Quand Mero ouvre les yeux, une lumière blafarde l’éblouit. Le ciel semble ne plus exister, et tout autour de lui n’est que pierre humide et atmosphère oppressante. Les murs, recouverts d’une mousse noire et luisante, donnent à l’endroit l’apparence d’une ancienne salle oubliée dans les entrailles d’une montagne. La lumière qui s’y faufile est faible, rasant les murs sans parvenir à dissiper l’ombre qui semble être à la fois un allié et un adversaire dans cette pièce morne. L’air est glacial, chargé d’une humidité qui colle à la peau, et un parfum de sel et de mer flotte dans la pièce, comme un rappel lointain de ce qu’il a laissé derrière lui. Mais cela ne le rassure pas. Quelque chose cloche. Quelque chose d’inquiétant, comme une partie de son esprit qui refuse de comprendre.
Il se sent lourd. Un poids sur ses épaules, dans son esprit. Comme si tout ce qu’il avait vécu jusque-là l’avait suivi jusque dans cet endroit sinistre. Les souvenirs remontent par fragments, fuyant son contrôle : les vagues, l’odeur du sel, les visages flous d’amis, les éclats de voix, les rires. Puis une soudaineté, comme un fil invisible qui se coupe, le propulsant dans l’inconnu. Il ne sait pas comment il est arrivé ici, et une question le hante : pourquoi ?
Il tente de se lever. Ses muscles protestent, douloureux, engourdis, comme s’il avait été frappé par des vagues successives, submergé, secoué. Tout son corps semble en compote, comme écrasé par un poids invisible. Il se redresse lentement, un bras appuyé contre le sol froid pour éviter de tomber. Chaque mouvement est une épreuve. Il regarde autour de lui, scrutant la pièce d’un regard brisé.
Les murs sont froids, les pierres humides un reflet sinistre de la réalité. La porte est en bois brut, solide, mais verrouillée. Impossible d’ouvrir. Aucune fenêtre assez grande pour échapper. Où est-il ? Pourquoi est-il là ? Le flot de questions est ininterrompu, mais il n’y a pas de réponses. Rien que l’écho de ses pensées dans l’air épais de la pièce.
Il fait quelques pas, chaque mouvement mesuré, évitant de trop agiter l’air pour ne pas réveiller les fantômes qui semblent l’entourer. Un bruit. Un léger frottement dans l’ombre. Le cœur de Mero s’arrête un instant, le souffle se coupe. Un rire. Gras. Profond. Moqueur. Ce rire fait écho dans la pièce, se faufilant dans les recoins sombres, presque carnivore. Il n’est pas seul. Il n’a jamais été seul.
Mero se fige, figé dans l’instant, dans la peur. Ce rire… ce n’est pas un simple éclat de dérision, c’est quelque chose de bien plus sinistre. Quelque chose qu’il reconnaît sans vouloir l’admettre. Le regard de Mero se fixe sur l’ombre qui se découpe dans l’obscurité. Un homme se lève, lentement, une silhouette massive émergeant des ténèbres. Son visage est marqué par des cicatrices profondes, son crâne rasé brillant dans la faible lumière qui perce. Ses dents jaunies par le temps et le tabac scintillent dans le noir, un rictus savoureux flottant sur ses lèvres. Il s’approche, comme un prédateur savourant l’angoisse de sa proie.
— Alors, voilà donc le "petit prince" dont tout le monde parle, marmonne l’homme, sa voix rauque résonnant dans l’air lourd de la pièce.
Mero serre les poings. Son cœur frappe ses côtes, un tambour battant la mesure de sa panique grandissante. Il veut parler, mais sa gorge est serrée. Il parvient à répondre malgré la peur qui déforme chaque mot :
— Qui êtes-vous ? demande-t-il, sa voix étranglée, mais pleine de défi.
L’homme éclate d’un rire gras, une explosion de moquerie qui fait vibrer l’air autour de lui. C’est un rire délibéré, implacable.
— Oh, moi ? Juste un humble serviteur du destin… Ou peut-être simplement un homme qui sait reconnaître une opportunité quand il la voit. On m’appelle le Serpent.
Il se redresse lentement, chaque mouvement calculé, mesuré. Mero est acculé contre le mur froid, l’ombre du monstre se projetant sur lui comme une toile de fond macabre. L’homme est grand, bien plus grand que Mero. Il fait au moins une tête de plus que lui, et ses bras sont aussi épais que des cordages de navire. Une force brute, une montagne humaine prête à écraser tout sur son passage.
— Ton nom circule bien plus vite que toi, gamin, continue l’homme avec une violence à peine contenue. Entre les pirates, les marchands, et même… d’autres personnes bien placées. T’es un enjeu, un pari, une marchandise de valeur.
Les mots tombent sur Mero comme des pierres lourdes, mais il ne fléchit pas. Son esprit bourdonne d’incompréhension. Ce n’est pas un hasard. Il a été pris pour une raison. Mais pourquoi ? Qui veut sa tête ?
Son regard tombe sur le poignet de l’homme. Un tatouage. Un serpent, noir, sinueux, se déroulant autour de son poignet. Mero se fige. Le serpent. Le symbole. Ce symbole… Mandarine lui en avait parlé. Elle lui avait donné une mise en garde. Le Serpent.
La terreur monte en lui, froide et glacée. C’est lui. L’homme qu’il redoutait, celui dont il savait qu’il finirait par croiser la route. La pièce s’assombrit davantage, et Mero sent un frisson glacial parcourir son échine.
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L’homme remarque son regard fixé sur son poignet, et un sourire carnassier se dessine sur ses lèvres.
— Ah… on t’a parlé de moi, on dirait. Intéressant.
Il s’approche encore, chaque pas résonnant dans la pièce comme un coup de marteau. Mero recule instinctivement, mais il n’a nulle part où fuir. Le mur de pierre est tout contre lui. Ses muscles sont tendus, prêts à réagir, mais il sait qu’il est dans une position de faiblesse. Pas d’issue immédiate. Tout est une question de minutage.
— Si on t’a dit de te méfier, c’est que je suis quelqu’un d’important, non ? ajoute l’homme en se penchant légèrement, l’air amusé par la terreur qu’il voit dans les yeux de Mero.
Ce dernier se redresse, se forçant à garder son calme, mais une vague de colère sourde le traverse. Ses poings se serrent. Ce n’est pas le moment de céder à la peur. Il doit agir. Mais comment ?
— Qu’est-ce que vous voulez ? articule Mero, la voix plus ferme cette fois.
L’homme s’arrête juste devant lui, imposant, énorme. Il pose une main sur la caisse en bois près de lui, ses doigts larges se refermant sur le bois avec un bruit sourd. Il se redresse lentement, et son regard se fait encore plus glacial.
— Moi ? Rien de personnel, petit prince. Mais il y a des gens qui veulent te voir… Et moi, je suis juste là pour livrer le colis.
Les mots de l’homme résonnent dans sa tête comme un coup de marteau. « Livrer le colis ». Quelqu’un l’a vendu. Ou pire. Quelqu’un l’attend. Mero se crispe. L’homme le tient dans ses griffes invisibles. Le piège s’est refermé sur lui. Mais il n’est pas fini. Pas encore.
L’homme se détourne lentement, sa voix traînant sur les mots qu’il prononce.
— Prépare-toi. La mer est grande, mais elle est pleine de prédateurs.
L’homme se dirige vers la porte en bois renforcée. Il ouvre la porte. Mero prend son souffle, son cœur battant à toute allure. C’est maintenant ou jamais. Il doit agir. Il doit fuir.
Ses jambes se tendent, son corps tout entier prêt à réagir. Il s’élance vers l’homme, une impulsion furieuse. Dans un cri silencieux, il lance son épaule contre l’homme avec une force qui le surprend lui-même. L’impact est brutal. L’homme vacille en arrière, surpris, mais il garde prise sur la porte.
Mero se baisse rapidement, l’évitant de justesse, et utilise son poids pour lui asséner un coup de coude dans les côtes. Un grognement de douleur. C’est tout ce qu’il obtient avant de fuir. La porte est ouverte. L’opportunité est là.
Il sprinte dans le couloir étroit, sa respiration rauque, sa vision embrouillée par l’adrénaline. Derrière lui, des bruits lourds, des voix qui crient, des ordres. L’homme au ta tatouage de Serpent ne va pas le laisser partir si facilement.
Le couloir dans lequel Mero court est étroit, presque oppressant. L’air y est lourd, chargé de l’odeur moite de la pierre et de la sueur. Quelques torches, vacillant dans l’obscurité, jettent une lumière incertaine, créant des ombres dansantes sur les murs de pierre. Chaque pas qu’il fait résonne dans l’espace clos, amplifiant l’écho du danger qui le poursuit. Où est-il ? Une forteresse ? Une prison ? Une cale nauséabonde ? Il ne le sait plus. Les pensées tourbillonnent dans son esprit embrouillé, mais une chose est sûre : il doit sortir de là, et vite.
Le couloir semble interminable. Les torches brûlent faiblement contre les murs de pierre, projetant des ombres géantes. À l’angle du couloir, une intersection. À gauche, des escaliers en colimaçon montent vers une lumière tamisée, promettant une sortie possible. À droite, un passage plonge dans l’ombre. Une issue secrète ? Ou un piège ? Le temps presse. Le choix ne demande pas de réflexion.
Il fonce à gauche, ses pieds martelant les marches de pierre, une marche après l’autre, ses jambes brûlantes d’effort. Le bruit de ses pas se mêle aux hurlements du Serpent, qui éclate dans un cri de rage :
— Attrapez-le, bande d’idiots !
Les mots dévalent les escaliers, se répercutent contre les murs, et Mero sait que le temps lui est compté. Derrière lui, des voix grondent, une cacophonie de menaces et de bruits de pas lourds. D’autres hommes ? Peut-être. L’un d’eux est plus proche, le Serpent lui-même, qui hurlait l’ordre, sans doute. Ses yeux, fixés sur l’escalier montant, calculent ses options.
S’il continue en haut… Le Serpent et ses hommes l’attendent. S’il fait demi-tour… Il se retrouve face à un piège déjà tendu. L’étreinte de l’obscurité se fait plus serrée, plus inéluctable.
Mais alors, un souffle d’air frais effleure son visage. L’odeur de la mer. Une promesse d’évasion. La sortie. Il n’y a pas de temps à perdre.
Il reprend sa course. Ses jambes battent l’air avec l’agilité de l’urgence. Il doit sortir d’ici, rejoindre son bateau, cette ligne de vie, avant que le piège ne se referme. La mer est son salut. Une bouée de sauvetage flottant au-delà des murs de pierre et des griffes du Serpent. S’il la trouve, tout ne sera pas perdu. Pas encore.
Les escaliers ne finissent plus. Ils semblent s’étirer sous ses pas, mais ses muscles sont déjà épuisés, la douleur lance une plainte sourde à chaque pas qu’il fait. La lumière au sommet l’éblouit presque. Une lueur d’espoir. Il pousse de toutes ses forces, le sommet est tout proche, mais une pensée le traverse soudainement : Et si ce n’était pas la sortie ? Et si ce n’était qu’un autre piège ?
À ce moment-là, il aperçoit la fenêtre. Une issue possible. Une bouffée d’air pur s’infiltre dans ses poumons à l’idée de sauter. Ses pensées se précipitent, chaque option se bouscule dans sa tête. Il le faut. Il peut encore s’en sortir.
Malgré l’agitation, malgré la douleur qui commence à peser sur ses membres, il ne ralentit pas. Il n’a pas d’autre choix. Il faut qu’il prenne le risque.
Mero se précipite vers la fenêtre. Il voit les barreaux, trop solides pour être brisés, mais la fenêtre… un espace étroit. Un mince espoir. Il attrape le rebord, se hissant à toute vitesse, son cœur battant dans sa gorge. Il jette un regard en bas, la chute est vertigineuse : au moins trois mètres. Le sol est pavé, mais il y a… une charrette. Une charrette remplie de sacs de grain. C’est le seul moyen. Il doit sauter.
Derrière lui, les pas résonnent dans l’escalier. Trop proches. Trop tard pour faire demi-tour. Les hommes du Serpent sont là, et il n’y a plus de retour possible.
Mero prend une grande inspiration. Un dernier regard en arrière, il s’élance, fermant les yeux un instant avant que son corps ne se laisse tomber dans le vide. Le vent hurle dans ses oreilles alors qu’il descend, se précipitant vers le sol.
Il percute les sacs de grain avec un cri de douleur. L’impact est brutal, mais les sacs amortissent sa chute, éclatant sous son poids. Un nuage de farine s’élève, l’étouffant presque, mais il serre les dents, prêt à repartir. Il tousse, secoué, sa poitrine brûlante de l’effort. Il est vivant. Mais pour combien de temps ?
Le cri du Serpent déchire l’air, à la fenêtre. Ses yeux sombres, remplis de colère, cherchent Mero. Il n’est pas seul. Il y a deux autres hommes derrière lui, qui scrutent la ruelle, cherchant leur proie. Mais Mero ne leur laissera pas le temps de l’attraper.
Sans perdre une seconde, il roule hors de la charrette, esquivant les sacs qui sont tombés à ses pieds. Il se glisse dans une ruelle étroite, respirant profondément l’air frais. Son cœur bat à toute vitesse, martelant ses tempes, et l’adrénaline file dans ses veines. Mais il sait qu’il n’a pas le temps de se reposer. Il doit disparaître avant que les hommes du Serpent ne le retrouvent.
Le vent s’engouffre dans la ruelle, balayant les débris du sol. Mero scrute les environs, cherchant une issue, une porte, un coin où se cacher. La ruelle est déserte, les bâtiments qui la bordent sont hauts et sombres. Chaque pas résonne comme un avertissement. Une lumière vacille au bout de la ruelle. Une sortie ? Ou un piège ? Il n’a pas le luxe de réfléchir.