Le port de Sel était baigné dans une lumière douce du matin, un soleil pâle se levant derrière les montagnes couvertes de brume. Mero, le jeune prince de ce royaume insulaire, se tenait sur le quai, les pieds fermement ancrés dans le sable. Le vent marin soufflait dans ses cheveux noirs, et l'odeur salée de la mer se mêlait à l’air frais. C’était son dernier matin dans son royaume, sur sa terre natale.
À ses côtés se tenait sa nourrice, Leila. Elle restait silencieuse, mais son regard sur Mero ne laissait aucun doute sur la gravité du moment. Elle avait été à ses côtés depuis sa naissance, un pilier discret mais inébranlable dans sa vie. Les petites îles qu’ils avaient laissées derrière eux étaient déjà en vue, une dernière fois. Elles se perdaient peu à peu dans l’horizon, une brume douce engloutissant leurs formes arrondies.
Mero tourna la tête et aperçut le grand vaisseau qui l’emmènerait à l’Empire Dauph. Le navire, un trois-mâts imposant, semblait bien plus grand et plus menaçant que tout ce qu’il avait vu dans sa vie d’insulaire. Il se redressa, le regard fuyant, ne voulant pas paraître trop vulnérable, même si une boule se formait dans son ventre.
"Votre Altesse, le vaisseau vous attend," dit Leila d’une voix ferme, mais respectueuse. "Il est temps."
Mero hocha la tête sans répondre. Son regard se porta sur l'homme qui l'accompagnait, un membre lointain de la famille royale. Il n’avait jamais vraiment fait connaissance avec ce tuteur, que ses parents lui avaient désigné. Mero l’avait vu à de rares occasions lors des grandes célébrations familiales, mais jamais assez longtemps pour ressentir une véritable connexion. Il était grand, avec des traits rigides, un air distant, comme si son esprit appartenait à un autre monde. Il n’était pas insensible aux regards scrutateurs des autres nobles, qui avaient toujours attendu de lui qu’il soit plus qu’un simple enfant, mais il restait distant et presque froid.
"Vous êtes prêt, Votre Altesse ?" demanda l’homme d’une voix monotone.
Mero se tourna vers lui, le visage grave. "Oui. Mais... le voyage sera long, n’est-ce pas ?" Le doute perça dans sa voix, malgré ses efforts pour rester calme.
Le tuteur afficha un léger sourire, mais ce fut un sourire réservé, presque sans émotion. "Long, effectivement. Le voyage prendra plusieurs semaines, mais vous vous y habituerez. Vous devez voir au-delà des côtes familières et des îles. L’empire est vaste, et l’avenir vous attend."
"Je ne sais pas si je suis prêt pour ça," murmura Mero, son regard se perdant une dernière fois dans les îles familières de Sel.
"Votre père et votre grand-père ont choisi cette voie, Votre Altesse. C’est une route que vous devez suivre, à présent," répondit Leila, sans une once de sentiment excessif dans la voix, mais ses mots étaient là pour rappeler la responsabilité qui pesait sur ses épaules. "Votre destin vous attend."
Les derniers mots de sa nourrice frappèrent Mero comme un éclair. Il tourna la tête et s’avança vers le navire. La mer devant lui, calme et vaste, semblait l’appeler. Chaque vague qui venait se briser contre le côté du quai était un rappel brutal qu’il quittait tout ce qu’il connaissait.
Le grand vaisseau, sombre et imposant, attendait son départ. Il aurait aimé se retourner une dernière fois, courir sur les plages, sentir l'odeur de la terre, mais il savait que ce n’était pas possible. Il devait faire face à ce qui l’attendait. L’Empire était une inconnue, mais tout ce qu’il connaissait désormais le poussait à y aller. Pour sa famille, pour le royaume de Sel. Un héritage, un devoir.
En montant à bord du navire, Mero sentit un frisson de peur et d'excitation parcourir son corps. L’aventure qui l’attendait ne ferait que commencer.
Le matin se leva sur une mer calme, presque immobile, comme si le monde lui-même hésitait à s'engager dans le voyage qui attendait Mero. Le Vent du Sud glissait silencieusement sur les vagues, dont le bleu profond semblait se confondre avec le ciel au loin, sans frontières claires entre l'horizon et l'infini. Le vent était léger, un souffle doux qui portait à peine les voiles, et le navire avançait à une vitesse lente.
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Mero se réveilla dans sa cabine étroite, baignée de lumière tamisée par les rideaux de toile. Le ciel, encore frais, laissait entrevoir les premières lueurs de la journée. La mer était calme, mais l'étrange sensation de vide autour de lui, ce grand espace sans fin, ne manquait pas de l'angoisser un peu. Il n'était plus sur ses îles familières, ni dans les rues animées de son royaume. Ici, tout semblait si vaste, si éloigné de ce qu'il avait connu.
La nourrice entra dans la pièce en douceur, comme elle le faisait chaque matin. Ses gestes étaient mesurés, et son regard portait toujours la même douceur, mais Mero savait que derrière cette douceur se cachait une forme de discipline imposée par la coutume.
"Majesté," murmura-t-elle avec son accent léger, mais ferme. "Le petit déjeuner est prêt. Vous devez vous préparer."
Il acquiesça d'un mouvement de tête, se levant lentement. La pièce était petite, mais le lit était confortable et les affaires soigneusement disposées. Mero s'habilla en silence, ses pensées flottant sur le vide bleu de l'extérieur. Cette mer, cet océan immense, le faisait se sentir tout petit, et un léger frisson de nervosité lui parcourut la nuque.
Après s’être habillé, il rejoignit la table près de la fenêtre. Leila lui servit un thé chaud et un peu de pain frais. Les voix de l’équipage pouvaient être entendues au loin, leurs appels rythmant le matin avec une sorte de langueur familière.
Le petit déjeuner était simple mais suffisant. Il y avait des fruits frais – une rareté sur ce voyage – et un peu de fromage, mais Mero n’avait pas faim. Il préférait se concentrer sur la vue. Au loin, l’horizon semblait encore inchangé. Il se leva, se dirigea vers le pont et s’appuya contre la rambarde.
La mer était d’un bleu presque irréel. Aucun bateau à la vue, aucun signe de vie, juste le cri d’un oiseau solitaire dans le ciel. La brise marine effleurait son visage, mais il n’arrivait pas à se défaire de ce sentiment de solitude.
Ses yeux se tournèrent vers l’équipage. À quelques mètres, le cuisinier Baran épluchait des légumes en discutant avec un autre marin. Mero n’avait pas encore vraiment pris le temps de leur parler, mais il savait que ces hommes avaient leur propre histoire. Chacun d’eux était une mer d'histoires cachées, des mondes qu'il n'avait pas encore découverts.
Il s'avança doucement vers eux. Baran, qui l’avait vu approcher, esquissa un sourire.
"Majesté, je suppose que vous êtes encore en train de vous faire à l’immensité de cet océan." Il parlait avec un ton détendu, sans respect excessif, mais aussi sans arrogance. Mero nota l’accent étrange de Baran, un mélange de plusieurs régions maritimes, de lointaines côtes qui se perdaient dans la mémoire.
"Oui," répondit Mero, son regard se perdant encore sur l’eau, "c’est vaste, bien plus que ce que je pensais."
Baran hocha la tête, visiblement amusé par la réflexion du jeune prince.
"Tu verras, le plus dur, c’est la première semaine. Après, tu commencerais à voir des choses dans cette mer. Tu verras, il y a des vagues invisibles qui te portent."
Mero n’avait pas tout à fait compris ce que Baran voulait dire, mais il se contenta de sourire légèrement, un sourire discret qu’il espérait suffisant. Baran lui tapota l’épaule avec une amitié qu’il n’avait pas demandée, mais qui était néanmoins réconfortante.
"Tu es jeune, mais tu apprendras vite," ajouta Baran, avant de revenir à ses légumes.
Mero se tourna alors vers un autre membre de l’équipage, un homme un peu plus âgé, portant une chemise rouge et des bras pleins de tatouages de différents symboles maritimes. Il se trouvait près des cordages, observant la mer avec une intensité qui fit écho à la solitude de Mero.
"Vous semblez connaître la mer mieux que quiconque," osa Mero, se sentant un peu ridicule de ne pas avoir abordé les membres de l'équipage plus tôt. "Vous n’avez jamais eu peur de cet océan sans fin ?"
L'homme tourna son regard vers lui, un sourire presque imperceptible jouant sur ses lèvres.
"Non, prince. La mer, elle te prend ou elle te laisse. Si tu as peur, elle te mange. Mais si tu la comprends, alors elle te donne."
Mero resta silencieux, pensant à ces paroles. Il se sentait plus proche de cet homme de la mer que de beaucoup d'autres qu’il avait rencontrés dans son royaume. Ces gens, même sans paroles franches, semblaient connaître des vérités profondes sur la vie, des vérités que Mero n’avait pas encore appréhendées.
Quand la journée avança, le soleil commença à s’incliner vers l'horizon. Mero, fatigué de ses réflexions solitaires, se dirigea vers sa cabine, mais pas avant de jeter un dernier regard vers l'horizon. Le vent était plus fort maintenant, et les vagues plus prononcées, comme si la mer elle-même réagissait à sa présence.
Ce n’était qu’un premier jour en mer, mais pour Mero, c’était déjà un monde nouveau, un monde qu’il aurait à apprivoiser, comme le ferait un marin avec son vaisseau. Il s’endormit ce soir-là avec le bruit des vagues, mais aussi, pour la première fois, avec un sentiment d'attente, une curiosité qui se mêlait à son angoisse.