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KITTY KITTY // FRENCH ORIGINAL
#20 POUR QUI SONNE LE GLAS (1/2)

#20 POUR QUI SONNE LE GLAS (1/2)

Une goutte du miraculeux liquide de vie venait d’atterrir sur le bout de ma truffe. Elle était tiède. Cela aurait pu être un spectacle agréable. Hélas ! J’étais allongé dans la boue à souffrir le martyre.

J’étais jeune. C’était la première fois que je chassais discrètement une souris hors de mon égout quand la bande du quartier de Babel m’était tombé dessus. La patte désormais coincée sous une brique de béton, je n’avais aucune échappatoire. À l’ombre d’un gratte-ciel en construction, ces petites frappes édentées prenaient un malin plaisir à me torturer.

« Manges-en encore un autre, dégoûtante vermine pouilleuse ! » avait crié l’enfant.

Accompagnant son juron, il m'avait donné un nouveau coup de bâton sous les rires de ses camarades.

« Ted ? Tu penses qu’y a que'qu’chose à bouffer sur ces p’tits os ? s’était enquise l’une d’entre elles avec sa salopette trouée.

— Tu veux boulotter ce rat ? Sois pas stupide ! avait répondu mon bourreau au visage dévoré par les cicatrices de variole. On va plutôt le scalper et revendre sa peau !

— Pour des bonbons dans ce cas ! J’en ai marre des clopes ! » était intervenu le troisième en réajustant son chapeau parapluie.

La pluie acide des résidus de terraformation pouvait ronger l’épiderme et les cheveux, et le crachin avait définitivement laissé place à des gouttes plus lourdes. Et plus dangereuses.

« Ne traînons pas, alors ! » conclut Ted.

La tête dans une flaque corrosive, j’étais désormais maintenu le nez dans l’eau souillée. Le chef de bande en avait assez de jouer et voulait assouvir ses pulsions meurtrières propres aux sapiens. Il fut fort heureusement interrompu par une petite voix fluette presque couverte par le déluge :

« Arrêtez ! »

Les trois psychopathes en herbe s’étaient retournés. Bien que toujours retenu par la patte, l’étreinte à ma gorge avait été relâchée. Ainsi, il m’était possible d’entrapercevoir la jeune enfant qui était venue à ma rescousse.

Son visage émacié et constellé de taches de rousseur était presque caché par sa touffe de cheveux blonds. Sa robe rose et noire en plastique jurait terriblement avec ses bottes en caoutchouc jaune recouvertes de cette boue grise.

Je la connaissais de vue. C’était la fillette qui ne souriait jamais. Elle vivait avec le chasseur de primes dans le bloc derrière le cimetière. Le vieil homme me donnait parfois à manger à travers la grille du caniveau de la 5e rue.

« Arrêtez ! Et tout de suite sinon… » avait-elle insisté d’une voix désormais plus ferme.

Curieusement, Ted avait obéi. En se redressant, celui-ci m’avait complètement dégagé la vue. J’avais pu alors me rendre compte que ma sauveuse n’était pas seule. Une enfant pourtant un peu plus âgée se cramponnait à sa manche gauche. C’était son exact opposé : peau brune et cheveux noirs. Elle, je ne la connaissais pas.

« Sinon quoi ? » s’était esclaffé le chef de bande en marchant dans leur direction.

Le nez désormais presque collé à son interlocutrice, il lui cracha au visage sans la moindre sommation. La fillette à la robe rose ne bougea pas d’un pouce. La souillure fut presque aussitôt lavée par la pluie qui s’interrompit ensuite aussi vite qu’elle avait commencé.

« Sinon quoi, les mini-Koviràn ? avait-il insisté en ricanant. Votre papa va me mettre la fessée ? La Hanse des Chasseurs de Primes va m’accoler une prime sur la tête ? »

Ses acolytes s’étaient esclaffés. Se retournant pour apprécier les encouragements de ses pairs, Ted avait sorti de la poche arrière de son jean un cran d’arrêt qu’aucun enfant de huit ans ne devrait posséder.

Mais la sapiens aux cheveux d’or ne comptait pas se laisser faire. D’un geste vif, elle avait saisi l’arme. Avant que le chef du gang des enfants ne puisse comprendre quoi que ce soit, la lame était déjà profondément plantée dans son épaule.

« Saloperie ! Mais qu’est-ce... » avait-il hurlé tandis que ses deux compagnons avaient fait un pas en arrière sous la surprise.

Ted avait voulu extraire le couteau de sa chair, mais la petite fille lui avait préalablement saisi l’avant-bras, lui arrachant un autre cri de douleur.

« Bambi arrête, pronto ! » était intervenue une nouvelle arrivante un peu plus âgée avec un très jeune enfant sur les épaules.

La dénommée Bambi avait finalement relâché sa proie non sans lui tordre le poignet qui émit un craquement. Le brigand en culotte courte avait laissé échapper un gémissement puis prit les jambes à son cou avec ses compagnons sur les talons.

« Ku… ku… kuso ! On va encore avoir des ennuis… » bégaya le petit garçon aux jambes tordues.

Une fois accroupie à mes côtés, ma sauveuse avait retourné la brique de béton qui retenait ma patte. Me caressant doucement mon dos trempé, elle m’avait ensuite demandé :

« Tu vas bien, bébé chat ? »

Je n’avais pas répondu.

M’arrachant du sol boueux, j’étais déjà sur le chemin des égouts quand elle s’était de nouveau adressée à moi.

« Prends garde à toi, kitty ! »

Et elle m’avait souri.

« C’est quoi ce sourire béat ? » me demanda Ali qui venait de me rejoindre dans le cockpit de l’Hirondelle.

Elle sirotait bruyamment l’un des nouveaux Jolt Cola.

« Rien, mentis-je avant de rediriger la conversation sur un sujet plus triviale. La circulation en basse atmosphère se densifie, je vais devoir passer en autopilote »

Dans le reflet du tableau de bord, je la vis tout aussi pensive que moi.

« Encore à ruminer sur l’annulation du Championnat Nintendo de Phobos ? m’enquerrai-je en faisant pivoter mon siège afin de lui faire face.

— Non, pouffa-t-elle. Tu crois que je suis toujours une enfant ?

— Tu viens d’acheter une Sega CD !

— Ah ! Mais c’est différent… se défendit ma sapiens en terminant sa boisson acide. Sega c’est cool ! »

Je m’esclaffai bruyamment en reprenant les commandes.

La bonne humeur de ma partenaire n’était cependant qu’une illusion. Je la savais elle aussi perdue dans ses souvenirs, le cœur serré par la récente disparition de Rodrigue et d’Ada. La cicatrice de Zéphyr n’avait pas eu encore le temps de se refermer et voilà que le destin s’amusait à y remuer son scalpel sans ménagement, triturant la chair à vif et les sentiments de mon associée.

Heureusement, Braun était de retour. Et l’astre rouge ne pouvait que nous offrir Nora. Tout allait s’arranger et nous pourrons être une ravissante petite famille de sitcom.

« Tu crois qu’elle est vraiment ici ? demanda Ali qui m’ôta de l’esprit cette vision des Enfers.

— Nora ? Bien sûr ! Mancéphalius a affiné les résultats provenant de chez Séléna. Nous eu une photo et ses dernières coordonnées connues : le Havre Noir ! »

Le Havre Noir. Un nom énigmatique pour un lieu à l’aura bien particulière, ne pensez-vous pas ?

Après la terrible chute de la civilisation terrienne, la presque totalité de l’humanité était venue vivre sur l’astre terraformé. Le monde rouillé était devenu la nouvelle planète bleue.

Là, un gouvernement universel inédit fut mis en place avec pour ambition la conquête du système sous une unique bannière. Ainsi, des cendres des Nations Unies naquit la toute puissante Technocratie. Son siège, le Havre Noir, était une immense pyramide sombre à base heptagonale regroupant toutes les instances législatives, exécutives et judiciaires nécessaires : de la Cour Cosmique à la Chambre des Techno-Sénateurs en passant par le régnant Triumvirat.

« C’est trop facile pour être vrai… dit Ali.

— Sois positive, la grondai-je en amorçant la descente vers la surface. Et puis, le siège du gouvernement central est loin d’être aussi facile d’accès ! C’est une forteresse labyrinthique et je doute qu’on puisse simplement demander Nora à l’interphone vu le mal qu’elle s’est donnée pour rester cachée toutes ces années !

— Nous devrons être super-discrets. »

J’eus soudainement un spasme qui me valut d’empiéter sur la file rapide en basse atmosphère et de recevoir quelques coups de Klaxon de la part d'un Mockingjay dernier modèle.

« Toi ? Me parler de discrétion ? m’interloquai-je en me remettant de cet arrêt cardiaque.

— Tu es un idiot ! » conclut-elle en clipsant son harnais de sécurité tandis que j’amorçais la descente rapide.

Nettement visible, l’épicentre politique du système occupait le sommet du Mont Olympe et son lac artificiel. Mais tout autour se dessinait un environnement bien différent des mégalopoles sombres et intimidantes comme Babylone ou Thébé : les avenues blanches de la Nouvelle-Angoulême.

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Nous survolâmes dans un premier temps les curieuses banlieues circulaires de cette mégalopole qui avait englouti les villes coloniales voisines. Les maisons identiques de pierre calcaire aux toits de tuiles rouges laissèrent rapidement place aux premiers condominiums bien alignés et aux boulevards bordés de vrais arbres taillés au millimètre près.

« C’est une agglomération assez incroyable, fis-je remarquer à Ali qui était aussi captivée que moi. Il y a un côté très… comment dire ?

— Fasciste ?

— Propre. »

Les artères merveilleusement entretenues s’élargirent et se complétèrent à un important réseau de métros et de tramways jusqu’aux premiers mégablocks flambants neufs.

Pourtant, la grille multimodale terrestre n’était que l’anémique petite sœur des dizaines de couloirs aériens qui quadrillaient l’azur surplombant la capitale. Curieusement les moteurs électriques rendaient l’ensemble parfaitement silencieux.

Les gratte-ciels d’habitations étaient séparés des faubourgs par un immense fleuve somnolent alimenté par les cascades du lac artificiel du Mont Olympe. Au contraire très agitées, ces tours de béton blanc et d’acier aux reflets d’or étaient des villes à part entière comprenant, entre autres, logements, écoles et supermarchés. Un sapiens pouvait vivre sa vie entière dans un mégablock sans jamais en sortir. C’étaient les high-rises de Babel sous stéroïdes comme le précisaient les publicités holographiques géantes des agences immobilières.

« As-tu déjà vu des bâtiments encore plus énormes ? demanda ma partenaire, tandis que l’aiguillage électronique organisé par la flotte de drones municipaux nous fit rejoindre la highway principale.

— Oui. Droit devant nous… »

Ces high-rises abritant chacun un million d’individus ne pouvaient que pâlir face au centre d’affaires de la Nouvelle-Angoulême. Entourant le Havre Noir au sommet de sa montagne telle une armée en état de siège, les colonnes de verre des mégacorporations se perdaient par-delà les nuages bleus de Mars. Seule la Tour Quadrifell et son maillage d’acier chromé les dépassait.

Mais le business district n’était pas notre destination. Le Kitty devait suivre les instructions du Capitaine Braun et rejoindre dès que possible les Quais Lafayette situés à la périphérie Est.

« Nous sommes bientôt arrivés, annonçai-je alors que la nuit commençait à tomber. Je vais garer l’Hirondelle au parking de l’Imperial Ritz aux frais de la Marine. »

Les toits en pointe des hôtels particuliers et des brasseries apparurent à travers la brume rose qui s’échappait des cheminées. Illuminé, le quartier des artistes et des cabarets était isolé du reste de la ville par un bras de rivière et abritait le Palais des Cantatrices, le plus grand opéra du système. Ainsi que les plus improbables bars et discothèques.

Je voyais les yeux d’Ali s’illuminer. Il était de mon devoir de recadrer ma partenaire sur la mission :

« Avant que nous atterrissions dans ce lieu de débauche et de frivolités bien trop organiques pour demeurer hygiéniques, tu vas me faire le plaisir de réciter le plan. Outre la discrétion, Raspoutine a lourdement insisté pendant le briefing sur le T.M.S. Africa afin que nous maintenions un soupçon de responsabilité cette fois-ci. »

Ali gonfla ses joues comme une enfant boudeuse. Elle débita alors :

« Selon des renseignements obtenus par la Marine sur Sedna, le Techno-Sénateur Jean-Christophe Rais détient des informations sur la guerre sur Saturne et une probable corruption au niveau technocratique. Braun doit l'arrêter sans faire de vagues une fois le gus de retour chez lui dans les collines de Pompadour.

— Correct. Et quelle est notre implication dans cette histoire ?

— La mise hors d’état de nuire de son garde du corps personnel, un certain Mike Frazier. Pour cela, nous avons ordre de l’arrêter, car celui-ci porte en réalité le nom de Bartomiej Kowalewicz et est recherché pour C100'000 sur Pluton. Pour meurtre et sobriquet imprononçable.

— Très bien. Mais particulièrement. Qu’est-ce qui nous intéresse ?

— Son badge de vigile. Une fois récupéré et piraté, il nous permettra d’entrer au Havre Noir et trouver Nora.

— Excellent. Une dernière question et tu auras gagné une feuille de gommettes des Maîtres de l'univers. Comment allons-nous nous y prendre ? »

Ali se leva de son fauteuil. Nous venions d’atterrir au hangar souterrain du Ritz.

« On lui colle une raclée lors du tournoi d’arts martiaux ! Comme dans Dragon Ball. »

L'Imperial Ritz IV, semblable à un hôtel haussmannien, hébergeait l’une des salles de spectacle les plus prisées de la Nouvelle-Angoulême. Ce soir, comme tous les vendredis, elle accueillait une série de combats de boxe libre. Bartomiej Kowalewicz, sous son faux nom, en était le champion invaincu.

Bien que le tapis rouge ait certainement été déplié en prévision de mon arrivée, l’accès n’était malheureusement pas autorisé aux gens du commun. Heureusement, le Kitty avait fini par se tailler une solide réputation dans le système et nos exploits nous avaient valu la permission de participer au tournoi à la dernière minute.

« Tu aperçois quelque chose ? me demanda ma sapiens alors que, juché sur sa tête, je surveillai l’apparition des boxeurs pour y déceler la présence de Kowalewicz.

— J’ai vu que le Techno-Sénateur était isolé dans les tribunes donc son gorille doit déjà se trouver dans les vestiaires ! Mais surtout, regarde le tableau d’affichage, car…

— Chouette ! me coupa Ali avant de se précipiter au pied de la loge d’honneur. Un buffet ! »

Ma volatile sapiens ne réfléchissait donc qu’avec son ventre ou ses organes adjacents. Seul son flair d’affamée pouvait sentir les petits fours à travers l’odeur de sueur humaine qui emplissait les lieux.

Je saluai toutefois son esprit d’initiative mal venu, car mon estomac criait famine. Les rations de survie que nous mangions depuis notre départ de Los Pallas n’étaient pas du Nutrigel, mais des moutons de poussière agglomérés.

« Dis donc vous là-bas ? » cria finalement une voix derrière nous qui fit tressaillir Ali, jusqu’ici occupée à dévorer un dôme de riz avec la bouche et le nez simultanément.

J’émergeai de la salade de fruits quand un petit homme à la moustache crayon se tenait face à nous, les mains sur les hanches. Il gémit de nouveau avec un fort accent français :

« Vous n’avez pas honte d’arriver aussi en retard ! Filez dans les vestiaires pour vous préparer !

— Oui ? articula Ali du peu de français qu’elle maîtrisait. C’est à moi qu’tu parles ? »

Son imitation ratée avait cependant dû terrifier le martien qui ne jugea pas nécessaire d’avoir davantage affaire à cette troglodyte diabétique. Il poussa ma partenaire à l’intérieur des loges à l’aide d’un balai puis déguerpit. Je parvins de justesse à m’immiscer auprès d’elle avant qu’il ne claque la porte.

« Au fait, dis-je alors qu'elle se déshabillait tout en continuant de manger. Ton premier combat sera le dernier, car tu tombes directement sur Bartomiej Kowalewicz !

— Qui ?

— Bartomiej Kowalewicz !

— Essaie de le dire en mangeant du riz ! » dit-elle en me tendant son bol.

À la double mention du nom du champion, plusieurs lutteurs de foire en plein échauffement levèrent les yeux vers nous. Chacun d'eux possédaient la force de plier ma partenaire en deux, et l’Hirondelle avec.

« Punaise, Lee ! Dans quoi on s’est embarqué ! me chuchota mon interlocutrice enfin rassasiée. Cela n’aurait pas été plus simple de le descendre dans la rue ? Ces types ont l’air de participer au casting de Conan le Barbare !

— Le risque que le Techno-Sénateur se sauve a été jugé trop grand. On ne peut pas juste faire atterrir l’Arche et le Kitty en pleine rue pour enlever un homme politique. »

Ali grimaça. Elle n’était pas satisfaite de cette réponse donc je dus insister :

« C’est Raspoutine qui l’a dit, je n’y peux rien !

— Et si jamais il me met en pièces avant que j’aie pu l’arrêter ? Il est champion donc il doit être encore plus fort que ces chauves qui avalent des stéroïdes comme du Capri Sun ! »

Je lui fis alors remarquer qu’elle était parvenue à vaincre un droïdocatcheur sur Megaclite99 et un Freak poulpe dans une piscine. Un humain de chair et de sang sur un ring à la gravité terrestre n’était pas un challenge plus élevé pour une poupée de cuve génétiquement modifiée. Je la quittai donc en espérant lui avoir suffisamment redonné confiance en elle.

Dopée au glucose, Ali monta dans l’arène quelques minutes plus tard. Je remarquai alors ses nombreux hématomes récoltés lors de nos précédentes aventures. Vêtue d’un simple short trop large et d’un soutien-gorge rose moulant, elle faisait pâle figure face à Kowalewicz : un grand blond à la peau de hot-dog.

« Ali versus Frazier ! annonça le chauffeur de salle à travers le microphone. David contre Goliath ! »

Belle comparaison. Et le premier round du combat le prouva.

« Je me suis peut-être laissé un peu emporter… » soupirai-je en rejoignant l’arène quand le chronomètre afficha péniblement les trois minutes.

Sur son tabouret de repos, ma partenaire avait le visage en sang et bouffi de bleus. Elle gardait cependant un simulacre de sourire malgré une canine manquante.

« Je pense qu’il a compris pourquoi nous étions venus, dit-elle en crachant une prémolaire. En tout cas le confernant.

— Mince ? Tu crois. »

À l’opposé du ring, Kowalewicz montra ses crocs limés. Sous ses profondes arcades sourcilières brillait la flamme démente du criminel endurci galvanisé par l’odeur du sang. Sur ses lèvres je pus lire une menace de mort en trois langues différentes.

« En effet. Bonne chance !

— Pas fi vite, fripouille ! cria-t-elle en me ramenant par la queue. Tu n’as pas un confeil à me donner ?

— Je ne sais pas moi, heu… équilibre Daniel-San, équilibre ! » conclus-je.

Maître Miyagi possédait toujours de solides conseils, n’est-ce pas ?

Et mon humaine me le prouva une fois encore. Car le second round n’avait plus rien à voir avec le premier.

L’ancien trafiquant de Pluton avait beau maîtriser son art, Ali esquiva cette fois-ci ses coups sans vaciller. Elle parvint à le toucher à plusieurs reprises. Enfin, elle joua sur sa rapidité et son endurance pour fatiguer le poids lourd. Si ce dernier ne clôturait pas le combat d’ici le troisième round, c’en était terminé pour lui.

Dans la tribune présidentielle située juste au-dessus de moi, le Techno-Sénateur Rais s’était levé. Inquiet pour son garde du corps, il ne cessait de demander des comptes à l’arbitre en criant plus fort que la moitié du public réunit. Encore quelques minutes et il devrait retourner seul chez lui.

J’avais cependant parlé un peu trop vite. Sous les acclamations de la foule qui ne portait pas dans son cœur les chasseurs de primes, mon humaine se prit un uppercut stratosphérique. Ce dernier l’envoya valser dans les cordages contre lesquels elle fut aussitôt plaquée.

Bartomiej Kowalewicz fit alors sa seule et unique erreur. Tentant une clé d’étranglement, il se mit en bonne position pour qu’Ali le soulève et le projette sur le sol. Son cou se tordit contre la première corde. Mais cela ne l’empêcha pas de se relever.

Se massant les vertèbres, notre adversaire laissa mon humaine le contourner pour réaliser enfin le plus merveilleux des German Suplex de l’histoire des arts martiaux. Karl Gotch aurait été fier, car le garde du corps gisait au sol, plié comme un accordéon.

« Il est mort ! s’écria Ali avec une pointe de soulagement. On a le droit de tuer ? »

L’arbitre, pétrifié par la tournure des événements, acquiesça timidement de la tête. Zigzaguant entre les journalistes, j’étais de retour auprès de mon humaine. La félicitant pour cette victoire à travers le bruit des flashs, elle stoppa mes encensements pour me rappeler l’essentiel :

« Où est le Techno-Sénateur ? »