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KITTY KITTY // FRENCH ORIGINAL
#20 POUR QUI SONNE LE GLAS (2/2)

#20 POUR QUI SONNE LE GLAS (2/2)

Je levai les yeux vers les tribunes. La cible du MP s’éclipsait discrètement vers la sortie.

Peu après, pendant qu’Ali était parti subtiliser le badge de garde du corps dans son casier, je rejoignis l’une des cabines téléphoniques situées dans le hall. Arrivant tant bien que mal à tourner le cadran du téléphone, je parvins à contacter une standardiste visiblement fatiguée de sa journée. Celle-ci me mit en contact avec Pingu par l’intermédiaire d’un canal public. L’Arche de Noé venait juste d’entrer sur Mars aux premières lueurs de l'aube et séjournait dans un motel plus au sud.

Je n'eus pas le temps de quitter le box que le téléphone mural me fit sursauter de sa sonnerie stridente. J’ignorai que ceux-ci fonctionnaient dans les deux sens.

« Lee ? Il y a un problème, résonna cette fois-ci la voix de Braun à travers le combiné.

— Concernant Ali ? Oui. Il risque de lui manquer quelques dents.

— Quoi ? Non. Attends… »

McCoy prit le contrôle de la radio de l’Intercepteur :

« Notre ami Jean-Christophe Rais ne se dirige pas chez lui. On dirait qu’il retourne au Havre Noir.

— Enfers ! » répondis-je.

Pendant ce temps, Ali m'avait rejoint ; un pain de glace sur la mâchoire et le badge d'accès en poche. Je décalai mon oreille pour qu'elle puisse suivre la conversation.

« Changement de plan ! intervint le soviet. Foncez là-bas et localisez son bureau ! On vous rattrape dès qu’on peut.

— Ne pouvez-vous pas l’enlever en ville ? demandai-je.

— Impossible en raison du nombre important de témoins, reprit Braun. Et puis Pingu ne pourra pas garder un Intercepteur dans le ciel très longtemps sans que débarque la Gendarmerie.

— Tu sais que ce n’est pas vraiment dans nos prérogatives ? Nous souhaitions nous rendre là-bas pour autre chose qu’enlever une personnalité politique.

— OK pour nous, intervint Ali en parlant suffisamment fort pour que nos interlocuteurs puissent l’entendre à travers mon combiné. Mais Monsieur Yossef Braun Kamirov…

— Oui ?

— Tu me devras un vrai rencard après ça. Et pas un match de hockey sur Deimos. Je t’envoie le scan du badge une fois au Kitty pour que Pingu le mette à mon nom. Et ça a intérêt de marcher !

— Heu… certes. C’est raisonnable ! » conclut le soviet avant de raccrocher.

Je n’étais guère convaincu, mais mon associée ne me laissa pas le choix.

Deux heures plus tard, le métro nous avait déposés au pied du Mont Olympe. L’un des soixante-treize funiculaires nous emporta ensuite vers le sommet de la montagne, vers le siège du gouvernement. Malgré l’horaire matinale, les techno-employés en costume de plastique noir s’agglutinaient déjà dans les transports.

« Tes dents ont-elles repoussées ou bien je rêve ? demandai-je en voyant ma partenaire tout sourire à l’idée de retrouver sa sœur.

— Il y avait une machine pour en mouler des neuves dans le vestiaire.

— Et ces habits ? insistai-je en jugeant de haut en bas son jean trop large et son t-shirt noir à manches longues.

— Hideux, n’est-ce pas ? J’ai l’impression que les prochaines décennies s’annoncent nettement moins funky ! »

Ma partenaire conclut en écrasant les pics enduits de gel qu’une adolescente arborait comme coiffure. Celle-ci l’insulta avant de s’enfuir sur son overboard qui diffusait une musique électronique sans mélodie et plus que tapageuse.

Quelques instants plus tard, le terminal au poignet raccordé au réseau de la pyramide, nous essayâmes de localiser le bureau du Techno-Sénateur que nous avions perdu de vue à la sortie du Ritz. Hélas, surchargé de connexions, celui-ci resta muet malgré nos bien trop nombreuses tentatives.

« Et en filière ? demandai-je.

— Je t’ai déjà dit que je n’aime pas tremper ma prise jack n’importe où ! » s’insurgea Ali qui entreprit tout de même l’opération.

Rien ne se produisit. Elle décida donc de s’adresser directement au guichet robotisé situé près des immenses portes du Quartier Administratif.

Nous fûmes cependant stoppés dans notre élan par deux MK accompagnés d’un officier humain aux yeux miroirs. Il ne portait pas l’uniforme de la Marine, mais celui de la Gendarmerie : une milice plus qu’une force de sécurité.

« Halte ! ordonna-t-il en se positionnant à quelques centimètres d’Ali. Il est insensé de dépasser le cordon avec un… calibre de cette taille.

— Même en étant une garde du corps officielle ? répondit-elle tout en mettant en avant le badge piraté.

— Très bien, répliqua l’officier après qu’une diode se soit allumée derrière ses yeux sans reflets. Veuillez m'excuser. »

Nous pûmes enfin rejoindre la queue menant aux cabines d’informations du Bloc Administratif. Après quelques minutes d’attente, nous fûmes enfin admis par un robot au visage humanoïde :

« Bonjour ! Que puis-je pour vous ?

— Heu… j’en sais rien. On doit demander quoi ? balbutia Ali.

— Nous sommes nouveaux et nous cherchons le bureau du Techno-Sénateur Rais, intervins-je. Vous est-il possible de nous indiquer sa géomarque ? »

Le Havre Noir était une pyramide accueillant près d’un million d’employés répartis sur des milliers de kilomètres carrés. Sans géomarque indiquant son bureau principal, il nous aurait été impossible de retrouver notre cible sans perdre un temps infini.

« Techno-Sénateur Rais ? caqueta le robot en tapotant sur son Minitel. Veuillez-vous adresser au guichet de la Chambre dans le Bloc Législatif. Empruntez le marquage lumineux 056A. Bonne journée. »

Le pantin de métal nous ordonna de reculer enfin de laisser place à la personne suivante qui s’empressa de nous bousculer.

« Vois-tu un marquage, toi ? demandai-je en parcourant des yeux les dalles noires.

— Non. Car des gens piétinent dessus ! » s’emporta Ali en poussant du coude une Techno-Déléguée ; faisant tomber sur le sol ses lunettes câblées.

À travers les verres de sa monture, je pus alors apercevoir les filaments multicolores composant le balisage lumineux.

« Pouvons-nous emprunter vos bésicles quelques instants, ma chère Madame ? » articulai-je dans mon français sans accent.

La femme ramassa ses immondes lunettes et laissa échapper un soupir. À la suffisance qui transpirait par tous ses pores, je prédis que nous n’allions obtenir aucune aide de cette cuistre. La population de la Nouvelle-Angoulême était tout sauf aimable. Ali dut donc insister avec sa douceur .50 habituelle.

« Nous y sommes ! dit-elle quelques minutes plus tard en soulevant les lentilles de polymères de son nez endolori par le poids de ce gadget inconfortable.

— J’espère bien ! Nous marchons depuis au moins quarante minutes !

— Et d’après les lunettes, nous avons encore pour quarante minutes d’attente avant notre tour au prochain guichet.

— Enfers ! Les verres ne peuvent donc pas directement nous indiquer le bureau du Techno-Sénateur ?

— J’essaie, mais même avec la connexion express de cette techno-pignouf je n’arrive à rien, grogna Ali en parcourant les menus informatiques qu’il m’était impossible de voir. Ah ! J’ai trouvé !

— La géomarque de son cabinet ?

— Non, comment coupler cette saleté avec mon terminal, car je vais faire un anévrisme... »

Nous pûmes alors poursuivre la procédure laborieuse à travers une technologie que nous maîtrisions. Hélas, jugée sensible, l’information requérait un laisser-passer spécifique pour les visiteurs. Une homologation spéciale était aussi exigée pour se rendre dans les bureaux du Bloc Législatif.

Ces deux documents devaient être demandés à deux guichets différents : Le Centre des Visiteurs du Bloc Législatif pour le laissez-passer virtuel et le secrétariat d’accueil du Quartier Administratif pour l’attestation.

« Mais on en vient du Bloc Administratif ! explosa Ali en faisant sursauter un groupe de Techno-Secrétaires. Pourquoi ce n’est plus le marquage lumineux 056A d’ailleurs ? Pourquoi maintenant c’est le 807C ?

— Pas de panique ! Je vais nous pirater tout ça. »

Mais la connexion publique coupa, nous privant des codes d’accès du Techno-Délégué et donc au balisage comme au réseau d’information.

Le Mont Olympe était éteint depuis la nuit des temps. Le rugissement sonore qui fit vibrer le hall provenait de ma sapiens qui venait d’entrer en éruption.

« Je vais fondre une batterie ! hurla-t-elle en matraquant un droïde cendrier qui n’avait rien demandé.

— Ne tue personne ou nous allons finir nos jours à la Bastille. Et n’oublie pas que nous avons aussi ta sœur potentiellement dans les parages ! »

Ali, à genoux dans un recoin, frappait le sol de ses poings. Les lunettes câblées en équilibre sur la truffe, je tentais tant bien que mal de les reconfigurer avec mes pattes de chat.

« Toute l’interface est verrouillée, fis-je au bout de quelques minutes. Mais je viens de trouver la géomarque de Rais.

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— Génial ! 

— Vois-tu ? Il était inutile de perdre son sang-froid ! »

Le cul-de-sac qui nous abritait s’illumina. Aussitôt, quatre dalles de carrelage se soulevèrent à deux mètres de nous. Une boite rectangulaire émergea du sol et l’ascenseur ouvrit ses portes pour accueillir ses visiteurs.

« Quelle est cette sorcellerie ? demanda Ali.

— Le verrouillage de la géomarque a mis en route un système de guidage automatisé, répondis-je pendant que les battants se refermaient. Comme si on nous invitait à venir.

— Tu es sûre de ton coup ?

— Non. »

L’expérience fut des plus désagréable. Le cube de verre et d’acier virevolta dans tous les sens. Ce fut comme voyager au sein d’une machine à laver. C’est réduit à l’état de compote que nous arrivâmes face aux bureaux des Techno-Sénateurs de Saturne.

Toute en plastique noir, la porte du bureau de Jean-Christophe Rais était entrouverte. Quelqu’un venait juste d’entrer.

« Sens-tu cette odeur ? »

Il régnait dans l’air un bien curieux effluve de circuit grillé, mais aussi un parfum de rose ; donnant un cocktail très étrange.

Ali s’apprêta à sortir son calibre, mais je lui fis comprendre d’un coup de patte que le couloir était certainement truffé de caméras de sécurité.

Sans plus attendre, j’entrouvris la porte qui glissa sur le côté. Sur mes talons était ma partenaire, la main dans le gilet, prête à saisir son arme. Mais elle n’eut pas besoin de s’en servir, car Rais était déjà…

« Cuit ! chuchota ma sapiens en s’approchant sur la pointe des pieds. Sa tête ressemble à un pop-corn, car on lui a même retiré ses implants neuronaux. »

Encore fumant, le crâne du Techno-Sénateur était ouvert dans toute sa longueur : du nez jusqu’aux vertèbres. La paire de pinces chauffées à blanc ayant servi à l’extraction des ajouts métalliques était toujours sur le bureau de marbre brut. Celui-ci avait d’ailleurs aussi été dépossédé du micro-ordinateur.

« J’espère pour lui qu’on lui avait ôté la vie avant les implants », fis-je remarquer en fouillant la pièce.

Cette dernière était faiblement éclairée par le reflet de Phobos apparaissant derrière la seule et unique fenêtre entrebâillée des lieux.

« Vu les impacts qui lui décorent le bide, je pense que oui. »

Mais ce n’étaient pas des balles qui avaient traversé son massif fauteuil de faux cuir pour se perdre dans le cabinet en formica. Il ne restait rien des projectiles, si ce n’est que des traces de brûlures semblables à des lasers.

« Elle sent mauvais cette histoire… maugréai-je.

— Je dirai qu’elle sent le bacon, mais je comprends ce que tu veux dire ! »

Déjà, de lourds bruits de pas mécaniques résonnèrent dans le corridor. Les MK de la sécurité de la Gendarmerie n’allaient pas tarder à nous arrêter en plein flagrant délit.

« Sur quoi donne la fenêtre ? demanda mon humaine en faisant basculer une étagère sur le battant rétractable avant de se rendre compte de la futilité de son geste.

— Le réservoir du Mont Olympe, répondis-je après avoir jeté un coup d’œil à travers le verre sans teint. Mais c’est trop… »

Ali m’avait déjà saisi par la peau du cou et venait de sauter à travers la vitre.

«... haut ! »

Je n’avais pas eu le temps de spécifier que l’eau se trouvait cent mètres plus bas. Ma partenaire maudit son excès de confiance et toute la ville avait dû l’entendre jurer jusqu’à l’impact.

Au contact de l’eau, tout devint noir.

J’étais mort.

« Est-ce que ça va ? » demanda une voix de femme alors que je pensais régurgiter l’équivalent d’un aquarium.

Je sentis de l’eau salée avec un immonde goût de chlore me passer à travers les poumons. Mais en réalité il n’en fut rien. J’étais dans un lit. Indemne.

« Tout dépend si je suis décédé ou pas, répondis-je en inspirant un air filtré au délicat parfum de rose.

— Tu es en vie.

— Ah. Alors, je dirais que mon sentiment est plutôt mitigé ! »

Je pus me redresser difficilement. Ma vision était brouillée, mais je pus discerner Ali, assise sur le lit adjacent. Ses cheveux blonds m’avaient mis la puce à l’oreille. Tout comme son ton exaspéré.

« Tu te plains donc h24…

— H25, commenta ma sauveuse dont les traits commençaient à se dessiner malgré le filtre opaque dû à une possible commotion cérébrale.

— Plait-il ? grommelai-je en essayant de suivre la conversation.

— Une journée dure vingt-cinq heures sur Mars, expliqua la jeune femme en se tournant vers ma grincheuse binôme.

— Tu chipotes, Nora. »

La brume levée, la petite fille timide aux cheveux bruns de mes souvenirs se tenait en face de moi. Bien que des années aient passé depuis la photographie récupérée par Mancéphalius, elle n’avait pas changé d’un pouce malgré sa robe noire qui lui donnait un air plus distingué que ma sauvageonne.

« Nora ? Ali ! m’écriai-je en alternant de l’une à l’autre avant qu’une douleur au cou ne me paralyse. C’est Nora !

— Andouille, me répondit Ali. Je le sais bien. Tu es le seul à être resté dans le coma trois rotations… nous avons eu le temps de célébrer ça dix fois.

— Trois jours ? glapis-je en m’effondrant dans les draps d’un module chirurgical. Où sommes-nous ? Mais plus important, reste-t-il du gâteau ?

— Sur l’Arche ! » intervint Raspoutine qui venait de nous rejoindre avec le médecin de bord insectoïde.

Mon cœur se serra. Je détestais arriver avec un train de retard.

« Qu’est-ce qui s’est passé au Havre Noir ? demandai-je une fois les idées et les souvenirs ordonnés dans ma tête.

— Vous avez failli vous faire prendre par la sécurité gouvernementale, expliqua Nora en se redressant. Heureusement que votre ami le Capitaine Braun est arrivé à ce moment.

— Prendre ?

— Pour le meurtre du Techno-Sénateur, compléta Ali.

— Comment ? Quelqu’un aurait-il voulu nous piéger ?

— Pas vraiment, commenta Ali quand Braun vint s’asseoir à côté de moi pour me tendre une part de fraisier. Simple problème de timing…

— J’étais déjà parti donner l’alerte après l’avoir retrouvé mort, dit Nora. En revenant avec la Gendarmerie, je vous ai vu sauter… et je n’en croyais pas mes yeux !

— Pourquoi était-tu allé dans le bureau de Rais ? demandai-je pendant que Mute prenait mon pouls.

— Je suis une Techno-Procureur avec une identité d’emprunt : Nora DesVergnes. J’avais quelques questions pour Rais mais quelqu’un lui avait déjà régler son compte de façon précipité… »

Nora ? Une Techno-Procureur ?

Comme elle nous l’expliqua, le chemin de la sœur d’Ali n’avait pas été facile. Croyant sa sœur morte sur Titan, elle avait fui vers la ceinture puis finalement rejoint Mars sous une nouvelle identité. Au cœur du gouvernement, son travail était aujourd’hui de nettoyer la Technocratie de la corruption et de ses vices.

« Est-ce pour ça que tu n’as jamais recontacté Ali ? Pour mener tes petites enquêtes au sein de ce nid de scorpions ?  Car nous n'avons pas été les chasseurs de primes les plus discrets de l'univers !»

Ma partenaire me prit ses bras, mais la chatouille sous le menton ne m’enleva aucune frustration.

« Cela en valait-il la peine ? insistai-je, la colère montant en moi.

— Lee… me stoppa mon humaine en caressant mes oreilles plaquées en arrière. C’est bon. Arrête. »

Le regard de Nora perdit de sa flamme. Elle retint un soupir, avant de poursuivre :

« Quand j’ai entendu parler pour la première fois des exploits d’un chat et d’une furie originaires de Titan, je n’arrivai pas à croire que vous étiez en vie… commença la Techno-Procureur, les larmes aux yeux. Je voulais vous contacter, mais…

— Mais ? » insistai-je de nouveau.

Notre sauveuse du Havre serra ses poings, me rappelant Ali après les événements de la Forteresse Rouge. Je me doutai bien ce dont quelqu’un d’aussi déterminé avait pu subir en gravitant autour des hautes sphères.

« Je ne pouvais pas infliger ça à Bambi. Pour cette quête, j’ai dû rejoindre Mars et la Technocratie. M’infiltrer là où personne n’avait pu le faire pendant des années, au plus proche des Célestes.

— Naviguer dans ces eaux-là n'apporte rien de bon, soupira le militaire. Demandez à Rais !

— S’il était mouillé dans la guerre contre la Ligue Séparatiste, c’était inévitable, dit Nora. Quelqu’un vous savait sur ses talons alors il a été salement éliminé. La Technocratie vous connaît déjà très bien ce à quoi vous vous échinez, Capitaine. La seule et unique raison pour laquelle vous êtes en vie est qu’ils vous laissent faire. »

Le gouvernement central jouissait d’une presque totale immunité. Néanmoins, provoquer une guerre aurait dû soulever quelques contestations. Mais si rien n’inquiétait les comploteurs, à quel niveau remontait cette corruption ? Était-elle généralisée jusqu’au Triumvirat ?

« À qui avons-nous affaire pour assassiner un Techno-Sénateur dans son propre bureau en plein jour ? m’inquiétai-je en rejoignant Braun qui écoutait calmement les explications de la sœur d’Ali. Les Sinister Six ? Des nazis ? Ronald Reagan ? »

Le soviet se gaussa avant de poursuivre :

« D'après Caïus et nos indics de Sedna, tout simplement l’une des Méta-Castes les plus influentes de Lunapolis, à savoir l’Awen. L’Awen est la famille contrôlant 70% de l’industrie de l’armement. Profits et influence vont de pair dans cette affaire de guerre montée de toutes pièces. Le plus incroyable reste le silence des autres Méta-Castes ! »

Mon cerveau, bien que doté de facultés félines supérieures, encaissa difficilement ce flux d’informations. Mon regard croisa celui de Nora qui venait de se rendre compte que sa piste vers Rais l'avait menée droit dans une croisade contre Lunapolis.

« La Méta-Caste de l'Awen, hein ? dis-je en me tournant vers ma partenaire. Un club de multimilliardaires centenaires est à l’origine de la guerre entre la Technocratie et la Ligue Séparatiste pour une stupide question de crédits ? »

Ali haussa des épaules face à toute explication plus complexe que le scénario d’un épisode des Snorks.

Mais je pouvais la comprendre. Se mettre à dos la Lune et leurs trafics d’influence passait au second plan. Car elle avait enfin retrouvé sa sœur. D’ailleurs cela n’était-il pas le plus important ?

« L’hégémonie de l’Awen va croissante depuis longtemps, expliqua Braun. La lutte contre leur influence grandissante au sein de la Technocratie est un défi suicidaire. Personne ne s’oppose plus à eux depuis des décennies. Et d’ailleurs, Koviràn, en vous recueillant, l’a payé de sa vie.

— Comment sais-tu tout ça, Braun ?

— J'ai été faire mes devoirs pendant que tu roupillais.

— Quel est le rapport entre l'Awen et Koviràn ? » insistai-je.

Avant que le soviet ne poursuivre, Nora dévisagea Ali. Je compris sans même que le MP ait besoin de l'expliquer.

« Ce sont donc eux. Pour ça aussi ?

— Oui, répondit Ali.

— Immondes pourritures dégénérées », grommelai-je les oreilles en arrières.

Les deux sœurs étaient donc directement liés à l'Awen de la pire façon imaginable. Propager la guerre pour des crédits n’était rien en comparaison de ce qu’ils faisaient aux enfants esclaves.

« Nous voilà donc tous désormais liés par une quête commune ! reprit Braun. En vertu de ta position, la Marine souhaite travailler main dans la main avec toi, Nora. Le Kitty pourrait aussi nous aider.

— En espérant que Nora puisse régler ce petit problème avec l'Alliance et le Techno-Ministère de la Justice, commenta Ali.

— Comment ça ? miaulai-je, enfin calmé.

— Il s’est passé autre chose depuis votre incident au Havre Noir, intervint Nora. Un simple quid pro quo à cause de ces maudites caméras de sécurité…

— Qu'est-ce que tout ça signifie ? poursuivis-je en dévisageant l’instigateur originel de ce désastre, à savoir Raspoutine. Que s'est-il passé ?

— Un cadeau de la Technocratie corrompue, soupira le MP. Ou certainement de l'Awen pour s’être approché de leur précieux actif. Un actif qui aurait pu témoigner de leur implication. »

Enfers ! Ces palabres politiques ne m’intéressaient guère. Ces maudits sapiens allaient-ils me dire de quoi il en retournait ? Quel était ce cadeau ?

« Une prime de C5'000'000 sur nos têtes, conclut Ali. Dingue, non ? »

End of Business...