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L’île aux pirates

Avant que le bateau ne touche terre, il resta en mer, un peu en retrait. Le capitaine avait rassemblé l'équipage sur le pont, l'air grave.

« Nous devons nous arrêter. La dernière intempérie a légèrement abîmé la coque. Nous serons à terre le temps de la réparation. » Il marqua une pause, les yeux fixés sur l'horizon. « C’est une île avec les meilleurs réparateurs de bateaux de la région, mais c’est aussi, et surtout, une île de pirates. Ne sortez qu’en groupes de cinq minimum. Je ne veux pas de vagues, compris ? »

L’équipage acquiesça en silence. L’ambiance sur le pont était tendue. Une île de pirates… Ce n’était pas un simple port marchand comme le précédent. Ici, les lois étaient celles des plus forts, des plus rusés. Et si le capitaine les mettait en garde, c’était qu’il savait qu’un simple faux pas pouvait déclencher un conflit.

Maître Antonin posa une main ferme sur l’épaule de Mero.

« Tu restes avec moi et Leila. Nous formerons un groupe avec deux marins expérimentés. Inutile de prendre des risques inutiles. »

Mero hocha la tête, mais au fond de lui, une excitation croissante s'empara de lui. Une île de pirates… Que découvrirait-il là-bas ? Son cœur battait plus vite, bien qu'il ne le montre pas.

Il n'arrivait pas à se concentrer sur les cours. Même en tentant de se focaliser, son esprit dérivait sans cesse vers cette île mystérieuse. Il s’imaginait déjà des ruelles sombres pleines de contrebandiers, des tavernes bruyantes où des hommes racontaient des histoires incroyables, des marchés où l’on trouvait des objets venus des quatre coins du monde…

« Mero, répète ce que je viens de dire », lança Maître Antonin d’un ton sévère.

Mero sursauta, pris sur le fait.

« Euh… Les dynasties du royaume de… de… »

Maître Antonin soupira, mais un léger sourire se dessina sur son visage.

« Très bien. C’est peine perdue. Tu es trop distrait aujourd’hui. Finissons-en pour l’instant, mais je te préviens, je veux un résumé de cette leçon demain matin. »

Mero hocha la tête, soulagé d’échapper au reste du cours. Son esprit était déjà ailleurs, impatient de découvrir ce que cachait cette île de pirates.

Mero monta à la vigie pour observer l'île de plus près, empruntant la longue-vue de Maître Antonin. Installé en haut, il cala l'instrument contre son œil et scruta l'île. Elle était plus grande qu’il ne l’avait imaginé. Une dense forêt recouvrait l’intérieur des terres, et quelques volutes de fumée s’échappaient de différents endroits, probablement des camps ou des habitations isolées.

Le port, en revanche, était animé. Des navires de toutes tailles y étaient amarrés, certains arborant des pavillons aux couleurs inconnues. Il aperçut des hommes en armes, certains vêtus de haillons, d’autres portant des habits richement décorés, bien que leur apparence de forbans trahissait leur statut. Tout semblait chaotique, mais il y avait un ordre invisible, que seuls les habitués semblaient comprendre.

Il dirigea la longue-vue vers une place centrale où une foule s’était rassemblée. Un homme était perché sur une estrade, gesticulant et criant. Vente aux enchères ? Jugement pirate ? Distribution de butin ?

— Qu’est-ce que tu vois, Mero ? lança une voix derrière lui.

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Il sursauta légèrement avant de voir Leila, qui l’avait suivi discrètement.

— Une ville vivante… et dangereuse. Un homme gesticule au milieu de la place, dit-il en plissant les yeux pour mieux observer. Il semble crier quelque chose… peut-être un discours ou une vente. Mais il y a aussi des gens qui se battent, un peu plus loin.

Il tendit la longue-vue à Leila pour qu’elle puisse regarder à son tour. Elle l’ajusta avec précaution et observa en silence quelques instants.

— Cela ressemble à un mélange de chaos et de règles tacites, murmura-t-elle. Tout est désorganisé, mais je parie qu’il y a un ordre sous-jacent.

Mero hocha la tête, pensif. Cette île semblait fascinante, un monde à part avec ses propres codes. Une part de lui brûlait d’envie de descendre à terre et de plonger dans cette atmosphère unique. Mais il se rappela les paroles du capitaine : Pas de vagues.

— Ça a l'air terriblement excitant… mais aussi dangereux, avoua-t-il à voix basse.

Leila le fixa un instant, son expression indéchiffrable. Puis elle lui rendit la longue-vue.

— Souviens-toi, Mero : la curiosité est une qualité, mais l’imprudence peut être fatale.

Il garda ses paroles en tête tandis qu'il continuait à scruter l'île. Le tumulte en bas ressemblait à une danse désordonnée de lumière et d’ombre, une invitation et un avertissement à la fois.

Le reste de la journée se passa à observer l'île à travers la longue-vue, étudiant ses rues animées, ses habitants bruyants et ses étranges coutumes. Peu à peu, il commença à distinguer les différents groupes qui composaient cette population hétéroclite.

Il y avait les marins, reconnaissables à leurs vêtements usés par le sel et le vent, souvent en train de négocier ou de boire dans les tavernes ouvertes sur la rue. Les marchands, plus raffinés, surveillaient jalousement leurs étals, échangeant des paroles rapides et tranchantes avec leurs clients. Les mercenaires et les hommes d’armes se tenaient en petits groupes, méfiants, les mains jamais loin de leurs armes. Mais ce sont les pirates qui attiraient le plus son regard.

Ils n’avaient pas d’uniforme précis, mais leur allure les distinguait. Certains portaient des vestes longues et richement décorées, d’autres se contentaient de chemises ouvertes et de pantalons rapiécés. Beaucoup arboraient des bijoux clinquants, vestiges de pillages passés. Ce sont eux qui semblaient imposer leur propre loi à l'île, une loi tacite où la force et l’audace prenaient le pas sur tout.

À mesure que le soleil descendait à l’horizon, Mero se surprit à ressentir une étrange admiration pour ce monde anarchique. Ici, tout semblait possible, tout semblait permis. Et même s’il savait que ce n’était qu’une illusion, qu’il y avait des règles cachées qu’il ne comprenait pas encore, l’idée d’explorer cette île de plus près devenait une obsession.

Demain, lorsqu’ils mettraient pied à terre, il saurait où poser son regard et quels visages observer. Et peut-être… peut-être qu’il trouverait un moyen d’en apprendre plus sans briser les règles imposées par le capitaine.

Ce soir-là, il n’y avait pas de formation aux armes. Tous les marins se préparaient pour une bataille réelle, en espérant que cela n’arrive pas. Les canons étaient chargés, prêts à tirer au moindre mot du capitaine. Le regard des marins fit comprendre à Mero qu'il n’avait pas sa place ici, qu'il devait se mettre à l’abri. Il percevait dans le regard des mousses une lueur d’inquiétude. Lentement, il descendit du pont, sentant la tension palpable dans l’air. Les marins, d’ordinaire bruyants et joviaux, étaient silencieux, le regard fixé sur l’horizon ou sur leurs armes. Même ceux qui plaisantaient encore quelques heures auparavant avaient perdu leur légèreté. L’odeur de la poudre et du sel se mêlait à l’atmosphère oppressante.

Les mousses, plus jeunes et inexpérimentés, se regroupaient dans un coin, échangeant des regards inquiets. Ils savaient qu’ils ne combattront pas en première ligne, mais en cas d’abordage, personne n’était à l’abri. Mero ressentit un pincement au cœur en voyant leurs visages tendus. Comme lui, ils étaient sur ce navire par devoir, par nécessité, et non par choix.

Maître Antonin s’approcha de lui et posa une main ferme sur son épaule.

— Va sous le pont, Mero. Ta place n’est pas ici.

Son ton était calme, mais sans appel. Mero hocha la tête et obéit, bien qu’une partie de lui refusât d’être tenu à l’écart. Il jeta un dernier regard vers le pont avant de s’éloigner. Derrière lui, les marins se préparaient au pire, tandis que l’île de pirates, sombre et imprévisible, se dressait devant eux comme une promesse de chaos.

La nuit se passa paisiblement, bien qu’il n’arrivât pas à trouver le sommeil.

Au matin, le bateau mit les voiles en direction de l’île. Le jour se leva lentement sur l’île. L’air était lourd et chaud, une brise légère venant de la mer agitant doucement les voiles du navire. Mero se tenait sur le pont, observant l’île de plus près. Ses côtes étaient abruptes, presque inaccessibles, avec des falaises plongeant directement dans la mer. Les maisons, éparpillées sur l’île, étaient simples mais robustes, comme si elles étaient conçues pour résister aux tempêtes et aux assauts. Les habitants, bien que peu nombreux, semblaient déjà affairés, comme s’ils avaient l’habitude de la vie dure ici.

Le capitaine donna les ordres de mise à terre, et les marins commencèrent à se préparer. Une partie du groupe se dirigea vers la ville pour y acheter des provisions et des matériaux pour réparer le bateau, tandis que d’autres restaient à bord pour protéger le navire en cas de danger.

Maître Antonin rejoignit Mero, toujours calme et méthodique.

— Nous avons du travail devant nous, Mero. Mais sois vigilant. Ce n’est pas une île comme les autres.

Il lui lança un regard sérieux, comme pour lui rappeler que, bien que ce terrain fût connu, le danger rôdait toujours dans cet environnement imprévisible.

Mero hocha la tête en silence, un sentiment étrange s’emparant de lui alors qu’ils se préparaient à débarquer sur cette île qui semblait à la fois pleine de promesses et menaçante.