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La visite

Le lendemain, le ciel se couvre de nuages denses, bien que la pluie se fasse attendre. Maître Antonin décide de repartir explorer les environs.

— Le temps semble vouloir rester calme aujourd'hui, observe-t-il en scrutant les hauteurs grisâtres. Nous profiterons de ce répit pour découvrir un peu plus cette île. Il est toujours sage de connaître son environnement, surtout dans un endroit comme celui-ci. On ne sait jamais ce qui peut se cacher derrière un sourire ou un marchandage.

Mero, Antonin et Leila se préparent, prenant cette fois le temps de véritablement explorer la ville et ses alentours. L’air est lourd, chargé de cette humidité qui précède parfois la pluie. Malgré la grisaille, les rues restent animées, vibrant d'une énergie constante.

Les ruelles étroites sont bordées de maisons aux murs couleur terre, parfois ornées de sculptures en bois et d'objets exotiques suspendus aux façades. Des échoppes débordent de produits locaux : tissus aux teintes éclatantes, épices odorantes, objets en bois sculpté, bijoux et poteries. Les habitants s’affairent, mais nombreux sont ceux qui jettent des regards furtifs au trio, comme s’ils les observaient sans vouloir vraiment les voir.

Une certaine tension flotte dans l’air, une vigilance collective palpable, bien que dépourvue d'hostilité. Antonin garde un œil attentif sur chaque groupe croisé, ses gestes fluides et assurés. Habitué à naviguer dans des lieux complexes, il engage de temps à autre la conversation avec des marchands, grappillant des informations sur la vie locale.

À mesure qu'ils s'enfoncent dans la ville, Mero aperçoit des ruelles plus modestes, où les habitants semblent vivre dans des conditions précaires. Des enfants jouent sur le pavé irrégulier, mais leur insouciance est vite interrompue par des adultes qui les rappellent à l'ordre d'un simple regard sévère. Mero s'interroge sur ces quartiers plus sombres : sont-ils liés aux activités des pirates qui rôdent autour de l'île ?

Percevant cette curiosité, Antonin les mène vers un marché couvert plus central, où la foule se densifie. Les étals débordent de marchandises encore plus exotiques : tissus tissés à la main, perles multicolores, pierres précieuses et objets en cuivre finement ciselés. L’air embaume des senteurs envoûtantes tandis qu'une cacophonie de voix emplit l’espace, presque joyeuse.

— Les marchés sont souvent des lieux où l’on tente de vous vendre plus que ce que vous cherchez, prévient Antonin d'un ton averti. Ici, il faut savoir où poser son regard et comment écouter.

Mero commence à repérer les gestes furtifs des marchands, ces petites manœuvres destinées à attirer l’attention et à vendre des articles prétendument « magiques » ou « anciens ». Avec patience, Antonin lui enseigne comment reconnaître ces pièges et naviguer avec prudence dans ce type de société, où la capacité à marchander devient une compétence essentielle.

Leila, fascinée, se penche discrètement vers Mero.

— Tu te rends compte ? murmure-t-elle. Il y a ici des objets qu’on ne verrait jamais dans le royaume. Certains semblent chargés de pouvoir… ou d’histoires.

Ses yeux brillent d'une curiosité vive. Elle aussi commence à s’immerger dans l'ambiance locale, bien que toujours sur ses gardes.

En fin de journée, ils quittent le marché, leurs paniers remplis de fruits et de petites choses à grignoter pour le voyage. Pourtant, quelque chose dans le regard des gens — un mélange de méfiance et de curiosité — laisse à Mero une impression persistante : cette île n'est pas qu'une simple escale. C'est un carrefour de vies, un lieu où les règles sont souvent contournées et où l'on peut facilement se perdre.

De retour à l'auberge, le calme revient doucement. Mais les mystères qui entourent l'île continuent de hanter l’esprit de Mero : les pirates, ces habitants qui semblent porter de lourds secrets… tout cela s'entrelace dans ses pensées.

Alors que Maître Antonin discute avec le capitaine et que la nourrice de Mero s'occupe de ses affaires, ce dernier se tient sur le balcon de sa chambre, observant le village qui s'étend en contrebas. L'air est chargé de cette atmosphère mystérieuse propre aux îles isolées, où chaque souffle de vent semble porteur d'histoires non dites.

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Soudain, une silhouette surgit du vide et atterrit avec une agilité surprenante à quelques pas de lui. Le choc le fait sursauter, son cœur s'emballe brièvement, pris entre surprise et méfiance. Puis ses yeux se posent sur l'intruse : une jeune fille au teint brun doré, les yeux verts perçants, qui le fixe en silence.

Elle ne bouge pas, son regard aussi immobile qu'une mer en attente de tempête. Une étrange assurance émane de sa posture. Elle semble appartenir à cet endroit, comme un fragment insaisissable de l'île elle-même. Ses cheveux bruns légèrement ondulés encadrent un visage marqué par quelques cicatrices discrètes, vestiges visibles d'un passé de lutte.

Un long moment s’écoule dans un silence tendu. Aucun des deux ne semble vouloir parler en premier, comme si briser cet instant risquait de rompre un équilibre fragile. Mero observe cette inconnue dont les vêtements simples mais pratiques trahissent une vie active et discrète, éloignée des mondanités de la capitale impériale.

Finalement, il prend la parole, sa voix posée mais prudente.

— Vous êtes qui ?

La jeune fille esquisse un sourire énigmatique, sans chaleur mais non dénué d'intelligence.

— Tu n'es pas d'ici, toi, répond-elle d'une voix basse et fluide, presque mélodieuse. Tu as les yeux d'un jeune noble, mais aussi ceux d'un aventurier.

Ses mots résonnent étrangement, comme s'ils contenaient une vérité cachée que Mero lui-même ignore encore.

Elle s'avance lentement, et il remarque alors les petites cicatrices sur sa peau, autant de marques laissées par une existence rude, mais aussi la vivacité qui transparaît dans chacun de ses gestes.

— Tu cherches à comprendre, poursuit-elle, à déchiffrer ce qui se cache ici. Mais il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas découvrir. Les pirates, les marchands, les habitants… tout cela dissimule des secrets.

Ses yeux se plissent tandis qu’elle observe la ville en contrebas, comme si elle voyait au-delà des façades colorées et des rues animées.

Intrigué, Mero la dévisage. Cette fille semble connaître des choses qu'il ignore, peut-être des vérités précieuses sur cette île aux mille mystères.

— Pourquoi êtes-vous ici ? demande-t-il, son regard cherchant à percer le sien.

L'ombre d'une étincelle d'amusement traverse ses yeux verts.

— Parce que tu as quelque chose que je veux, et peut-être que je pourrais t'aider… Mais tout a un prix.

Une tension palpable s'installe entre eux, comme si chaque mot prononcé risquait de faire basculer la situation. Mero sent que cette rencontre n'est pas fortuite. Cette fille étrange semble détenir une clé précieuse, mais à quel coût ?

Elle reste là, immobile, attendant une décision de sa part.

La jeune fille, sans prévenir, se rapproche soudainement de Mero. Ses gestes sont rapides et fluides, empreints d'une assurance désarmante. Avant même qu'il ne puisse réagir, ses lèvres effleurent les siennes dans un baiser fugace. Doux, mais chargé d'une urgence silencieuse, ce baiser semble vouloir laisser une marque indélébile dans l'esprit du jeune homme. Pris de court, il reste immobile, le souffle coupé, la sensation de ce contact encore brûlante sur ses lèvres.

À peine cet instant suspendu a-t-il le temps de s'inscrire dans sa conscience que la jeune fille recule vivement. Ses yeux brillent d'une malice indéchiffrable, comme si elle détenait un secret qu’elle n’avait nullement l’intention de partager. Sans prononcer le moindre mot, elle se détourne, s'agrippe au rebord du balcon avec une agilité stupéfiante et, d'un mouvement fluide, plonge dans le vide.

Mero, abasourdi, met un instant à réagir. Il se précipite vers la balustrade et se penche au-dessus, cherchant désespérément à suivre la silhouette fugitive. Mais elle a déjà disparu dans les ombres des ruelles en contrebas, avalée par la nuit comme une illusion insaisissable. Le village semble étrangement paisible, comme si rien de tout cela n'était jamais arrivé.

Le cœur battant à tout rompre, il reste là, figé dans l'obscurité. La chaleur persistante de ce premier baiser habite toujours ses lèvres, une sensation aussi troublante qu'inédite. Il se touche les lèvres, rêveur, incapable de chasser ce moment de son esprit.

C'est son premier baiser. Et il lui a été volé par une jeune pirate.

Un tourbillon de pensées contradictoires l'envahit. Que doit-il faire ? La suivre ou non ? La curiosité murmure à son oreille, l'invitant à s'engager dans l'inconnu, mais une voix plus sage lui rappelle les dangers de cette ville. Cette île regorge de mystères, mais aussi de périls.

Les ruelles sombres semblent le narguer, comme si elles attendaient qu'il prenne une décision. L'appel de l'aventure résonne puissamment en lui, mais il sait aussi que céder à cet élan pourrait avoir des conséquences imprévisibles. Il a été formé à la prudence. Il sait que la curiosité mal placée peut ouvrir des portes qu'il vaudrait mieux laisser fermées.

Pourtant, l'empreinte de cette rencontre reste gravée dans son esprit. Ce baiser, cette fuite, cette énigmatique jeune fille… tout cela semble faire partie d'un puzzle plus vaste, un jeu dont les règles lui échappent encore.

Il scrute les ombres une dernière fois, en vain. La nuit s'est refermée sur ses secrets.

Mero reste seul sur le balcon, son cœur partagé entre le désir de l'inconnu et la retenue imposée par la raison. Peut-être le moment viendra-t-il où il devra agir. Mais pour l'instant, il choisit d'attendre, de réfléchir et de ne rien oublier. Les réponses viendront, tôt ou tard.