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L’émissaire

Un jour, un navire marchand aborda leur vaisseau. Un dignitaire de l’Empire monta à bord et fixa Mero d’un regard glacial avant d’entamer, avec maître Antonin, de longues discussions qui s’étirèrent toute la journée.

Le visage impassible du dignitaire semblait dissimuler des intentions lourdes, et son regard froid fit frissonner Mero. Silencieux, il observait ces échanges, ne sachant trop quoi en penser. Les dialogues entre le visiteur et maître Antonin étaient mystérieux, ponctués de regards furtifs et de paroles mesurées, tantôt lourds de non-dits que de sous-entendus.

Mero se demanda si ces événements n’étaient pas la conséquence directe de ce qui s’était passé à Ambrelune. Peut-être l’Empereur avait-il décidé de prendre des mesures plus drastiques ? Ou bien le dignitaire était-il venu pour évoquer réparations, compensations, voire représailles ?

Maître Antonin paraissait, lui, imperturbable, mais Mero percevait une tension sous-jacente dans chacun de ses gestes, comme la marque d’une décision silencieuse en gestation. Il se sentait désormais éloigné de l’homme qu’il avait connu, se rapprochant à la place du mystère que celui-ci dissimulait si habilement.

Le soir venu, le dignitaire repartit aussi silencieusement qu’il était venu. Son maître le regarda sans prononcer un mot, et, après le repas, Mero fut convoqué dans les quartiers du capitaine. Seul, face au capitaine et à son maître, son cœur battait si fort qu’il semblait faire trembler les murs de la pièce. Que lui allaient-ils annoncer ?

Le silence qui suivit cette convocation était oppressant. L’atmosphère, à peine éclairée par quelques bougies vacillantes, semblait peser sur Mero tandis qu’il scrutait les visages impassibles du capitaine et de maître Antonin, espérant y déceler la moindre indication sur la suite des événements.

Le capitaine fixa Mero un instant, puis se tourna vers maître Antonin, qui fit un signe de la main, invitant Mero à s’asseoir. Le jeune homme s’exécuta, son regard inquiet trahissant l’angoisse qu’il tentait de dissimuler.

Après un long moment de silence, le capitaine prit la parole d’une voix grave :

« Mero, la situation se complique de jour en jour. L’Empire ne te laissera pas partir ainsi, et ton rôle au sein de la Maison Sel est désormais plus crucial que jamais. »

Un frisson parcourut Mero à ces mots. Son maître reprit, d’un ton froid et mesuré :

« Tu as désormais des responsabilités bien plus grandes que tu ne l’imagines. Le dignitaire n’est pas venu uniquement pour évoquer Ambrelune. Il a apporté un message pour ton avenir. Ce que tu entreprends n’est plus seulement pour toi, mais pour l’honneur de notre maison. »

Ces mots résonnèrent dans l’esprit de Mero, chaque phrase alourdissant le fardeau qu’il portait déjà. On lui expliqua alors que le royaume d’Ambrelune avait engagé des procédures judiciaires contre l’Empire. Le dignitaire était venu recueillir leur version des faits en vue de la défense légale, et maître Antonin avait pris l’initiative de lui remettre la lettre que Mandarine lui avait envoyée, prouvant que son geste était une réaction de légitime défense.

L’impact de ces révélations frappa Mero en plein cœur. Le royaume d’Ambrelune contre l’Empire ? Et lui, au centre de cette tempête judiciaire. Il chercha du regard celui de son maître, mais celui-ci resta impassible, attendant patiemment qu’il prenne la mesure de l’ampleur de la situation.

Le capitaine, d’une voix encore plus grave, ajouta :

« Nous avons pris un risque en partageant cette lettre, Mero. Elle pourrait bien nous incriminer, ou au contraire servir de preuve pour notre défense. Le dignitaire a compris qu’il s’agissait d’une réaction légitime face à l’agression. Mais sache ceci : les tribunaux d’Ambrelune n’ont aucune pitié, et même si notre influence est certaine, cela pourrait ne pas suffire. Le procès pourrait s’éterniser, et l’Empire, aussi puissant soit-il, ne se laissera pas faire sans combattre. »

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Soudain, Mero se sentit plus seul que jamais. Son avenir semblait suspendu à un fil, dont la longueur restait inconnue.

Maître Antonin poursuivit, sa voix glaciale mais empreinte d’une calme autorité :

« Ce n’est pas seulement ta vie qui est en jeu, Mero. Celle de notre maison, de notre famille tout entière. Chaque action que tu entreprends impacte l’avenir de Sel, de nous tous. »

Mero déglutit difficilement, submergé par l’urgence de la situation. Que devait-il faire ? Que pouvait-il encore accomplir ? Sa réaction face à Mandarine, cet acte accompli dans l’ombre d’une nuit fatidique, serait-elle un jour pardonnée ou, au contraire, le condamnerait-elle à jamais ?

Il redressa la tête en croisant le regard déterminé de son maître. C’était désormais à lui de choisir son chemin. Mais une question persistait : était-il prêt à porter ce fardeau pour sa famille, pour l’honneur de son nom ?

Il se rappela alors que ses ennemis avaient voulu sa mort et qu’il avait appliqué la justice de son pays. S’il devait en payer le prix, il l’assumerait. Il défendrait toujours les siens, sa famille et ceux qui lui étaient chers, car telle était l’éducation qui lui avait été inculquée.

La détermination dans sa voix résonnait dans la pièce telle un écho. Maître Antonin hocha lentement la tête, une fierté voilée par la gravité de l’instant se lisant dans ses yeux, tandis que le capitaine fixait le visage de Mero sans broncher. L’air devint plus lourd, presque solennel. Ce fut un moment charnière.

« Tu as raison, » déclara finalement le capitaine, d’une voix calme mais ferme. « Si tu es prêt à porter ce fardeau, prends-en pleinement conscience. Ce chemin ne sera pas facile, mais il te faudra le parcourir avec honneur et sans regrets. »

Après une pause lourde de sens, il reprit d’un regard perçant :

« Tu devras te préparer à tout. La justice d’Ambrelune n’a aucune pitié, et le bras de l’Empire est long. Il te faudra non seulement défendre tes actes, mais aussi affronter ce qui pourrait advenir. »

Maître Antonin se pencha légèrement en avant, fixant Mero d’un regard plus intime :

« Et cela commence ici, avec nous. Nous devons rester unis, prêts à affronter ensemble ce qui nous attend. Tu n’es pas seul dans ce combat, Mero. Souviens-toi de cela. »

Mero sentit alors un poids se poser sur ses épaules, mêlé à un étrange soulagement. Il avait pris sa décision, choisi son chemin, et bien que le prix à payer fût élevé, il savait qu’il était prêt à l’assumer.

Les deux hommes se levèrent simultanément, marquant ainsi la fin de l’entretien. Le capitaine, d’une voix plus douce cette fois, lança une dernière consigne :

« Prépare-toi, Mero. Les choses sérieuses commencent maintenant. »

En quittant la pièce, un mélange de peur et de fierté envahit le cœur de Mero. Le poids de l’héritage de la Maison Sel pesait sur lui comme une épée de Damoclès, mais il était déterminé à le porter, à affronter ce qui l’attendait, armé de sa détermination et de sa loyauté.

Les jours qui suivirent furent rongés par une conscience lourde de remords. Mero se disait qu’il aurait dû demander l’aide de son maître au lieu de céder à la vengeance. Une question le taraudait sans relâche : que dirait Mandarine ?

Les doutes tourbillonnaient dans son esprit telle une tempête. Les questions sur ses actions et leur incidence sur son avenir le rongeaient. L’idée d’avoir agi seul, sans consulter son maître, sans envisager une autre voie que celle de la vengeance, pesait de plus en plus lourdement sur lui.

Chaque fois que Mero pensait à Mandarine, une nouvelle vague d’incertitude envahissait son cœur. Comment réagirait-elle en apprenant ce qu’il avait fait ? Tiraillé entre sa fidélité à sa famille et la promesse faite à Mandarine de rester maître de lui-même, de ne pas sombrer dans la violence gratuite, il se demandait s’il avait trahi l’une ou l’autre de ces alliances si chères.

Les lettres de Mandarine revenaient sans cesse à son esprit, ses mots emplis de tendresse, de conseils et d’espérances. Elle lui avait demandé de ne jamais oublier qui il était et d’agir avec sagesse. Désormais, il se demandait s’il avait suivi cette voie ou si la tempête de la vengeance l’avait emporté.

Peut-être, quelque part en lui, savait-il qu’une demande d’aide aurait été non seulement plus sage, mais aussi un moyen de renforcer les liens de confiance. Mais en y réfléchissant, il comprit qu’il était trop tard pour changer le cours des événements. Il ne lui restait plus qu’à tourner la page, avancer et tirer les leçons amères de cette expérience.

Lorsqu’il imaginait Mandarine, un fardeau supplémentaire venait alourdir son esprit. Il n’avait pas seulement risqué sa vie, il avait aussi mis en péril la confiance qu’elle avait placée en lui. Le chemin s’annonçait sinueux, mais il devait en ressortir grandi.

Il se demandait alors s’il pouvait réparer ce qui avait été brisé ou s’il était désormais prisonnier de décisions irréversibles. Mais une certitude demeurait : il devait parler à Mandarine. Il était temps d’affronter ses émotions et de lui dire la vérité, même au risque d’être jugué. Au moins, l’honnêteté serait le premier pas vers la rédemption.