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Tourisme

Les jours qui suivirent le bal de l’hiver baignaient dans une douce lueur, un bonheur fragile mais profond, tissé de regards complices et de silences partagés. À l’aube, alors que le froid mordait encore les jardins enneigés de l’École Impériale de Mor, Mero et Mandarine émergèrent de leur refuge secret, les joues rougies par la nuit et le vent. La neige crissait sous leurs pas, et l’air portait une promesse de renouveau, comme si l’hiver, dans sa rudesse, leur ouvrait une porte invisible. Mandarine, avec sa grâce indomptable et son éclat sauvage, marchait aux côtés de Mero, ses yeux pétillant d’une curiosité qu’il n’avait jamais vue aussi vive. Ensemble, ils décidèrent de s’aventurer dans la capitale, un monde qui n’était pas qu’un siège de pouvoir, mais une mosaïque vibrante de vie, d’histoire et de mystères.

Leur premier matin s’ouvrit sur une escapade au marché principal, un chaos organisé au cœur de la ville. Les rues s’éveillaient dans un tumulte de voix et de couleurs, les marchands déployant leurs étals comme des trésors pillés aux quatre vents de l’Empire. Des épices aux teintes ocre et safran venues des plaines arides de Vaelorn emplissaient l’air d’une chaleur piquante, tandis que des soies khinésiennes, fluides comme l’eau, scintillaient sous le soleil pâle. Des gemmes de Tempelune, taillées dans la pierre brute des montagnes, capturaient la lumière en éclats irisés, et des fruits tropicaux – mangues dorées, grenades éclatantes – débordaient de paniers tressés. Une odeur saline, souvenir de la mer lointaine, se mêlait au cuir tanné et aux parfums sucrés, un écho des origines maritimes de Mero et Mandarine.

Mandarine s’avança, ses bottes claquant sur les pavés humides, et s’arrêta devant un étal d’étoffes. Ses doigts effleurèrent une soie vert émeraude, son regard s’illuminant d’une curiosité sincère. « Chez moi, dit-elle en riant doucement, les marchés sont plus… désordonnés. On troque du poisson séché contre des lames rouillées. Mais ici ? C’est comme un tableau vivant. » Mero sourit, captivé par sa façon de transformer l’ordinaire en merveille. Il saisit une broche en ambre, sculptée en forme de vague, et la lui tendit impulsivement. « Pour toi, murmura-t-il, un peu de Sel dans cette ville impériale. » Elle l’épingla à sa cape avec un sourire joueur, et ce geste simple scella un pont entre leurs mondes.

Ils déambulèrent parmi les étals, Mandarine s’émerveillant des objets artisanaux – un panier tressé par des mains calleuses, une flûte en bois gravée de runes anciennes. Chaque pièce semblait porter une histoire, un fragment d’un peuple façonné par le temps. Un marchand, un vieil homme au visage buriné, leur tendit une poignée d’épices rares. « Goûtez ça, jeunes gens, lança-t-il avec un clin d’œil. Ça vient des terres brûlées de l’est – un feu dans la bouche ! » Mandarine accepta, ses lèvres s’étirant en une grimace amusée sous la morsure du piment. Mero rit, un son léger qu’il n’avait pas entendu en lui depuis longtemps, et le marché devint plus qu’un lieu de commerce – un théâtre où leurs rires résonnaient, unissant leurs passés dans une harmonie fragile.

Pour échapper à l’agitation, Mero guida Mandarine vers un café discret, blotti dans une ruelle bordée de pierres moussues. Les tables en fer forgé, ornées de coussins aux teintes d’ocre et de bleu, invitaient à la pause. Il commanda un café à l’ancienne, son arôme sombre et corsé emplissant l’air, tandis que Mandarine opta pour un thé aux herbes, une infusion légère qui évoquait les criques de son île natale. Assis près d’une fenêtre encadrée de lierre, ils regardèrent les passants – un scribe pressé, une femme aux bras chargés de fleurs, un enfant courant après un cerf-volant. « Ils portent tous quelque chose, murmura Mandarine, un bout de leur vie dans leurs pas. » Mero hocha la tête, fasciné par sa sensibilité. « Et nous, qu’est-ce qu’on porte ? » demanda-t-il, presque pour lui-même. Elle le fixa, un éclat sérieux dans les yeux. « Toi, ton devoir. Moi, ma liberté. Et maintenant… peut-être un peu l’un de l’autre. » Le silence qui suivit fut plus éloquent que mille mots, un refuge où leurs âmes se frôlaient.

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Le deuxième jour, Mero entraîna Mandarine dans la bibliothèque impériale, un sanctuaire de marbre blanc et de lumière tamisée. Les murs s’élevaient comme des falaises, soutenant des étagères qui ployaient sous des milliers de volumes – parchemins jaunis, livres reliés de cuir, cartes roulées dans des tubes d’ivoire. Des vitraux aux teintes de saphir et de rubis projetaient des éclats dansants sur le sol, tandis qu’une odeur de cire et de papier ancien flottait dans l’air. Le silence régnait, pesant et sacré, brisé seulement par le froissement discret des pages tournées par des érudits penchés sur leurs tables.

Mandarine avança avec une retenue inhabituelle, ses yeux brillant d’une admiration muette. « C’est… immense, souffla-t-elle, comme si parler trop fort risquait de troubler ce temple du savoir. » Mero la guida dans les allées, leurs pas résonnant doucement sur le marbre poli. Ils s’arrêtèrent devant un rayonnage de récits maritimes, et il sortit un atlas ancien, ses pages craquant sous ses doigts. « Regarde, dit-il en pointant une carte de la mer des Deux Jumelles. C’est là que Sel s’est forgé, entre les vagues et les tempêtes. » Elle suivit les lignes du bout des doigts, un sourire naissant. « Et là, répondit-elle en désignant une île au sud, c’est où mon père a défié l’Empire. On raconte encore cette bataille autour des feux. »

Ils s’assirent dans un jardin intérieur, un écrin de verdure niché au cœur de la bibliothèque. Des fontaines murmuraient entre des buissons taillés, et une brise légère agitait les feuilles. Mero lui tendit un livre de contes explorateurs – des hommes et des femmes qui avaient bravé des océans inconnus, défié des monstres marins, découvert des terres perdues. Mandarine feuilleta les pages avec une fascination croissante, ses yeux s’attardant sur une gravure d’un navire perdu dans une tempête. « Chez nous, dit-elle, les livres sont rares. On les garde dans des coffres, comme des trésors volés. Mais ici… c’est une mer de papier. » Mero sentit une chaleur l’envahir devant sa curiosité. « Tu fais vivre ces histoires, murmura-t-il. Moi, je les lisais pour m’échapper. Toi, tu les portes en toi. »

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Elle releva les yeux, un éclat joueur dans le regard. « Tu crois qu’un jour, ils écriront sur nous ? Un prince et une pirate, défiant le monde ? » Mero rit doucement, touché par sa légèreté. « Seulement si on leur donne une bonne histoire, répondit-il. Et je crois qu’on a déjà commencé. » Leur échange se transforma en une danse d’idées, mêlant leurs racines – Sel avec ses ports tranquilles, les îles pirates avec leurs vagues indomptées. Dans cet espace hors du temps, leur lien s’approfondit, porté par des mots et des silences qui parlaient d’un avenir incertain mais partagé.

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Le troisième jour, Mero dévoila ses jardins secrets, des refuges cachés entre les vieilles bâtisses de la capitale. Loin des parcs ostentatoires, ces enclaves respiraient une liberté sauvage – des fleurs aux pétales pourpres et dorés poussaient en désordre, des buissons taillés en dragons ou en phénix s’élevaient comme des gardiens silencieux. Des fontaines discrètes chantaient dans l’ombre, leur murmure se mêlant à l’odeur humide de la terre et au parfum sucré des jasmins d’hiver. Pour Mero, ces lieux étaient une échappée, un sanctuaire où il pouvait déposer le poids de son rang.

Mandarine s’arrêta devant une fleur rare, ses doigts effleurant ses pétales avec une tendresse inattendue. « C’est vivant ici, murmura-t-elle, comme si la nature avait gagné une bataille contre la pierre. » Ils avancèrent en silence, leurs pas foulant un tapis de mousse, jusqu’à un banc de pierre masqué par des lianes. Ils s’y assirent, et le monde s’effaça dans un calme presque irréel. Le vent jouait dans ses cheveux sombres, et Mero sentit une paix rare l’envahir. « J’aime cet endroit, avoua-t-il, la voix basse. Pas de cour, pas d’intrigues – juste nous. »

Elle tourna la tête, ses yeux brillant d’une lueur douce. « Moi aussi, répondit-elle. Ça me rappelle les criques de mon île – cachées, sauvages, à l’abri de tout. » Un silence complice s’installa, ponctué par le clapotis de l’eau. Mero osa poser une main sur la sienne, ses doigts tremblant légèrement. « Tu sais, dit-il, au début, je ne voulais pas de toi – de ces fiançailles. Ton père m’a forcé la main, et je l’ai haï pour ça. Mais maintenant… je ne vois plus ma vie sans toi. » Mandarine serra sa main, un sourire tendre adoucissant ses traits. « Moi, je t’ai choisi, murmura-t-elle. Et toi, tu m’as fait changer d’avis sur ce que choisir veut dire. »

Leurs regards se croisèrent, et une vérité silencieuse passa entre eux – un amour né d’un défi, d’une contrainte devenue désir. « On est différents, souffla-t-elle, mais ici, ça n’a pas d’importance. » Mero hocha la tête, ému par sa vulnérabilité. « Peut-être qu’on est faits pour ça – être différents, ensemble. » Sous les lianes, ils restèrent là, leurs mains enlacées, laissant le jardin sceller leur pacte tacite.

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Le quatrième jour, Mero révéla les galeries souterraines, un réseau labyrinthique creusé sous la capitale. Ces tunnels, vestiges des premiers empereurs, abritaient des secrets d’un autre âge – coffres de pièces d’or terni, archives poussiéreuses, fresques délavées de batailles oubliées. La fraîcheur des lieux fit frissonner Mandarine, mais elle avança, ses yeux s’adaptant à la lueur vacillante des chandelles. Les murs parlaient d’un Empire naissant, d’un temps où Sel et les îles pirates étaient des royaumes rivaux, unis par la force et le sang.

Elle s’arrêta devant une fresque, une scène de navires s’affrontant sous un ciel déchiré d’éclairs. « Mon père, murmura-t-elle, il a combattu ici, contre vos flottes. » Mero s’approcha, suivant son regard. « Et Sel était de l’autre côté, répondit-il, nos pêcheurs contre vos pillards. » Leurs doigts tracèrent les contours d’une carte ancienne, reliant leurs terres dans une danse de lignes et de souvenirs. « Tout a changé, souffla-t-elle, et pourtant, on est là. »

Ils s’attardèrent devant un manuscrit, une chronique de l’unification impériale. Mero lui raconta les batailles, les trahisons, les héros qui avaient forgé ce monde. « Regarde, dit-il en pointant une île au nord, c’est là qu’un roi a vendu son peuple pour une couronne. » Mandarine écouta, captivée, puis murmura : « Chez nous, on ne vend pas – on prend. Mais ça finit souvent pareil. » Sa voix portait une gravité qu’il ne lui connaissait pas, et Mero sentit une admiration nouvelle l’envahir. Elle n’était pas qu’une pirate ; elle voyait l’histoire comme un océan, profond et imprévisible.

« C’est incroyable, dit-elle enfin, comment un moment peut tout bouleverser – une guerre, un serment… ou toi et moi. » Mero sourit, touché par sa profondeur. « On écrit notre propre histoire maintenant, répondit-il. Et je veux qu’elle soit belle. » Leurs échanges devinrent un pont entre leurs passés, une toile où leurs racines s’entremêlaient, renforçant un lien qui allait au-delà des mots.

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Au crépuscule, ils errèrent dans les rues baignées d’une lumière dorée. La capitale se parait d’une douceur fugace, ses murailles s’adoucissant sous le soleil déclinant. Sur un pont étroit enjambant une rivière paisible, ils s’arrêtèrent, le vent caressant leurs visages. Mandarine se tourna vers lui, ses yeux brillant d’émotion. « Tu m’as montré une ville vivante, murmura-t-elle. Pas juste un trône, mais… un cœur qui respire. »

Mero passa un bras autour d’elle, sa chaleur contrastant avec l’air frais. « Je voulais que tu voies ce que j’aime ici, répondit-il, pas les titres, mais les petits riens – un marché, un jardin, une histoire. » Ils s’assirent au bord de l’eau, leurs pieds frôlant la surface glacée, les reflets dansant comme des flammes. Mandarine sembla s’alourdir, non de fatigue, mais d’une émotion brute. « Je ne pensais pas que ça me toucherait autant, avoua-t-elle, la voix tremblante. Cette ville, toi… ça m’apaise, d’une façon que je ne connais pas. »

Il resserra son étreinte, son cœur battant plus fort. « Parfois, dit-il doucement, il suffit d’un regard nouveau pour tout redécouvrir. Tu m’as appris ça – toi, avec tes vagues et ton feu. » Elle posa sa tête contre son épaule, un sourire fragile éclairant son visage. « Alors on se transforme l’un l’autre, murmura-t-elle, et c’est peut-être ça, notre force. » Le vent emporta ses mots, mais ils restèrent gravés dans l’âme de Mero.

Sous ce ciel crépusculaire, ils n’étaient plus un prince et une pirate, ni un fiancé contraint et celle qui l’avait choisi. Ils étaient deux cœurs trouvant leur écho, unis par une ville qui leur offrait un miroir – un reflet de leur amour naissant, complexe et indomptable, prêt à défier les tempêtes à venir.