Titan. Après le succès de sa terraformation, la plus large des lunes de Saturne est devenue l’astre le plus peuplé au-delà de la ceinture. Comme sur Mars et Luna, des villes immenses se sont érigées sur sa surface.
Ali et moi venions de Titan. Et plus particulièrement de Babylone, sa capitale. Avec ses 195 millions d’âmes, elle était la plus grosse mégapole des géantes gazeuses. Sa région regroupait la plus grande densité de fermes à protéines, nécessaires à la conception du précieux nutrigel ainsi que les sièges d’importants conglomérats usiniers en concurrence avec Mars.
Au cours de la dernière décennie, les corporations de Saturne avaient eu la brillante idée d’engager une guerre ouverte avec la Technocratie de la planète rouge. Depuis, la destruction et les morts avaient suffisamment fait grimper les profits des trafiquants d’armes et des complexes militaro-industriels. Le conflit touchait alors à sa fin. La Ligue Sécessionniste des mondes extérieurs demandait la paix.
Babylone n’avait guère été inquiétée des batailles meurtrières qui avaient ravagé les anneaux. Dans ce quadrillage de béton, d’acier et de verre, l’organique existence y était toujours aussi vide de sens. Et pour éviter de s’enfoncer dans son marasme, le sapiens avait trouvé une remarquable solution : l’happy hour.
« Tu ne veux toujours pas aborder cette histoire de tatouage et ton passé avec Zéphir ? » tentai-je en espérant que ce sixième shooter de vodkcocaïne allait enfin ouvrir Ali à la question.
Accoudée au bar en zinc, mon humaine me pointa du doigt. Mais celui-ci se trouvait à au moins trente centimètres de ma véritable position.
« Tu t’acharnes, hein ? C’est un secret et j’aimerais que le moins de personnes possible soient au courant ! »
Aussitôt un nouveau verre englouti, elle s’appliqua son inhalateur portable de protoxyde d’azote et inspira à s’en faire éclater les poumons.
« Je sais où il se trouve, confiai-je. Comme un quart du système. »
Le masque de caoutchouc toujours sur le visage, elle tenta de me coller une tape sur la joue. Loin de posséder toutes ses facultés, elle glissa pour finalement distribuer un crochet au client assis derrière moi : un cyborg à l’iroquoise jusqu’ici occupé à flirter avec son coup du soir à l’impossible permanente verticale.
Ali tomba à la renverse. Ses éclats de rire furent couverts par les basses de Depeche Mode qui ambiançait ce bar piteux d’Electric-City, le quartier nocturne de Babylone.
Au rythme de Just Can’t Get Enough, les esprits s’échauffèrent. La coupe iroquoise aux bras de carbone voulut défendre son honneur. Un barman droïde dut intervenir pour empêcher Ali de lui broyer le cou. Naturellement, nous fûmes aussitôt mis à la porte sans ménagement.
Le ciel turquoise aux nuances de bleu d’azote avait laissé place aux étoiles. Le timide soleil, si lointain, s’en était allé pour être remplacé par le néon des enseignes de bar et la danse des hologrammes publicitaires.
« Cyberoptiques Panasonic pour une vision de chat ! » criait, en me pointant du doigt, la représentation polygonale d’Hitomi Kisugi qui surplombait le carrefour dans sa combinaison de voleuse de la série Cat’s Eye.
Elle partageait son emplacement promotionnel avec des annonces pour logiciels de sécurité et des biowares musculaires sponsorisés par ce bon vieux Arnie. Mais les hauteurs n’étaient pas les seules à être polluées.
Le fantôme mauve d’une Freak aux oreilles de renard et aux clins d’œil aguicheurs me harcela jusqu’aux cabines d’holosex alignées près de l’arrêt de métro :
« Tu veux de la chatte, mon minou ? »
Les néons des établissements s’étaient mis à grésiller. Une pluie fine tombait désormais sur Babylone faisant disparaître l’odeur de cigarette et de poubelles. Le parfum de l’asphalte humide envahissait dorénavant mes naseaux. Il y avait longtemps que je n’avais pas apprécié une bonne averse.
« Encore un dernier verre et je vais le voir… s’enhardit Ali en se dirigeant vers la prochaine enseigne adjacente à un Hook'n’Tacos.
— Tu radotes petite humaine ! Que crains-tu donc autant pour reculer à ce point l’échéance ? »
La pluie s’était intensifiée, vidant les trottoirs. Le blouson rose sur sa tête, Ali maudit ensuite cette atmosphère non filtrée avant de lui reprocher son mal de crâne grandissant :
« N’a-t-on pas idée de vivre sur la terre ferme ? »
Un métro s’arrêta au-dessus de notre tête avant de déverser ses voyageurs. Le quartier de la nuit attirait les foules : corpos dépensant leurs microprimes du jour, étudiantes branchées en quête d’amour consommable ou d’une piste de danse ainsi que crapules ou dealers séduits par les affaires. Bien entendu, devinez laquelle des trois catégories était toujours aimantée par ma sapiens désinhibée ? Oui. Bingo.
« Et bien alors, la bronzée ? On est allé traîner un peu trop près du soleil dans le système intérieur ? La provoqua un grand sec aux paupières lourdes revêtu d’un manteau jaune.
— Ou bien, Madame se paye des UVA/B en thalasso », couina son compère, un petit teigneux barbu au guidon de sa Yamaha Diesel-91.
Les crapules toxicomanes n’avaient rien à envier aux publicités holographiques en termes d’approche. Tout comme elles, la meilleure des solutions était de les ignorer en espérant qu’un drone du département de police survole la zone.
« Vous avez remarqué ? répondit Ali en montrant ses traces de bronzage à la poitrine. C’est gentil après tous les efforts que je fais ! »
Le brigand au manteau jaune crut qu’elle se moquait de lui. Hélas, mon humaine était juste sous l’effet d’une overdose d’éthanol et son cerveau baignait toujours dans le gaz hilarant.
Après avoir sorti une machette de son avant-bras, il haussa le ton :
« Pleine aux as et conne comme ses pieds. Ramène donc tes miches sur la moto qu’on aille faire un tour à Dock-Bay. »
Ali avait rapidement dégainé son calibre seulement après le passage du drone de la police. Retenant un spasme à l’estomac, elle élimina le motard d’une balle dans l’œil. Elle nargua ensuite le second :
« Viens les chercher si tu les veux. »
Mais son foie avait eu sa dose d’acétaldéhyde. La dernière heure de beuverie fut soudainement régurgitée à même l’égout. Tout autour, la foule fut partagée entre dégoût et fou rire, mais la salve de .50 déchargée à l’aveugle leur fit choisir une autre option.
Voyant dans cette dégurgitation sans boule de poil une ouverture pour venger son compagnon, le second fauteur de troubles bondit sur ma partenaire. Un tir provenu de nulle part lui perfora la gorge et le manteau jaune s’effondra dans la souillure gastrique. Ses gargouillements d’agonie furent couverts par le bruit de moteur thermique du minivan volant qui vint se poser sur lui.
Assise sur le marchepied de la porte coulissante grande ouverte, la mercenaire à l’ancestral accent ensoleillé du nom d’Ada Grant, a.k.a. Noisy, salua sa vieille connaissance :
« Je t’ai connu en meilleure forme avec un Desert Eagle entre les doigts, Bambi ! »
Noisy était une solo qui offrait son bras de métal au plus offrant. Ali la connaissait depuis l’enfance. J’avais eu le plaisir de faire sa connaissance peu après ma rencontre avec Ali, avant de poursuivre notre métier de chasseur de prime dans le système.
Cette grande brune aux yeux noirs et au corps masculin était toujours accompagnée de Satori. Ce jovial petit humain aux joues dodues et à l’improbable paire de lunettes câblées vert pomme était un remarquable bricoleur d’implants. C’est lui qui avait installé gratuitement le terminal au poignet de mon humaine. L’ancien ingénieur de SNK Corporation avait aussi conçu le casque d’Ada : un micro-ordinateur qui faisait également radio et assistant à la visée.
Ce soir-là, comme à son habitude, Satori était aux commandes de sa Chrysler à l’intérieur de laquelle la mercenaire nous invita :
« Ôsu, les revenants ! On récupère du FID ou bien ces types ne valaient pas leur pesant de microchips ?
— Même pas de quoi payer la place de parking ! » plaisanta Noisy avant que le véhicule volant ne retrouve de la hauteur pour rejoindre la dense circulation aérienne d’Electric-City.
En dessous, la scène de la fusillade retournait déjà à la normale. Les témoins s’étant volatilisés, les passants esquivaient les cadavres qu’ils prenaient pour des ivrognes. Les équipes de propreté ou la BPD les trouveraient le lendemain matin. La Yamaha, quant à elle, avait été rapidement dérobée.
« Que faites-vous donc à Babylone ? demanda Ada en séchant son fusil de la pluie. Par les temps qui courent, il n’est pas très recommandé de finasser autour de Saturne ! »
Les soubresauts de l’engin volant firent virer Ali au vert puis au blanc. Soudain, elle vomit de nouveau. Les doigts sur ses lèvres parvenaient à filtrer les plus gros morceaux avant que notre amie ne lui tende un sac vide de fast-food.
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« Nous vagabondons vers les Naines, répondis-je. Mon ivrogne de partenaire voulait revenir ici afin de se recueillir sur la tombe de son père.
— En se bourrant la gueule ? lança Satori qui suivait la conversation depuis le poste de conduite.
— La tâche est en effet assez délicate », avouai-je en repensant à l’inquiétude grandissante qu’avait exprimée Ali à retourner sur Titan.
Mon associée avait vécu une enfance heureuse auprès de quelqu’un d’admirable. Le deuil était un exercice difficile pour les êtres dotés d’empathie. Remuer la vase marécageuse du passé était une opération douloureuse pour mon humaine. J’imagine qu’elle s’en voulait toujours. Reste à savoir de quoi.
« Non pas que je n’apprécie pas Bambi retapissant ma moquette, mais… il y a un endroit où vous déposer ? demanda notre conducteur en ressortant de nouveau d’outre-tombe le vieux surnom que ma sapiens portait sur Titan.
— Ça va ! Je me sens mieux, balbutia Ali en relevant sa tête du sac marron. Qu’est-ce que vous faites ce soir ? Je ne veux pas me coucher alors qu’on ne s’est pas vu depuis des lustres ! »
Un fourgon de police frôla brutalement notre aile gauche pendant que la voie aérienne rapide était à l’arrêt entre les méga-immeubles. Des barrages flottants avaient été installés autour du centre-ville historique et du business-center.
Noisy ouvrit le mini réfrigérateur qui occupait l’espace vide entre les deux sièges avant. Son bras mécanique y avait saisi une briquette de Pepper Coke qu’elle tendit à Ali en expliquant la raison de leur présence dans les parages :
« Nous étions en route pour la tour Silanub. Nous devions y récupérer un petit banquier du nom d’A. Khelil. La mission consiste à le garder au chaud pour la nuit le temps que le type dont il est supposé gérer les flux monétaires se carapate à l’autre bout du système. »
La voie express commença à se désengorger. Son compagnon se fraya un chemin à grand renfort de coups de klaxons. Connaissant ses talents, il devait aussi se servir de virus informatiques pour dérouter hors du périphérique intérieur les GPS des véhicules avoisinants.
« Facile et bien payé ! ajouta celui-ci en faisant ronronner les soupapes du moteur à gaz. Vous ne serez pas de trop si vous voulez squatter l’arrière. Les banquiers ne sont pas célèbres pour leur plaisante compagnie.
— D’accord ! » accepta mon humaine.
Satori nous conduisit donc au pied des locaux de Silanub Corporated. C’était une tour de bureau de quatre cents étages semblable à toutes ses voisines avec ascenseurs extérieurs et fenêtres anti-suicides. Un ficus sous stero-engrais n’y survivrait pas ; alors, imaginez un sapiens.
Après le départ d’Ada, j’avais rejoint l’ancien informaticien au poste de copilote ; laissant Ali à sa collection de pilules contre la gueule de bois. Le shot d’insuline encore sur le bras et l’inhalateur de peroxyde sur le nez, elle ressemblait davantage aux toxicomanes des stations low cost qu’à une chasseuse de primes.
Le membre mécanique autour du cou, le banquier au visage violet suivait la mercenaire sur le chemin du retour. L’ingénieur demanda à ma partenaire d’ouvrir les portes du van pour accueillir le nouvel invité. Lorsque le corpo put enfin respirer, il inonda ses kidnappeurs de questions en levantin, une vieille langue toujours utilisée par certaines ethnies que formait le melting-pot du système.
« Fonce ! ordonna Ada. Notre ami n’était pas le seul à faire des heures sup' un samedi soir ! »
La Chrysler décolla avant de slalomer entre les buildings. Les bureaux bancaires et financiers étaient constamment allumés malgré l’heure tardive. Les bourses ne fermaient pas au sein de Solaris, car les bots et les IA ne se reposaient jamais. Le corpo devait suivre. L’humain devait produire.
De nouvelles voitures de police s’insérèrent dans la circulation. Plus inquiétant, c’était une aile volante aux mitrailleuses déployées qui surveillait désormais le trafic.
« Le temps se couvre. Passons au sol, suggéra l’informaticien. Il nous faut être chez le commanditaire dans une demi-heure pour récupérer le fric avant qu’il ne prenne le dernier départ pour la base orbitale. »
Presque rendue inaudible par les battements des essuie-glaces, une alerte sonore émergea de l’ordinateur incrusté dans le bloc-compteur. Un programme « maison » signalait la présence d’un véhicule en filature depuis maintenant quelques minutes.
« La Skyline R30x rouge ? demanda Ada. Je l’ai remarquée devant la tour Silanub. Que dit la plaque ?
— Pas de réseau, répondis-je en voyant le terminal resté muet à la commande saisie par Satori.
- Kuso ! Les flics pompent toute la bande passante ! » jura ce dernier.
Mais la carrosserie rouge de la Nissan se fondit dans le trafic terrestre juste devant nous avant de prendre le tunnel qui menait à Little Tokyo. Bien que méfiants, les deux mercenaires décidèrent tout de même de poursuivre leur itinéraire jusqu’aux appartements de leur commanditaire.
Le système de guidage de secours hors ligne, la vieille carte en papier que tenait Ali aiguilla Satori à travers les mégablocs du quartier résidentiel de Babel.
Le faubourg d’enfance de ma partenaire avait bien changé. En son centre, des gratte-ciels noirs semblables aux doigts d’une main de titan se refermaient sur un stade de football en forme de globe. Le complexe démentiel surplombait la rivière d’eau brune qui le séparait du cimetière de Tannhäuser Gate où voulait se rendre ma partenaire quelques heures plus tôt.
« Où allons-nous ? piailla le banquier, pour la première fois en anglais solarien. Je vous assure que vous vous trompez de personne ! »
Noisy lui cala le cache-feu de son fusil sous sa cravate à motifs carrés.
« On a perdu son patois du désert ? ironisa celle-ci. Reste-là bien sagement ou ma copine aux cheveux blonds te balance dans le vide !
— Pourquoi moi ? s’étonna Ali après avoir fini sa troisième brique de soda ; ce qui lui avait redonné des couleurs.
— Car tu le ferais », répondit son interlocutrice à raison.
Le minivan amorça une nouvelle montée après avoir traversé la voie d’accès au stade. Le voyant de consommation vira au rouge quand le véhicule passa le 230e étage. Le moteur souffrait le martyre pour atteindre difficilement l’appartement recherché, un vaste penthouse avec piscine et solarium.
Pendant que les autres gardaient l’otage, j’avais accompagné Ada pour rencontrer ce mystérieux commanditaire du nom de Julio Marco Ruben Rubero. Ce sous-chef du gang des Janeiros avait falsifié le bilan de ses trafics et craignait désormais que son Jefe ne le découvre par l’intermédiaire de Khelil, son banquier et notre invité d’honneur.
« Il n’y a personne, nota la mercenaire en pénétrant par effraction après que Satori ait vérifié que l’alarme était déconnectée. Pourtant il avait juré d’être là ! »
Face à la cuisine, le salon était tout aussi vide bien qu’inondé de lumière. L’imposant poste de télévision cathodique était resté allumé. La neige statique bourdonnait. Ses millions de parasites se reflétaient sur le verre à cocktail posé sur la table basse en Formica et céramique.
Julio Rubero était avachi sur son sofa tropical aux couleurs du paradis, une brique de cachaça à la main.
« Señor ? »
La mercenaire au bras d’acier activa les lampes par l’intermédiaire de l’assistant connecté.
« Porca puttana troia! Adieu le flouze ! » jura Ada en s’asseyant sur la table en face du cadavre de Rubero.
Il restait tout de même un peu d’argent de poche. Ses assassins avaient eu la gentillesse d’enfoncer quelques billets dans ses orbites pour la femme de ménage.
« Qu’est-ce qu’ils ont fait de ses yeux ? » demandai-je en inspectant le corps à la recherche d’indices.
Ada secoua le verre à pied, agitant les deux globes comme des glaçons flottants dans l’alcool de canne à sucre.
« Écœurant.»
La voix de Satori émergea peu après du casque d’Ada et je pus entendre moi aussi l’origine de l’appel :
« Passons le fait qu’une nouvelle voiture nous ait pris en filature. Il y a un léger, micro-petit-infime soucis avec Khelil. »
Ada soupira face à cette tentative non camouflée d’euphémisme :
« Ali l’a balancé du van ? »
L’informaticien s’esclaffa, mais démentit.
« On aurait d’ailleurs de plus sérieux problèmes, poursuivit-il. Car nous n’avons pas chopé le bon banquier ! »
Ada cria avant de frapper du pied la brique de cachaça. Cette dernière s’éclata contre la porte d’entrée qui ne montra aucun signe d’effraction. Preuve que Rubero connaissait ses agresseurs ou que la sécurité électronique de son appartement nécessitait une mise à jour.
« Tu te moques de moi ? s’emporta Ada dont le sang commençait à bouillir. Pourtant le FID l’a identifié !
— Ce n’est pas de ta faute, la rassura Ali. Il y a au minimum dix Khelil à Silanub Corporated. Et au moins trois A. Khelil…
— Je suis Abdel Khelil ! Pas Aahad ! Ni Ahmed ! Et je suis citoyen de Titan avec des droits ! » hurla le banquier.
Ada jura de plus belle avec un vocabulaire au moins aussi fleuri que son accent. N’ayant plus de briques d’alcool à envoyer valser contre les murs, elle s’acharna contre les immondes motifs géométriques de la table en céramique. Les autres meubles Formica furent ensuite de nouvelles victimes collatérales de la fureur de la mercenaire. Elle ressemblait à Ali le jour où elle découvrit le jeu Tempest.
« On sait qui aurait pu liquider ce crétin de Rubero ? demanda l’informaticien une fois que nous fûmes de retour.
— Le coup des yeux ce sont les Janeiros tout craché, répondit calmement Ada Grant entre deux expirations sonores. Il vous transforme le cerveau en marmelade avec un pic à glace.
— Il semblerait que son patron ait mis en lumière la manigance », complétai-je.
Et ce patron en question avait envoyé des gangsters surveiller les moindres faits et gestes du duo de mercenaire engagé pour couvrir les arrières de Rubero.
« Vous pensez que les Janeiro croient qu’on ait kidnappé leur banquier ? demandai-je.
— Mince. Du coup, qu’est-ce qu’on fait de lui ? » intervint Ali en pointant du pouce l’auditeur recroquevillé avec l’inhalateur de protoxyde sur le visage.
La connaissant, ma partenaire avait encore en tête de le jeter par-dessus bord, mais Ada trouva plus judicieux de le déposer à la station de métro la plus proche.
« Ne serait-il pas mieux de le rendre aux Janeiros ? proposai-je. La prochaine voiture qui nous file fera l’affaire. »
Ada Grant ne semblait pas satisfaite. À juste titre d’ailleurs, car avec les différents gangs de Babylone il était préférable de toujours rester loin de leurs thugs ; même en étant chasseur de primes. Satori releva cependant un point important bien trop souvent ignoré par l’homo sapiens :
« Le matou a raison. »
Puis, un second :
« Si on veut continuer à respirer par les bons orifices faciaux, il serait préférable de montrer patte blanche à Marlon Janeiro. »
Appuyé par Ali, l’informaticien convainquit sa partenaire.