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Sur les cendres de l'Ancien Monde [French]
Chapitre 8 - Mensonge et trahison

Chapitre 8 - Mensonge et trahison

Les membres d’Aileen tremblaient déjà avant qu’elle ne fasse son entrée dans la pièce. L’air y semblait aspiré. La vue sur Aeterna Fons n’était que meilleure. La salle en décagone semblait encore plus stérile que leur pièce. Le sol était environ cinq étages plus bas, et l’endroit pourrait entrer au moins trois fois sa maison. De plus proche, la source semblait pivoter continuellement sur elle-même. Des anneaux dorés étaient ornés d’écriture illisible et lumineuse, et ils flottaient autour de la source dans des sens différents. Des particules chargées d’énergie orbitaient aux alentours. En observant mieux, elle remarqua un trou au plafond, juste au-dessus de la machine. Celui-ci était nébuleusement conçu, comparé au reste, et bêtement bouché par une toile dansant selon les vagues de vent. La jeune fille avait pourtant d’autres préoccupations.

Les trois filles prirent place au sol et se mirent en position. D’un œil entrouvert, Aileen observa ses amies pour les imiter. De la sueur perlait sur son front, non pas en raison du manque de fil, mais plutôt car elle était nerveuse. Passer une heure ainsi serait difficile, bien que ça ait été pire pour les autres. Sur la pâle reflet des vitres, elle vu que le groupe les observait. Savaient-ils qu’elle mentait? La tisseuse fut parcourue d’un frisson, et trembla de plus belle. Le temps passait si lentement que c’en était douloureux.

Après quelque temps, ses camarades abandonnèrent pour discuter, tandis que ses partenaires de travail commencèrent à céder. Aileen ne savait toujours pas combien de temps elle avait passé dans la cage, mais c’était suffisant pour que Dahlia et Charlie souffrent plus. Elles tremblaient aussi, et Aileen se surprit à s’en réjouir, car sa nervosité lui avait peut-être fait une fleur. Cela voulait dire que ce rassurer rendrait sa réaction dans l’endroit moins crédible. La jeune fille choisit donc de s’effondrer pour faire mine de travailler. Toujours en position approximativement similaire à celle de ses amies, son front était au sol dur et glacial, et ses mains pointées vers la baie leur faisant face.

Lorsque deux personnes s’aventurèrent dans la cage pour les extirper de là, la tricoteuse remarqua des larmes prisonnières de ses cils. Elle s’empressa de les essuyer avec sa manche, puis continua à attendre avec les autres. Dahlia et Charlie étaient posées sur le mur donc le jeune fille les immita. Killian et Hildegarde travaillaient, tandis que le groupe discutait. Son ventre produisit un borborygme, et ses entrailles la creusaient tellement elle avait faim. Un jour avait passé depuis son dernier repas, et elle était impatiente de découvrir quels plats les attendraient. Elle observa la salle pour trouver ceux qui manquaient à l’appel. Les jumeaux étaient partis manger, ce serait donc son tour dans une trentaine de minutes.

« Comment allez-vous? » demanda Charlie.

« Pas très bien. J’ai encore l’impression d'être dans cette horreur », se plaignit Dahlia en glissant sur le sol.

Lorsqu’elle fut complètement étendue, elle fit l’étoile et ferma les yeux.

« Et toi, Aileen? »

« Disons que j’ai eu de meilleures journées. J’ai vraiment faim, pas toi? » répondit-elle en tentant de changer de sujet.

« Oh, oui, moi aussi. C’était tellement difficile que j’ai maintenant faim. Comment t’es-tu sentie? » répliqua l’interlocutrice.

« Hum… Je ne sais pas, c’est dur à décrire » expliqua la tricoteuse en détournant le regard. La culpabilité la rongeait, mais c’était le seul moyen de survivre, alors elle devrait vivre avec ce squelette dans son placard.

« J’avais l’impression d’être aspirée. Je n’avais même plus la force de bouger. Je n’imagine pas ce que ces deux-là ont dû ressentir après deux heures dans ce trou… » compatit-elle.

Aileen hocha de la tête et ferma les yeux, signalant qu’elle souhaitait dormir.

***

Une petite clochette retentit, et quelqu’un secoua avidement Aileen, qui avait à peine les yeux ouverts.

« Réveille-toi, c’est l’heure de manger! » s’exclamait celle qui l’avait réveillée.

La victime se frotta les yeux et cligna quelques fois avant d’ouvrir la bouche.

« Déjà? Ça tombe bien » bailla-t-elle.

Son stress s’était évaporé avec la sieste. Les trois se dirigèrent vers la porte grise et lourde, qu’elles ouvrirent. Un corridor leur faisait face, avec une clochette au milieu, sur un mur. La cordelette dansait encore. Au bout, une porte blanche tournait sur ses gonds, car quelqu’un les attendait.

« Venez, je n’ai pas que ça à faire! »

Cette personne était l’un de leur responsable à leur arrivée. Le trio pénétra dans la salle, où se trouvait une modeste cuisine, un placard rempli d'ingrédients peu diversifiés ainsi que des couverts. Voir l'homme laver les assiettes avec l’eau de la moppe répugna Aileen au plus haut point, mais elle avait trop faim pour être dédaigneuse.

Trois mets rapidement confectionnés ornaient le comptoir. Il y avait quatre tabourets, ainsi que des couverts polis. Les plats fumaient encore. La crème de mateto était d’une couleur criarde, ce qui, suspicieusement, ne ressemblait guère à celle du fruit plus discret. La jeune fille goba la soupe entière. Son goût, malgré sa piètre qualité, ne l’importa guère. Du zir, des petites céréales blanches et légèrement gluantes, étaient agrémentées de morceaux rouges et verts croquants, des légumes qu’Aileen ne reconnaissait. Le tout était recouvert d’une sauce orangée. Au goût, elle ne lui évoquait rien. La sauce allait jusqu'à être fade, mais cela lui importait peu. Comme dessert, une mepom un peu cabossée trônait sur le plateau. La jeune fille croqua à pleine dents pour découvrir une chair brunâtre ramollie, et non blanche croquante. Malgré tout, Aileen fut reconnaissante d’avoir pu manger un peu. Dahlia et Charlie semblaient d’accord.

Le ventre plein, il était plus simple de réfléchir. C’est pour cela qu’Aileen souhaitait élaborer un autre plan. En deux enjambées, le corridor fut parcouru, et la porte, traversée.

« Je pense qu’on devrait refaire un plan. Pour… vous savez » proposa la jeune fille, déterminée.

Certains la regardèrent avec un air confus, mais rares étaient ceux hochant la tête.

« Il n’y a aucune issue, de toute manière », contredit Hugo d'une voix déçue.

« N’abandonnez pas déjà! » répliqua Dahlia.

Personne ne semblait convaincu par cette faible tentative pour rallier des alliés.

« On pourrait casser la vitre », tenta-t-elle.

« Si on faisait cela, on mourrait sûrement. De toute manière, la vitre est trop épaisse pour être brisée », expliqua patiemment Hildegarde.

« Peut-être que connaître quand la porte n’est pas surveillée nous permettrait de sortir », proposa désespérément la jeune fille.

« Et comment on le saurait? On ne voit pas au travers de la porte! Ce n’est pas comme si on les verraient par la serrure ou sous la porte » s’enquit Kei, découragé.

« T’as même pas essayé, comment peux-tu dire ça? » lança Aileen.

Il rechigna et montra clairement que, selon lui, faire cette tâche était totalement inutile. Kei observa trou de la serrure, puis se retourna avec un sourire satisfait.

« Rien!»

« Et en bas?»

Le noble soupira en roulant des yeux, puis se pencha. Voyant qu’il ne se relevait pas, la jeune fille la rejoignit.

« Pousse-toi un peu, veux-tu? » dit-elle d’un ton exaspéré.

Sous la porte, dans le mince orifice. Pas grand-chose fut observable, excluant l’ombre des pieds du garde, posté devant leur cellule.

« Je vous l'avais dit. On devrait surveiller cet endroit pendant 24 heures pour comprendre leurs tours. Après, nous quitterons ce lieu maudit »

Quelques minutes passèrent où la jeune fille semblait en transe, à errer dans la pièce sans écouter le mode d’action d’Hildegarde. Dahlia lui expliquerait plus tard, de tout manière.

Dans un coin, elle entendit un bruit, lui glaçant le sang.

« Le temple sacré… qu’ils meurent tous dans d’atroces souffrances », marmonnait une voix brisée.

Elizabeth, l’étrange fille, avait passé tout son temps dans un coin à prier. Aileen l’avait presque oubliée à quel point elle ne se joignait à personne.

« Hum… Ça va? » tenta-t-elle.

Elizabeth détourna lentement le regard comme si quelqu’un l’avait insultée, ce qui effraya Aileen. Elle semblait si furieuse.

« Je savais que je ne pouvais pas leur faire confiance. C’est le temple… C’EST LUI! C’est lui qui nous retient ici » lança-t-elle.

Aileen s’empressa de la laisser tranquille, et réfléchit à ses paroles. Serait-ce réellement le temple, ce lieu sacré, favorisant l’égalité, qui les retenaient prisonniers dans un tel endroit? Qui utilisait des enfants comme batterie?

C’était tout bonnement impossible. Seulement Frédérique la ramena à la réalité en lui disant qu’il ne restait que trois heures avant son tour. Il pénétra avec son ami dans la cage, alors que la tricoteuse se détournait.

Fatiguée, Aileen se posa au sol. Son ancien lit était un véritable luxe, mais seulement maintenant, la jeune fille réalisa cette évidence.

« Ce n’est qu’à la séparation que la véritable valeur d’une telle chose se révèle » murmure-t-elle.

L’épuisement l’emporta sur la dureté du sol, car en un clin d'œil, la jeune fille somnolait.

***

À son réveil, les jumeaux avaient presque terminé de transférer de l'énergie. Ses souvenirs avant de s’endormir étaient flous. Cette Elizabeth devait être dans son rêve, non? De toute manière, ses propos n’étaient guère justifiés. Charlie regardait vaillamment sous la porte, accompagnée d’Hildegarde. Dahlia regardait sa montre en jouant avec un ornement de cheveux qu’elle arborait à son arrivée : une petite fleur sur une épingle.

Aileen s’étira, puis se dirigea vers la dernière.

« Dahlia » dit-elle.

« Oh, tu es réveillée. C’est à nous dans… 3 minutes et 6…5…4…3…2…1…0 secondes! » répondit l'intéressée en regardant sa montre.

D’un soupir, elle s’éloigna pour avertir l’artiste. Charlie était encore avec Hildegarde.

« C’est bientôt à nous », expliqua-t-elle.

Charlie rejoignit Dahlia, tandis qu’Aileen signala à Killian que sa partenaire travaillait seule. La minute restante s’écoula bien lentement, car, encore une fois, la jeune fille était nerveuse. Elle détestait voir ses amies souffrir tandis qu’elle le simulait.

« Il leur reste trente secondes. Vous êtes prêtes? »

Personne ne répondit à Dahlia, ce qui ne la dérangea guère. Les prochains avaient également une montre, donc il ne serait pas nécessaire à la cuisinière de retirer son bijou. Les jumeaux semblaient épuisés, ce qui attrista la tricoteuse.

« Allons-y! »

Cette fois-ci, Charlie et Aileen hochèrent de la tête. Tel que le faisait Dahlia avec Lloyd, Aileen aida Lilith à sortir. Lorsqu’elle fut étalée confortablement au sol aux côtés de son frère, le duo rejoignit Charlie, travaillant déjà.

La pièce était toujours aussi oppressante, glauque. Même si elle n'avait aucun fil, elle avait l'impression d’en ressentir les effets.

L’expérience fut tout autant difficile et interminable que la dernière fois. Le stress avait ses avantages, se disait la jeune fille pour se convaincre que tout allait bien. Le temps semblait stoppé, mais lorsqu'elle ressentit une paire de main l'agripper par en dessous des épaules, elle fut heureuse.

Hildegarde l’avait rapidement extirpée de ce trou. Killian aidait Charlie tandis que Frédérique supportait Dahlia. Son ami surveillait les gardes, l’attendant patiemment.

Le trio fut posé dans un coin, où, pendant une durée indéterminée, il somnola. Il fut doucement réveillé par des pas lourds, appartenant à l’un de leur camarade de prison. Aileen s’accota au mur rafraîchissant, et les deux autres l’imitèrent.

« Ahh… Toujours aussi difficile », se plaignit brièvement l’artiste.

« J’ai trouvé que c’était plus simple que la dernière fois. Je m'y suis un peu habituée » expliqua Dahlia.

« Moi aussi », mentit Aileen.

« Mon fil se régénère plus vite. Tiens, voudriez-vous un peu de vent? » proposa la cuisinière, mourant de chaud.

Sans attendre de réponse, elle s'exécuta. Ses mouvements étaient rapides et habiles, ainsi, en un clin d'œil, une brise vient les rafraîchir.

« Merci. Je ne savais pas que tu venais d’Auram. En tout cas, tu manie bien Tempestas », remarqua Charlie.

« D’où venez-vous? »

« Je viens de Nebris. J’ai assez d’expérience pour faire ça » répondit Charlie avant de se mettre à tisser.

Ses mouvements étaient gracieux et ample, contrairement à ceux saccadés et petits de sa camarade. Le spectacle, aussi beau soit-il, ne dura pas longtemps, car lorsque la confection du sort toucha à sa fin, Charlie disparu.

« Charlie? » s’écria Aileen, inquiète.

Dahlia tendait sa main vers l’endroit où se trouvait son amie pour rencontrer du vide. Sa broche en fleur quitta sa tête pour flotter avant de disparaître. À ce moment, la jeune fille réalisa que leur amie était maintenant invisible, ce qui n’était visiblement pas le cas pour la cuisinière, qui paniquait autant.

« Toi, tu ne vas pas partir, hein? » questionna la cuisinière en l’empoignant.

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« Non, ne t’inquiètes pas », la rassura-t-elle en lui rendant chaleureusement son étreinte.

Charlie choisit cet instant pour réapparaître, la fleur à la main. Dahlia comprit au même moment, mais ne souhaitait pas lui pardonner si facilement.

« Mais toi, tu ne nous as toujours pas dit d’où tu venais! Fais-nous donc une démonstration, s’il te plaît! Non, attends, j’ai mieux! On va essayer de deviner », lança cette dernière.

« Peut-être d’Evanidus? » tenta hasardeusement Charlie.

« Non, elle a une énergie plus chaleureuse, comme Calidum »

« Je n’irait pas jusque là, peut-être plus Lapisore? »

« Je viens d’ici », expliqua l’intéressée.

Les autres la regardèrent de manière confuse, donc elle ressentit la pression de se justifier.

« Ma mère vient d’Umor et mon père, d’Arborem. J’ai eu l’élément Florentum », rectifia la jeune fille.

« Oh, montre-nous! » supplia Dahlia.

Aileen déglutit tant la situation était précaire. Elle n’était pas la meilleure menteuse, surtout lorsqu’elle était si

stressée.

« Hum, et bien… Je suis encore de niveau filet, donc j’ai besoin d’outil. En plus, mon fil n’est pas assez régénéré pour tenter les sorts que je connais », bégaya la jeune fille, peu convaincante.

Pourtant, ses amies la crurent. Elles furent légèrement découragées, sans pour autant le laisser paraître, car elles ne souhaitaient pas la rabaisser.

« Oh, et ça doit bientôt faire 24 heures qu’on surveille sous la porte! » remarqua la tricoteuse dans une tentative de détourner le sujet.

« C’est justement à nous de surveiller. Je veux dire, moi et toi », répondit Dahlia.

L’artiste avait déjà fait son tour, mais les rejoignit volontiers. Hugo s’en occupait seul, et ce serait à lui dans une trentaine de minutes. Aileen le remercia alors qu’elle prenait sa place.

Deux pieds étaient devant elle. Les gardes devaient avoir une sorte de casque s’ils ne les entendaient pas. La jeune fille avait entendu parler d’un équipement récent permettant de communiquer à distance en rentrant quelque chose dans son oreille. Peut-être que la gendarmerie avait accès à une telle technologie?

Le temps dans la cellule était très long. Il n’y avait pas grands divertissements autres que discuter. Dahlia n’arrêtait pas de bouger, en regardant sa montre, puis le garde, puis sa montre, puis le garde, et ainsi de suite.

« Quelle heure est-il? » murmura Aileen, impatiente.

« 23h30 », chuchota Charlie en regardant par-dessus l’épaule de sa partenaire.

« Ça fera bientôt 24 heures », soupira la tricoteuse.

La dernière demie-heure s’écoula, tandis que Dahlia bougeait toujours autant.

« S’il te plaît, je n’en peux plus, arrête de te tortiller comme ça! » se plaignit Aileen.

« Oh, je pense que le garde part! » répliqua l’intéressée.

Aileen peina à la croire avant de le remarquer elle-même. Le garde semblait partir. Lorsqu’un pas fut fait, il échappa son arme, qui, au sol, fit un vacarme. Il se pencha, et son armure grinça. Charlie roula d’un côté, et Aileen fit de même de l’autre. Dahlia, cependant était obnubilée par l’heure, et la tricoteuse la tira d’un coup sec. Elle poussa un petit cri de surprise, et le garde ne bougeait plus. Le trio avait arrêté de respirer, et le temps était arrêté. Pouvait-il les entendre, les voir?

Lorsque le garde se releva, Aileen lança un regard noir à son amie, qui sourit innocement. Elles retournèrent à leur poste, et, cinq minutes plus tard, un garde aux chaussures plus polies apparu. La cuisinière prit son épingle pour rayer sa montre de 12 à 12h05. Deux autres marques étaient faites à huit heures et à seize heures, signifiant que quelqu’un l’avait avertie de l’horaire des gardes plus tôt.

« Je ne pense pas qu’il y aura d’autres poses, les gardes semblent durer huit heures chacunes », expliqua l’artiste en se remettant sur pied.

Les autres firent de même, et furent d’accord pour réunir le groupe afin de compiler les données amassées, et ainsi créer un plan pour s’enfuir.

« Je pense que c’est terminé! » annonça à voix haute et puissante

Dahlia.

Tous comprirent et la rejoignirent au centre de la salle, en cercle imparfait. Seuls Hugo et Frédérique charbonnaient dans la cage. Le plan leur serait bientôt partagé.

« Alors, Lloyd a remarqué à huit heures un changement de trois minutes. À 16h heures, c’est Kei qui a remarqué un changement, durant 6 minutes. La dernière rotation a eu lieu à 24h, et elle a duré 5 minutes. Nous pouvons donc confirmer que le temps de la pause est variable, mais peut toujours être compté en minutes. Vous êtes d’accord? » débuta Hildegarde, déjà au courant des derniers évènements.

« Alors, comment choisir le moment de partir? Dès demain matin? » demanda Lloyd.

« Eh bien, moi, j’aimerais manger un peu avant de partir. On ne sait pas combien de temps on sera en cavale sans manger », expliqua Charlie.

Aileen réalisa alors ce qu’ils s'apprêtaient à faire, et eut un frisson. Combien de temps seraient-ils poursuivis?

« Et comment est-ce qu’on va sortir de la pièce? » intervient Lilith.

« Je sais crocheter une serrure, mais j’aurais besoin d’un objet fin, peut-être un peu maléable », dit Killian.

Personne ne l'interrogea sur ce mystérieux talent, mais tous le crurent. Dahlia lui tendit sa fleur, dont elle retira l’épingle. Dans sa poche, elle fourra le morceau de tissu avec grand soin.

« Est-ce que tu peux le faire en moins de trois minutes? » questionna Hildegarde.

« Oui. Il faut juste que je l’examine une fois, peut-être à huit heures, pour vérifier. Mais ça devrait le faire », dit-il d’un ton peu rassurant. Ils furent obligés de lui faire confiance sur ce point.

« Quand on est dehors, qu’est-ce qu’on fait? » remarqua Lilith.

« On n’a aucune indication sur le chemin…», termina son frère jumeau.

« Eh bien… J’ai peut-être une idée… » commença Aileen, incertaine.

Tous la regardèrent pour entendre sa réponse.

« Hum, vous voyez, on peut juste utiliser de la magie. Charlie, tenebris, pourrait nous guider en étant invisible », proposa-t-elle.

« Parfait! Ça semble fonctionner. Et dehors, on pourra figurer quoi faire après avoir fui », conclut Hildegarde, satisfaite du plan.

Certains prirent la route du sommeil, un choix audacieux, tandis que d'autres semblaient trop excités pour les suivre. Aileen faisait heureusement partie du premier groupe.

***

En se réveillant, la jeune fille réalisa à quel point cette pause lui était nécessaire. Elle en était ravivée. Son sommeil avait duré quatre heures, et son tour approchait à grands pas. La tricoteuse était davantage prête à la corvée que les dernières fois, et ce serait plus supportable sans la charge mentale.

Lilith et Lloyd se faisaient tirer par ses partenaires, donc elle s’installa dans la cage.

Encore une fois l’air y semblait aspiré. Elle se posa déjà en position de l’enfant. Elle prit une lourde inspiration, puis expira sur dix longues secondes. Aileen œuvra ainsi jusqu’à dormir à moitié.

Heureusement, elle se trouvait dans cet état lorsque Killian la sortit de l’endroit.

« Tu as vraiment l’air épuisée… »

« Oh, oui. Eh bien, c’est certain que je sort de la pièce, mais ce n’est pas aussi pire qu’avant », marmonna-t-elle en réponse.

« Repose toi bien quand même. Bon, j’y vais », termina le jeune homme après l’avoir installée.

Il était plus gentil que ce que la tricoteuse croyait, mais elle s’endormit rapidement, et éteignit ces pensées avec un sommeil profond.

***

« Tu es une vraie marmotte », remarqua Dahlia, les yeux encore collés.

Aileen sourit, avant de se relever. Le noble ainsi que sa partenaire travaillaient, ce qui signifiait qu’il serait bientôt huit heures.

« Oh, Killian va voir si la porte est facile à ouvrir! »

Le trio se dirigea vers le lieu, où étaient rassemblés certains. Killian extirpait d’une poche l’épingle de Dahlia.

« C’est bon, tu peux regarder! » dit Hugo, surveillant l'aller-venue du geôlier. Le jeune homme rentra l’épingle trifouilla un peu dans la serrure. En un grognement, exprimant son mécontentement, il la retira.

« La forme est presque idéale. Le métal est juste trop solide pour être plié… »

« Je peux tenter quelque chose, attention à tes doigts », intervient Hugo.

Il débuta son tissage d’une poigne relâchée et brusque. Ses yeux étaient plissés de concentration.

« C’est bon, tu peux essayer quelque chose. Mais c’est chaud, attention », dit-il après avoir lancé son incantation.

Sans broncher, Killian plia le métal ramolli par la chaleur. Il vérifia à l'œil avec la serrure et confirma d’un signe de tête. Tous furent soulagés d’entendre ces bonnes nouvelles.

DING

Hildegarde, ainsi que son camarade, pénétrèrent dans le couloir. Avec un petit soupir, Aileen retourna dormir.

« Je vais commencer à croire que tu es vraiment une marmotte », s’exclama Dahlia en la rejoignant.

« Je fais le plein d’énergie. Et un sommeil entrecoupé ne rapporte pas toujours autant qu’une vraie bonne nuit », dit-elle entre deux rires.

Les deux sombrèrent côte à côte dans un sommeil léger.

***

« Ce sera à nous », dit une voix.

Charlie les avait rejointes lors de leur sieste. Lloyd et Lilith leur céderaient bientôt la place. Personne ne bougea, car il n’y avait rien à faire. Elles ne savaient pas quoi discuter.

Alors qu’une quinzaine de minutes s’étaient écoulées, un son aigu réverbéra dans la salle. L’avant dernier groupe quittait au même instant les cuisines.

Ce fut donc à elle de s’y rendre. Serait-ce le même plat que la dernière fois? Ce n’était qu’à elle de le découvrir.

Le trio pénétra dans le long corridor avant de se diriger vers la cuisine. Une forte odeur flottait dans l’air. Le même plat patientait sur l’îlot, devant trois tabourets en bois rongé par les produits nettoyants. Les fourchettes étaient enfoncées dans le zir fumant.

Aileen ne se gêna pas pour se lancer dans le met. Même si elle ne l’admettait pas, elle mourrait de faim. Y penser aurait empiré les choses de toute manière. C’était tout à fait délectable! Entre les céréales bien assaisonnées, la mepom croquante et la crème de mateto était indescriptiblement délicieuse. Peut-être perdait-elle simplement la raison après deux jours bien désagréables où son ventre la torturait.

Charlie et Dahlia faisaient de même avec la nourriture. Le verre d’eau qu’elle attendait toute la journée fut calé en un instant.

Lors de leur départ, elles remercièrent chaleureusement le cuisinier, qui regardait l’heure. Le trio devait maintenant se rendre dans la cage. Dans trois heures, le moment fatidique débuterait.

Dans la cage de verre, Aileen se mit à la méditation. Elle réfléchit à ses décisions précédant sa capture. Était-ce le bon choix, de quitter son foyer protecteur? Ce n’était clairement pas brillant de suivre l’homme vêtu de noir.

Pourtant, sans ces choix, elle n’aurait pas rencontré M Mao, ni familiarisé avec Dahlia, Charlie et toutes les personnes dans la petite cellule. Ces amitiés en valaient réellement la peine?

Elle se remettait en question avec ce flot de pensées, tant qu’elle ne vit qu’à peine le temps s’écouler.

Quelqu’un venait déjà à sa rescousse. Cette salvatrice semblait être Hildegarde.

« Merci », dit la jeune fille, qui ne reçu aucune réponse.

Deux heures restaient avant l'exécution de leur plan. Aileen se dit qu'après Hildegarde et Killian, ce serait préférable de ne pas fournir Aeterna Fons en énergie. Ce serait complexe de trimbaler les jumeaux dans les dédales du bâtiment, tout en tentant de fuir les gardes, qui remarqueraient après un certain temps leur disparition. Elle informerait donc Hugo et Frédérique de son idée.

« Bonjour! » salua Hugo en l’apercevant.

« Bonjour! Ça va? » répondit amicalement la jeune fille.

« Pas tant que ça, sachant que dans une trentaine de minutes j’irais à l'abattoir », répliqua le joueur de Grakkam.

« En parlant de ça, je ne pense pas que vous devriez y aller. Je veux dire, ce serait compliqué de s’enfuir avec deux personnes à moitié mortes. En plus, ils n’avaient pas remarqué qu’on avait arrêté avant plus de deux heures, si je me souviens bien », présenta la tricoteuse.

« Oui, plus vers 3h30. On devrait peut-être sortir ces deux-là de la pièce », proposa son interlocuteur.

« Je ne crois pas, on aura plus de temps pour fuir s’ils ne nous remarquent pas. On ne sait toujours pas combien de temps on sera pris dans l’édifice, et… »

« Je comprends, tu as raison. Faisons cela, alors », conclut Hugo.

« Sinon, bravo pour tantôt. Tu es vraiment talentueux! »

« Ah, merci, ce n’était rien. Quel est ton élément, d’ailleurs? »

« Hum… Florentum », répondit-elle, plus certaine que la dernière fois.

« Oh, Frédérique aussi! Peut-être que vous habitez proche », remarqua-t-il.

« Je ne vis pas à Arborem. En fait, je viens de La Capitale. Ma mère n'a pas l'élément Florentum », expliqua la jeune fille.

« J’ai entendu dire que ceux ayant des parents de différentes nations étaient généralement plus puissants. Est-ce que c’est ton cas? »

« Malheureusement, non. Je suis encore de niveau filet »

« Ah, étrange… Je pensais que tout le monde ici était au moins coutil, voire dentelle. Je pense que c’est le cas d’Hildegarde et de Kei. J’ai demandé à Hildegarde, et il n’arrête pas de s’en vanter… »

« Pourtant je ne l’ai pas entendu… ça a du sens, par contre », pouffa Aileen.

Hugo fit de même avec un rire sonore et entraînant.

« Mais bon, je pense qu’on devrait bientôt les sortir », proposa le jeune garçon.

« Oui, c’est vrai! »

Frédérique, qui écoutait à moitié leur conversation, les suivit. Il tena la porte alors que les deux autres

extirpèrent Hildegarde et Killian. Aileen posa la première au sol, et Hugo s’occupa du deuxième.

La tricoteuse se dirigea vers son amie peintre. Cette dernière semblait fascinée par l’énorme machine. Voir ses anneaux tourner constituait du plus gros divertissement disponible dans la salle.

« Bonjour! » commença Aileen, qui rejoignit les côtés de son amie.

Elle observa également les mouvements répétitifs et envoûtants d’Aeterna Fons.

« Pourquoi crois-tu qu’ils ont besoin de nous pour alimenter cette chose, créée par Isaroth lui-même? N'est-il pas le tout puissant? » demanda son interlocutrice, sans attendre de réponse.

Charlie soupira avant de se retourner vers son amie. Elle lui sourit légèrement avant de se relever.

« Bon, je pense qu’on devrait faire autre chose », dit l’artiste.

« Tu as raison », répondit Aileen.

Charlie se releva afin de mieux se positionner pour tracer quelque chose dans la poussière. Aileen l’observa tranquillement travailler, n’ayant rien de mieux à faire. Ses traits s’accumulaient telles les minutes s’écoulaient, et commencèrent à former une forme familière.

Pendant un instant, elles continuèrent ainsi jusqu’au moment où l’artiste s’éloigna de son chef-d’œuvre afin de le dévoiler. Aileen discerna Aeterna Fons, légèrement stylisé pas les traits minces et nombreux. Le dessin était bien réalisé selon la jeune fille, pourtant, un pli se forma sur le front de la créatrice. Cela ne fut pas attrapé par Aileen, qui s’exclama:

« Comme c’est beau! Je vais dire aux autres de ne pas y toucher. Tu est vraiment ta…»

Charlie s’était penchée, et observait sa création. Sans avertissement et en interrompant son amie, elle prit une grande inspiration avec de l’expulser, et ainsi, déplacer la poussière vers la baie vitrée en nuage.

« Oh! Pourquoi est-ce que tu… C’était beau », lui reprocha Aileen, déçus de ne pas avoir pu pleinement profiter d’un petit changement dans la décoration.

« Tu n’es pas obligée de mentir pour me plaire, tu sais », souligna l’intéressée.

« Mais… je ne mens pas!»

Aileen ne comprenait pas pourquoi son amie était si difficile avec ce pauvre dessin. C'était plus beau que toutes ses tentatives, et ce fut jetté au premier coup d'œil.

« Regarde, je vais te montrer quelque chose. Il reste beaucoup de poussière là-bas », dit Charlie.

Les deux filles s’y rendirent. L’artiste fit donc signe à la tricoteuse de dessiner, ce qu'elle fit sans problème.

Aileen débuta son œuvre. Comme son amie, elle dessinerait la machine. Elle commença maladroitement par un cercle, plus semblable à un ovale. Autour, elle fit des ronds pour représenter les anneaux. Ils semblaient désaccordés comparés aux originaux. Elle compléta son oeuvre en faisant des petites lignes autour, pour représenter la lumière.

« Tu vois, tu dessines vraiment bien », se plaignit la jeune fille.

« Tu dis ça car tu vois toutes les imperfections de ton dessin. Figure toi que c’est le cas pour moi avec le mien. Tu comprends? » répliqua Charlie.

Aileen réfléchit légèrement et comprit enfin ce que disait son interlocutrice. Elle était très dure sur elle-même pour passer autant de temps sur quelque chose avant de l'effacer complètement.

« Mais pourquoi tu l’as effacé? Moi, j’aimais ton dessin! »

«La beauté d’une œuvre ne réside-t-elle pas dans le fait qu’elle soit éphémère? »

Encore une fois, Aileen se surprit à être immergée dans ces réflexions. Il fut vrai que la précarité d’un tel objet le rendait rare et plus désirable que s’il était éternel, mais était-ce toujours le cas? La puissance d’un sujet intemporel n’était pas tout aussi admirable que la fragilité?

« Venez! » lança Hugo à tout le monde.

Le groupe comprit immédiatement que le garde partait. Killian était déjà à la porte, l’épingle en main.

« C’est bon, je pense que tu peux commencer », confirma Frédérique, observant sous la porte.

Il rentra l’épingle dans la serrure, avant de la remuer un peu. Dahlia regardait nerveusement sa montre chaque cinq secondes, et Hildegarde frappait son pied au sol. Tous furent soulagés d’entendre un déclic sonore. Doucement, Killian entrouvrit la vanne et vérifia que personne ne se trouvait dans le couloir. Il adressa un hochement de tête à Charlie et Kei, prêts à prendre les devants.

Charlie, ayant rapidement confectionné son sort, devient invisible. Elle indiquerait sa position par un petit claquement de doigt.

Charlie claqua des doigt dans le couloir après un court instant, et tout le monde sortit en file.

Bientôt, les trois minutes seraient écoulées. Charlie continua de claquer des doigt jusqu’au bout du couloir, où se trouvait un placard. Après une rapide vérification, elle leur fit signe de la rejoindre à l’intérieur, où elle redevint visible.

Les trois minutes étaient écoulées. Il restait maximum deux minutes. Le garde ne les verrait pas sortir du placard depuis son poste, comme l’avait vérifié Hildegarde.

Aileen valida la présence de tout le groupe. Elle compta, un, elle-même, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix et… Et rien. Elizabeth manquait à l’appel.

« Oh non, j’y vais. Il manque Elizabeth », dit-elle, convaincue.

Les autres tentèrent de la retenir, mais elle glissa entre leurs tentatives pour courir dans le corridor. Elle ouvrit violemment la porte, et trouva la recherchée dans un coin, à prier, évidemment. Aileen lui empoigna le bras.

« Je ne vais pas te laisser derrière », déclara-t-elle d’un ton sérieux.

Elizabeth se résolut à la suivre. La jeune fille la tira jusqu’à la porte et s’avança dans le corridor. Elle se mit à marcher le plus rapidement possible sans bruit, tirant celle qu’elle avait secourue. Le placard était enfin visible, tout en semblant si loin. Un dernier petit effort!

Un léger cliquetis résonna de plus loin. Le refuge se trouvait juste devant une intersection. Aileen plaqua Elizabeth à ses côtés sur le mur, souhaitant ne pas être remarquée. Elle attendit en retenant sa respiration, et vit une armure argentée du coin de l'œil. Et l’armure tournait dans leur direction.