Lors d’un matin tout à fait comme les autres, Aileen se réveilla dans son nid douillet. Lentement, elle enfila l’un de ses ensembles de vêtements. Elle descendit à pas lourds la cage d'escaliers pour rejoindre la cuisine au rez-de-chaussée, où elle confectionna d’une main lasse un déjeuner nutritif pour toutes ces intenses activités physiques routinières. La jeune fille prit place à la table, et ses parents s’y trouvaient. Éric avait le nez dans un journal tandis que sa femme semblait être captivée par un bout de fruit dans son assiette.
L’adolescente laissa échapper un long soupir après avoir englouti son repas. La fille se dirigea vers un bureau, où se situaient ses devoirs. Elle était épuisée de réviser un monde qu’elle ne visitera jamais. Cette matière, qu’elle voyait lors de la dernière semaine, portait sur la géographie et les éléments. «Alors… Caelestia est la nation de l'élément… Lux. Umor, facile. C'était l'élément Aquae. Arborem et Florentum, de même pour Calidum et Ignis. Tenebris et Nebris, encore une fois facile. Evanidus c'était… Tonitrum. Non, avec deux U» pensa à voix basse la studieuse élève avant d'effacer sa feuille pour retenter sa chance.
Elle reprit suite à une petite gorgée l’exercice simple:
«Maintenant, où étions-nous? Ah oui, Spacium, relié à Temporis. Glacies ainsi que Lanula font pair. Même chose pour Lapisore et Lapillis. Encore une fois pour Auram et Tempestas. C’est terminé!» murmura cette dernière.
Aileen reprit sa chambre à l'étage, et elle s’effondra, comme à chaque jour, sur son lit donnant sur une grande baie vitrée. Après avoir scruté les fissures présentes sur son plafond, la jeune adolescente roula nonchalamment vers sa fenêtre. Elle laissa son regard suivre le flot des passants, espérant que la vitre séparant leur monde ne soit. Regarder un quotidien inatteignable résumait bien son existence. Entre ces amis s'esclaffant, cet enfant pleurant sur les épaules de son père ou même cette femme bousculant un grand nombre de personnes, visiblement en retard, tous étaient enviés à leur insu par une jeune fille déçue de son futur inexistant.
Ce flot de pensées n’ayant dû exister fut interrompu après quelques heures lorsque Mirabelle fit signe à sa fille de venir manger le dîner avec elle. Sans rechigner, Aileen la rejoignit. Ce bref dîner fut dégusté en silence, non car le plat était bon, mais simplement car ce n'était que la routine. Après avoir fait un signe de la main à sa mère pour la saluer, elle reprit sa chambre, encore une fois. Et encore une fois, elle s'élança sur son lit, puis roula jusqu'à la fenêtre. Une idée semblant brillante surgit dans son esprit. Juste sa main. Pas pour longtemps. Aileen entrouvrit la fenêtre, qui, à sa grande surprise n'était pas condamnée. Ses doigts se frayèrent un chemin vers l'extérieur tandis que le brouhaha, qu’elle ne ressentait jamais, la surprit. Une légère brise s'engouffra dans les lieux et fit frissonner Aileen. Un minuscule être volant frôla ses doigts, et Aileen l’invita à se poser, ce qu’il fit. Cela devrait être un insecte, selon son livre sur la faune. Il sortit sa petite trompe qu’il enfonça dans sa peau. Elle ressentit un léger inconfort avant qu’il ne parte. Quel acte rapide! Maintenant, sa main lui démangeait, ce qui l’insista à vite refermer l’embrasure.
Inquiète, Aileen vérifia l'état de sa main, à présent rouge et enflée. Elle ne pouvait perdurer ainsi, pas sans le risque de mourir ou de perdre sa précieuse main. Cependant, ses parents sauraient qu’elle avait brisé les règles. Voyant que l'état de sa main ne s'améliorerait nullement, la jeune fille choisit d’avertir ses parents de sa mort potentiellement imminente. Empressée par cette idée, Aileen montra sa main à ses géniteurs au souper.
« Maman, papa, est-ce que je vais mourir? Un truc volant s’est posé sur ma main avant de faire cela » murmura la jeune fille, qui s'attendait à tout à l'exception d’un éclat de rire.
« Ne t'inquiète pas, chérie, ce n’est que l'œuvre d’un moustique. La piqûre ne sera là que pour une semaine ou deux, et elle te démangera, mais tu ne vas pas mourir » répondit Éric, amusé.
« Mais… Comment as-tu pu avoir une telle piqûre? Tu n’es pas sortie dehors, j'espère? » s'interroga Mirabelle.
Anxieuse, Aileen nia ces accusations d’un signe de tête. Mirabelle se tourna vers son mari pour l'accuser.
« Aurais-tu, par hasard, oublié de fermer une fenêtre? Tu sais à quel point je ne tolère pas ces petites bestioles. Ma réaction face à leur piqûre semble quadruplé, je dois avoir une allergie quelconque. Tu as aussi inquiété ta fille, qui semble avoir le même problème » gronda la femme.
Éric fut obligé de subir le châtiment de la grande Mirabelle, consistant à faire ses tâches pour une semaine entière. Il ne pouvait la fuir, et nier aggraverait son cas. Malgré qu'elle eut pitié de son père, Aileen ne pouvait point avouer d’avoir brisé les règles. Sa punition serait bien pire que ces taquineries rigolotes.
La soirée se déroula rapidement, et Aileen fut prête en un clin d'œil à dormir. Elle se coucha, et observa le ciel étoilée par une petite fenêtre étrangement disposée. Pour pouvoir observer au travers cette dernière, il fallait inverser de sens dans son nid. Ses pieds étaient donc sur son oreiller, et sa tête vers le rebord du lit. La vue en valait pourtant ce petit sacrifice, bien qu’elle soit rudimentaire. Les étoiles semblaient reluire telles les milliers de petites chandelles que sa famille disposait dans le salon lors de la cérémonie de renaissance chaque année. Des nuages, ressemblant à des gouttes de lait bleutées, encadraient ces lumières. Cette œuvre était constituée d’une palette d’un bleu à l’allure discrète, rappelant la mer d’Umor, nation de l’eau, qu’elle n'observait que par de petites photos dans ses cahiers. Les satellites firent lentement leur apparition dans la composition pour apporter une teinte plus claire. Elles étaient en croissant ou pleines. Ces drôles d’orbes flottantes n'étaient toujours pas expliquées. Les théories passent de la volonté d’Isaroth à d’autres terres comme les nôtres, flottant dans un vide infini. Aileen trouvait cela farfelu, mais fascinant. Les orbes gravitèrent doucement vers le côté opposé de la fenêtre. De lourds nuages couvrirent lentement cette scène au fur et à mesure que les membres de la jeune fille s'alourdirent, jusqu'à son sommeil.
***
« Est-ce que tu dors encore? » chuchota Mirabelle.
Aileen s'était endormie plus tard qu’à l'habitude, il était donc naturel qu’elle ne soit pas encore réveillée. Mirabelle lui avait préparé des exercices ainsi qu’un petit dîner que sa fille compléterait avec son déjeuner de choix. Après avoir enfilé l’un de ses ensembles favoris, Aileen prit la direction de la cuisine, où elle se confectionna quelque chose qu’elle savoura avec des devoirs comme accompagnement. Suite à cette courte session d’études, la jeune fille retourna dans sa chambre où elle commença son nouveau projet: coudre une robe. Pour cela, elle devait commencer par créer du tissu avec son métier à tisser. La jeune fille dévouée se mit à la tâche, qui l’occupa durant quelques heures. Enfiler les fils était répétitif mais distrayant. Son travail du côté du tissu était quasiment complet.
Sa vie n'était que monotone. Terne. Répétitive. Ennuyante. Décevante. Cyclique. Malencontreuse. Désolante. Solitaire. Marginale. Morose. Mais sécuritaire. Cependant, la sécurité valait-elle une vie?
Aileen en vient à se demander si elle devrait confronter ses géniteurs à ce sujet. Ils ne semblaient pas remarquer à quel point ce style de vie pouvait être émoussant. Peut-être le savaient-ils, mais ils ne le laissaient pas paraître. Quelques heures de combats internes lui suffirent pour prendre sa décision.
Comme toujours, elle se rendit sur son nid douillet, d'où elle se mit à observer les afflux extérieurs. C'était l’heure pour tous de revenir du travail. Quelques étudiants, revêtant un uniforme vert de la tête aux pieds, se frayaient un chemin dans le sens contraire au courant. Un homme passant fréquemment dans le coin perdait son haut-de-forme en raison du vent puissant. Au loin, vers la caravane, il y avait de l'activité. Plusieurs mangeaient de ces plats exotiques. Il fallait en profiter avant que ce restaurant mobile ne s’en aille dans une autre nation. Un bruit sourd retentit dans l’allée et fit sursauter la pauvre spectatrice. Tous semblaient chercher l’origine de cette nuisance, et trouvèrent deux jeunes bousculant la foule. C’était les jumeaux qu’Aileen avait vu auparavant. Ils avaient apparemment renversé l’étalage de produits du boulanger d’en face et devaient payer. Ils avaient choisi la fuite. La foule resta bête face à la situation, et les fautifs s'enfuirent tandis que le pauvre homme pesta. L’observatrice remarqua son père, se frayant une voie vers sa propre demeure.
Malgré le fait que ces péripéties apportèrent un sourire aux lèvres de la jeune fille, sans pour autant changer son opinion sur sa vie. Elle marinait dans ce débat depuis son enfance et attendait impatiemment d’en finir.
À cet exact moment, elle fut appelée au rez-de-chaussée, où auraient lieu les confrontations. Décidée, l'adolescente dévala la cage d'escalier un peu plus rapidement qu’à l'habitude. Elle était justement résolue à briser ce cycle interminable. Un assemblage de pains et charcuteries, sans oublier les traditionnels fruits l'attendait. Affamée, Aileen se servit une énorme portion qu’elle goba sous le regard incrédule de sa famille. Un léger doute s'installa avant que la jeune fille ouvrit la bouche:
« Hum… J’ai une question. Est-ce que je pourrais, un jour, voir l'extérieur? »
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Ses parents détournèrent le regard de leur assiette.
« Chérie, tu as la plus grande fenêtre de la maison! » s'esclaffa Mirabelle, espérant de n’avoir bien entendu cette requête.
« Mais… Je veux dire, sortir dehors, voir des gens, avoir une vie normale » balbutia Aileen, prise au dépourvue par cette simple réponse.
Éric et Mirabelle se lancèrent un regard, cachant toute une conversation. Puis, Éric prit la parole.
« Aileen, tu connais malheureusement la réponse. C’est un non catégorique »
« S'il vous plaît! Vous ne savez pas à quel point c’est ennuyant d'être enfermée pour l'éternité! » supplia la jeune étudiante.
« Aileen! Non c’est non! Retourne donc dans ta chambre pour réfléchir à ce que tu viens de dire. Si jamais tu sortais, ton exécution serait déjà signée!» répliqua amèrement son interlocutrice.
Furibonde, la jeune fille courut jusqu'à dans sa chambre après avoir lancé un sombre regard à ses geôliers. Elle choisit d'investir toute cette rage dans un plan pour fuguer. Aileen devait déterminer le moment, le lieu ainsi que son matériel. Elle devait choisir une période de temps suffisamment flexible pour lui permettre de revenir avant que ses parents ne s’en aperçoivent. Cette escapade devait rester dans l’ombre, et Aileen aurait peut-être une chance de recommencer si cela fonctionnait. Tout d'abord : le moment. La jeune fille s'arrêta sur l'après-midi, durant lequel ses gardes étaient occupés. Maintenant, par où devrait-elle sortir et rentrer? La porte principale était la meilleure option, car l’étudiante n’avait jamais pratiqué d’escalade. Elle aurait deux heures pour agir, en comptant les délais dûs au trajet. La liste de matériel était la prochaine étape. Aileen décida d'emmener son peu d’argent qu’elle donnait généralement à ses parents pour qu’ils lui achètent du fil et de la laine, ainsi que de revêtir le projet sur lequel elle travaillait, inconnu de toute la maisonnée, elle exclue. Lorsque tout sembla parfait, Aileen se prépara à dormir, impatiente du lendemain. Le sommeil vient avec l'évanouissement de cette rage.
***
Comme toujours, la jeune fille se réveilla en douceur. Elle enfila une tenue habituelle avant de rejoindre la cuisine. Elle se prépara un petit-déjeuner, et termina en peu de temps les exercices de révision. Mirabelle et Éric la saluèrent avant de remettre leur nez dans leurs affaires. Aileen remonta à sa chambre, où son projet fut clôt suite à un travail empressé. Heureuse, elle s’assura de la cohérence de l'œuvre en la revêtant. Son sac fut rapidement emballé et tout semblait en place. Ses battements de cœur commençaient cependant à s'accélérer. Sa respiration avait un rythme inhabituel. L'anxiété s'installa tranquillement, au fur et à mesure que le temps s’écoulait. Bientôt, elle trahirait ses parents, et briserait leur confiance. Pourtant, tout devrait bien aller. Elle ne devrait pas inquiéter quiconque, voire se faire remarquer. L’étudiante régula légèrement ses inspirations avant de se changer. Aileen descendit lentement les marches grinçantes. Sa mère lui avait préparé un petit bol de soupe, qu’elle cala d’une longue gorgée. Ce mets était délectable, et il remplit la jeune fille, mais pas pour longtemps. Elle décida de passer voir le restaurant mobile pour compléter le tout.
Aileen gravit les escaliers pour reprendre sa pièce de prédilection. Sa robe fut enfilée en un temps trois mouvements et elle lança sa sacoche sur son épaule. Tout était en place pour le spectacle. Par des pas de souris les escaliers furent empruntés. La main sur la poignée, Aileen déglutit. Tout ce déterminerait à ce moment. Ses mains, devenues moites, étaient posées sur la poignée menant à un tout autre univers. Elle ferma les paupières avant de tourner lentement cette clef vers l’autre monde. Ce dernier se révèla derrière une lourde porte. Des odeurs, des bruits et des images s'agglutinèrent vers la pauvre fille. Cela était merveilleux. Émerveillée, elle s’empressa pour découvrir cette merveille. Sous ses pieds, un magnifique pavé poli par le flux de passants. Autour d’elle, des gens, plus vrais que nature, l'entouraient. Le ciel semblait s’ouvrir à elle. Il était infiniment plus beau sous cet angle. C'était époustouflant à quel point ces immeubles semblaient plus grandioses depuis le sol. De multiples odeurs creusèrent l'appétit de la jeune fille. Entre les pâtisseries à perte de vue et les étalages remplis à craquer de délices multicolores, Aileen figa. C’était le paradis. Elle ne savait pas, avant ce moment, à quel point elle avait besoin de sortir.
« Bonjour, mademoiselle! Intéressée par nos pâtisseries? Elles sont confectionnées à la main chaque jour. Les plus fraîches du marché! » lança la vieille boulangère. Aileen balbutia une excuse avant de s’enfuir. Était-ce là sa première interaction avec d’autres personnes que sa famille? Elle ne saura jamais la réponse. Quelques minutes de marche à rythme lent lui suffirent pour tomber devant une belle opportunité : le fameux restaurant-mobile. La file n’était pas si longue, ce qui était surprenant. Cette dernière fut rapidement rejointe par l'étudiante époustouflée. Que commanderait-elle? Une image attira son attention : un anneau de pâte beige orné d’une sauce brune, rappelant du chocolat, qu’Aileen avait déjà goûté. Cela devait être une spécialité de Calidum, la cité des flammes. Ils excellaient en dessert, du moins selon ses parents. Cette taverne avait accumulé des localités à travers le monde entier, ce qui ne fit qu'amplifier l'appréhension de la jeune fugueuse. Son tour arriva rapidement, et la serveuse l'interpella.
« Bonjour, madame. Souhaiteriez-vous quelque chose? » lança-t-elle.
« Puis-je prendre un… beigne? »
« Bien sûr! Cela fera… 5 nacl »
La cliente paya avant de se mettre de côté pour permettre aux autres de commander. Contrairement à ces derniers, Aileen avait remarqué les énormes cernes entourant ses yeux. Sa voix était enthousiaste, mais son comportement en disait le contraire. La serveuse boitait légèrement lorsqu’elle se promenait dans la petite cuisine mobile. De plus, certaines cicatrices étaient visibles sur ses frêles bras lorsque ses manches remontaient en raison de son activité. Malgré tout, elle préparait habilement ces beignes, qu’elle trempa dans une épaisse mixture donnant l’eau à la bouche. Aileen fut appelée, et elle ramassa sa collation. Lorsque la serveuse se retourna, la jeune cliente lança:
« Passez une belle journée! Puis-je connaître votre nom? »
« Merci, vous aussi. Je me nomme Dahlia. Ravie de vous connaître » dit-elle d’un ton pressé. Les commandes s'accumulaient, et elle devait se remettre au travail. Aileen avait pourtant remarqué l’éclat dans ses yeux lorsqu’elle lui avait souhaité une belle journée. De simples mots pouvaient changer la journée d’une personne.
Sur ces pensées, l'étudiante reprit la route. Elle prit une énorme bouchée de son plat. Le chocolat glacé fondait dans sa bouche, et le beigne enrobé était croquant à la surface. L’intérieur lui rappelait pourtant l’un des nuages ornant la voûte céleste. Le tout se mariait à merveille. Aileen suppliera ses parents de lui en acheter lorsqu’elle reviendra et que cette histoire de sortie sera oubliée. Le combat d’hier faisait toujours rage dans son esprit, et la vue de la jeune serveuse ne faisait qu’infirmer son avis. Le monde n’était peut-être pas si incroyable. Aileen ne pouvait cependant pas abandonner son but pour si peu. Elle devait se concentrer sur le beau dans cette sortie : cet achat, la merveilleuse vue, le ciel, les immeubles, l'ambiance ainsi que ce sentiment d'immersion. La jeune fille savoura ce délice avec le spectacle s'offrant à elle : le monde progressant devant ses yeux, et à ses côtés. Cette expérience fut interrompue par une main agrippant violemment son épaule.
« Qu'est-ce que tu fais ici? Je… Tu sais à quel point cela est dangereux? Suis-moi » gronda Éric en la tirant d’une main ferme. Il semble plus inquiet que furieux, mais cela ne voulait pas dire qu’il se fichait de la voir fuguer. Aileen paniqua. Combien de temps s'était écoulé depuis son départ? Il était certain que ses parents ne lui permettraient plus de voir l'extérieur. Elle ne se débattait pas, car elle comprenait les conséquences de ses actes. Son père n’avait pas non plus tort, mais cela ne voulait pas dire qu’elle méritait d’être enfermée à jamais. La route fut rapidement remontée par le duo. Arrivés à destination, ils s'empressèrent dans la petite demeure familiale. Aileen fut priée de reprendre sa chambre, ce qu’elle fit sans aucun mot. Elle savait que chaque mot prononcé pourrait déterminer son sort, et elle choisit de rester neutre. De là-haut, la jeune fugueuse pouvait entendre des relents indistincts d’une conversation enflammée. Lors de son enfance, son imagination la sauvait. Aileen l'alimentait avec de nombreux livres et divertissements du genre, mais à l’adolescence, elle avait besoin d’un peu d’aventure, et pas de celle produite par son esprit, mais une réelle expérience. Quelques minutes passèrent sans aucune nouvelle de ses parents. Puis, quelqu’un cogna à sa porte alors qu’elle avait commencé son nouveau projet : c'était ses geôliers.
« Ma chérie, je ne peux pas dire que je ne suis pas déçue. Cependant, je dois avouer que ta condition était cruelle. Pour cela, ton père et moi aimerions te montrer quelque chose. Suis-nous, d'accord? » dit Mirabelle d’un ton bienveillant.
Le trio descendit les escaliers pour atteindre le sous-sol. Ils pénétrèrent dans une pièce interdite à Aileen, supposément les bureaux de ses parents contenant des documents confidentiels.
« Bienvenue dans l’atelier! » scanda joyeusement Éric tandis que Mirabelle lui jetait un coup de coude. Aileen était tout de même en tort.
« Depuis le moment où nous avons su que tu ne possédais aucun pouvoir, nous nous sommes attelés à la tâche de te protéger. Il était impératif de te garder sous notre aile avant que le projet soit complété, sécuritaire et fonctionnel. Durant quatorze ans, nous avons travaillé sur ceci. C’est pourquoi nous allons au travail juste l'après-midi: le matin, c’était l’heure de la recherche » expliqua la grande femme.
« Notre but premier était de te donner une partie de nos pouvoirs, ce qui n’a pas fonctionné. Nous avons ensuite eu l'idée de te protéger de la détection des autres en t’offrant une aura magique, un semblant de fil. Comme tu le sais, le fil est la capacité magique d’un individu. Hors, le tien semble nul »
« Nous sommes donc heureux de te présenter ceci : l'amulette de simulation de fil, pour court, notre cadeau. Tu pourras expérimenter une vie presque normale. Cependant, nous réfléchirons encore un peu sur ta punition, alors tu sera privée de sortie avant que ce soit décidé. N'oublie pas de toujours garder sur toi ce pendentif. Est-ce bien clair? » termina la blonde aux lunettes.
« Oui maman, papa. Merci beaucoup. Je… je ne sais pas quoi dire. Merci » prononça Aileen, émue par cette opportunité. Elle semblait ignorer la sentence pour l’instant.
La jeune fille prit le talisman dans ses mains, qu’elle observa. La chaîne était simple, légère et de qualité. Son apparence dorée allait de pair avec la teinte de peau d’Aileen. L’amulette elle-même était composée d’une imposante pierre blanchâtre qui capturait la lumière de manière à refléter des couleurs de teintes vertes et bleues. Ces reflets devaient provenir des éléments de ses parents : Florentum et Aquae, respectivement les plantes et l’eau. Ce minerai était capturé par du métal merveilleusement bien travaillé, de manière à former de minuscules runes, communément utilisées comme «langage magique». Cet encastrement créait de petites feuilles ainsi que des vaguelettes, pour rappeler les éléments de ses concepteurs. Les yeux humides, Aileen calina ses parents, ses salvateurs. Elle ne savait point encore que sa punition serait bien cruelle.