Ce n’était absolument pas le bâtiment que Mero avait en tête lorsqu’il avait rêvé de l’École Impériale. Là, devant lui, s’élevait une structure titanesque, une véritable cité en miniature, dont l’ampleur et la complexité défiaient tout ce qu’il avait pu imaginer. Dès son arrivée dans la capitale, après avoir quitté la cité de Mor, le jeune héritier découvrit que l’établissement dépassait de loin les contours de ses espérances les plus folles.
Au seuil de cette nouvelle ère, Mero se retrouvait face à un édifice dont la grandeur semblait symboliser l’essence même de l’Empire. Un fonctionnaire à l’allure discrète et à la voix posée s’approcha de lui pour l’informer de son affectation. « Votre affectation se fera dans l’aile Ouest, au sein du dortoir numéro 13, réservé aux élèves de marque », expliqua-t-il avec une froideur rassurante. Selon ses indications, seuls quelques membres royaux ou impériaux avaient le privilège de résider dans ces lieux d’exception, une information qui plongea Mero dans une perplexité mêlée d’orgueil. Il apprit ainsi que, bien que l’école fût conçue pour accueillir une foule d’étudiants — une capacité qui frôlait l’inimaginable —, l’établissement n’était cette année qu’à moitié occupé. L’ampleur et les disparités de l’Empire, ainsi dévoilées dès le premier instant, laissaient entrevoir un monde bien plus vaste que celui dont il avait toujours rêvé.
Dès qu’il franchit les lourdes portes de l’aile Ouest, Mero sentit en lui naître un mélange puissant d’excitation et d’appréhension. Ce n’était plus seulement l’aboutissement d’un long voyage ni une simple affectation administrative : c’était l’ouverture d’un nouveau chapitre dans sa vie. L’École Impériale ne se contentait pas d’être un lieu d’enseignement traditionnel. C’était un microcosme à part entière, un véritable creuset où se forgeaient des alliances secrètes, se nouaient des intrigues politiques et se formaient les futurs piliers du pouvoir. Dans ces couloirs aux dorures raffinées et aux allures majestueuses, chaque pierre semblait raconter l’histoire glorieuse de l’Empire, rappelant aux occupants qu’ils n’étaient pas de simples étudiants, mais des acteurs destinés à écrire l’avenir de leur monde.
Le fonctionnaire avait également insisté sur le symbolisme de ces dortoirs réservés aux élèves de marque. La présence d’un nombre extrêmement réduit de membres royaux ou impériaux, alors que la capacité totale pouvait atteindre des dizaines de milliers, mettait en lumière la singularité de la position qui était désormais attribuée à Mero. Chaque corridor, chaque salle, portait la trace d’une tradition d’excellence et témoignait de l’ambition de l’Empire de forger une élite capable de guider son destin.
Guidé par des domestiques au port altier, Mero fut conduit à son nouveau logement. Le dortoir, situé dans l’aile Ouest et composé de vingt appartements répartis entre le deuxième et le dixième étage, se voulait le summum du confort et du raffinement. Dès le rez-de-chaussée, une impression de luxe se faisait ressentir. Une vaste bibliothèque richement garnie invitait à la découverte, un salon élégant offrait un espace de détente raffiné, tandis qu’une salle de jeux animée et une grande salle à manger présageaient d’innombrables moments de convivialité. Une salle de bal, spécialement aménagée pour les festivités, témoignait quant à elle du faste des événements organisés au sein de l’institution. Dans les combles, le personnel domestique assurait un service irréprochable, garantissant que chaque besoin serait anticipé avec la minutie d’un protocole impérial.
Mero fut alors installé dans l’appartement numéro 7. Ce logement, qu’on pouvait qualifier de taille moyenne dans l’ensemble de l’hébergement proposé aux élèves de marque, ne manquait d’originalité ni de confort. Décoré avec soin et agrémenté d’objets venus de son pays natal, chaque élément rappelait ses origines et ses souvenirs d’enfance. L’appartement se composait de trois chambres spacieuses, chacune étant deux fois plus vaste que la modeste pièce qu’il occupait jadis dans le palais de ses parents. Deux salles de bains, équipées d’un système d’eau chaude à volonté — une innovation technologique rare même dans certaines grandes maisons nobles —, complétaient le confort du logement. Un salon lumineux et un office spécialement aménagé pour l’étude ajoutaient à l’ensemble une dimension à la fois pratique et empreinte de prestige. L’attention méticuleuse portée aux détails — le choix des matériaux luxueux, l’agencement harmonieux des pièces et la décoration subtilement raffinée — témoignait du statut élevé des futurs dirigeants que l’École Impériale se proposait de former.
À travers les grandes baies vitrées, Mero pouvait admirer une vue imprenable sur les jardins parfaitement entretenus de l’établissement. Il bénéficiait même d’un balcon, offrant ainsi un havre de paix propice à la méditation dans ce monde en effervescence. L’opulence et le raffinement de ces lieux ne faisaient aucun doute : ils étaient réservés non pas à de simples étudiants, mais à ceux qui, un jour, porteraient le flambeau du pouvoir impérial.
Dominant le salon se trouvait une imposante carte de l’Empire. Ce support, minutieusement détaillé, représentait 63 pays, chacun délimité avec une précision quasi géométrique et orné de fines annotations retraçant les dates d’intégration de ces territoires. L’attention de Mero fut immédiatement captée par la représentation de son propre royaume, un fragment familier au milieu de cette mosaïque historique. À ses yeux se dessinaient aussi la République de Mozanbergh, la Théocratie d’Ambrelac, le Royaume de Fine et, en bonne place, le tout récent Royaume d’Ambrelune.
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Mais la carte ne se contentait pas d’être un ornement décoratif. Elle était le reflet vivant de l’histoire, des alliances et des conflits qui avaient façonné l’Empire. Chaque trait, chaque ligne tracée sur le papier en relief semblait murmurer les souvenirs d’un passé tumultueux et les espoirs d’un avenir grandiose. Mero, les yeux fixés sur cet atlas impérial, laissa ses doigts effleurer doucement la surface. Ce geste devint presque un rituel, une manière de reconnecter son âme aux racines de son voyage. Il se rappela alors avec émotion le port d’embarquement, le goût salé du vent marin, le claquement des voiles, ainsi que le regard empreint d’émotion de ceux qu’il avait laissés derrière lui.
Chaque détail de la carte évoquait une étape marquante de son périple. Il se souvint des premières heures passées en mer, où la mer, sa première grande épreuve, l’avait initié aux lois du vent et des vagues. Les marins, au langage rugueux et aux superstitions bien ancrées, lui avaient transmis un savoir ancestral, tandis que les tempêtes déchaînées et les nuits solitaires, rythmées par le craquement du bois et le sifflement du vent, lui rappelaient brutalement sa propre fragilité. Il revit ensuite l’attaque des Pirates du Serpent, un affrontement périlleux qui aurait pu lui coûter la vie, mais qui s’était transformé en un moment décisif, cimentant ainsi son destin dans l’immense échiquier de l’Empire.
Alors que son doigt poursuivait son tracé sur la carte, il glissa vers le Nord, suivant la route maritime qui l’avait conduit au cœur de l’Empire. C’est à cet instant précis qu’il se rappela de Mozanb, une ville qu’il n’avait connue qu’au cours de ce périple initiatique. Mozanb, en pleine effervescence industrielle, se présentait avec ses cheminées crachant une fumée noire sur un paysage traversé par le dynamisme des ateliers et l’innovation des machines. Là, le monde des traditions et des lignées royales laissait place à un univers de commerce et de progrès. Dans ce tumulte urbain, Mero avait scellé son allégeance à l’Empereur, marquant ainsi officiellement son entrée dans le grand jeu politique de l’Empire.
De Mozanb, le souvenir se poursuivit le long des rails du train, ce moyen de transport puissant et bruyant qui l’avait conduit à travers les montagnes de la Cordillère de Tempelune. Le trajet, jalonné par des paysages grandioses — vallées profondes, pics enneigés et cimes légendaires que l’on disait habitées par les dieux — symbolisait bien plus qu’un simple déplacement géographique. Ce voyage en train représentait une transition fondamentale pour Mero. Il n’était plus seulement le prince d’un petit royaume isolé, mais désormais un acteur engagé dans la vie d’un Empire colossal. Chaque escale dans de petites villes pittoresques, chaque rencontre inattendue, et chaque objet recueilli — qu’il s’agisse d’une boussole, d’une montre à gousset ou même d’un souvenir gustatif tel que la chaleur réconfortante d’une raclette qui avait fait sourire sa nourrice — témoignait de la richesse et de la diversité du monde dans lequel il évoluait.
Assis dans le calme relatif de son appartement, face aux larges baies vitrées donnant sur la capitale illuminée, il comprit que l’avenir de l’Empire reposait désormais entre les mains de ceux qui, comme lui, étaient prêts à affronter les tumultes du pouvoir avec courage et persévérance. Dans ce lieu où l’opulence côtoyait l’histoire, où chaque détail rappelait les valeurs ancestrales tout en annonçant des changements profonds, Mero se sentit prêt à relever le défi.
Il murmura alors, presque pour sceller son engagement auprès de lui-même :
« J’ai traversé des mers inconnues, foulé des terres mythiques, affronté des épreuves qui auraient pu me briser. Aujourd’hui, je ne suis plus seulement le prince d’un petit royaume isolé, mais un enfant de l’Empire, destiné à devenir l’un des bâtisseurs de son avenir. »
Ces paroles résonnèrent dans le silence de la nuit, portées par la détermination qui illuminait son regard.
Chaque instant passé dans ces couloirs, chaque échange avec ses pairs et chaque défi rencontré s’inscrivait désormais dans une vaste fresque qui dépasserait les frontières de sa propre existence. L’École Impériale de Mor n’était pas qu’un simple établissement d’enseignement ; c’était le théâtre des ambitions et des passions, le lieu où se mêlaient héritage et innovation, où l’histoire se faisait en temps réel et où les rêves se concrétisaient pour bâtir l’avenir.
Alors que le crépuscule s’installait, enveloppant l’École d’une lumière dorée et apaisante, Mero se leva pour contempler l’horizon depuis le balcon de son appartement. La vue imprenable sur la ville, les jardins parfaitement entretenus et l’effervescence lointaine de la capitale lui rappelaient que, malgré le confort et le faste de sa nouvelle demeure, l’Empire demeurait un vaste terrain de défis et de possibilités infinies. Dans cette lumière naissante, il sentit vibrer en lui l’appel irrésistible de son destin.
La carte de l’Empire, toujours accrochée dans le salon, semblait l’inviter à se projeter vers l’avenir, à tracer lui-même les contours d’un monde en pleine mutation. Tandis que les ombres de la nuit cédaient place aux premières lueurs du jour, Mero sut, avec une clarté nouvelle, que chaque décision qu’il prendrait dans cet univers colossal aurait des répercussions bien au-delà des murs de l’École. Son rôle n’était pas seulement d’apprendre, mais de façonner le futur, de s’imposer dans un environnement où rivalités, alliances et passions se mêlaient pour écrire la grande épopée de l’Empire.