Dans deux jours, Mandarine quitterait la capitale, et cette échéance pesait sur Mero comme une tempête silencieuse au large de Sel. Yet, pour demain, il avait conçu une surprise d’une audace rare, un présent qu’il espérait graver dans l’âme de Mandarine comme une vague marquant le rivage. Ce n’était pas une simple promenade ou un bijou – il voulait lui offrir l’impossible, une ascension dans une montgolfière, cette merveille récente qui faisait vibrer les rêveurs de l’Empire. À l’aube, alors que la lumière perçait timidement les rideaux de sa chambre, il la trouva dans le couloir de leur auberge, ses yeux encore ensommeillés mais curieux. « Prépare-toi, Mandarine, murmura-t-il avec un sourire énigmatique. Demain, on s’envole – un voyage dans les airs, une première pour toi, un morceau de ciel à partager. »
Mandarine cligna des yeux, puis un éclat vif traversa son regard, un feu qu’il avait vu naître sur l’île des pirates, lorsqu’elle l’avait défié pour la première fois. « Tu plaisantes ? » souffla-t-elle, sa voix mêlant surprise et excitation. Elle, la fille des mers indomptées, semblait prête à conquérir un nouveau domaine, et Mero sentit une joie sourde l’envahir – il voulait que ce vol soit leur refuge, un souvenir qu’elle emporterait au-delà des horizons qui les sépareraient bientôt. Jusqu’ici, elle avait exploré la capitale depuis ses pavés, ses marchés bruyants, ses jardins secrets. Mais demain, il l’élèverait au-dessus de tout cela, là où les rêves prenaient chair dans l’immensité bleue.
Le matin du vol, une brume légère drapait la ville, voilant les contours des tours comme un souffle retenu. Mandarine apparut dans une robe fluide, crème et gris perle, ses teintes douces évoquant les nuages qu’ils allaient bientôt frôler. Elle ajusta une écharpe légère autour de son cou, ses gestes mêlant une nervosité discrète et une impatience vibrante – un écho de cette première rencontre, quand elle l’avait attiré dans les ruelles sombres avec un sourire malicieux. « C’est maintenant ? » demanda-t-elle, ses yeux pétillant d’une curiosité qu’il adorait. Mero hocha la tête, son cœur battant un peu plus fort. « Prête pour l’extraordinaire ? » lança-t-il, sa voix douce masquant à peine son propre trac. Elle inclina la tête, un sourire espiègle aux lèvres. « Toujours, Mero. Tu me surprends encore. »
Il prit sa main et la guida hors de la ville, vers un terrain vague au nord de l’école, un espace désolé où le vent murmurait entre les herbes rases. Là, sous un ciel pâle encore strié de rose, la montgolfière se dressait comme une vision surgie d’un rêve. Le ballon, immense et vivant, mêlait des bandes de rouge profond, d’or solaire et de bleu céruléen, ses couleurs dansant sous la lumière naissante. La nacelle, suspendue dessous, mêlait bois poli et fer forgé délicat, un écrin pour leur aventure. Des techniciens s’affairaient autour, leurs mains expertes ajustant cordes et brûleurs, leurs murmures techniques se perdant dans la brise.
Mero s’avança, désignant le géant aérien avec une passion qu’il ne pouvait contenir. « Regarde, Mandarine – une invention qui défie la terre, qui touche le ciel. Aujourd’hui, on verra l’Empire comme peu l’ont vu, libres dans les airs, au-delà des chaînes du sol. » Elle s’approcha, ses yeux s’agrandissant devant la toile immense qui ondulait doucement. « C’est… magnifique, murmura-t-elle, sa voix tremblante d’émerveillement. On dirait un oiseau prêt à s’élancer. »
Le pilote, un homme au visage marqué par le soleil et le vent, s’avança avec un sourire confiant. « Montez, dit-il d’une voix rauque, le ciel est clair, le vent nous porte. » Mero grimpa le premier, tendant une main à Mandarine, qui la saisit avec une fermeté instinctive. Une fois dans la nacelle, la fraîcheur matinale les enveloppa, mêlée d’une odeur de toile et de feu naissant. « Prête ? » demanda-t-il encore, plongeant dans ses yeux verts. Elle hocha la tête, un sourire éclatant illuminant son visage. « Plus que jamais, » répondit-elle, son enthousiasme comme une flamme dans la brume.
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Le pilote actionna le brûleur, et une flamme rugissante jaillit, projetant une chaleur vive dans le ventre du ballon. La nacelle trembla légèrement, puis s’éleva avec une grâce lente, quittant le sol dans un silence presque sacré. Le terrain s’éloigna sous eux, les herbes devenant une mer floue, les bâtiments de la capitale rapetissant comme des jouets d’enfant. La brume se dissipa, dévoilant un horizon infini baigné d’une lumière dorée.
« Regarde ! » s’exclama Mero, étendant le bras vers le spectacle qui s’ouvrait devant eux. La capitale s’étalait comme une fresque vivante, ses toits scintillant sous le soleil levant, ses rues serpentant comme des rivières de pierre. À l’ouest, les montagnes de Tempelune se dressaient, leurs pics enneigés tranchant le ciel. Au sud, la mer miroitait, un éclat argenté qui rappela à Mero leur première rencontre – ces quais sombres où Mandarine l’avait attiré, son sourire malicieux défiant l’ombre.
Flashback : il revoyait la boutique poussiéreuse, les livres anciens empilés comme des sentinelles oubliées. Elle était là, adossée à la porte, une silhouette irréelle dans la pénombre, ses lèvres effleurant son doigt avant de lui souffler un baiser. Ce geste l’avait ensorcelé, une invitation qu’il n’avait pu refuser. Puis les ruelles, les mains brutales le saisissant, et elle, à distance, murmurant dans une langue qu’il ne comprenait pas, ses yeux brillant d’un éclat possessif. « J’ai un petit prince pour moi toute seule, » avait-elle dit, sa caresse douce masquant une domination qu’il ressentait encore.
Mandarine se pencha sur le bord de la nacelle, ses mains agrippant le bois, son souffle coupé par l’immensité. « Je n’ai jamais vu ça, murmura-t-elle, sa voix tremblante d’émerveillement. C’est… plus grand que tout. » Le vent joua dans ses cheveux, et Mero sentit une vague de tendresse l’envahir. Elle était ici, avec lui, loin des pièges de l’île, et pourtant, il revoyait cette maison sur la colline, la pièce luxueuse où on l’avait jeté, les barreaux aux fenêtres lui rappelant qu’il n’était qu’un pion dans son jeu. Mais maintenant, dans ce ciel sans frontières, il n’y avait plus de chaînes – juste eux, suspendus dans un instant de liberté.
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La montgolfière glissa plus haut, portée par des courants invisibles, le grondement du brûleur ponctuant le silence. « C’est comme voler au-dessus de la mer, dit-elle, mais sans les vagues pour te ramener. » Mero sourit, captivé par sa façon de lier leurs mondes. « À Sel, murmura-t-il, on dit que le vent est un esprit libre – il te guide si tu l’écoutes. » Elle tourna la tête, ses yeux pétillant. « Chez nous, on dit qu’il te défie – tu dois le dompter ou te perdre. » Leur échange, léger mais chargé, tissa un fil entre leurs passés, un écho de cette nuit sur le toit de l’auberge, où elle lui avait offert un pendentif et pris sa dague, scellant leur étrange pacte.
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Pendant des heures, ils flottèrent au gré du vent, leurs yeux capturant le ballet mouvant du paysage. Les montagnes de Tempelune veillaient comme des gardiens éternels, leurs flancs striés de vallées sombres. La capitale s’étendait en un chaos organisé, ses tours altières défiant le ciel, ses places grouillantes de vie minuscule. Au nord, des forêts déroulaient un tapis vert profond, tandis qu’à l’est, des plaines dorées s’ouvraient comme une promesse infinie. Parfois, un nuage effleurait la nacelle, laissant une brume fraîche sur leurs visages, et Mandarine riait, son rire clair résonnant dans l’immense vide.
Flashback : il revit le jardin de l’île, la robe de mariée qu’elle portait, ses yeux froids et triomphants alors qu’elle l’entraînait dans une cérémonie qu’il n’avait pas voulue. « Tu es à moi maintenant, » avait-elle dit, ses mots comme une sentence. Il avait lutté, invoquant ses coutumes impériales, son âge, l’accord de maître Antonin, et elle avait cédé – un sursis, pas une victoire. Mais ici, dans les airs, ce souvenir s’adoucissait. Elle n’était plus la prédatrice de cette nuit-là ; elle était Mandarine, celle qui riait au vent, celle qu’il aimait malgré tout.
« Regarde là-bas, » dit-il, pointant la mer scintillante au sud. « Tes îles sont quelque part dans cette brume – et Sel, plus au nord. D’ici, tout semble si proche. » Mandarine acquiesça, ses yeux suivant la ligne indistincte de l’horizon. « Pas de frontières, pas de murs, murmura-t-elle. Juste… tout. » Ils restèrent silencieux, suspendus dans cet instant où leurs mondes se fondaient, un refuge au-dessus des intrigues qui les avaient liés.
Elle tendit une main vers un nuage, ses doigts frôlant la brume. « C’est comme toucher un rêve, dit-elle, sa voix douce et émerveillée. Merci, Mero – pour ça, pour tout. » Il sentit une chaleur l’envahir, un écho de cette nuit sur le bateau, quand elle s’était glissée dans sa cabine, défiant toutes les règles pour rester avec lui. « Je voulais que tu voies ça, répondit-il. Un morceau de liberté, juste pour nous. »
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Le pilote annonça la descente, et la montgolfière entama un retour gracieux vers la terre, glissant doucement dans l’air crépusculaire. Le soleil déclinait, jetant des reflets orangés sur les montagnes et la plaine, parant la capitale d’un éclat magique. Mandarine se tourna vers lui, ses yeux brillant d’une émotion qu’elle ne cachait plus. « Tu m’as donné un monde que je n’imaginais pas, murmura-t-elle, sa voix tremblante comme si elle portait encore le ciel en elle. Merci. »
Mero prit une inspiration, son cœur battant plus fort. « Mandarine, dit-il, sa voix grave et sincère, ce vol… c’est parfait, parce que tu es là. Je t’ai emmenée dans les airs pour te montrer ce que je ressens – cette beauté, cette liberté, cet amour. Tout ce qu’on a partagé, tout ce qu’on est devenus… je t’aime. » Elle le fixa, ses yeux s’écarquillant légèrement, puis un sourire tendre naquit sur ses lèvres – un aveu muet, plus puissant que des mots. Elle glissa sa main dans la sienne, leurs doigts s’entremêlant dans une promesse tacite.
Flashback : il revit le toit de l’auberge, la nuit avant son départ de l’île. Elle l’avait embrassé sous les étoiles, ses lèvres ardentes scellant leur lien clandestin. « Tu reviendras, n’est-ce pas ? » avait-elle demandé, et il n’avait su répondre. Mais maintenant, dans cette nacelle flottante, il savait – il reviendrait, pour elle, pour cet amour qu’il n’avait pas choisi mais qu’il chérissait désormais.
« Je t’aime aussi, » murmura-t-elle enfin, sa voix un souffle dans le vent, et Mero sentit une chaleur l’envelopper, plus douce que le brûleur, plus vaste que le ciel. Il resserra son étreinte, écartant une mèche de ses cheveux avec une tendresse infinie. « Tu as tout changé, Mandarine. Tu es ma lumière, ma tempête – tout. » Elle ferma les yeux, savourant ses mots, puis les rouvrit, son regard brillant d’une intensité qui le bouleversa.
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La montgolfière toucha le sol dans un frôlement léger, l’herbe crissant sous la nacelle. Le crépuscule peignait le terrain d’ombres longues, et le pilote coupa le brûleur, plongeant l’instant dans un silence paisible. Mero et Mandarine descendirent, leurs pas hésitants comme s’ils craignaient de briser la magie. Sous un ciel strié de rose et d’or, ils restèrent là, enlacés, leurs mains unies dans une étreinte qui défiait l’adieu imminent.
« Ce vol, murmura Mandarine, c’est plus qu’un souvenir – c’est nous, pour toujours. » Mero hocha la tête, incapable de trouver mieux à dire. Ils marchèrent lentement vers une clairière proche, où des lanternes avaient été allumées par les techniciens pour célébrer leur retour. La lumière vacillante projetait des ombres dansantes sur leurs visages, et ils s’assirent sur une couverture étendue dans l’herbe, le monde s’effaçant autour d’eux.
Flashback : il revit leur séparation sur le bateau, le sept-mâts de son père surgissant des flots comme un géant implacable. Elle avait gravi la passerelle, une larme roulant sur sa joue, et lui avait crié un « au revoir » muet, le pendentif serré dans sa main. « Ce n’est pas un adieu, » avait-elle dit, et il s’y accrochait maintenant comme à une ancre.
Sous les lanternes, Mandarine sortit ce même pendentif de sa poche, le métal scintillant dans la pénombre. « Je l’ai gardé, dit-elle, sa voix tremblante. Et toi ? » Mero fouilla dans sa veste et en tira sa dague, celle qu’il lui avait donnée sur le toit. « Toujours là, » murmura-t-il, et leurs rires se mêlèrent, doux et complices. Ils posèrent les objets entre eux, symboles d’un serment qu’ils n’avaient pas choisi mais qu’ils portaient désormais avec fierté.
« Quand tu partiras demain, murmura-t-il, promets-moi qu’on se reverra – pas pour un mariage imposé, mais pour nous. » Elle serra sa main plus fort, ses yeux brillant d’une détermination farouche. « Je te le promets, Mero. La mer ou le ciel, rien ne nous séparera longtemps. » Ils s’enlacèrent sous les étoiles naissantes, leurs cœurs battant à l’unisson, et ce fut une nuit de promesses, de rêves partagés, d’un amour qui transcenderait les empires et les vagues.