Demain soir, le bal de l’hiver illuminerait l’École Impériale de Mor, un événement fastueux célébrant la fondation de l’Empire. Les couloirs bourdonnaient déjà d’excitation, chaque recoin vibrant d’anticipation. Les étudiants, futurs princes et nobles, s’affairaient dans une frénésie de préparatifs : robes scintillantes, costumes impeccables, murmures sur les partenaires de danse. Mais pour Mero, second prince de Sel, cette effervescence se teintait d’une mélancolie sourde, comme un brouillard marin roulant sur ses côtes natales.
Depuis des jours, il avait tenté sa chance, lançant des invitations avec une sincérité maladroite. Il rêvait de partager une danse, de s’ancrer dans cette nuit mémorable aux côtés de ses pairs. Pourtant, chaque réponse avait été un refus – des excuses floues, des sourires gênés qui le laissaient perplexe. Était-ce sa réserve naturelle, si éloignée de l’éclat attendu à la cour impériale ? Ou bien son titre, un héritage royal qui intimidait plus qu’il n’attirait ? Peut-être voyaient-ils en lui un pion politique plutôt qu’un garçon de dix-sept ans cherchant simplement à appartenir à ce monde.
Le bal de l’hiver n’était pas qu’une fête. Sous les lustres dorés et les tentures cramoisies, il cachait un théâtre d’intrigues subtiles. Chaque révérence, chaque regard masquait une stratégie : alliances à nouer, réputations à polir. Dans ce ballet de pouvoir, Mero se sentait à la dérive, un spectateur exclu malgré son rang. Il observait les autres s’avancer, confiants, leurs partenaires à leurs bras, tandis que lui restait en retrait, un prince dont la couronne semblait repousser plutôt que rassembler.
Le soir venu, la réalité le frappa de plein fouet. La grande salle s’ouvrait devant lui, éclatante de lumière et de mouvement. Les invités franchissaient les portes par paires, leurs tenues impeccables scintillant sous les chandeliers. Mero, lui, les traversa seul. Le parquet luisant reflétait son ombre solitaire, et les murmures de l’assemblée lui parurent soudain étouffés, comme s’ils soulignaient son isolement. Il avait toujours cru que sa noblesse, son charme discret lui ouvriraient des portes. Mais ici, dans ce palais somptueux, il n’était qu’un intrus, un prince sans écho.
Assis dans un salon annexe, il regardait les danses s’enchaîner, gracieuses et fluides. Chaque couple tournoyant sous les lumières ravivait son sentiment d’abandon. Était-ce son rôle à jouer dans ce grand théâtre – l’exclu, le noble oublié malgré son sang royal ? À Sel, on le connaissait pour sa droiture, son sourire timide qui gagnait les cœurs. Mais ici, à Mor, il se demandait si cette retenue, ce refus de jouer les jeux de la cour, le condamnait à rester à l’écart. Peut-être ce rejet était-il une chance, un appel à tracer son propre chemin, loin des masques et des faux-semblants.
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Alors que la nuit s’épaississait et que les rires emplissaient la salle, un événement inattendu brisa sa solitude. Égaré dans un corridor sombre, loin du tumulte, Mero sentit une main effleurer la sienne. Une main gantée de soie verte, à la fois douce et assurée, qui le fit sursauter. Il leva les yeux et la vit – une silhouette énigmatique, surgie comme un rêve au milieu de sa mélancolie.
Elle portait un masque finement ciselé, évoquant les ailes d’un faucon nocturne, ses plumes métalliques captant la faible lumière des torches. Sa robe, d’un vert éclatant, tailladée d’audace, tranchait avec la sobriété impériale. C’était une étoffe étrangère, fluide comme l’océan, qui épousait ses formes avec une liberté défiant les conventions. Le cœur de Mero s’emballa. « Mandarine ? » murmura-t-il, la voix tremblante d’incrédulité.
Elle inclina légèrement la tête, un sourire audacieux se dessinant derrière son masque. « Je ne laisserai personne d’autre danser avec toi, » répondit-elle, sa voix basse mais ferme, teintée d’une possessivité qui le fit frissonner. Ces mots, tendres et impérieux, suspendirent le temps. Un éclat de joie traversa Mero, mêlé d’une surprise qui lui coupa le souffle. Mandarine – la fille du seigneur pirate, celle qui l’avait forcé à ces fiançailles – venait de renverser son monde une fois encore.
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Elle ne se contentait pas de briser son isolement ; elle s’imposait, souveraine et indomptable. Sa présence éclipsait les regards furtifs des autres prétendantes, ses pas assurés défiant leurs espoirs silencieux. Derrière son masque, ses yeux brillaient d’une promesse farouche, comme si elle savait que ce moment allait tout changer – pas seulement pour eux, mais pour l’équilibre fragile de cette cour impériale.
Mero la dévisagea, captivé par sa tenue, son allure. Elle a traversé les mers pour moi, pensa-t-il, le cœur serré. Son père a plié des royaumes pour sceller notre lien. La repousser serait trahir plus que mon devoir – ce serait trahir ce que je ressens. Car il l’aimait, il le savait maintenant. Ce n’était plus juste un arrangement imposé ; c’était un feu qui grandissait en lui, nourri par son audace et sa force.
Sans un mot de plus, Mandarine prit son bras et l’entraîna vers la salle de bal. Les portes s’ouvrirent sur eux, et un silence fugace précéda un murmure qui ondula dans l’assemblée. Tous les regards convergèrent – le prince solitaire et la fille des pirates, un duo aussi improbable qu’éblouissant. Les tentures rouges, les dorures, les flammes dansantes des chandeliers semblaient s’incliner devant leur entrée. Mandarine avançait, altière, son masque et sa robe verte défiant l’ordre établi, tandis que Mero, à ses côtés, oscillait entre fierté et vertige.
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L’orchestre marqua une pause, comme pour saluer leur arrivée, puis entama une mélodie envoûtante. Mandarine guida Mero sur le parquet, leurs premiers pas fluides, presque instinctifs. La foule s’écarta, laissant place à leur danse – un ballet où chaque mouvement portait une signification profonde. Pour Mero, le monde s’effaça ; il n’y avait plus que Mandarine, son regard perçant, la chaleur de sa main dans la sienne.
Leur chorégraphie était une déclaration silencieuse, un défi aux conventions et aux intrigues qui les entouraient. Les autres danseurs continuaient leur ronde, mais Mero n’en avait cure. Il se pencha vers elle, poussé par une impulsion sincère. « As-tu reçu mes peintures ? » murmura-t-il, la voix teintée d’espoir.
Mandarine tourna la tête, ses yeux brillant d’un éclat complice derrière son masque. Un sourire discret éclaira ses lèvres. « Oui, je les ai reçues, souffla-t-elle, sa voix comme une caresse. Elles sont magnifiques – ces mers infinies, ces montagnes… Ton monde, Mero. » Elle marqua une pause, puis ajouta, plus bas : « Grâce à toi, je le vois autrement. Et… ça me touche. »
Ces mots le bouleversèrent. Elle comprenait ses terres, son âme, d’une manière qu’il n’aurait jamais osé espérer. Leur danse se poursuivit, chaque pas renforçant ce lien naissant, un fil ténu tissé d’amour et de respect. Mais sous cette harmonie, une tension vibrait – celle d’un désir qu’ils retenaient, d’un avenir qu’ils savaient incertain.
Quand la musique s’éteignit, Mandarine ne lâcha pas sa main. Elle l’entraîna hors de la salle, vers les jardins enneigés. Sous un ciel étoilé, la neige crissait sous leurs pas, l’air glacé contrastant avec la chaleur de leur proximité. Ils s’arrêtèrent dans une alcôve secrète, à l’abri des regards, où la lune jetait une lueur pâle sur leurs visages.
Là, loin des masques de la cour, ils s’enlacèrent. Ce fut une danse nouvelle, plus intime – des baisers tendres, des souffles mêlés, une étreinte qui parlait plus fort que les mots. La neige murmurait autour d’eux, le parfum salé de Mandarine – un mélange d’océan et de liberté – emplissant l’air. Mero sentit son cœur s’apaiser dans cette étreinte, comme un navire trouvant enfin son port.
Elle murmura alors, presque à contrecœur : « Les négociations avec l’Empire… elles ont pris trop de temps. J’ai eu peur de ne pas arriver à temps pour toi. » Sa voix trembla légèrement, dévoilant une vulnérabilité rare. Mero resserra son étreinte, ému par cet aveu. Elle avait bravé mers et intrigues pour lui, et lui, il avait fini par l’aimer pour cela – pour son courage, sa fougue, sa présence indomptable.
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Ils restèrent là, enlacés sous les étoiles, jusqu’à ce que le froid devienne mordant. Silencieusement, ils regagnèrent l’appartement de Mero, un refuge baigné par la lueur douce des bougies. La pièce, avec ses tapis richement brodés et ses portraits anciens, devint un écrin pour leur intimité naissante. Assis sur un divan de soie, ils se laissèrent aller à des caresses mesurées, des regards qui en disaient plus que des discours.
Leur désir brûlait, palpable dans chaque frôlement, mais une retenue les guidait – une promesse tacite de préserver leur union pour le mariage. Mandarine posa sa tête contre son épaule, sa voix douce brisant le silence. « Mon père a tout risqué pour nous, tu sais. Et moi… je ne pouvais pas te laisser ici seul. » Mero sentit une vague de gratitude l’envahir. Elle était là, pour lui, contre vents et marées.
Les heures s’étirèrent dans une harmonie fragile, ponctuée de baisers retenus et de soupirs étouffés. La lumière vacillante des bougies dansait sur leurs visages, révélant une tendresse brute, une force partagée. Pour Mero, cette nuit n’était pas qu’un bal ou une danse – c’était la naissance d’un amour vrai, d’un lien qui défiait les empires et les mers. Et dans ce cocon de chaleur et de silence, il sut que Mandarine, avec toute son audace, était devenue son ancre dans un monde de tempêtes.