Au dernier instant, Aileen ferma les yeux comme si elle se ferait moins remarquer. Elle serra de toutes ses forces la main de sa coéquipière;re qui ne bronche pas. Peut-être avait-elle simplement accepté son destin bien plus tôt. Peut-être aurait-elle survécu si Aileen n’avait pas tenté de la sauver. Il leur restait trois options. La première consistait à être enfermées (la moins pire, selon la jeune fille), la deuxième serait la mort, car tant d’équipement pour un geôlier gardant une poignée d’adolescents n’était pas normal. La pire de toutes serait la torture afin qu’elles révèlent la position de leurs compatriotes.
« Reste à savoir ce que ce garde choisira », songea-t-elle.
Elle ouvrit les yeux, certaine que le moment fatidique de leur découverte arriverait d’un instant à l’autre. Il avait déjà pénétré dans le couloir, et avec son casque, sa vision devait être réduite. Dix mètres, huit mètres, six mètres. Il avançait bien rapidement.
À ce moment, la jeune fille réalisa que quelqu’un sortait du placard. C’était une mauvaise idée, car seulement Charlie pouvait être invisible. De loin, Aileen vit des mouvements lui rappelant un sort, qui serait sûrement inutile pour leur cause.
En trois gestes, la personne lança un sortilège, et rien ne se passa. Du moins, ce fut ce qu’Aileen crut avant de remarquer que le garde était soudainement fasciné par le mur, au point où il s’était arrêté pour examiner toutes les petites lézardes visibles à l'œil nu.
Kei était l’auteur de cet enchantement. Aileen n’avait jamais vraiment saisi les effets du type Lux, du moins, pas avant de les voir en action.
Lentement, elle se mit à avancer, et ce, en traînant Elizabeth. Elles passèrent le garde, puis prirent une allure plus rapide. Dahlia sortit à son tour du refuge avant d’entamer un petit sort. La porte! Aileen ne l’avait pas refermée, et cela ruinerait leurs chances de s’enfuir en paix.
Les coéquipières étaient maintenant face au placard, où elles se firent tirer à l’intérieur par quelques paires de mains inquiètes. Lorsqu’elles rentrèrent dans le placard, Aileen fut si soulagée que ses jambes l’abandonnèrent. Dahlia les poussa pour faire place à tout le monde, puis Kei fit son entrée en marchant de derrière, puis rompit le contact visuel en fermant la porte. Si l’élément Lux jouait avec la concentration de la victime, fallait-il que l’invocateur garde un quelconque contact avec le centre d’attention?
« Ne refais plus jamais ça! » s’exclama la cuisinière en se jetant dans les bras de son amie, qui rendit l’étreinte, gênée.
« Désolée », répondit-elle.
« Ouais, tu fais bien de t’excuser », remarqua Kei en la toisant de haut. Il attendait toujours ses remerciements.
« Oh, et merci pour ça. On serait mortes, sinon », dit-elle, honteuse.
« Mais Kei, tu aurais pu nous dire plus tôt que tu savais faire ça », souligna Hildegarde.
« Je pense qu’on devrait partir », confia Lilith.
« Tu as raison, allons-y! » répondit Dahlia.
Le groupe quitta lentement les lieux, Charlie les guidant. Leur progression commençait lentement. Les tournants empruntés s'accumulaient, et, malheureusement, les corridors étaient tous semblables. De la pierre grise et peu accueillante constituait les couloirs des sous-sols de l’édifice.
Charlie avançait devant eux, et, lorsqu’ils rencontraient une intersection, elle s’aventurait un peu de chaque côté pour vérifier que la voie était libre. Pour éviter de se perdre et d’errer sans fin dans ces lieux répétitifs, le groupe adopta la tactique de garder la droite. Pour l’instant, ces corridors ne semblaient mener à rien. Peut-être servaient-ils à garder les prisonniers enfermés tels des rats dans une cage. Cette pensée fit frissonner Aileen, qui se reprit rapidement.
Au dixième tournant, ils eurent le malheur de tomber sur un cul-de-sac. Ils retournèrent sur leurs pas, en suivant toujours la droite, et s’aventurèrent dans le chemin du milieu. La marche fut plus longue, ce qui rassura le groupe.
En voyant un pan de mur, Aileen perdit espoir. Ils ne sortiraient jamais. Pourquoi y avait-il tant de cul-de-sac? Au fond, elle savait que sa précédente théorie semblait fondée, mais elle ne voulait pas l’admettre.
« Allez, ne vous inquiétez pas! Il reste le dernier tournant de l'intersection, c'est sûrement le bon chemin. Au pire, on reviendra sur nos pas, n'est-ce pas? » se convainquit la cuisinière, d’un optimisme sans faille.
C’était pourtant la seule option, et il était certain qu’ils seraient tombés au moins une fois dans un tel trou. Une deuxième fois, ils firent le chemin à l’envers afin de sélectionner la dernière voie, celle inexplorée. Cette fois-ci, la moitié du groupe resta derrière, ce qui incluait Kei, les deux joueurs de Grakkam, Elizabeth et Dahlia. Aileen se retrouvait donc avec Charlie, qui commençait visiblement à s’épuiser.
« Tu devrais revenir en arrière et échanger de place avec Kei », proposa la jeune fille, inquiète.
Charlie nia son état en restant invisible et en continuant à les guider. Aileen soupira, impuissante, puis reprit le rythme de plus belle. S’ils se dépêchaient, son amie passerait moins de temps invisible.
Cette direction était une longue marche, mais aucune nouvelle intersection n'apparaissait. Une dizaine de minutes s’écoula, et ils finirent par tomber sur une porte. L’odeur s’en dégageant était si atroce qu’ils ne se contraignèrent même pas à l’ouvrir. Certains blêmissaient, ce qui n’étonna pas Aileen. Le groupe ne voulait pas non plus risquer de tomber sur des gens, un piège, ou quelque chose de fatal.
Découragés, ils firent marche arrière. Pour le retour, l’artiste ne lança aucun sort. Le chemin était tout aussi long, quoiqu’ils avançaient plus vite afin de ne plus sentir de trace de l’odeur nauséabonde. Le groupe fut soulagé lorsqu’il vit sa moitié restante.
« Rien qu’une porte au bout. On n’a pas risqué de l’ouvrir, et ça puait tellement… » expliqua Aileen aux autres, qui semblaient découragés des résultats.
Le groupe s’échappa du cul-de-sac en empruntant le premier corridor. La promenade fut courte avant qu’ils ne puissent tomber sur la prochaine intersection. La précédente stratégie fut encore une fois empruntée, et ils tournèrent à droite.
« Bon, espérons ne pas tomber encore une fois dans un piège! » s’exclama Lloyd, hilare de la situation afin de remonter l’humeur générale.
Il ne reçu que des regards froids pour sa remarque, ce qui le surprit. Aileen n’était pas la seule à avoir entendu des gardes.
« C’était quoi, ce bruit?» dit une voix au bout du couloir.
« Allons vérifier », répondit son collègue.
Le groupe paniqua, et, d’un regard, ils validèrent leur décision de courir.
« Des voleurs se sont sûrement infiltrés, dépêchons nous!» lança le premier, assuré.
Cela ne dit qu’inquiéter le groupe, qui accéléra l’allure, ce qui eut pour effet de confirmer la suspicion des gardes.
« Venez, j’ai une idée!» ordonna Aileen en se lançant dans le cul-de-sac.
Les autres furent obligés de la suivre. La jeune fille tourna à gauche, vers le long corridor. Les gardes avaient environ deux minutes de retard sur eux, mais cela ne les empêcha pas de deviner quelle direction avait été empruntée par les fugitifs.
Le chemin fut parcouru deux fois plus vite que la première fois, avec comme supplément un essoufflement. L’horrible odeur attaqua de plein fouet les onze adolescents.
« D’accord… alors… je propose de… se cacher… dans cette pièce » tenta Aileen, en reprenant son souffle.
« Bonne idée, allons-y », répliqua Hildegarde, à l’aise suite à cette course.
Ils ouvrirent la porte, s’engouffrèrent dans la pièce, puis claquèrent immédiatement la porte derrière eux. À partir de ce moment, ils patientèrent.
« Oh… c’est vraiment des …» murmura Dahlia.
À ce moment, tous réalisèrent que la senteur forte provenait d’un pile, au centre de la pièce. Ils se trouvaient dans un dépôt. Un dépôt de cadavres.
« Ne me dites pas que tous ces gens sont … nos prédécesseurs? Ont aurait terminé comme ça…» prononça Frédérique entre deux haut-le-cœur.
Le sang d’Aileen se glaça. Les dépouilles étaient nonchalamment amassées dans un coin, comme si ceux les ayant trainés ici n’avaient aucune considération. Les visages étaient si nombreux que la tricoteuse ne pouvait simplement détourner le regard. Elle remarqua une fille joufflue à la longue chevelure. C’était donc cela, le sort réservé à l’enfant de M Mao… Aileen ferma les yeux, dans une tentative d’oublier ce qui se trouvait devant elle. L’attente ne fut pas très longue, car les gardes en forme faisaient un boucan.
« Oh, je déteste l’odeur ici!»
« Oui, oui, fais pas ton difficile, ouvrons la porte », soupira son collègue.
Hildegarde eut la présence d’esprit d’imiter l’un des cadavres en rejoignant la pile. À contrecœur, la jeune fille fit de même. Dahlia fut la dernière à rejoindre la pile, en forçant le noble à ne pas les trahir par son dédain.
La vanne grinça, signalant l’arrivée des gardes. Aileen arrêta de respirer, alors que les gardes scrutaient la pièce. Cet instant semblait durer une éternité, surtout avec la tête presque enfouie dans des cadavres en décomposition. Cette situation était inhumaine.
« Ils ne sont pas ici, décampons avant que je ne me mette à vomir », déclara l’un des hommes.
Les geôliers s’empressèrent de quitter la salle, puis fermèrent la porte derrière eux. Dès qu’elle fut refermée, Aileen s’extirpa de sa position horrible. Elle reprit son souffle en détournant le regard. Les autres semblaient aussi perturbés qu’elle.
« Je pense qu’on peut partir. Au moins sortir de la pièce », murmura la jeune fille.
Ils s’élancèrent sur la sortie, sans se soucier des gardes. De toute manière, ils devaient être déjà loin. Hugo, le dernier à quitter, referma la porte derrière lui.
« Bon, eh bien… Continuons », conclut-il.
Aileen ainsi que ses camarades de fortune suivirent la proposition, car ce fut la seule s’offrant à eux. Ils retournèrent sur leurs pas en étant plus prudents avec les gardes. Cette fois-ci, comme plus tôt, Charlie prendrait la relève en tant qu’éclaireuse.
Ils suivirent la droite, imitant leur précédente stratégie qui les avait sauvés d’une désorientation entre ces couloirs sans fin. Chaque mur leur était familier, car ils étaient identiques.
Le corridor long et infâme fut traversé aussi vite que la première fois : lentement. Une quinzaine de minutes leur fut donc nécessaire pour le franchir. Atteignant l’intersection, ils furent soulagés. Dès maintenant, il fallait redoubler de prudence.
La fatigue immergeait Aileen. Cette course-poursuite et les lieux décourageant avaient cet effet sur elle. Les autres semblaient dans un état similaire, dépendamment de qui.
Ils empruntèrent le même corridor par lequel ils se faisaient poursuivre plus tôt, convaincus que les gardes n'étaient plus là, et ce fut heureusement le cas. Charlie claquait des doigts, et maintenant, ils avaient décrété qu’un claquement de main signifierait l’approche d’un membre du personnel.
Ils croisèrent une intersection, puis une autre, et encore une autre, tout en gardant la droite. Ils avaient croisé quelques portes, la plupart ne laissaient échapper aucun son, mais ils n’osaient pas s’y aventurer de peur d’y retrouver quelque chose de similaire à la dernière fois.
Charlie claqua encore des doigts, signalant que la voie était libre.
« Cela fait longtemps qu’on circule ici », songea Aileen, en marchant inattentivement.
Elle fonça dans quelque chose, et fut surprise. Cette chose devait être Charlie, car rien de tangible n’était devant ses yeux.
« Ça va? » demanda la jeune fille, désolée.
« Euh… c’est le placard du début, que je vois là? » reçut-t-elle en réponse.
Tous virent alors la petite porte fermée, en bois, laissant une marque au sol. Il n’y avait aucun doute, c’était bien elle.
« Qu'allons-nous faire? C’est évident que cette méthode ne va pas fonctionner…» ajouta Kei.
« Réfléchissons, ça ne devrait pas être compliqué », répondit Dahlia.
« On pourrait tracer une carte », proposa Charlie.
« C’est une bonne idée, mais nous n’avons ni papier, ni crayon », répliqua Hildegarde.
Aileen, ainsi que ses collègues, réfléchirent un peu plus.
« Il faudrait un moyen de marquer notre passage », tenta Frédérique.
« Le problème est que cela mènerait les gardes à nous », contredit Aileen.
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« Pas si ces marques sont subtiles. Nous pourrions utiliser notre fil. Par exemple, et laisser une petite brûlure au plafond indiquant la direction choisie, ou quelque chose de semblable », intervient Killian.
« Je peux m’en charger! » dit alors Hugo, débutant alors son tissage.
Face à eux, il n’y avait que trois chemins déjà empruntés, l’un menant à leur cellule, l’autre au cul-de-sac, et le dernier par lequel ils venaient de passer. Ils choisir la même tactique, mais cette fois-ci, un mur différent les guidait.
Hugo s’appliquait à marquer discrètement le chemin emprunté à chaque intersection, tandis que les autres cherchaient des potentielles marques de leur passage. Charlie guidait, et, pour finir, Kei restait sur ses gardes, vérifiant toujours dans leur dos.
Ils continuèrent leur périple pour une dizaine de minutes en continuant de bifurquer vers la droite. C’est alors qu’Aileen pointa une minuscule marque au plafond, indiquant qu’ils venaient d’être piégés dans une impasse. Ils prirent donc la direction intouchée, heureux de cette merveilleuse idée leur ayant évité de rester pris pour trop longtemps.
Le groupe parcourait alors un long corridor, pourtant différent de celu menant à la porte odorante. Ces courbes étaient pourtant légèrement familières à la jeune fille. Étant donné qu’ils suivaient un autre mur, cela ne devait pas influencer le résultat. C’était un véritable labyrinthe.
Ils prirent encore la droite, et tombèrent une fois encore sur un cul-de-sac.
« On devrait revenir en arrière et prendre la gauche. Le mur semble plus long, il devrait nous mener en quelque part d’important » tenta Hugo.
Malgré son raisonnement illogique, les autres acceptèrent de suivre l’idée. Si elle devait encore une fois tomber sur un piège, Aileen deviendrait folle. Ses collègues semblaient du même avis, car ils continuèrent en longeant le mur gauche.
Cet essai s’avéra différent des premiers. Ils furent guidés par le mur légèrement courbé durant plusieurs minutes, et évitaient ainsi chaque impasse défilant à leur droite. Cependant, ils faisaient de même avec les potentielles sorties.
Aileen remarqua alors que le sortilège de Charlie faiblissait. Elle progressait plus lentement que les autres, et leur rythme ralentit. La jeune fille souhaitait intervenir, mais savait que son amie refuserait d’arrêter de leur être utile. Elle n’était pourtant pas la seule à avoir observé cet affaiblissement, car Hildegarde intervient.
« Tu devrais arrêter ce sort. Nous ne sommes tombés sur personne depuis un moment, et nous ne risquons pas de le faire avant un instant »
Charlie niait son état en continuant de claquer des doigts. Le groupe abandonna alors, sachant que cette décision n’était qu’une erreur. Lorsqu’ils firent face à un intersection, ils surent qu’ils étaient tombés sur quelque chose d’important. Une bonne poignée de minutes s’était écoulée, et rien d’autre ne semblait aussi alléchant que de trouver la sortie. Ils suivirent donc la gauche, sur les trois chemins disponibles, sans inclure celui par lequel ils venaient d’arriver.
Charlie s’avançait déjà dans cette direction, et claqua des mains.
« Elle ne veut vraiment pas arrêter, non? » soupira Dahlia, découragée de voir son amie se donner sans répit.
Quelques-une approuvèrent d’un signe de tête. Ils suivirent donc le bruit afin de la retrouver.
« Ça ne voulait pas signaler des gardes? » questionna Killian, confus.
Tous réalisèrent alors qu’ils s'avançaient vers ceux qu’ils fuyaient.
« Peut-être qu’ils gardent la sortie », suggéra Frédérique, et personne ne trouva de quoi contredire.
Ils s'aventurent prudemment vers l’endroit supposé où Charlie se trouvait. Le groupe vit alors sa silhouette vacillante, et la rejoignit.
« Ça va?» chuchota Dahlia.
L’artiste ne répondit pas. Un peu plus loin se situaient des gardes, devant une porte. Une porte très familière.
« C’est… notre cellule », observa Lloyd en formulant la pensée de tous.
À cette remarque, les gardes réagirent. Ils les avaient entendus. Un instant se passa durant lequel ils se dévisageaient, incertains de ce qu’ils voyaient. Les prisonniers prirent leurs jambes à leur cou dès qu’ils en virent un ouvrir la bouche.
En un rien de temps ils étaient face à l’intersection de plus tôt. Aileen s’élança en face, car elle était certaine de savoir que la gauche menait à l’impasse des cadavres, et la droite faisait le tour d’Aeterna Fons.
La tricoteuse lança un regard dans son dos pour apercevoir le groupe la suivant, talonné par les geôliers. Charlie était en sandwich, abandonnée, ce qui convainquit Aileen de l’aider.
La jeune fille s’arrêta brièvement, laissant le temps à sa camarade de la rattraper. Lorsque l’artiste fut à sa hauteur, Aileen se mit à la pousser dans le dos, lui procurant un élan significatif.
Cet élan fit pourtant trébucher celle qui le reçut, ce qui embarrassa la tricoteuse. Elle s’élança pour la relever, mais les gardes n’étaient que trop proches. Lorsqu’une main glacée de métal se posa sur son bras, Aileen sut que ce serait la fin. Charlie avait réussi à s'enfuir, sans pour autant adopter une allure stable. Bientôt, les gardes l'auraient aussi.
« Attendez, ils ont Aileen! » s’écria l’artiste entre deux lourdes respirations.
Le groupe fit volte-face afin de valider l’information, et découvrirent leur camarade, penaude, aux mains de leur ennemis.
« On ne va pas la laisser là! » confirma Dahlia.
« Et pourquoi pas? » répliqua égoïstement Kei.
« Tu as vu ce qu’il lui feront? » continua-t-elle.
Le noble céda à la pensée de la pile de cadavres. Certains débutèrent leur tissage, tandis que les gardes dégainèrent leur lame affilée. Celui tenant en otage le jeune fille attacha ses mains pour ne pas qu’elle puisse aisément riposter.
Hugo fut le premier à lancer son œuvre tissée. Étant donné son abus de marques au plafond, il manquait en puissance. L’un des quatre hommes armés pouffa devant cette piètre tentative. Dahlia s’y mit à son tour en lançant son sort. Celui de Hugo les avait distraits, le travail d’équipe donna ses fruits. La moitié des gardes était donc désarmée.
Le dernier brandit son épée avant de s’élancer vers les prisonniers. En un mouvement, Killian le gela. Les deux autres ramassaient leur lame, tandis que le dernier reculait avec la captive. Lloyd tenta une manœuvre en sortant un pilier du mur, passant à un cheveu d’empaler le garde. Il prit ses jambes à son cou.
« Bravo », lui dit sa sœur.
« Tu es meilleure que moi », répondit amèrement l’intéressé.
« Pas en pratique »
Lloyd soupira tandis que sa sœur lançait à son tour un sortilège. Celui-ci construit des pics, qui arrêtèrent de grandir au contact du cou du geôlier d’Aileen. Il s’enfuit à son tour, laissant la fille effrayée au sol. Plus qu’un des gardes restait, mais il fut rapidement aveuglé par Kei et sa magie Lux.
« Merci », annonça la tricoteuse.
Leur méthode de combat en équipe était efficace. Lorsque leur ennemi était obnubilé à combattre l’un des sortilèges, les autres tissaient. Contre ces jeunes as de la magie, ce n’était pas équilibré. Peut-être que s’ils étaient égalés en nombre, les gardes triompheraient.
Malheureusement, le groupe le découvrirait bientôt, car les pas de renforts étaient déjà audibles.
Les fugitifs continuèrent leur route au pas de course. Le corridor tournait dans tous les sens sans pourtant se diviser. À leur poursuite était la gendarmerie, qui semblait déterminée à les attraper pour de bon.
Ils se surent mort dès qu’ils firent face à un mur plat. Dans une impasse, ils s’étaient fourrés. Les martèlements métalliques se rapprochaient dangereusement de leur position. Dans un élan de découragement, Hugo frappa le mur d’un coup de poing. Il n'était pas le seul à paniquer, car Charlie se rongeait les ongles, Dahlia ne contrôlait plus sa respiration, Aileen regardait frénétiquement autour d’elle, tandis que Frédérique et Lilith figèrent sur place. Lloyd murmurait des mots incompréhensibles, Killian semblait plongé dans ses pensées, et à ses côtés, Hildegarde cherchait des solutions en énumérant les possibilités sur ses doigts. Élizabeth continuait ses prières, la tête penchée, les mains reliées aux jointures blanches.
Une minute suffit aux gares pour les rattraper. Cette fois-ci, ils étaient une dizaine à l’arme bien polie, fièrement brandie dans leurs mains gantées.
« Faisons comme la dernière fois! » lança Aileen, pourtant incertaine.
Hildegarde semblait déjà prête, car une mince bruine s'abattit sur leurs opposants armés. Leurs armures mattes reluirent à la lumière autant tamisée que frétillante du couloir. Comme la dernière fois, Dahlia tenta de les désarmer, mais ils ne se firent pas avoir une deuxième fois.
Derrière elle, Frédérique tissait, accompagné de son ami. Il y avait deux types de sortilèges : la toile, tissée par une personne avec un élément, et le voile, créé avec soit plusieurs personnes ou différents éléments. Ils construisaient donc un voile.
L’un des gardes attaqua son opposant le plus proche, qui se trouvait être Lloyd. Ce dernier eut un réflexe de se protéger avec ses bars, mais sa jumelle réagit plus rapidement en lui créant un bouclier sur le moment. Il lui jeta un regard comme remerciement, auqul elle ne répondit pas.
« Allez, mettez un peu plus d’effort! » rugit un garde à ses coéquipiers.
L’homme asséna un autre coup au pilier, qui céda sur le jumeau. Des morceaux de roche l’atteignirent de parts et d'autres, mais il se replia directement. Il avait quelques entailles au visage et sur les bras, cependant, rien ne semblait grave. Lilith s'élança pour le rejoindre, inquiète pour son frère.
« Ça va, ne t’inquiètes pas », la rassura le jumeau.
Durant ce court lapse de temps, le voile était terminé. De l'œuvre jaillirent d’énormes racines enflammées qui vinrent s’enrouler autour des tibias de quelques gardes. Les cinq victimes lâchèrent leur épée et s’écroulèrent au sol, hurlant de douleur. Le métal fondait sur leur peau. Manque de coordination, Killian avait choisi cet instant pour lancer une toile. L’eau sur les victimes du feu s’était évaporée, et le froid soulagea les brûlures. L’autre moitié, cependant, figea sur place.
« Désolé », s’écria-t-il à l'adresse des joueurs de Grakkam.
« C’est comme si rien ne s’était passé; cinq et cinq », lui pardonna Hugo.
« Maintenant, c’est cinq blessés et cinq disqualifiés », rectifia son acolyte.
Les gardes prirent cette courte pause pour reprendre leurs forces. Aileen s’était pourtant jetée au sol, déterminée à influencer le cours de cette bataille.
Au cœur des ennemis, elle attrapa une épée. Elle s’imaginait la tenir comme elle le faisait avec son jouet étant enfant. La jeune fille la ramassa de toutes ses forces pour l’échapper au sol. Les gardes blessés l’entouraient, mais semblaient souffrir, car ils se dressaient du haut de leurs genoux. Celui auquel appartenait l’arme tentait de l’atteindre, mais Aileen fut la première. Dans son dos, ses camarades préparaient des sortilèges. C’était pourtant compliqué de les lancer quand un allié se trouvait au milieu de la mêlée.
La jeune fille récolta l’épée, le dos courbé, et visa la cuisse d’un ennemi. Elle fit un pas avant de traîner l’arme blanche jusqu’à lui. Il bloqua avec sa propre arme perpendiculairement, mais ne s‘attendait pas à la voir asséner n coup de pied au bas de la lame. Sa semelle épaisse fut à peine affectée, contrairement au genou du pauvre homme.
La tricoteuse se retourna alors pour trouver sa prochaine victime.Elle ignora le sang, perlant sur la lame qu'il s‘était approprié. L’un des gardes allait l’attaquer de derrière, mais, au bon moment, Lilith refit sa manœuvre du bouclier, évitant ainsi à Aileen de perdre ses pieds.
La jeune fille y vit une merveilleuse occasion de libérer le chemin pour les tisseurs et d'attaquer simultanément.
En un élan d’adrénaline, elle posa son pied gauche sur la petite marche, en gardant le droit au sol. Aileen accota son coude sur sa cuisse et fit un levier, supportant la lourde lame par sa main, saignant déjà abondamment. L’épée fit un impressionnant arc pour s’abattre sur l’épaule du garde, qui avait tenté d’esquiver au dernier instant. Son pied droit partit avec la lame pour la rattraper sur la marche. Elle avait à présent quitté le sol, laissant la voie disponible pour que ses camarades inondent le sol de sortilèges.
Une marée lumineuse atteignit les gardes dès qu'elle fut en équilibre. Ils n’eurent qu’à peine le temps de souffrir, car ils’évanouirent presque immédiatement du choc. L’onde de choc ébranla Aileen, et elle tomba sur le sol, sans pour autant se blesser.
« Wow, Aileen, je ne savais pas que tu pouvais faire ça! » s’extasia Dahlia en l’enlaçant.
« Il fallait bien compenser le fait que je sois Filet », répliqua-t-elle, gênée.
« Ça va? » demanda alors Charlie en prenant sa main.
« Ouh… » fit Hugo à la vue de la blessure.
« Oui, ça fait mal, mais ça devrait aller », répondit l'intéressée.
« On m’oublie déjà? » se plaignit
« Allons-y »,ordonna Hildegarde en pointant une faille dans le mur.
Le flot de sortilèges avait découvert une porte cachée dans le mur.
« Oui, tu as raison. De plus, l’explosion semble avoir fait fondre la glace recouvrant ces gardes, alors dépêchons-nous avant qu’ils ne retrouvent leurs esprits.
Le groupe pénétra dans la brèche, puis atterrirent dans un couloir à toute autre ambiance. En face se situaient des escaliers, qui furent laborieux à grimper en raison de leurs blessures et fatigue. Devant eux se découvrit une salle que trop familière : le hall d’entrée des dortoirs.
« Par ici », déclara Hugo, malgré le fait que tous surent déjà la direction des portes.
Ils coururent vers la sortie en sautant par-dessus les meubles. Lloyd força la porte, sans résultat.
« J’imagine que c'est à moi de l’ouvrir », se résolut Killian en tirant l’épingle de sa poche. Heureusement, elle y figurait encore.
Des bruits retentirent dans la salle. Les gardes gelés s’étaient échappés et montaient à présent les escaliers. Leur progression était plus lente en raison de leurs lourdes armures, mais leur avancée n’en était pas moins significative.
« Dépêche-toi », pressa Hildegarde.
Son collègue soupira avant de commencer son opération. Il enfonça doucement le bout de métal dans l’ouverture avant de trifouiller un peu. Pendant qu’il charbonnait, Lilith, Lloyd et Frédérique débutèrent un voile afin de bloquer le passage. Ce sortilège prendrait un peu de temps étant donné la grandeur de la pièce. Hildegarde rendit le sol glissant, et Kei se préparait à les aveugler. Charlie composa un sort visant à couvrir le groupe dès qu’ils franchissaient la porte, une sorte de champ de protection selon une certaine zone. Selon les grandes fenêtres, il faisait nuit. Elles étaient cependant hors d’atteinte, donc impossible de s’échapper par là.
Leurs assaillants arrivèrent, et certains tombèrent en raison de la flaque d’eau. Cela ne les ralentit pas énormément, car ils se relevèrent immédiatement. Un éclat de lumière affecta les plus rapides. Les autres descendirent leur visière, ornée d'une fente. Ceci limitait les dommages aux yeux du soleil ou d’une source similaire, car elle limitait l’entrée de la lumière.
L’un des gardes se mit à courir, brandissant son épée bien haute, mais Hugo riposta immédiatement par un sort de sa confection. Un canapé prit en feu, ce qui surprit le garde, qui recula.
« Presque fini, encore trente secondes », les informa Killian en grimaçant face à la serrure.
L’un de leur opposant, furieux, projeta sa lame telle une lance. Elle se ficha dans la porte en passant à un cheveu de Killian, qui s’était figé. Il reprit immédiatement le travail quand Hildegarde retira l’arme, vibrant encore de l’impact. La fille l'inséra dans sa peinture tel s’il y avait un fourreau.
« C’est passé proche. On va essayer de te protéger plus », remarque-t-elle.
Aileen se sentait impuissante, mais bientôt, ils s’enfuiraient. Les gardes étaient à un rien de les atteindre, seulement deux divans les en empêchaient.
« Ils ne doivent pas être proches quand je lancerai ce sort », remarqua Charlie sans se déconcentrer.
Heureusement, le trio choisit cet instant pour lancer leur voile. En quelques grésillements, un mur de pierres et de lierre enrobait les gardes.
« J’y suis presque »
Leurs ennemis frappaient violemment leur prison, qui produisit beaucoup de poussière. Aileen stressait, elle était si proche de sortir, pourtant si loin.
Un déclic retentit avant que le mur retenant leurs assaillants ne cède. Killian poussa la porte en prenant garde à récupérer l'épingle. Les autres poussèrent également, et, dès que tous furent dehors, ils claquèrent bruyamment l’ouverture. Aileen avait l’impression de sortir d’un rêve. Elle n’avait toujours pas processé ce qui lui était arrivé. La lueur des astres nocturnes lui fit un bien inimaginable.
Charlie jeta alors son sortilège, qui semblait bien fonctionner. Depuis là, le monde paraissait être séparé par une vitre embuée, ou de la fumée.
« On devrait avancer vers une sortie de la ville, et improviser là-bas », suggéra Aileen.
Les autres suivirent son idée. La sortie la plus proche était cependant lointaine. Ils durent courir un peu pour rattraper leur retard causé par l’altercation avec les gardes. Tout le bâtiment devait être au courant de leur fuite.
Il y avait dix sorties, et celle se dressant devant eux n’indiquait pas la destination. Charlie avait arrêté d’alimenter sa toile depuis un instant, elle ne s’épuisait donc pas trop.
« Eh bien, voyons où ça nous mène », proposa Hildegarde.
Ils sautèrent unanimement à l’arrière d’une calèche. Il n’y avait pas beaucoup d’options de transport autres que clandestines. Le groupe, maintenant en cavale, se servit un modeste repas dans les caisses de fruits. Ils somnolèrent un peu, sans savoir dans quelle aventure ils s'embarquaient.