Les gardes hurlent, leurs voix rauques et paniquées déchirant l’air déjà saturé de fumée et de cris. Leurs armes, des lames étincelantes et des arbalètes tendues, sont pointées dans sa direction, mais Mero n’a pas le temps de s’attarder. Le feu qu’il a allumé se propage avec une voracité démoniaque, dévorant les voiles du navire du Maître Serpent, transformant le port en un enfer flamboyant. Les flammes dansent, léchant les mâts, embrasant les cordages, et les marins, pris de panique, courent dans tous les sens, impuissants face à la destruction. Leurs silhouettes se découpent en ombres chaotiques contre le rideau de feu, leurs cris se mêlant au crépitement des flammes et au craquement sinistre du bois qui se consume.
Mero ne reste pas pour admirer son œuvre. Il bondit du toit, son corps protestant violemment contre chaque mouvement. Ses blessures, à peine refermées, se rouvrent, et une douleur aiguë lui transperce le flanc, comme si une lame invisible lui déchirait les entrailles. Il serre les dents, refusant de céder. Pas maintenant. Pas quand il est si proche du but. Ses muscles brûlent, ses poumons crient pour de l’air, mais il continue. Il doit continuer.
Il atterrit brutalement sur le sol, roulant sur lui-même pour amortir la chute. Une lame siffle à quelques centimètres de son visage, manquant de peu sa gorge. Il esquive par réflexe, son esprit déjà focalisé sur la fuite. Les ruelles sombres du port s’ouvrent devant lui, un labyrinthe de pierre et d’ombre où il peut disparaître, où il peut survivre. Les murs des entrepôts, hauts et décrépis, semblent se refermer sur lui, comme pour l’étouffer, mais il avance, poussé par une force qui dépasse la douleur.
Derrière lui, le port est en chaos. Les flammes montent vers le ciel, illuminant la nuit d’une lueur infernale. Les cris des marins se mêlent au crépitement du feu, et l’odeur âcre de la fumée emplit l’air, une puanteur de bois brûlé, de cordage carbonisé et de chair roussie. Le Maître Serpent est piégé, son navire en train de brûler, ses plans de fuite réduits en cendres. Mero le sait. Il l’a fait. Mais il n’a pas le luxe de savourer cette victoire. Pas encore. Pas tant qu’il n’est pas en sécurité.
Il court, ses pas résonnant sur les pavés humides, chaque impact envoyant une onde de douleur dans ses jambes meurtries. Chaque mouvement est une agonie, chaque respiration un combat. Mais il ne peut pas s’arrêter. Il doit rejoindre son navire. Il doit survivre. Les ruelles se succèdent, étroites et tortueuses, comme les veines d’une bête monstrueuse. Les ombres dansent autour de lui, portées par les flammes lointaines, et il sent le poids du danger qui le suit, comme une présence tangible, prête à l’engloutir.
Une énorme explosion retentit soudain, venant du port. L’onde de choc fait trembler l’air, et Mero sent le souffle brûlant lui frapper le dos, le poussant presque à genoux. Les gens sortent dans les rues, attirés par le bruit et la lumière, leurs visages empreints de stupeur et de terreur. Des femmes crient, des enfants pleurent, et les hommes, armés de bâtons ou de couteaux, regardent vers le port avec des yeux écarquillés. C’est sa chance. Il se fond dans la foule, invisible parmi l’ombre et la confusion. Les gardes sont trop occupés à gérer l’incendie et les destructions pour le remarquer. Leur attention est détournée, et Mero en profite.
Il longe les ruelles, esquivant les patrouilles qui sillonnent les artères de la ville. Chaque pas le rapproche de son navire, chaque souffle est un rappel de sa détermination. La chaleur de l’explosion est encore palpable dans l’air, mais il ne se retourne pas. Il sait que ce n’est qu’une question de temps avant que ses ennemis ne comprennent la vérité. Leurs vies ne valent plus rien face à la sienne. Il a déjà gagné.
Le port se rapproche, l’odeur du sel et de la mer envahit ses narines, un rappel de ce qui l’attend. Il accélère le pas, malgré la douleur qui lui déchire le corps. Ses blessures saignent à nouveau, et il sent le sang chaud couler le long de sa cuisse, collant son pantalon à sa peau. Mais il continue. Il doit continuer. Il est temps de rentrer.
Quand il approche enfin de son bateau, les marins montent la garde, leurs visages tendus, leurs armes prêtes. En le voyant, couvert de sang et vacillant, ils le prennent d’abord pour un ennemi. Leurs yeux se remplissent de méfiance, et leurs mains se resserrent sur les manches de leurs armes. Mero titube, son sabre lui échappant des doigts pour tomber sur les pavés avec un bruit métallique qui résonne comme un glas. Il fait quelques pas chancelants, essayant de parler, de leur dire qui il est, mais les mots ne viennent pas. Sa vision se trouble, les contours des visages des marins devenant flous, comme s’ils étaient immergés dans l’eau.
La douleur le traverse avant que la réalité ne se dissipe. Le sol se dérobe sous ses pieds, et ses pensées se confondent dans l’obscurité qui l’envahit. Le bruit des vagues, les voix distantes des marins, tout s’efface. Il sent une dernière vague de chaleur, comme si les flammes du port l’avaient finalement rattrapé, puis plus rien. Seulement le noir, profond et insondable, qui l’engloutit tout entier.
Ensure your favorite authors get the support they deserve. Read this novel on Royal Road.
---
Lorsqu’il se réveille, la première chose qu’il perçoit est la douce lumière du matin filtrant à travers les fines étoffes des rideaux de sa cabine. Les rayons dorés dansent sur les murs de bois sombre, striés de veines et de cicatrices laissées par le temps et les tempêtes. L’air est chargé d’une odeur familière, un mélange de sel marin, de goudron et de vieux bois humide. Mero cligne des paupières, essayant de rassembler ses pensées, de se souvenir. Son corps est lourd, engourdi, comme s’il avait été écrasé sous le poids de la mer elle-même. Chaque muscle, chaque fibre de son être, semble lui rappeler les épreuves qu’il a traversées. Il tente de bouger, mais une douleur aiguë lui traverse le flanc, lui arrachant un grognement étouffé. Il baisse les yeux et voit son torse enveloppé de bandages, les tissus blancs tachés de rouge ici et là, témoins silencieux de ses blessures.
Il est vivant. C’est la première pensée qui traverse son esprit, claire et nette. Vivant. Malgré tout. Malgré les flammes, les lames, les hommes qui voulaient sa mort. Il respire profondément, sentant l’air frais emplir ses poumons, et un sentiment de gratitude, aussi étrange que fugace, l’envahit. Mais cette gratitude est vite remplacée par une détermination froide, implacable. Il n’a pas le luxe de se reposer longtemps. Le danger n’est pas encore passé.
Sur une table basse près de son lit, son sabre repose, soigneusement posé sur un tissu sombre. La lame, bien qu’essuyée, porte encore les traces de la bataille : des éraflures, des taches sombres qui ne partent pas. Mero fixe l’arme, son reflet déformé par le métal poli. Ce sabre, c’est plus qu’une arme. C’est un symbole. Un compagnon fidèle dans cette guerre personnelle qu’il mène. Il tend une main tremblante, ses doigts effleurant la poignée enveloppée de cuir usé. La sensation est familière, rassurante. Il n’est pas seul. Tant qu’il a cette lame, il a une chance.
Il ferme les yeux un instant, laissant le balancement régulier du navire le bercer. Le mouvement est apaisant, presque hypnotique. Les vagues frappent doucement la coque, un rythme constant qui semble lui murmurer des mots réconfortants. Mais Mero sait que cette paix est illusoire. L’océan, aussi vaste et calme qu’il paraisse, est un lieu de dangers et de trahisons. Et lui, il n’a pas le droit de se laisser bercer par cette fausse sécurité.
Dans son esprit, les images de la nuit précédente défilent, rapides et chaotiques. Les flammes, les cris, le sang. Mero serre les poings, sentant la colère monter en lui, brûlante et destructrice. La vengeance n’est pas terminée. Ce n’est que le début. Il a fait un pas, un seul, mais le chemin est encore long. Et il est prêt à le parcourir, peu importe le prix.
Il ouvre les yeux et se redresse lentement, malgré la douleur qui lui déchire le côté. La cabine est petite, mais bien rangée. Une table en bois massif, une chaise, une étagère chargée de cartes et de livres. Sur le mur, une carte marine est épinglée, les contours des îles et des côtes tracés à l’encre noire. Mero fixe la carte un moment, ses yeux se posant sur un point précis, la capitale Mor, la fin de son voyage.
Le bateau tangue doucement, les vagues frappant le flanc du navire dans une mélodie apaisante. Ils sont en mer maintenant, loin de la ville, loin du danger immédiat. L’océan s’étend à perte de vue, une étendue infinie qui semble offrir une certaine paix. Mais Mero sait que cette paix est illusoire. L’immensité de la mer ne lui permet pas de fuir ses réflexions, ses souvenirs, ses promesses. Chaque vague qui frappe la coque semble lui rappeler ce qu’il a perdu, ce qu’il doit encore accomplir.
Il se lève avec précaution, s’appuyant contre le mur pour ne pas perdre l’équilibre. Ses jambes tremblent, mais elles le portent. Il avance jusqu’à la petite fenêtre de la cabine, écartant légèrement les rideaux pour regarder l’horizon. Le ciel est d’un bleu pâle, presque laiteux, et les nuages s’étirent comme des draperies légères. L’océan, d’un vert profond par endroits, scintille sous les rayons du soleil. C’est un spectacle magnifique, presque paisible. Mais Mero ne voit pas la beauté. Il voit l’étendue, l’infini. Il voit les dangers qui se cachent sous la surface, les tempêtes qui peuvent surgir sans prévenir.
Le seigneur pirate... c’est grâce à lui qu’il est à l’abri sur ce navire. Une part de lui sait qu’il y a des dettes à honorer, des promesses à tenir. Le seigneur pirate lui apporte sa protection, et Mero ne peut pas se permettre de la gaspiller. Mais au fond de lui, une flamme brûle, une flamme qui ne s’éteindra pas tant que justice n’aura pas été rendue. Tant que ceux qui l’ont attaqué ne paieront pas pour leurs crimes.
Il se tourne vers l’horizon, sachant qu’à chaque vague, un nouveau chapitre de son histoire commence. Les épreuves qu’il a traversées l’ont forgé, l’ont transformé en une arme vivante, prête à frapper. Et bien que ses blessures soient profondes, bien que la douleur soit encore vive, il sait qu’il est prêt. Prêt à affronter ce qui l’attend. Prêt à écrire son destin.
Le vent souffle doucement, portant avec lui l’odeur salée de l’océan. Mero ferme les yeux, laissant le balancement du navire l’emporter. Pour l’instant, il se repose. Mais bientôt, très bientôt, il reprendra le combat. Car la vengeance n’attend pas, et Mero de Sel n’est pas homme à reculer.
Il retourne lentement vers son lit, s’asseyant avec précaution. Ses mains tremblent légèrement, mais il les serre en poings, refusant de montrer la moindre faiblesse, même à lui-même. Sur la table, à côté de son sabre, se trouve une petite fiole en verre contenant un liquide sombre. Une potion, sans doute, préparée par le médecin du bord pour soulager la douleur. Mero la saisit, la retournant entre ses doigts. Il hésite un instant, puis la repose. La douleur, il la connaît. Elle fait partie de lui, tout comme la colère et la détermination. Il n’a pas besoin de l’oublier. Pas encore.
Il se penche en avant, les coudes sur les genoux, et fixe le sol de bois usé. Les planches craquent légèrement sous le poids du navire, un bruit familier, presque réconfortant. Il pense à ceux qu’il a perdus, à ceux qui l’attendent. Il pense à la promesse qu’il s’est faite, ce serment silencieux qui résonne dans son cœur comme un tambour de guerre. La vengeance n’est pas qu’un désir. C’est une nécessité. Une obligation.
Le temps passe, mesuré par le balancement régulier du navire et le bruit des vagues. Mero reste assis, immobile, perdu dans ses pensées. Mais au fond de lui, il sait que cette tranquillité est temporaire. Bientôt, il devra se relever. Bientôt, il devra reprendre le combat. Et quand ce moment viendra, il sera prêt. Car Mero de Sel n’est pas un homme qui recule. Il est un homme qui se bat, qui survit, qui se venge. Et rien, pas même la mer infinie, ne l’arrêtera.