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Chapitre 21

Scornwallis, toujours à quelques mètres d’eux, attrapa son nez tordu et, dans un craquement sonore, le remit en place. Il se passa une main dans les cheveux et expira bruyamment en fermant les yeux.

-D’abord la pisseuse qui se fout ouvertement de ma gueule et maintenant, ma future écharpe qui m’ignore ? dit-il en riant jaune. Personne n’a jamais osé autant me manquer de respect sur mon propre navire. Personne.

-Raph, commença Tolas en reportant son attention sur Scornwallis, je vais essayer de le retenir le temps qu’il arrive alors reste derrière moi !

-Quoi ? Mais t’y arriveras jamais !

Scornwallis rouvrit ses yeux, maintenant injectés de sang, et se jeta vers les deux marins en serrant ses poings. Il lança une frappe tellement rapide que Raphaëlle fut incapable d’y réagir mais Tolas l’intercepta d’une seule main. Le pirate tenta de frapper avec son autre main mais Tolas l’intercepta aussi et il réussit à maintenir le pirate en place, l’empêchant ainsi d’avancer. Les deux hommes poussaient dans un sens et dans l’autre, ayant l’air de faire jeu égale.

Raphaëlle en était bouche bée. Elle avait la nette impression que les bras de Tolas avaient doublé de volume pour lui permettre de retenir la force surhumaine de Scornwallis. Le pirate lui-même avait l’air d’avoir du mal à se défaire de la poigne de Tolas.

-Et ben…merde ! réussit-il à dire tout en continuant d’appuyer contre les mains de Tolas. Tu te… retenais… tout à l’heure ? Ou c’est parce que… t’essaye de faire… le beau… que t’arrive à te défendre…maintenant ?

Les bras de Tolas étaient visiblement en train de trembler et tout son corps était arqué vers l’avant. Il était beaucoup trop concentré pour tenter d'avoir la moindre répartie. Raphaëlle pouvait pratiquement sentir la pression qui émanait de leur empoignade. Elle se mit à chercher autour d’elle dans l’espoir de trouver une arme et vit son poignard à quelques mètres d’elle. Mais quand elle essaya de faire un pas en avant, elle sentit ses forces soudainement la quitter et elle manqua de s’effondrer à nouveau.

Confuse par sa propre faiblesse, elle baissa les yeux et vit la petite flaque de sang qui s’était formée sous ses pieds. Elle réalisa avec horreur que malgré la lucidité dont elle faisait encore preuve, c’était son corps qui était en train de la lâcher. Elle avait perdu beaucoup trop de sang. Cela faisait déjà longtemps qu’elle avait dépassé ces limites et elle ne s’en était même pas rendue compte.

Un cri bestial ramena la louve à la réalité. Tolas utilisait littéralement toutes ses forces pour maintenir le pirate en place mais Scornwallis avait presque l’air de s’amuser. Redoublant d’effort, le marin réussit à le faire reculer d’un pas et le corsaire fronça les sourcils le temps d’un instant.

Raphaëlle en était sûr; malgré la nouvelle force de son ami, celle-ci ne serait peut-être pas suffisante pour tenir jusqu’à l'arrivée de leurs secours. Utilisant ses dernières ressources pour mettre un pied devant l’autre, elle essaya d’atteindre son arme aussi vite que possible. Mais Scornwallis, qui gardait toujours un oeil sur elle, vit qu’elle s’approchait lentement de son poignard et son sang ne fit qu’un tour.

-Tu veux….encore… m’attaquer comme une… lâche ? cracha-t-il en s’énervant de plus en plus. Tu crois que tu…toi…tu crois que tu vas me tuer ?

Tout à coup, Tolas sentit que la pression contre ses mains s’amenuisait et il comprit que Scornwallis n’était plus en train d’essayer de l’écraser. Il cherchait désormais à se libérer pour s’attaquer à Raphaëlle. Le jeune homme réussit à attraper les deux poignets du pirate et se mit à tirer en arrière pour le retenir. Mais Scornwallis se démenait comme un diable, visiblement prêt à tout pour atteindre la jeune femme.

-Sale…petite...merde…, s’insurgeait-il, tu crois…tu crois vraiment... que je vais te laisser me poignarder… ?

Raphaëlle, complètement épuisée, fit de son mieux pour essayer d’ignorer la pression qu’émettait Scornwallis et elle continua d’avancer aussi vite qu’elle pouvait. Mais chaque pas était une torture, tout son corps était sur le point de s’écrouler et elle sentait sa conscience ne tenir qu’à un fil. Elle ne vit pas le petit trou dans le plancher du pont devant elle et perdit l’équilibre, s’effondrant à seulement deux mètres de son arme.

-Reviens…reviens-ici ! Sale chienne…REVIENS !

Derrière elle, le corsaire s’avançait inexorablement, malgré les meilleurs efforts de Tolas qui tirait de toutes ses forces pour le retenir. Pourtant, Raphaëlle continua d’avancer en rampant, sa détermination toujours intacte. Scornwallis n’était plus qu'à dix pas derrière elle. Mais plus rien d’autre ne comptait pour elle que de réussir à attraper son poignard. Après ce qui lui sembla être une éternité, elle saisit enfin le manche de sa fidèle lame de sa main encore valide et réussit, au prix d’un effort surhumain, à se retourner sur le dos pour faire face à son ennemi.

Scornwallis n’était plus qu’à un mètre d’elle, mais il lui faisait dos, incapable de faire un pas de plus. Tolas, les deux pieds quasiment plantés dans le pont, avait enfin réussi à le maintenir fermement sur place, au grand dam du pirate.

-C’est…c’est pas…possible…, réussit-il à balbutier en essayant de s’échapper de l’emprise du bosco.

Mais Tolas était planté comme un piquet, refusant de céder ne serait-ce qu’une seconde. Raphaëlle fronça les sourcils, elle aussi confuse par la soudaine montée en puissance du bosco, quand elle nota l’expression de son ami. Malgré son visage crispé par l’effort, il exhibait un sourire triste et heureux à la fois. Puis Raphaëlle vit une silhouette grimper sur le bateau depuis le bastingage en morceau et ses yeux s’écarquillèrent. Scornwallis, qui regardait dans la même direction qu’elle, arrêta d’un coup de se débattre et Tolas, complètement vidé, tomba sur un genou devant lui.

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-T’aurais mieux fait…de nous tuer… avant, annonça-t-il en haletant.

Scornwallis n’écoutait déjà plus Tolas et il humait l’air avec délectation.

-T’étais pas tout seul, hein ? Tu m’en as ramené un autre ? se réjouit-il en agitant ses doigts avec impatience. Peut-être que je vais enfin pouvoir m'amuser alors...

Le pirate attrapa Tolas par les cheveux sans ménagement et l'envoya valdinguer vers la silhouette. Cette dernière réceptionna le corps du bosco en douceur et le posa a terre avec délicatesse. Tolas, aux portes de l'inconscience, réussit à tourner la tête vers le nouveau venu :

-…Les Ermythiens…sont dans la calle…et…ils ont pris le…Cube… J’ai…J’ai tenu ma promesse…Spirit…, marmonna-t-il avec un fond de fierté avant de s’effondrer sur l’épaule de son frère.

Spirit, complètement trempé et avec l’ombre d'un sourire sur le visage, leva la main pour la passer dans les cheveux de Tolas avant de se raviser à la dernière seconde. Il leva la tête vers Scornwallis, qui le dévisageait sans rien dire, l’air confus.

-Tu…pourquoi tu ne sens pas aussi bon que lui ? demanda ce dernier. Pourquoi ton Oka est aussi…faible ?

Spirit se releva lentement et jeta un coup d’œil vers Raphaëlle, encore au sol. Cette dernière ne pouvait s’empêcher de se sentir mortifié. Le Second ne lui avait fait qu’une seule demande, veiller sur Tolas et elle sentait qu’elle avait complètement échoué.

-Spi…Spirit…, commença-t-elle en bégayant, je…

-C’est toi qui a tiré la fusée? l’interrompit-elle en jaugeant Scornwallis du regard.

La jeune femme acquiesça du chef en silence. Après quelques secondes de silence, le marin lui lança l’un de ses rares véritable sourire, apaisant d’un seul coup les peurs de Raphaëlle.

-Je savais qu’on pouvait compter sur toi. Je m’occupe du reste.

-Du reste ? s’offusqua presque Scornwallis. Attends, c’est de moi que tu parles ?

Spirit se re-concentra sur le pirate, un air de profond dégoût dans les yeux.

-Je vois pas d’autres merdes dans le coin.

L'intéressé resta bouche bée un instant avant de partir d’un grand rire.

-Oh oh oh ! Tu sens peut-être pas aussi bon que l’autre gamin mais t’as déjà plus de réparti…

Le pirate se rapprocha lentement de Spirit jusqu’à se mettre devant lui. Scornwallis devait faire deux têtes de moins que le Second et pourtant, on aurait dit que c’était lui qui le regardait de haut.

-...Alors j’ose espérer qu’au moins, tu sais mieux te battre, renchérit Scornwallis, toujours goguenard.

Spirit baissa les yeux vers sa main droite et se mit à l’ouvrir puis à la fermer à plusieurs reprises.

-Tu lui a broyé la main, c’est ça ?

Le capitaine leva un sourcil intrigué.

-Comment est-ce que tu sais ça toi ?

Le jeune homme garda le silence en fixant son adversaire dans les yeux et il posa sa main sur le manche de son sabre sans pour autant le dégainer. Scornwallis leva les yeux au ciel, loin d’être impressionné et il lança un uppercut vers le menton de Spirit à la vitesse de l’éclair. Mais il le manqua de quelques centimètres à peine. Le pirate enchaîna immédiatement sur un coup de genou vers son entrejambe mais le Second l’esquiva à nouveau, un air ennuyé sur le visage.

-Essaye encore, déclara-t-il sur un ton neutre.

Un peu piqué au vif, Scornwallis lança plusieurs coups de poings d'affilée vers le torse de Spirit. Le jeune homme évita chacun d’entre eux sans montrer le moindre signe de difficultés et se feignit même d'un bâillement. Excédé, le corsaire se jeta vers Spirit et fit pleuvoir une cascade de coups sur le jeune homme. Toutes ses attaques frôlaient le corps de Spirit sans jamais le toucher. Et le plus humiliant, c’était que le marine continuait de le fixer du regard en gardant la main sur son arme, comme s’il n’était même pas en train de le combattre et lâchant des petits commentaires à chaque assaut manqué.

Scornwallis, à bout de nerfs, tenta de balayer la jambe de Spirit mais le marine avança d’un pas quasiment au même moment et balaya lui-même la jambe porteuse du pirate, le faisant chuter en arrière.

Raphaëlle était stupéfaite. Quelques minutes auparavant, la puissance exceptionnelle du corsaire lui avait laissé peu d’espoir de voir la fin de la journée en vie. Mais maintenant, ce même obstacle insurmontable avait l’air de gesticuler comme un enfant qui essaierait de frapper un adulte sans espoir de succès. Scornwallis, encore au sol, les yeux exorbités, semblait complètement perdu tandis que Spirit se tenait au-dessus de lui, immobile.

-Iker Scornwallis, déclara subitement le Second, 43 ans. Recherché pour crime de lèse-majesté, vols à mains armés, enlèvement, tortures, meurtres…

Le corsaire se remit soudainement debout et essaya d’attraper le col du shirt de Spirit, sans succès. Il essaya à nouveau d'agripper les vêtements du marin sur place mais celui-ci continuait à reculer avec la même facilité qu’avant. Le pirate se jeta à sa poursuite, courant après lui sur le pont.

-…viols, actes de barbarie, cannibalisme, extorsions, assassinats…, continua Spirit en esquivant habilement toutes les actions du corsaire.

Profitant d’un nouvel uppercut raté de Scornwallis, le marin sortit le fourreau de son arme de sa ceinture et frappa deux fois les côtes du flanc droit du pirate. Ce dernier ignora complètement l’attaque et il décocha un direct vers le visage exposé de Spirit. Le Second réussit à rediriger l’attaque en attrapant le poing de Scornwallis au vol et en tirant vers l’arrière tout en lui faisant un croche-pied. Emporté par son élan, le pirate s’étala de tout son long, atterrissant près du corps d’un de ses subordonnés morts.

-L’un des criminels les plus célèbres des Isla Novaes, avec une prime de la marine qui n’a fait qu’augmenter ses 15 dernières années…

Scornwallis, tremblant de rage, lâcha un hurlement bestial de frustration et frappa le sol de ses deux poings avant de se relever, ayant attrapé le sabre d’abordage du cadavre à côté de lui. Il se lança à l’assaut de Spirit qui évitait ou paraît toutes ses attaques toujours sans l’ombre d’une goutte de sueur sur son front. L’épée toujours rengainée dans son fourreau, Spirit humiliait le pirate sans aucun effort apparent.

La louve, silencieuse depuis le début de leur combat, ne pouvait s’empêcher d’être admirative et un peu jalouse. On aurait dit que Spirit dansait sur le pont, emportant Scornwallis dans une valse que le corsaire était bien incapable de suivre. Déviant une nouvelle attaque du pirate, Spirit frappa cette fois les côtes du flanc gauche de Scornwallis. Le pirate ralentit à peine et lança une autre attaque horizontale que Spirit évita en faisant un salto arrière. Il atterrit en douceur, observant son adversaire avec un air narquois.

-Plutôt décevant pour une légende, soupira-t-il exagérément.

-Mais ferme ta gueule ! cracha Scornwallis, le corps tendu comme un arc.

Fou de rage, il se propulsa encore plus vite vers Spirit et, oubliant toutes idées de finesse, il se mit à faire de grands moulinets avec son sabre dans l’espoir de toucher sa cible. Mais, toujours aussi intouchable, Spirit continua son petit manège sous les yeux désormais admiratifs de Raphaëlle. La jeune femme faisait de son mieux pour rester consciente et ne pas perdre une miette du combat.