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Chapitre 10

Les bureaux étaient divisés sur deux étages. La partie administrative ouverte aux visiteurs était au rez-de-chaussée tandis que celle des employés se trouvaient au premier étage. Les deux pirates avaient décidé de rester ensemble pour fouiller les étages, jouant la carte de la prudence. Cela faisait une dizaine de minutes qu’ils ouvraient chaque bureau, un à un, s’enfonçant à chaque fois un peu plus dans le bâtiment tout en grognant d’exaspération à chaque fois qu’ils trouvaient une pièce vide.

-Mais c’est pas vrai ça, y avait combien de couillons qui bossaient ici ? s’écria l’un des deux pirate, un asiatique avec une voix nasillarde et le torse complètement bandé.

-Ferme-là, Saneda, lui répondit l’autre pirate, un blond baraqué sur un ton plein d’exaspération. On essaie d’être discret.

Arrivés au dernier bureau du rez-de chaussée, qui était toujours aussi vide, les deux hommes se dirigèrent vers l’escalier du fond du couloir pour monter à l’étage supérieur.

-Tu crois que ce sont des Ermythiens qu’on a raté ? s’enquit Saneda en grimpant les marches deux par deux.

-Aucune idée, lui répondit l’autre pirate, je crois que Dande a rien dit de spécial à Monigam, seulement qu’il avait vu quatre personnes entrées ici.

-Attends, et s’il avait menti ? Vu comme ils se détestent, ça m’étonnerait pas qu’ils tentent de se la mettre à l’envers l’un l’autre, reprit Saneda en s’arrêtant sur le palier de l’étage.

-Franchement, je pense pas que Dande aurait les couilles de faire ça, y' a quand même Scornwallis derrière Monigam, je serais lui, j’irais pas le faire chier avec des…, commença l'autre homme avant de s’arrêter net et de mettre sa main sur le torse de Saneda.

-Wow, qu’est-ce qui te prends Jar-, commença Saneda avant de voir que son compagnon, Jared, avait mis son doigt devant sa bouche et lui faisait des signes de tête en direction des bureaux.

Saneda tourna la tête et ouvrit de grands yeux. Il pouvait voir de la lumière venir de sous la porte d’un des bureaux fermés vers le milieu de la pièce.

Sans se dire un mot, Jared et Saneda dégainèrent leur sabre et se rapprochèrent discrètement de la porte. Jared leva les yeux, remarquant une petite plaque qui indiquait qu’ils se trouvaient devant le bureau du maire de la ville. Ils se mirent de part et d’autre de l’entrée, le sabre levé et Saneda lança un décompte silencieux avec sa main de libre. Arrivés à trois, ils défoncèrent ensemble la porte d’un énorme coup de pied en explosant la serrure. Sans perdre une seconde, ils s’engouffrèrent dans la pièce.

Une jeune femme en vieille chemise de marin un peu trop grande pour elle était assise dans un fauteuil derrière l’énorme bureau du maire, les bras croisés. C'était la lumière d'une lampe posée dessus qui filtrait sous la porte. Ses longs cheveux noirs bouclés lui tombaient en cascade devant les yeux et pourtant, les deux pirates ne pouvaient pas détacher leur regard du sien. Elle les fixait d'un air meurtrier qui les fit légèrement frissonner.

-Vous en avez mis du temps, leur dit-elle sur un ton étrangement joueur, j’ai failli attendre.

Jared et Saneda se jetèrent un coup d’oeil, complètement abasourdi par la situation, puis reportèrent leur attention sur la jeune femme, qui leur lançait maintenant un sourire presque aguicheur. Puis d’un coup, un choc énorme à l’arrière de leurs têtes leur fit perdre conscience exactement au même moment et ils s’étalèrent de tout leur long devant leur mystérieuse apparition.

-Et ça fait quatre ! se réjouit la jeune femme en s'étirant un peu. Toujours aussi efficace !

-Et j'y crois toujours pas. T’en caches encore beaucoup des talents comme ça, petite louve ? demanda Cornell tout en ligotant l’un des pirates inconscients.

-Encore plus que ce que tu crois, lui répondit-elle du tac au tac avec un petit rire.

Le vieillard partit d’un grand rire avant de se souvenir de la situation dans laquelle ils étaient. Skepta était en dehors du bureau, à monter la garde, pendant que Tolas et lui étaient en train de s’occuper d’attacher les pirates ensemble. Cornell mit un petit coup de coude discret à Tolas avant de lui glisser :

-Et ben, elle va vous en faire voir de toutes les couleurs celle-là, monsieur !

Tolas ne lui répondit pas, il avait les yeux rivés sur Raphaëlle, qui lui renvoya son regard en penchant la tête sur le côté avec un sourcil interrogateur. Reprenant ses esprits, le bosco se racla rapidement la gorge et termina de ligoter son pirate. Il se releva et sortit du bureau du maire, suivi de Raphaëlle et de Cornell. Skepta les rejoignit et, sans un autre mot, ils descendirent prudemment les escaliers pour retourner au rez-de-chaussée.

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Monigam et Fletcher avaient eu le temps de grimper tout en haut de la tour de guet avant de s’arrêter près du mur brisé pour reprendre leur souffle. Monigam se rapprocha du trou dans le mur, observant les ténèbres qui recouvrait le reste de la ville et la baie de Vyx. Fletcher, lui, tentait tant bien que mal de faire partir la douleur dans sa cheville droite, qu’il avait foulé durant leur attaque et qui le lançait terriblement depuis qu’il avait glissé sur un débris en montant la tour.

-Franchement, j’ai du mal à l’imaginer faire ça, surtout si c’est seulement pour vous faire chier, dit-il en se massant la cheville avec une grimace sur le visage. Après ce qu’il s’est passé avec Baste....

-Il se croit tout permis parce qu’on le laisse faire son deuil, c’est bien ça le problème, le coupa Monigam, le visage fermé. La seule raison pour laquelle il respire encore, c’est parce que Scornwallis veut respecter les décisions de "l'Amiral".

Monigam cracha d’un seul coup sur le sol, l’air furibond.

-Un rat de cale à qui on permet de pleurer la mort de son frère. Un ramassis de conneries…

Finalement, l’expression du visage du balafré finit par se radoucir et l’ombre d’un sourire flotta même sur son visage. Il tourna la tête vers Fletcher avec une lueur mauvaise dans le regard.

-Ce serait dommage qu’un des intrus soit armé et qu’il bute Dande, tu penses pas ?

Fletcher leva un sourcil interrogatif avant de voir que Monigam passait doucement sa main sur son arme, un vieux mousquet rangé dans sa ceinture marron en sale état. Il se mit à sourire lui aussi.

-Oui, surtout qu’on s’est bien battu mais ils voulaient vraiment notre peau, les salauds. Dande s’est pris une balle pile entre les deux yeux alors qu’il tentait de nous protéger, s’écria Fletcher d’un ton surjoué.

-Un vrai héros, s’esclaffa allégrement Monigam avant de reprendre son expression taciturne habituelle et de se diriger vers les escaliers. Que les autres aient trouvé quelque chose ou non, ce soir, la lignée des Dande s’arrêtent.

Le balafré se retourna en faisant un petit signe de tête à Fletcher. Celui-ci se releva, non sans mal, et prit la direction des escaliers, suivi par Monigam. Leur descente fut lente et silencieuse jusqu’à ce qu’ils arrivent à mi-chemin, quand le balafré finit par remarquer que Fletcher boitait bizarrement chaque fois que son pied droit touchait une marche.

-Tu me joues le boiteux ? Qu’est-ce qui t’arrives ?

-Désolé monsieur, c’est ma cheville qui me fait mal depuis que je me suis pris la poutre dans l’épicerie, lui répondit Fletcher.

-La poutre dans l’épicerie ? Quoi, t’es en train de me dire que le gosse à vraiment réussi à te pousser assez fort pour que le toit s’effondre ?

Fletcher, un peu vexé, continua de descendre les escaliers en accélérant le pas, une grimace de douleur sur le visage.

-Je vous rappelle que toute la charpente était en feu et que j’étais pas concentré sur lui à ce moment.

Un rictus moqueur déforma le visage de Monigam.

-C’était si difficile que ça de tuer une vieille peau et un marmot? Peut-être qu’on aurait dû le recruter au lieu de te laisser l’embrocher.

Piqué au vif, Fletcher se retourna dans l’escalier, sans faire attention où il marchait.

-Je tiens quand même à vous dire que…, commença le pirate avant de poser le pied sur un morceau de pierre cassé et de perdre l’équilibre.

La cheville du pirate, déjà affaiblie par son entorse, se plia sur elle-même dans un crac sonore et Fletcher dégringola douloureusement sur les derniers mètres qui les séparaient du rez-de-chaussée.

Monigam ouvrit de grand yeux, pris par surprise par la chute soudaine de son compagnon, avant qu’il ne souffle du nez et que son rictus ne s’accentue. Il leva les yeux au ciel et descendit tranquillement les escaliers jusqu’à ce qu’il entende le bruit d’un impact violent et un cri de douleur perçant. Il s’arrêta net dans les escaliers, à quelques marches du rez-de-chaussée, quand il put entendre le bruit d’un objet qui se briserait et un nouveau râle d’agonie qui s’éteignit après quelques secondes.

Le balafré s’accroupit et sortit son arme, respirant aussi discrètement que possible et tendant l’oreille, à l'affût. En fermant les yeux et en se concentrant, il put entendre des bribes de conversations.

-… surprise… avez bien réagit ! semblait dire une jeune voix masculine.

-…clavier… un siège… tout… une arme avec toi ! répondit une voix féminine avec un ton enjoué.

Les yeux de Monigam se plissèrent et un sourire pervers lui traversa le visage.

- …le dernier…je ne sais pas…de la chance, dit une troisième voix un peu chevrotante et nasillarde.

-Je vais…arrêter…faire chier…, dit une voix beaucoup plus vieille que les autres et vraisemblablement plus proche de sa position.

Les doigts du pirate se resserrèrent sur le manche de son arme et il se redressa lentement en ouvrant les yeux. Il remarqua tout de suite que les quatre voix devaient avoir un moyen de s'éclairer parce qu’il pouvait voir de la lumière venant du bas des marches. Il se mit à descendre aussi discrètement qu’il pouvait, le doigt sur la gâchette, et s’approcha lentement de la lumière.

Sa respiration était calme et mesurée tandis que son cerveau tournait à plein régime. Le petit mousquet qu’il transportait devait être rechargé entre chaque tir mais, pour compenser, il était très puissant et extrêmement bruyant. Cela avait tendance à paralyser ses adversaires de peur pendant juste assez longtemps pour qu’il puisse charger une nouvelle balle. Il comptait sur l’effet de surprise pour prendre les quatre intrus de vitesse et en tuer au moins deux en une dizaine de secondes.

Il pouvait encore les entendre en train de discuter et il put facilement se faire une idée de la position approximative de chacun des propriétaires des voix. La première voix annonça qu’il était temps pour eux de partir. Dès qu’il vit que la lumière sur les marches s’était déplacée, le balafré se jeta vers le bas des escaliers, visant la personne la plus proche, et quand il vit un pull rayé rouge et noir, il le mit en joue et tira.