Tolas tenta une coupe horizontale contre Lowell mais le pirate la dévia sans problème. Il lança une contre-attaque tellement rapide que le bosco eut à peine le temps d’éviter la pointe de la rapière qui passa à quelques centimètres d’une de ses oreilles.
Puis, comme apparu de nulle part, Zedek abattit son sabre par-dessus l’épaule de Lowell, droit vers la tête de Tolas. Raphaëlle réussit à parer pour son ami et Tolas essaya d'attaquer à nouveau, mais Lowell intercepta son bras avant qu’il ne termine son mouvement. Il lança une pique vers le torse du bosco alors qu’ils étaient maintenant quasiment nez-à-nez.
Ce dernier fit un rapide pas de côté pour esquiver, sans se rendre compte que ce n’était pas lui que Lowell cherchait à atteindre. Raphaëlle n’eut pas le temps de voir venir la pointe de la rapière, le corps de son ami lui cachant la vue, et se fit légèrement transpercer le haut de l’épaule. Les yeux exorbités par la douleur soudaine, elle se recula aussi vite que possible.
Lowell, qui tenait encore le bras de Tolas, le tira vers lui et lui mit un violent coup de casque directement dans le nez, désorientant le jeune homme. Le pirate masqué continua son mouvement jusqu’à ce que son corps soit plié vers l’avant, comme s'il saluait le bosco.
La jambe de Zedek passa par-dessus le corps plié de Lowell et il asséna un chassé directement dans l’estomac de Tolas, le faisant décoller du sol et percuter Raphaëlle derrière lui.
La louve réussit à ne pas perdre l’équilibre quand Tolas l’atteignit et ils reculèrent tous les deux en titubant. Lowell ne leur laissa pas le temps de respirer et il lâcha soudainement une pluie d’attaques piquées sur eux.
Les deux marins réussirent à parer la plupart des coups mais Lowell semblait absolument inarrêtable. A mesure que son assaut continuait, Tolas et Raphaëlle commencèrent à accumuler des petites coupures un peu partout sur le corps sans pouvoir réagir autrement qu’en se défendant.
Dès que l’un d’eux essayait de répliquer, c’était Zedek qui les attaquait, caché derrière la fine silhouette de Lowell. Il profitait de la longueur de ses membres pour les garder sous pression tout en restant hors de portée.
Malgré la longueur de l'échange, Raphaëlle remarqua que Tolas ne semblait pas faiblir. Il avait même l’air de gagner en rapidité. La seule chose qui lui faisait perdre pied était les assauts aléatoires de Zedek qui l'obligeaient Tolas à parer de toutes ses forces, laissant ainsi le temps à Lowell de le couper à plusieurs reprises mais toujours de manière superficielle.
La sueur coulait sur le front de Raphaëlle alors qu’elle relevait encore une fois son petit poignard, déviant à peine la rapière de Lowell. Le temps semblait s'écouler au ralenti et son bras était de plus en plus lourd à mesure qu'elle se défendait.
Tolas essayait parfois de se mettre devant elle pour lui offrir un peu de répit mais après quelques secondes, invariablement, un coup de Zedek renvoyait le bosco à ses côtés et ils étaient de nouveau sous la pluie d’estocs de Lowell.
Bien que les pirates auraient pu les abattre depuis longtemps, ils avaient plus l'air d'être sur la défensive que l'inverse et leurs seuls coups d’éclat arrivaient quand Zedek renvoyait Tolas en arrière. Soudainement, Raphaëlle eut une illumination.
Les coups de Zedek étaient loin d'être aléatoires. Il les utilisait pour protéger Lowell le temps que celui-ci reprenne son souffle. Et comme Scornwallis leur avait interdit de les tuer, ceux-ci devaient encore plus se fatiguer pour réussir à les mettre hors d’état de nuire. Sans compter le fait qu’il manquait maintenant un bras au pirate pâle.
Raphaëlle se rendit compte qu’elle pouvait utiliser cette lubie de Scornwallis à son avantage.
Attendant un moment propice, la jeune femme para l’un des coups de Lowell en faisant un grand geste qui laissa son flanc droit complètement exposé. Le pirate masqué ne manqua pas l’occasion et lança un estoc mais Raphaëlle, au lieu de reculer quand elle fut touchée par la pointe de la rapière, fit un pas en avant, faisant exprès de s’embrocher un peu plus que nécessaire. Elle lâcha un grand cri de douleur, faisant dramatiquement tomber son poignard le plus proche possible de Lowell, et elle se laissa tomber sur les genoux avant de s’écrouler au sol.
Immédiatement, les trois hommes s’immobilisèrent et le cœur de Tolas s'arrêta net. Pourtant, avant même qu’il n’ait le temps de dire quoi que ce soit, ce fut Lowell qui se mit à hurler :
-NON !!!
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Un lourd silence s’installa en quelques secondes. Puis ils entendirent le bruit lourd de quelque chose qu’on laisserait tomber par terre venant de derrière eux. Lowell et Zedek se retournèrent, complètement en sueur.
Scornwallis était debout, de dos, les corps mutilés à peine encore en vie des deux Ermythiens devant lui. Tout doucement, sa tête commença à se retourner alors que le reste de son corps était toujours immobile. Tolas ouvrit de grands yeux horrifiés en voyant l'expression de Scornwallis. Son visage était un masque de haine, ses veines pulsaient sur sa figure comme des vers de terre et ses yeux bleus étaient complètement injectés de sang.
-Lowell…, grogna-t-il d’une voix rocailleuse.
Le pirate masqué sembla se décomposer sur place tandis que les yeux de Zedek s’agitaient dans tous les sens. Tolas, lui aussi obnubilé par la présence magnétique de Scornwallis, remarqua du coin de l’œil que quelque chose bougeait à ses pieds. Le temps qu’il baisse la tête, Raphaëlle avait déjà sauté sur son poignard, juste derrière Lowell qui lui faisait maintenant dos.
Vif comme l’éclair, le pirate masqué se retourna et piqua instinctivement vers le bas, touchant Raphaëlle à la cuisse alors qu’elle était en train de se relever. Mais cela ne l’arrêta pas dans son élan et, tenant fermement son arme, elle leva le bras de toute ses forces et planta son poignard dans l’œil gauche de Lowell.
Les bords du masque autour de ses yeux empêchaient la lame de s’enfoncer complètement dans l’orbite du pirate mais celui-ci lâcha un hurlement de douleur gutturale.
Tolas, le cœur en liesse, n’attendit pas une seconde de plus et profita de la confusion pour trancher le torse exposé de Zedek en diagonale. Le pirate pâle réussit tout de même à mitiger les dégats en reculant mais le jeune marin, encore plus rapide qu’avant, réussit à le toucher à la jambe. Zedek perdit l’équilibre, la douleur l’ayant terrassé, et il tomba un genou à terre, refusant de lâcher la seule épée qui lui restait dans sa main valide.
Pendant ce temps, Lowell était en train de chanceler sur le pont, se vidant progressivement de son sang en lançant des coups de rapières dans le vent. Celle-ci finit par lui échapper des mains et roula du côté de la proue du Kemper.
Après plusieurs secondes à s’agiter vainement, le pirate finit par se traîner vers Scornwallis, trébuchant à plusieurs reprises sur le pont accidenté. Il commença à tomber en arrière mais son capitaine le rattrapa au vol en le soutenant dans ses bras. Le pirate masqué leva faiblement la main et essaya sans succès d’attraper la poignée du poignard de Raphaëlle avant que son bras ne retombe.
-Vous…vous avez vu capitaine… ? réussit-il à balbutier faiblement. Je…je ne l’ai pas tué.. elle est vivante…intacte…
Les yeux bleus de Scornwallis s’abaissèrent pour observer celui encore valide de Lowell. Ce dernier rassembla ses dernières forces pour tenter de toucher le visage de son capitaine mais Scornwallis se saisit du manche du poignard et, d’un coup sec, le tourna dans l’orbite de Lowell, achevant ainsi le pirate et brisant son masque par la même occasion.
Le capitaine laissa tomber le corps de son subordonné sans ménagement, gardant le poignard de Raphaëlle dans les mains. Il l’analysa quelques secondes puis il reporta son attention sur Zedek, toujours à genoux devant Tolas.
-Bras droit fracturé, une entaille de cinq centimètres de profondeur du genou à l'aine et une autre de trois de la clavicule gauche a l'épine iliaque antéro supérieur droite..., constata-t-il en quelques secondes. Tss, tu sers déjà plus à rien, c’est ça ?
Zedek lâcha son arme et son corps sembla s’affaisser complètement avant qu’il ne se mette à trembler. Il releva la tête, le visage déformé par la peur.
-Non, capitaine ! Je peux encore vous être utile ! Laissez-moi une chance ! hurla-t-il avec le peu de forces qui lui restait
-C’est vrai, lui répondit Scornwallis, ta tribu à encore beaucoup trop de secrets pour moi.
Puis quelque chose fila à toute vitesse à côté du visage de Raphaëlle en brillant et projeta le corps de Zedek en arrière. Tolas avait à peine réussi à suivre la trajectoire de l’objet des yeux mais il avait encore du mal à croire ce qu'il venait de voir.
La louve cligna des yeux, incrédule, en voyant la main maintenant vide du capitaine. Elle se retourna vers le corps de Zedek, qui était maintenant allongé sur le dos. Son poignard était planté jusqu’à la garde dans le torse du pirate pâle.
-Son seuil de tolérance était définitivement au-dessus de la moyenne, continua Scornwallis comme si de rien n’était, j’espère que son cerveau m’en apprendra plus.
Tolas arracha le poignard du cadavre de Zedek puis s’approcha de son amie et lui tendit son arme tout en gardant Scornwallis en vue. La jeune femme, toujours à l’affut, attrapa son poignard d’une main tremblante. Elle était épuisée, physiquement comme mentalement, et pourtant ils allaient devoir affronter l’adversaire le plus dangereux. Elle repensa à la vitesse à laquelle Scornwallis avait jeté le poignard et elle déglutit bruyamment, une sensation pesante dans l’estomac.
-Vous êtes meilleurs que ce que j’imaginais, leur dit Scornwallis avec un air pensif. Le gamin, je m’y attendais encore, mais la pisseuse…ça m’étonne vraiment.
Il renifla l’air vers Raphaëlle et leva les sourcils.
-T’as rien de spécial mais t'as réussi à éliminer plusieurs de mes hommes dont deux de mes sujets les plus résilients...et j'ai définitivement l'impression de t'avoir déjà vu quelque part...
L'expression inhumaine qui traversa son visage l'espace d'un instant glaça le sang des deux marins. Toutes les fibres du corps de Raphaëlle lui hurlaient qu’elle était en danger. Tolas, instinctivement, s’était mis devant elle pour la protéger.
Scornwallis retira sa redingote, se mettant torse nu, et il inspira profondément, ses yeux fixés sur ses deux nouvelles cibles. Ce fut comme si l'air autour de lui s'était mit à vibrer.
-Il faut que j’en sache plus.