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KITTY KITTY // FRENCH ORIGINAL
#04 LES CAVERNES MÉLODIEUSES (2/2)

#04 LES CAVERNES MÉLODIEUSES (2/2)

Nous poursuivîmes notre route dans le silence le plus total jusqu’à rejoindre de nouvelles artères supposément abandonnées. Du rhodium brillait dans l’obscurité. Des paillettes dorées dansaient autour de nous, comme un nuage de lucioles. Le chant était plus fort que jamais et atteint finalement son paroxysme quand nous pénétrâmes dans une vaste carrière souterraine.

Des coups de feu résonnèrent subitement, décollant davantage cette neige métallique des parois. Ils se perdirent en écho et personne ne put évaluer avec précision d’où ils provenaient. Ces mines étaient un véritable labyrinthe. Nous eûmes enfin notre réponse au détour de gigantesques colonnes dorées que les droïdes n’avaient pas eu le temps de récolter.

Un cyborg, portant un poncho noir et un chapeau à bord large, menaçait de deux Lügers une demi-douzaine de semi-animaux armés jusqu’aux dents. Parmi eux se tenait Canif, les poils blanc hérissés et la bave aux lèvres.

« Oh ! Mais nous avons de la compagnie, n’est-il pas ? » s’exprima l’humain amélioré d’une voix synthétique.

Un troisième bras se souleva de son vêtement en toile pour nous mettre en joue.

« Six… Six Guns Dynamo ? Et Canif ? » Croassa Dan.

Le cyborg ne nous lança pas un seul regard, préférant ignorer le menu fretin. Car les Freaks n’attendaient qu’une erreur d’inattention pour lui sauter dessus.

« Ce bon vieux Dan le Crow… fit alors l’alpha de la meute en soulevant ses lunettes cyclopes adaptées à son museau. Comment va la vie depuis Amalthea ? »

Dan ôta son masque dévoilant un visage couvert de cicatrices. Mais là n’était cependant pas le plus choquant. Entre les sillons de chair rose, Dan le Crow possédait un terne plumage noir d’encre. C'était un véritable corbeau !

« Je savais bien que ce Dan était un drôle d’oiseau », plaisanta Ali une fois au courant pour notre camarade.

Son canon scié braqué sur Canif, le Freak corbeau avait visiblement un compte à régler avec le grand méchant loup.

« Amalthea est un véritable zoo! avais-je enchéri.

— Ce n’est pas vraiment le moment de rire ! » grinça Ramsès.

Quand la moitié des canons du gang furent braqués sur nous, ce dernier dirigea le sien vers le cyborg. La situation avait rapidement dégénéré en impasse mexicaine.

« Voilà une conjoncture qui plairait bien à notre cher Dungeon Master, n’est-il pas ? » plaisanta Dynamo en faisant craquer les articulations métalliques des trois nouveaux bras venus en renfort.

« Votre attention s’il vous plaît… émirent des speakers après avoir craché la poussière de radium qui s’y était accumulée.

— Quand on parle du loup… » grogna le Freak.

L’IA poursuivit après un petit jingle mélodieux, mais très déplacé :

« Annonce éclair : nous tenons à vous signaler que la station compte plusieurs éléments non répertoriés dans le registre de l’Alliance. Ces derniers sont cependant intégrés au tournoi ! Bonne chance ! »

Canif laissa échapper un rire guttural, vite rejoint par les membres de son gang.

« Il parle de toi, Dynamo. Cette vieille Bones avait raison, tu as bien été exclu après tes frasques sur Charon !

— Ce convoi humanitaire était sur la trajectoire, n’est-il pas ? » caqueta le cyborg au poncho en faisant danser ses doigts sur ses gâchettes.

Je serai mes coussinets autour des épaules d’Ali. Cette dernière avait délicatement dégainé à son tour.

« C’est le moment de me dire que tu as retrouvé la vue… » chuchotai-je à son oreille.

Elle rit.

« Pas assez pour différencier Canif de Mère-Grand ! »

Heureusement, tous deux s’étaient engagés dans une joute verbale.

« Derrière ces réservoirs d’huile, il y a un couloir, nous informa Dan. Flottez-y sans jamais vous retourner !

— Tu ne viens pas avec nous ? demandai-je.

— Je règle mes comptes avec Canif aujourd’hui, expliqua Dan. Après la passerelle, suivez les plafonniers verts, ils vous conduiront vers une plate-forme de raffinement. Là-bas, il y aura de quoi quitter la station.

— Faites-lui confiance, nous avons travaillé ici il y a très longtemps, ajouta Ramsès. Maintenant, profitons de leur dispute pour fuir cette menace. »

Dan le Crow sortit une grenade de sa sacoche qui semblait sans fond. Le projectile se colla contre une pile de caisses en métal et explosa quelques secondes plus tard.

Un nuage de paillettes envahit la salle ; créant ainsi une parfaite couverture pour filer. Derrière nous, les rugissements de Canif se perdirent dans le chaos des balles.

Les parois de roche laissèrent rapidement place à un revêtement en béton alors que les échos de coups de feu s’atténuèrent enfin. Un sinueux couloir nous guida vers la passerelle tubulaire mentionnée par Dan. Il faisait si sombre que même mes yeux de chat étaient inutiles. Seul brillait d’une lueur orange l’implant de Ramsès. La température avait aussi brutalement chuté.

À l’instant où Ali agrippa l’un des câbles métalliques, la structure entière se mit à grincer. Les ténèbres s’illuminèrent tout d’un coup.

Les timides filons de radium des galeries avaient laissé place à de gigantesques cristaux conjuguant la couleur de l’émeraude et de l’or. Ils braillaient comme si un feu les embrasait de l’intérieur. Mais surtout, ils chantaient. C’était une douce mélodie qui se répercutait dans cette immense cavité sphérique.

« C’est magnifique, dit Ali en prenant appui sur une corde.

— Le son ou bien la vue ? » demandai-je.

Captant nos voix, les cristaux s’illuminèrent et sifflèrent de plus belle. Je venais de trouver l’origine du Hum.

« Les deux.

— Tu as retrouvé ta vision ? s’enquit Ramsès.

— Non pas tout à fait, répondit Ali. C’est encore très flou et…

— Voilà quand même une bonne nouvelle », la coupa Ramsès.

Il braquait désormais sur nous son fusil.

« Rien de personnel, petite, poursuivit-il. La raffinerie ne possède qu’un seul monopod pour l’ancien ingénieur du secteur en service. Mes chances de survie sont juste trop faibles si je dois trimbaler une aveugle et son animal de compagnie dans une capsule d’urgence. Tu es mignonne, mais pas au point de finir tous deux à dériver vers l’infini pour l’éternité par manque d’oxygène ! »

Dès qu’il se tut, la luminosité commença à baisser. Là, son implant vira au rouge. Ce fut l’espace d’une seconde la seule lueur autour de nous mis à part les LED vertes des câbles.

Une voix provint alors de nulle part, rompant de nouveau le silence de la caverne mélodieuse :

« Ce serait pourtant une fin agréable ! »

Notre traître de compagnon se retourna, mais ses bras restèrent solidement ancrés au fusil qui glissa dans le gouffre. Le samurai les avait tranchés net au niveau du coude.

Le supplicié hurla à s’en déchirer les poumons avant que son assassin n’abrège ses souffrances en lui enfonçant son sabre à travers le crâne qui explosa. La lame était doublée d’un .44 Magnum.

« Bonjour. Bonjour. Ramsès Tatalopulos. Auxiliaire n°C12-1-21XX-982 et… » fit la voix d’un petit droïde triangulaire qui vint voleter au-dessus de l’épaule de notre sauveur.

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Le visage masqué par son chapeau de paille, le samurai le somma de garder le silence :

« Tais-toi, ce gredin n’a aucune importance.

— Ce n’est pas une façon de parler à son compagnon, s’interposa Ali.

— Il n’est pas à moi, répondit le guerrier au sabre. Il ne cesse de me suivre depuis que j’ai tué son maître à l’entrée des mines. Cet idiot n’a pas eu la clairvoyance d’éviter de me tirer dessus avec ses mortiers…

— Vous ne comptez pas nous exécuter visiblement, dis-je. Vous ne participez pas à cette purge ? »

Le samurai laissa échapper un rire discret avant de nous inviter à le suivre. Ma partenaire, qui avait regagné un peu la vue, le succéda prudemment le long des câbles sur lequel notre sauveur marchait comme un funambule.

« Non. J’étais de passage dans la région sur un contrat fort intéressant pour un Céleste de Lunapolis… je n’avais pas prévu ce petit barbecue d’entreprise. »

Mon humaine et moi-même profitâmes une dernière fois de la caverne aux cristaux. Puis, nous suivîmes ce curieux personnage dans ce qu’un écriteau indiquait comme le sas d’accès au centre de raffinement.

« Les Purges, reprit le samurai. Un massacre organisé par l’Alliance quand le nombre de chasseurs devient trop élevé, et par conséquent fait chuter le cours des primes. Ils nous sortent ça de temps à autre dans un recoin différent du cosmos. Mais je n’ai plus guère le temps de participer à ces mascarades. »

Le samurai nous sourit de nouveau avant de retirer son chapeau. C’était un vieil homme recouvert de cicatrices devant chacune porter une histoire.

« Appelez-moi Raï. Et ça, ce droïde, c’est J.A.P.A… de ce que j’ai compris »

Le sas se verrouilla et une gravité artificielle se réinstaura.

« Bonjour. Bonjour. J.A.P.A, modèle 28 de 2 ans, fabriqué sur Vénus et... commença le petit robot avant que le samurai ne le laisse voleter dans le sas que nous quittâmes.

— Je suis Ali et voici Lee, répondit mon humaine pour nous deux.

— Oui, je suis au courant, la coupa Raï. Le Kitty me disait quelque chose. J’étais curieux de savoir qui pilotait cette vieille carcasse qui vole aussi bien qu’une brique…

— Je ne vous permets pas d’insulter mon vaisseau ! » fulminai-je.

Le samurai s’excusa. Il poursuivit la conversation alors que nous parcourions les silos vides du centre de raffinement. Nous escaladâmes des montagnes de droïdes et de machines d’excavations laissées à l’abandon. À la fin de notre périple, J.A.P.A revint vers nous en réalisant quelques loopings.

« Bonjour. Bonjour. Jay-Jay Cleaver dit « Canif », Auxiliaire n°AM-3-23XX-088, légères mutations suite à.… » s’excita la boîte de conserve.

Des pas résonnaient derrière nous. La Meute de Freaks était sortie vainqueur du règlement de compte de la mine et se dirigeait vers notre retraite. Ils avaient eu raison de Dynamo… et de Dan.

« Il nous faut partir », ordonna Raï en défonçant du poing la porte vitrée qui nous séparait du poste de contrôle.

L’étude possédait un unique casier et le bureau de l’ingénieur humain responsable de cette partie de la mine. Celui-ci abritait un micro-ordinateur, mais aussi une antique machine à écrire encore dans sa boîte. Sous une pile de magazines After Dark reposait un monopod d’urgence. Il était poussiéreux, plus étanche et beaucoup trop petit pour nous quatre.

Il me fallut redoubler de talent pour le remettre en marche. Raï et J.A.P.A sautèrent à l’intérieur effectuer les derniers branchements.

Le Freak émergea brutalement par-delà les vitres brisées. Son corps était constellé d’impacts de balles qui commençaient déjà à cicatriser. Le regard d’un fou, il visait Ali d’un harpon improvisé à partir d’une mèche de foreuse.

« Ali ! Venez vite ! l’alerta le samurai. Canif peut se régénérer… vous perdez votre temps !

— Ah oui ? » fit ma sapiens, la voix pleine de défi.

Le loup alpha lança son arme qui partit se ficher juste à côté de la cuisse droite de la jeune femme. Quelques gouttes de sang s’échappèrent d’une blessure superficielle. Elle n’avait pas plié et conclut d’un tir. La balle traversa la mâchoire de l’homme-loup, lui pulvérisant les crocs.

« Bien joué Ali ! » criai-je, la tête hors du monopod pour apprécier mon humaine mettre la pâtée à ce canis lupus plein de puces.

Le Freak hurla à la mort. Mais contre toute attente, il s’arracha ensuite la mandibule de ses propres mains. Il reprit aussitôt sa marche boiteuse vers notre capsule de secours après avoir ramassé ses lunettes cyclopes.

« Très bien. Je vois le genre, soupira ma sapiens en remontant les manches de sa veste. Let’s get physical !

— Ali ! Viens vite ! Je ne crains que ce cher monsieur ne soit pas d’humeur ! hurlai-je cette fois-ci.

— Je vous avais prévenu » caqueta le samurai, mes pattes arrière sur le front.

Une fois mon humaine en chemin je me blottis entre Raï et sa boîte de conserve volante pour lui laisser le maximum de place. Ali sauta à l’intérieur juste à temps pour que le guerrier au sabre referme le couvercle sur les griffes de Canif.

Le monopod fut lâché dans son toboggan d’expulsion et alluma ses réacteurs. Il tournoya à ne plus s’arrêter avant d’être recraché dans l’espace comme une torpille.

Cela aurait été le pire endroit et moment de toute l’histoire de l’humanité pour régurgiter son déjeuner. Pourtant, mon estomac se retourna plusieurs fois dans mon ventre, nouant un véritable casse-tête chinois avec mes intestins. Ali, au bord de la nausée, oscilla aussi entre le blanc et le vert. Seul Raï, le sourire aux lèvres appréciait l’instant, le visage perdu dans la poitrine de ma partenaire.

« Lee ? Qu’est-ce qu’il raconte ? me demanda ma partenaire, alors que son interlocuteur bafouillait quelque chose.

— Nous y sommes presque ! » cria celui-ci dans un hoquet, luttant pour retrouver sa respiration.

— Ali ? Dis-je. Peux-tu solliciter le Kitty pour venir nous récupérer ? Tu devrais pouvoir joindre l’ordinateur de contrôle si nous sommes à portée. »

Ma copilote acquiesça, essayant de libérer son bras gauche piégé entre le tiroir de premier secours et le corps du samurai.

« Attends, je fais ce que je peux, grogna-t-elle. Pardon Raï, je suis coincée sous le manche de votre sabre. Ah ! C’est bon…

— Ne vous en faites pas pour ça… s’excusa Raï, dont les joues rosirent.

— Quand vous aurez fini avec vos grivoiseries tous les deux… » dis-je en donnant des coups de patte au nez du pervers.

Quelques minutes plus tard, il y eut un bruit sourd et notre canette de secours fut secouée dans tous les sens. Ali nous avertit alors que nous étions dans la soute de l’Hirondelle.

« Enfin de l’air ! soupirai-je en plaçant le museau hors du caisson de mort.

— Bien joué ! Maintenant, mettons les voiles ! cria le samurai. S’échapper ne fait malheureusement pas partie des règles de la Purge.

— Vous pensez que l’Alliance surveille la station ? Je veux dire autrement qu’avec ce Dungeon Master au microphone ? »

Notre sauveur de la caverne m’invita sur son épaule alors qu’il s’avançait vers le cockpit. Derrière les vitres blindées glissaient l’astéroïde Cerkron78 et son funeste complexe minier. L’immense rocher était tiré hors de son orbite par deux gigantesques croiseurs au moins mille fois plus gros que le Kitty. Sur leur cuirasse était dessiné le blason et la devise de l’Alliance : Le Crime Paie.

« Adieu mes travaux sur le Hum… soupirai-je.

— Le Hum ? dit Raï. C’est pour ça que vous vous extasiez devant ces pierres qui chantent ?

— Pour commencer, veuillez laisser ce sous-vêtement où vous l’avez trouvé, répliquai-je en lui mordant la main qui déambulait sur le panneau de commande. Ensuite, pour vous répondre de façon complète, nous cherchions à comprendre l’origine et le mode de transmission de ce maudit bourdonnement.

— Ah ? Peu de gens connaissent le secret des cavernes mélodieuses. Celles-ci reposent au sein d’astéroïdes cachés, nous précisa alors Raï. Elles produisent non pas des sons, mais des ondes électromagnétiques.

— En leur sein ou à proximité, cela génère une douce cantilène », en conclut Ali, qui avait admirablement enrichi son vocabulaire autrefois monosyllabique, avant de se rendre la direction de la soute.

Raï compléta après son explication :

« Dans l’espace, la carlingue des vaisseaux la transforme en insupportables vrombissements bien perceptibles quand les systèmes sont en pause.

— Parfait, grommelai-je en prenant le contrôle de l’Hirondelle. Plus qu’à treuiller tous ces cailloux géants droit vers le soleil et je pourrai dormir tranquille ! »

Le samurai nous conduisit alors à son aéronef, subtilement caché dans le cratère d'une météorite à quelques minutes de vol de la station. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il nous certifia avoir rallié cette dernière à pied.

Son vaisseau était un Oda, une antiquité encore plus vieille que le Kitty. Un chasseur terrien de fabrication japonaise, d’un temps où les anciennes Nations Unies étaient en charge du système.

Ali nous avait de nouveau rejoints, une serviette autour de la taille, après avoir pris une douche rapide. Raï, qui était jusqu’à ce moment-là sur le départ, insista pour dîner avec nous.

Après une longue nuit d’histoires, de blagues salaces et de karaoké, il disparut finalement dans le cosmos. Notre compagnon d’infortune nous laissa en souvenir l’un des bracelets de perles d’ivoire qu’il portait au poignet.

« Il n’y a qu’une seule personne sur le système à piloter un Oda. Et sans ordinateur de contrôle, dit Ali, enroulée dans la couverture du lit. Ce Kumo Raïda était un papy très amusant.

— Kumo Raïda ? Le Kumo Raïda ! Le n°4 de l’Alliance ? Comment l’as-tu reconnu ? » demandai-je en émergeant du tas flottant de briques de saké vides et de sachets de chips aux crevettes.

Il était vrai que je n’avais pas eu le réflexe de vérifier l’identité de ce lubrique sur le registre.

« Le petit droïde l’a balancé hier soir pendant que tu massacrais le répertoire d’ABBA et de Kim Wan-sun, me confia-t-elle.

— Bonjour. Bonjour ! » cria J.A.P.A en s’échappant du placard à céréales de petit-déjeuner.

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