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Chapter 12

-Tu tombes à pic toi, lui lança Monigam en gardant Raphaëlle en joue. Va ramasser leurs armes.

Dande garda le silence tandis que Raphaëlle tournait la tête vers Tolas, qui la suppliait du regard de ne pas bouger. Elle était mortifiée. Elle ne pouvait pas laisser ses compagnons mourir mais l’idée d’être contrainte de partir avec le balafré la révulsait au plus haut point.

Dans un coin de son esprit, elle maudissait son impuissance tandis que dans un autre, elle cherchait frénétiquement une solution pour les sortir de cette situation.

Si seulement elle avait gardé la lampe-torche dans ses mains, elle aurait pu essayer de la lancer droit sur le pirate. Est-ce qu’elle aurait le temps de sortir son poignard et de l’attaquer ? Si l’autre pirate n’était pas apparu, elle aurait tenté le coup, quitte à prendre une balle. Mieux valait la mort que d’être à la merci d’une pourriture. Elle s’était promis il y a longtemps qu’elle ne vivrait plus jamais une expérience aussi horrible. Si son sacrifice laissait une chance à Tolas de la venger en tuant leur assaillant, elle se sentait prête à risquer sa vie.

-Allez viens, dépêche-toi ma toute belle, à moins que tu veuilles regarder crever tous tes amis, la pressa Monigam avec des petits mouvements de menton. Dande, bouge-toi !

Une goutte de sueur coula le long du front de la jeune femme. Ses membres étaient lourds, ses bras semblaient peser des tonnes, ses jambes étaient faites de plombs. Tout son être était en train d’hurler qu’il fallait qu’elle reste immobile alors que son cœur, lui, lui disait qu’il fallait qu’elle avance, qu’elle se sacrifie pour Tolas et ses compagnons. Son cerveau tournait à plein régime, imaginant mille et une solutions qui pourraient la sortir de son impasse mais toutes ses idées se heurtaient au même obstacle, le mousquet entre les doigts du balafré.

-Putain, Dande, magne-toi ! s’impatienta Monigam qui ne prenait pas le risque de détourner son attention de l’équipe de l’Altaïr.

L’énervement du pirate fit sortir Raphaëlle de la transe dans laquelle elle se trouvait. Presque inconsciemment, elle tourna les yeux vers le deuxième pirate, le prénommé Dande, toujours debout près de l’entrée. Un homme un peu chétif, les traits tirés par la fatigue, les cheveux bruns mi-long qui lui tombait devant les yeux avec des vêtements rapiécés qui lui donnait plus l’air d’un vieux professeur que d’un pirate.

L’espace d’une demi-seconde, leur regard se croisa, et Raphaëlle eut une sensation étrange. Quelque chose dans les yeux de Dande le rendait fondamentalement différent du balafré mais elle ne sut pas dire quoi exactement. Puis leur contact se brisa et elle le vit mettre la main dans son dos, le visage impassible. Monigam, lui, était au bord de l’explosion.

-Dande, tu vas te bouger le cul…, commença-t-il en tournant la tête avant de s’interrompre.

Dande se tenait droit devant lui avec un air décidé. Avant même qu'il ne puisse esquisser un mouvement, le pirate planta soudainement un énorme poignard rouillé droit dans la poitrine de Monigam.

L’action avait pris tout le monde par surprise, figeant l’instant dans le temps. Monigam ouvrit la bouche pour essayer de dire quelque chose mais les seuls sons qui en sortirent étaient les bruits de gargouillements du sang qui commençaient à s’accumuler dans sa gorge. Dande, le regard froid, attrapa son poignard à deux mains et d’un coup sec, il le fit tourner dans la cage thoracique de Monigam, brisant plusieurs côtes d’un coup et faisant tomber le balafré à genoux. Il tenait encore son mousquet mais Dande lui arracha des mains sans aucun effort.

Plein de haine et d’incompréhension, le balafré leva les yeux une dernière fois vers celui qui venait de lui ôter la vie. Il réussit par miracle à attraper le haut du pantalon de Dande et il s’y accrocha de toutes les forces qui lui restaient, le sang perlant à la commissure de ses lèvres. Ce dernier attrapa la main de Monigam et lui fit lâcher prise violemment avant de lui cracher au visage avec un petit sourire malsain.

-Tu diras bonjour à Baste pour moi, crevure, lança Dande avec un dédain infini dans la voix.

Ce furent les dernières paroles que Monigam put entendre avant que l’étreinte glaciale de la mort ne l’emporte à jamais. Il s’écroula de tout son long à côté de Dande, qui ne faisait plus attention à lui.

Il avait déjà reporté son attention vers Raphaëlle, qu’il avait vu se rapprocher subrepticement. Quand il sentit qu’elle était prête à se jeter sur lui, il leva le mousquet vers elle, l’arrêtant sur sa lancée. Tolas, qui était en train d’attraper son sabre, se stoppa lui aussi, la main sur le manche et les yeux rivés sur Dande.

Mais avant que les deux adolescents n’aient le temps de faire quoi que ce soit d’autre, le pirate leva son arme et son autre main en l’air en signe de reddition avant de s’écrier :

-J’ai une proposition à vous faire !

-Une proposition ? répéta Raphaëlle, interloquée, avant qu’elle ne jette un coup d’œil à Tolas qui semblait tout aussi étonné qu’elle.

Le pirate hocha la tête.

-Je pense qu’on peut s’aider mutuellement et que, si on suit mon plan, on pourra partir de cette île sans trop de problèmes. Tant que vous promettez de pas m’étriper quand j’aurais rangé cette arme et d’assurer ma protection, je suis prêt à tout vous dire.

Tolas tomba dans une profonde réflexion, essayant d’évaluer le plus rapidement possible les avantages et désavantages possibles à aider ce pirate. Bien sûr, tout son entraînement et son instinct lui-même lui disait de ne pas accepter l’esquisse de proposition de ce Dande. De plus, il ne pouvait s’empêcher de penser aux dernières recommandations de son frère et même si cela lui faisait mal de se plier à sa volonté alors qu’il n’était même pas là pour l’exercer, Tolas se disait qu’il était peut-être préférable de refuser sa demande au pirate.

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-C’est promis ! s’écria Raphaëlle d’une voix forte et assurée. Maintenant, rangez cette arme !

Tolas ouvrit de grands yeux étonnés en tournant la tête vers la louve qui, une fois de plus, avait passé outre son autorité. Dande, lui, souffla un grand coup avec un petit sourire satisfait et, comme promis, il rangea le mousquet dans sa ceinture rapiécée. Cornell, lui, s’était enfin relevé, sentant que la situation avait l’air de s’être calmée.

-Raph’ ! hurla presque Tolas, excédé. Tu peux pas…

-Tolas ! le coupa-t-elle immédiatement. Il faut faire quelque chose pour Skepta sinon, il va se vider de son sang !

Le jeune homme baissa les yeux vers Skepta, qui bougeait de plus en plus faiblement sur le sol, le teint cireux. Il se mordit la lèvre, un peu honteux d’avoir complètement oublié la présence de son matelot blessé, avant de se mettre deux petites baffes sur les joues en même temps pour se remettre les idées en place.

-D’accord. Raph’, Cornell, gardez un œil sur lui, leur ordonna le bosco en se levant et en récupérant la lampe torche qui était encore sur le sol.

-Oui monsieur, lui répondirent-ils en même temps.

Le Bosco utilisa la lampe-torche pour fouiller dans son sac et il en retira un grand foulard noir et la bouteille d’eau qu’il avait prise le matin même. Il sortit également une toute petite bouteille d’antiseptique, un rouleau de sparadrap et deux petites compresses qu’on lui avait fourni en tant que kit de premiers secours.

Il attrapa fermement la jambe blessée du technicien, qui gémit faiblement, et renversa la moitié de sa bouteille d’eau sur sa plaie pour retirer un peu de sang. Tolas put ainsi constater que la balle n’avait pas traversé la cuisse de Skepta.

Priant silencieusement qu’aucune veines principales n’aient été touchées, il attrapa son sabre par terre à côté de lui et il trancha grossièrement le pantalon de Skepta pour laisser sa jambe à nue.

-Raph’ ! Éclaire moi ! ordonna le jeune homme en tendant la lampe-torche à son amie.

Raphaëlle, qui scrutait chacune des actions du bosco, s’en saisit en silence et repris son observation. Tolas s’enduisit les mains avec une partie de l’antiseptique avant de verser le reste sur l’une des compresses qu’il utilisa pour terminer de nettoyer la plaie du technicien. Ensuite, il découpa un peu de sparadrap et posa la deuxième compresse sur la plaie avant de prendre le foulard noir et d’en faire un noeud sur la cuisse de Skepta qu’il serra fermement.

Le Bosco souffla un peu en se passant une main sur le front.

-Okay… c’est pas grand chose mais ça devrait empêcher une grosse hémorragie, expliqua-t-il à Raphaëlle derrière lui. Mais plus vite on l’aura rentrer sur l’Altaïr, plus vite il s’en remettra sans finir avec une jambe de bois.

Raphaëlle s’approcha de Tolas et lui posa une main sur l’épaule. Elle était impressionnée par l’efficacité de son ami, c’était la première fois qu’elle le voyait soigner quelqu’un et véritablement agir comme un maître d’équipage. Peut-être qu’il y avait du bon à sa promotion en fin de compte.

Cornell ne put s’empêcher de se retourner vers le technicien blessé :

-Décidément, t’auras passé la soirée à me faire changer d’avis sur toi. Tiens le coup gamin.

Skepta ouvrit un œil faiblement et il hocha la tête avant de la laisser retomber lourdement en arrière.

-Bon, je vous ai laissé vous occuper de votre copain, mais on commence à manquer de temps, s’exclama soudain Dande, l’air impatient.

-C’est-à-dire ? lui demanda Raphaëlle.

Tolas s’était relevé, se tenant bien droit à côté de son amie.

-J’ai prévenu le reste des pirates de votre arrivée il y a bientôt une heure et Scornwallis est tout, sauf stupi-

-Scornwallis ? l’interrompit Tolas avec un air grave sur le visage. Le boucher des Isla Novaes ?

-Lui-même, reprit Dande comme si de rien n’était, et croyez-moi, s’il n’a pas reçu un message de Monigam d’ici une dizaine de minutes maximum, il va se douter de quelque chose et il enverra sûrement d’autres hommes ici.

Cornell lança un coup d’oeil paniqué à Tolas, qui lui renvoya en faisant de son mieux pour garder son calme. Raphaëlle, elle, plissa les yeux, essayant de se souvenir de pourquoi ce nom lui paraissait familier. Puis d’un coup, la mémoire lui revint et une grimace lui déforma le visage.

Quand elle était plus jeune, à l’époque où elle vivait dans les rues de Kardak avec ses autres amis voleurs, elle avait entendu parler des horreurs provoquées par le boucher des Isla Novaes. Les képis rouges avait été incapable de mettre la main sur lui. La seule raison pour laquelle il avait arrêté de défrayer la chronique était qu’il avait simplement disparu du jour au lendemain.

-On parle de combien d’hommes là ? s’enquit Cornell.

Dande eut l’air de réfléchir une seconde avant de répondre.

- Scornwallis ne bougera pas du Kemper tant qu’il ne saura pas où est Monigam… et sa garde rapprochée restera avec lui donc…à peu près dix personnes. Pas plus. Les autres sont dans un trop sale état pour faire le chemin jusqu’ici.

Tolas et Raphaëlle se jetèrent un regard suspicieux avant que Tolas ne reporte son attention sur Dande.

-Pourquoi vous nous dites tout ça, hein ? Qu’est-ce que vous avez à y gagner ? demanda le bosco.

-J’ai mes raisons.

-On s’en doute bien, on aimerait bien savoir lesquelles, histoire de savoir si on peut vous faire confiance, relança Raphaëlle.

-Vous voulez sérieusement que je gaspille le peu de temps qu’on a à vous dire pourquoi je fais tout ça ?

-Vous l’avez dit vous-même, de toute façon, Scornwallis va envoyer des gens ici, alors au pire, il nous reste une heure à tuer, lui lança Raphaëlle avec un petit sourire tout en croisant les bras.

Dande ouvrit de grands yeux, ne sachant pas s’il devait être amusé par l’audace de cette jeune marine ou s’il devait être agacé par son manque de sérieux. Et bien que cela faisait mal à l’égo de Tolas, il avait bien senti que son amie était en train de prendre le dessus dans cette conversation. Il suivit donc son exemple et croisa les bras à son tour, bientôt suivit par Cornell, qui avait bien compris le petit jeu de la jeune louve. Dande finit par lever les yeux au ciel et il se massa l’arête du nez un instant avant de soupirer.

-J’ai un compte à régler avec Scornwallis et sa bande et j’ai aucune chance de pouvoir le faire tant que je serais bloqué sur son bateau, ça vous va ?

-Ça a un rapport avec ce « Baste » dont vous avez parlé avant, c’est ça ? lui demanda Raphaëlle qui s’était souvenu des derniers mots de Dande à Monigam.

A l’entente de ce nom, la mâchoire de Dande se contracta d’un seul coup et il eut l’air d’avoir la respiration bloquée.

-… C’est…c’était mon petit frère, commença Dande en baissant la tête, on a toujours été ensemble et... c’était un bon bonhomme. Il avait rien à faire sur le bateau de Scornwallis…en tout cas, s'il avait pu en partir, il aurait peut-être eu une chance de survivre....