Une dizaine de minutes auparavant, les marins de l'Altaïr avaient traversé le bâtiment pour arriver en bas des marches de la tour de guet. Ils avaient fouillé tout le reste de l'hôtel de ville mais Tolas préférait ne rien laisser au hasard.
-Je pense qu'on ferait bien d'attendre ici. Si qui que ce soit est monté par là, il sera bien forcé de redescendre un jour, expliqua le bosco à voix haute.
Cornell et Skepta opinèrent de la tête mais Raphaëlle, elle, sembla l'ignorer. Tolas s'approcha de la jeune femme qui éclairait le corps mutilé de la réceptionniste sur sa chaise avec sa lampe-torche.
-On peut pas la laisser là, comme ça, dit-elle en sentant la présence du bosco derrière elle.
-Raph, je sais pas si on à vraiment le temps de faire quoi que ce soit pour elle.
La mousse fit un bruit de bouche de dédain et, sans attendre, elle alla prendre le corps de la réceptionniste dans ses bras et l’allongea au sol en passant une main dans ses cheveux, l’air triste. Cornell s’approcha de Tolas et lui posa une main sur l’épaule.
-M’sieur Tolas, je comprends que vous teniez vraiment à pas raté votre mission mais essayez de pas oublier de faire preuve de compassion…
Tolas ouvrit la bouche pour protester mais le vieillard continua de parler.
-...pour montrer que vous êtes un bosco différent de l’ancien, conclu t-il avec un petit sourire.
Le jeune homme resta silencieux avant d'acquiescer. Il retourna un petit sourire timide à Cornell et ce dernier se contenta de faire un geste de menton vers Raphaëlle. Le bosco se mit en marche et s’agenouilla à côté de son amie, qui avait déchiré un morceau de la veste de la jeune femme et qui lui avait légèrement nettoyé le visage. Ne sachant pas réellement ce qu’il devait ou même pouvait faire pour montrer son soutien, il prit les bras du cadavre et les déposa en croix sur sa poitrine. La louve lui mit un petit coup d’épaule pour montrer son appréciation tandis qu’elle terminait de nettoyer la jeune femme.
-Si ça avait été moi, je crois que t’aurais préféré qu’on montre un peu de respect pour mon cadavre, non ? lui dit-elle avec une petite pointe d’humour macabre. Elle méritait pas de rester comme ça ici…
-Je…je comprends, lui répondit Tolas.
Tandis que les deux adolescents renouaient lentement la conversation entre eux, Skepta s’approchait de la chaise désormais vide et essayait discrètement de la ramener avec lui pour s'asseoir à côté de l’entrée de la tour de guet. Mais il sentit très vite le poids d’un regard réprobateur dans son dos et il se retourna.
-Pile quand je commence à te trouver supportable, tu trouves un moyen de jouer les troufions, lui lança Cornell sur un ton dédaigneux.
Skepta se mit à rougir dans les ténèbres mais il ne lâcha pas la chaise pour autant.
-Je commence à en avoir vraiment marre que tu te permettes de me juger dès que je fais quelque chose ! se plaignit le technicien en soutenant le regard de Cornell.
-J’ai une solution très simple, arrête de faire de la merde ! lui répondit le vieux loup de mer.
Le technicien ouvrit de grands yeux indignés et, une moue excédé sur le visage, il souleva la chaise tout en fixant Cornell des yeux et il la posa devant lui. Le vieillard leva un doigt, les narines retroussés et la tête légèrement penché sur le côté mais Skepta l’ignora et s’apprêta à se poser sur le chaise quand le son d’une voix se mit à leurs parvenir depuis le haut des escaliers, les figeants tout les deux dans leur actions.
-...vous dire que… réussirent-ils à entendre avant que la voix ne s'interrompt.
Le silence ne dura qu’une demi-seconde et bientôt, le bruit de quelque chose qui tombait dans les escaliers, dégringolant vers eux à toute vitesse, résonna dans la pièce.
Tolas et Raphaëlle se levèrent brusquement en entendant les bruits derrière eux quand le corps d’un pirate atterrit violemment aux pieds de Skepta.
L’homme, plutôt mal en point, lâcha un cri de douleur aigüe, les yeux fermés et se tortillant un peu sur le sol. Le technicien, réagissant au quart de tour, attrapa le dossier de la chaise et l'abattit de toutes ses forces droit sur la tête du pirate. L’objet se brisa sous la puissance de l'impact et le pirate hurla de toutes ses forces avant de perdre conscience, le crâne en sang. Tolas s’approcha lentement de ses deux matelots en observant le corps inconscient devant lui.
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-Il aurait pu nous avoir par surprise, vous avez bien réagit ! le félicita Tolas.
Raphaëlle s’approcha elle aussi avec un sourire un peu espiègle, éclairant le corps de la victime du technicien pour voir son état.
-D’abord le clavier, maintenant avec un siège… tout devient une arme avec toi ! s'exclama-t-elle en riant.
Skepta lâcha les morceaux de bois qui lui restaient dans les mains en respirant bruyamment.
-Je…je sais pas si c'était le dernier mais j'avoue que là, j'ai eu de la chance, reconnut-il en essuyant la sueur qui s’était formée sur son front.
Cornell s’approcha du corps du pirate et s’agenouilla devant lui pour vérifier que ce dernier était bien inconscient. Il leva ensuite la tête vers Skepta.
-Je vais peut-être arrêter de te faire chier moi…
La remarque fit sourire le technicien qui bomba légèrement le torse sous les regards amusés de Raphaëlle et Tolas. Le bosco fouilla le pirate sans rien trouver de spécialement utile sur lui. Il retourna ensuite au centre de la pièce, l’air pensif.
-Vu le nombre de pirate qu’on avait vu approcher, j’ai l’impression que le compte y est. Dans le pire des cas, il ne devrait en rester qu’un seul. Je pense qu’on ferait bien de sortir d’ici et de trouver un endroit facile à protéger pour attendre que la nuit passe. On en profitera pour discuter de la suite des événements, conclut Tolas avec un air assuré.
Les matelots de l’Altaïr se regardèrent les uns les autres, et hochèrent tous la tête en accord avec le plan de leur bosco.
Mais alors que tout le monde se préparait à partir, Raphaëlle entendit un bruit de débris qui tomberait en cascade juste derrière elle. Vive comme l’éclair, elle tourna la tête pour voir une masse informe sauter des escaliers en avant droit vers eux. L’instinct quasi-animal de la jeune femme prit le dessus et, lâchant la lampe-torche, elle se jeta droit sur Cornell, le faisant tomber au sol. L’instant suivant, un terrible bruit de détonation leur perça les tympans et Skepta se mit à hurler de douleur en chutant en arrière.
Tolas mit quelques secondes avant de réagir et il se lança vers le technicien, qui avait été touché à la jambe et qui se vidait lentement de son sang, tandis que Raphaëlle se relevait déjà, prête à se jeter sur leur assaillant. Mais ce dernier, qui était lourdement tombé droit sur le dos de son compagnon inconscient au sol, s’était lui aussi relevé et il la maintenait maintenant en joue, une lueur mauvaise dans les yeux.
-Plus personne ne bouge ! lança Monigam avec un ton assuré. Vous allez poser toutes vos armes sur le sol sans mouvement brusque !
Raphaëlle s’était figée, fixant le pirate sans bouger un seul de ses muscles. Tolas, derrière elle, était agenouillé près de Skepta, qui continuait de crier en se tenant la jambe, mais il n’osait pas plus s’approcher de lui, de peur que le pirate ne décide de leur tirer dessus. Cornell, toujours face contre terre, était à moitié sonné par le choc qu’il avait reçu quand Raphaëlle lui avait sauté dessus mais il faisait de son mieux pour garder son calme.
Très lentement, Tolas sortit son sabre de sa ceinture et le déposa par terre à côté de Skepta, pendant que Cornell sortait son propre couteau de sa poche et qu’il le posait à côté de lui. Raphaëlle, elle, n’esquissa pas un mouvement, préférant garder sur elle le petit poignard qu’elle avait caché dans sa botte.
Monigam se passa une main dans les cheveux, se les plaquant sur la tête pour éviter qu'ils obstruent sa vision, et un petit gloussement de rire fit bouger sa poitrine.
Il ne savait pas comment la gamine avait réussi à sauver la vie du vieillard, mais cela importait peu, il avait quand même réussi à toucher l’un d’entre eux. Il aurait préféré avoir eu le temps de recharger son arme mais tant que les intrus ne se doutaient de rien, il gardait l’avantage sur eux. Il baissa les yeux vers Fletcher, qui était par terre à côté de lui, toujours inconscient, et il remarqua la petite flaque de sang qui avait commencé à se former sous lui.
-Vu dans quel état il est, je donne pas cher du reste de mes hommes. Franchement, ce serait de bonne guerre que je vous laisse regarder votre grande tige se vider de son sang, vous croyez pas ? leur demanda le balafré tout en faisant le tour de la pièce pour se rapprocher de la porte d’entrée.
Raphaëlle et Tolas fixaient Monigam, leur tension au maximum. Skepta avait arrêté d’hurler et il respirait maintenant bruyamment par la bouche, le visage en sueur, en se tenant la jambe de toute ses forces. Il pouvait sentir que son état se dégradait à vue d’œil et il n’était pas loin de tomber dans les pommes.
La louve faisait de son mieux pour garder son attention sur le pirate mais ses yeux faisaient des aller-retour entre lui et le sang qui s’était accumulé sur le sol autour de la jambe du technicien. Tolas n’attendait qu’une chose, qu’on le laisse s’occuper de son matelot en paix, et une horrible sensation lui creusait l’estomac, comme une boule qui ne faisait que grossir de secondes en secondes.
-Je vais vous donner une chance de le sauver, mais pour ça, il va falloir que la friandise vienne avec m… commença Monigam avant d’être interrompue par le bruit de la porte del’hôtel de ville qui s’ouvrait.
Tous les membres de l’Altaïr tournèrent la tête en même temps vers le nouveau venu alors que Monigam, lui, avait gardé son attention droit sur eux. Il se doutait de qui avait ouvert la porte derrière lui.
-Mais qu’est-ce qui se passe ? demanda Dande en fronçant les sourcils, analysant la situation du regard.