, le brigand appelait à l’aide. Je vis sur l’écran que trois de ses compagnons approchaient depuis le nord-ouest de la jungle de néons et je prévins immédiatement mon binôme enragé :

« Trois braconniers vont te prendre à revers. »

Séléna, désormais à mes côtés, surveillait l’avancement de l’opération par-dessus mon épaule. Elle semblait très inquiète et j’ignorais pourquoi. Car sur le moniteur, quatre nouveaux cadavres s’empilaient au pied du caoutchoutier. La chasse s’était définitivement inversée.

Quand le cinquième cyber-braconnier tomba entre les griffes de ma partenaire, il eut assez de courage pour alerter aussitôt les trois derniers survivants qui prirent les jambes à leur cou en direction du vestibule.

« Pas question de les laisser fuir cette fois ! cria Séléna en bondissant sur la terrasse de sa cabane perchée.

— Parce que vous croyez que c’est au programme ? »

Sur les écrans, Ali sprintait à travers la jungle. Elle arriva finalement à la hauteur du plus lent qui lui jeta sa lance. Glissant sur le sol, elle l’esquiva avant de prendre appui contre le pied d’une tour électronique.

Burning the ground, I break from the crowdI'm on the hunt down, I'm after you

Trois tirs suffirent pour décoller la tête du torse du voleur avant que celle-ci n’aille rouler dans les fausses feuilles mortes.

Il fut alors temps de rattraper les deux derniers : un homme et une femme qui s’étaient débarrassés de leurs bobines électromagnétiques. Armés de véritables revolvers, ils venaient de renverser une étagère pour s’en servir de couverture.

L’hologramme de l’arbre déraciné émit un grésillement qui se propagea dans un cercle d’environ dix mètres de diamètre autour d’eux. La zone forma par la suite une gigantesque boule à facettes qui obstruait toute vision. Même à travers les caméras.

« Enfers ! Nous ne voyons plus rien ! m’écriai-je. Séléna ? Pouvons-nous couper les hologrammes ?

— Ça ira, Lee, répondit Ali. J’ai la paire de lunettes. Rappelle-toi ! »

I smell like I sound, I'm lost and I'm foundAnd I'm hungry like the wolf

La sphère se dissipa, laissant entrapercevoir les deux braconniers protégés par les serveurs renversés. Silencieuse, Ali se tenait derrière eux, à quelques centimètres de leur dos qui ruisselant de sueur. Ils ne l’avaient pas remarqué à travers le balai de lumières. Tant pis pour eux.

I'm hungry like the wolf...

Le carnage enfin terminé, ma partenaire nous avait calmement rejoint en sifflotant dans la cabane suspendue.

« Vous êtes complètement fous à lier, grogna Carole Séléna en saisissant un briquet. Qui va nettoyer toute la viande répandue à travers la station ? Moi peut-être ?

— Tu trouves à redire alors que j’ai pris le temps de faire des tas bien propres ! » se plaignit Ali.

La femme-chat, son fume-cigarette entre les crocs, nous remit la microdisquette. L’espace d’un instant, je crus qu’elle allait de nouveau changer d’avis.

« Et vous pourrez dire à Mancy qu’il aille au diable ! »

La sagesse prévalut et nous préférâmes quitter la lune sans nom au plus vite, abandonnant au passage suffisamment de boites de céréales à Nixon pour qu’il accepte de laisser partir Ali sous le regard jaloux de Margaret.

Enfin de retour sur une orbite connue à bord du Kitty, je pus introduire la disquette dans l’ordinateur de contrôle. Son contenu se dessina doucement sur le moniteur polychrome central.

« Un dossier traite du conflit sur Saturne entre le gouvernement de Mars et les séparatistes, fis-je remarquer alors qu’un rapport interne du Techno-Ministère de la Guerre venait d’apparaître à l’écran. Cela pourrait intéresser autant ton Capitaine Braun Raspoutine que notre brave Roi des Fées.

— C’est d’un ennui. »

Les comptes rendus confidentiels laissèrent place à des photos et des vidéos de très mauvaises qualités. Il s’y trouvait aussi des échantillons de conversations radio et téléphoniques. Tout cela n’était que bride ; des pixels détruits et reconstitués.

« Que vient faire Nora dans ces histoires de guerre ? pesta Ali. De quand remontent toutes ces infos ? »

C’était variable. Les plus anciennes d’avant le conflit, les autres d’il y a à peine quelques mois. Mais une entrée très intéressante datait de plusieurs semaines terrestres après la mort supposée de Nora et notre rencontre sur Titan, notre monde d’origine. Elle indiquait son passage par Cérès, dans la ceinture principale séparant le système médian du système extérieur où nous nous trouvions.

Puis, une nouvelle entrée surgit du coin de l'écran.

Il s’agissait d’un code d’accès vocal subtilisé à bord d’un vaisseau à l’immatriculation pirate. La voix appartenait à Nora et avait été attribué à un FID flambant neuf. Elle avait donc pris une nouvelle identité après Cérès.

« Nous sommes si prêts ! miaulai-je. Regarde ! »

Cette empreinte numérique avait été reconnue à plusieurs reprises par l’ordinateur de contrôle. Ainsi, quelqu’un qui arbore le même implant trafiqué que la sœur d’Ali se trouvait sur Mars…

« … il y a six mois ! m’écriai-je en vérifiant plusieurs fois l’incroyable conclusion de l’analyse. Je présume que nous venons de retrouver la trace de ta sœur.

— Qu’est-ce qu’elle est allée faire là-bas ? » s’emporta Ali.

Je compris immédiatement son inquiétude. Mars et sa Technocratie. Si près de Lunapolis et des intrigantes Méta-Castes Célestes. Un nid de frelons rempli de kérosène.

« Nous ne possédons qu’un seul moyen de le savoir. Prévenons Mancéphalius et cap sur la planète rouge ! »

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