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La dot

Le lendemain matin, la lumière douce filtrant à travers les hublots baignait le navire d'une clarté paisible. Les vagues caressaient la coque avec une régularité apaisante, mais Mero, pourtant habitué au rythme de la mer, ressentait une tension sourde en lui. Maître Antonin lui avait demandé de le rejoindre dans sa cabine. L'homme était rarement cérémonieux, et ce ton grave avait éveillé une curiosité mêlée d'appréhension chez Mero.

Lorsqu'il entra, Maître Antonin se tenait déjà assis derrière une table encombrée de documents et de cartes maritimes. Il lui fit signe de prendre place face à lui. Le silence fut pesant un instant, seulement troublé par les craquements du bois du navire.

— Assieds-toi, Mero. Nous devons parler de la dot.

Ces mots résonnèrent étrangement à ses oreilles. Une simple formalité, pensa-t-il d'abord. Mais le regard perçant de son maître lui fit comprendre que ce n’était pas une simple conversation administrative.

Mero s'assit lentement sur le siège de bois qui craqua sous son poids. Le silence s'installa, seulement troublé par les craquements du navire et le clapotis de l'eau contre la coque.

— Ton futur beau-père a été… extrêmement généreux, commença Maître Antonin d'une voix mesurée. Sa fille doit valoir beaucoup à ses yeux.

Il marqua une pause, cherchant les mots justes. Il laissa planer un silence dramatique avant de poser ses yeux perçants sur Mero.

— Nous n'avons pas eu à payer la réparation du navire. Il nous a également fourni suffisamment de vivres pour terminer la traversée sans encombre. Et ce n'est pas tout.

Le maître croisa les mains devant lui, le regard grave.

— Par-dessus tout, il t'a donné l'équivalent d'un million de piastres en pierres précieuses.

Mero resta figé, ses pensées se heurtant à cette somme colossale. Il chercha à formuler une réponse, mais les mots lui échappaient.

— Un… million ? répéta-t-il, comme s'il avait mal entendu.

Maître Antonin acquiesça lentement.

— Oui. Une fortune inimaginable. Bien au-delà de ce qu'une dot classique exigerait, même parmi la haute noblesse.

Les mots tourbillonnaient dans l'esprit de Mero. Un million de piastres… Cela représentait des années de prospérité pour une province entière, de quoi construire des navires, lever des armées. Le jeune homme inspira profondément, tentant de donner un sens à cette révélation.

— Pourquoi ? demanda-t-il finalement, la gorge serrée.

— Parce que ce n’est pas seulement une dot, expliqua le maître avec gravité. C’est un message, une preuve de la valeur qu’il accorde à sa fille. Mais Il veut aussi s’assurer que toi, tu seras à la hauteur de son héritage.

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Mero fronça les sourcils.

— Que voulez-vous dire ?

Maître Antonin hocha la tête.

— Ce qu'il t’a donné pourrait financer une flotte entière, acheter des terres, construire un empire. Mais c’est aussi une épreuve. Le Seigneur Pirate veut voir comment tu utiliseras cette richesse. Parce qu'en acceptant sa fille, tu n’épouses pas seulement une femme... Tu épouses son monde.

Ces paroles tombèrent comme une pierre dans l’esprit de Mero. Jusqu’alors, il avait vu ces fiançailles comme une contrainte, une tradition imposée. Mais c’était bien plus complexe. Mandarine n’était pas simplement une femme amoureuse ; elle était l’héritière d’un empire maritime redoutable.

Un frisson glacé lui parcourut l’échine.

— Et si je refuse ? murmura-t-il, l'estomac noué.

Maître Antonin soupira profondément, son visage assombri.

— Refuser une telle dot, après l'avoir acceptée, serait perçu comme un affront majeur. Le Seigneur Pirate pourrait considérer cela comme une insulte directe à son honneur… et crois-moi, les pirates ont une manière bien à eux de régler ce genre d’offense.

Les poings de Mero se crispèrent. Il se retrouvait pris au piège d’une alliance dont il ne maîtrisait ni les règles ni les enjeux. Une partie d'échecs dont chaque coup semblait sceller son destin.

Maître Antonin, remarquant son trouble, posa une main ferme mais réconfortante sur son épaule.

— Je sais que c'est beaucoup pour toi. Mais souviens-toi, tu n'es pas seul. Je suis là, Leila est là. Nous traverserons cette tempête ensemble.

Les mots se voulaient rassurants, mais ils peinaient à alléger le poids qui pesait sur ses épaules.

— Alors, que dois-je faire maintenant ? demanda-t-il d'une voix rauque.

Un léger sourire passa sur les lèvres du maître.

— Apprendre. Comprendre le monde des pirates, et comprendre Mandarine. Mais surtout… décider quel genre d’homme tu veux devenir avec cette responsabilité.

Le regard de Mero se durcit légèrement. Il avait passé sa vie à chercher sa place, toujours à l'ombre des attentes des autres. Mais cette fois, il ne s'agissait pas simplement de suivre une voie tracée par d'autres.

— Je ne veux pas échouer, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour son maître.

— Et tu ne le feras pas, répondit Maître Antonin avec conviction.

Ils restèrent là un moment, le silence entre eux chargé d'une compréhension tacite. Lorsqu'il quitta la cabine, l'air sur le pont était plus froid, chargé d'une odeur salée que le vent transportait. Le ciel avait pris une teinte grise, comme si l'océan lui-même partageait son trouble.

Il marcha jusqu’à la proue du navire, le regard perdu dans l’horizon infini. Les vagues continuaient leur danse éternelle, indifférentes à ses tourments.

Il sortit de sa poche le pendentif que Mandarine lui avait laissé. Le métal brillant captait la lumière mourante du jour. Ce simple objet symbolisait bien plus qu'un bijou ; c'était une promesse silencieuse, un lien intangible entre eux.

Le vent s'intensifiait, faisant claquer les voiles et rendant l'atmosphère plus chargée. Les membres d’équipage, affairés autour des cordages, jetaient parfois un regard curieux vers le jeune homme, désormais fiancé à une légende vivante.

Il se remémora le regard farouche de Mandarine, sa détermination, son rire cristallin malgré les dangers. Elle n'était pas une simple femme à aimer ; elle était une alliée précieuse, une passerelle vers un monde dont il ne connaissait que les récits.

Alors qu'il serrait le pendentif dans sa main, une résolution naquit en lui.

Il n'était plus ce garçon insouciant parti à l'aventure sans savoir où il allait. Désormais, il avait une raison de se battre, de grandir.

Mandarine n'était pas simplement une fiancée imposée ; elle était un défi, une opportunité de réécrire son propre destin.

Et tandis que les vagues continuaient de frapper la coque du navire, il se fit une promesse : il ferait tout pour devenir digne de cet héritage inattendu.