La silhouette grandissante de Glacies remplissait Aileen d’appréhension. Elle ne pouvait plus attendre de visiter cette nouvelle cité. Comment était-elle comparée à Auram? L’artéfact serait-il plus simple à trouver là-bas, ou le groupe avait-il eu de la chance au premier coup? Ces questions trottaient dans la tête de la jeune fille alors qu’ ils approchaient à grands pas de leur destination.
Sans qu’elle ne s’en rende compte, Aileen était déjà arrivée. En franchissant un portail plutôt similaire à celui de leur précédent arrêt, leurs pas se firent plus lent.
Devant eux se dévoila un paysage prospère et froid. Les maisons étaient entassées en bloc, similaires les unes des autres, avec une architecture détaillée, mais peu personnelle. Les routes étaient larges, dégagées, et laissaient de la place aux calèches passantes, avec leurs complexe pavé ainsi que les bosquets de plantes sans feuilles, tentant de résister la température. Les lampadaire étaient nombreux, et ajoutaient une petite ambiance chaleureuse. Les magasins se distinguaient par leurs enseignes voyantes, et leurs vitrines remplies. Chaque surface était recouverte d’une fine couche de neige, signe qu’il avait récemment neigé. Cette substance craquait sous leurs pieds, et surprenait Aileen, qui n’en avait jamais vu, comme la plupart de ses camarades. Malgré qu’il fasse plutôt froid, Hugo, Frédérique, Charlie, Dahlia, les jumeaux et elle s’amusaient à manipuler cette couche blanche, quoi qu’elle ne fut collante.
La nuit allait bientôt tomber, et les lampadaires s’allumaient, ce fut pourquoi Hildegarde jugea bon de tirer ses amis de la neige poudreuse pour chercher un refuge pour la soirée. À contre-coeur, ils acceptèrent de la suivre, car le froid commençait à ronger leur humeur.
« Allons au moins acheter des manteaux avant! » supplia Dahlia, grelottant.
Aileen devait avouer qu’elle était également gelée jusqu’aux os. La jeune fille était impatiente de trouver un abri ou un manteau, préférablement les deux. Le ciel, s’assombrissant, éloignait la chaleur de Vitreas. Ils continuèrent leur promenade, en quête de l’un ou de l‘autre. Malheureusement, le groupe semblait plutôt se situer dans un quartier résidentiel.
Soudainement, une lumière les éblouit. Ou plutôt des centaines, car toute la rue se retrouvait éclairée. Après quelques instants d’adaptation de sa vue, Aileen décela des lueurs semblables aux lucioles. Que faisaient-elles ici?
« Des décorations! » s’écria Hugo, joyeux.
Contrairement à ce que croyait la tricoteuse en premier lieu, ce n’était pas des lucioles qui couvraient le paysage, mais de petites lumières, accrochées aux maisons, aux lampadaires, aux clôtures. Elles variaient de teintes chaudes, telles que le jaune, aux teintes froides, comme le bleu. Ce spectacle de lumière fascina tant le groupe qu’il s’arrêta complètement pour l’observer. Les formes de gouttes ou de flocons, les chandelles aux fenêtres, révélant des arrangements de branches épineuses que la jeune fille n'avait pas remarqué auparavant, alliées à de petites baies rouges.
« C’est magnifique », laissa échapper Aileen, et ses amis semblaient du même avis.
« C’est bientôt le bal de neige. La ville ouvre ces lumières toujours à la même heure, et ces chandelles ne doivent pas s’éteindre avant le grand jour », expliqua Killian en continuant le chemin vers où ils s’en allaient.
« Attends-nous, au moins! lança Dahlia. Oh, vraiment, il me tape toujours sur les nerfs », se plaignit d’un ton plus bas cette dernière.
Le groupe rejoignit leur compagnon ayant pris de l’avance. Ils continuèrent à marcher dans le quartier, tout en admirant les lumières, qui les réchauffaient, au lieu des manteaux qu’ils n’avaient toujours pas. Sans trop savoir où ils allaient, ils tournaient ici et là, et finirent par arriver devant un magasin de manteaux.
« Voici l’endroit où je vous menais. La qualité est bonne », dit Killian.
Donc ils ne se baladaient pas hasardeusement dans les rues, mais avaient une destination. Aileen observa la vitrine en grelottant, avant de se retourner vers la porte munie d’un horaire.
« C’est fermé… » prononça Hildegarde avec un air un peu déçu.
Il y avait toujours un employé à l’intérieur, mais il ne semblait pas les remarquer. Aileen, ainsi que le restant de la troupe, abserva avec envie les capes de fourrures devant eux, à quelques décimètres, pourtant inatteignables.
L’employé à l’intérieur rangeait des produits à leur place, et faisaient les derniers préparatifs de la fermeture. Il remarqua alors quelques jeunes, devant sa vitrine. Entre leurs joues rouges, leur nez coulant, leurs tremblements et leur regard envieux scrutant la vitrine, ils faisaient pitié.
L’employé, au grand cœur, s’approcha de la porte pour leur ouvrir durant quelques minutes l’endroit.
« Venez, je vous ouvre pour encore dix minutes », les accueilla-t-il chaleureusement, ouvrant la porte.
« Merci!»
« Merci beaucoup, monsieur! »
« Merci! »
« Merci. »
Le groupe, semblant soulagé, bombarda l’homme de remerciements. Ce dernier les guida vers la section portant sur les capes.
« Je serais là-bas si jamais vous avez besoin d’aide. Je vous recommande ceux-là, deux couches avec de la fourrure et une capuche, ainsi que des accessoires, tels qu’une tuque, des gants…» présenta-t-il.
« Merci » , l'interrompit Killian en s’approchant des présentoirs.
L’homme se retira, mais Aileen avait la tête ailleurs. Non seulement elle était au chaud, mais, également, il y avait tant de produits. Elle se dirigea vers une rangée, celle conseillée par l’employé, où étaient les épais manteaux. Sa main les parcourut pour trouver une texture douce, retenant la chaleur, doublée d’un tissu résistant à l’eau.
Elle sortit une cape du rayon. Elle lui arrivait à la taille, et avait un grand capuchon. L’article se refermait avec deux cordons, munis de pompons, qui plaisaient à la jeune fille. Aux rebords étaient cousus une fourrure blanche, soyeuse. Elle enfila l’article avant de s’observer dans un miroir. Le produit lui allait à merveille, en plus d’aller de paire avec les couleurs de sa robe.
Dahlia s’approcha de son amie pour lui tendre une petite pile.
« J’ai trouvé ça! Il y a des gants, des jambières, et le reste à l'air protégé par ta cape! »
Aileen prit les morceaux. Elle avait déjà vu des gants, qu’elle essaya. Ils étaient chauds et confortables, ce qui lui plut. Par la suite, les jambières… La jeune fille tenait deux tubes, sans trop comprendre.
« Euh… » fit-elle en les retournant dans ses mains.
« C’est les jambières! Tu les enfiles sur tes jambes, et voilà! Je suis déjà venue ici une fois », expliqua son amie devant l’air plein de questionnements d’Aileen.
L’intéressée les mit, et fut ravie du résultat. Tout s’agençait si bien, en plus de la garder au chaud! Elle regarda aux alentours après avoir remercié son amie, pour voir où ses camarades en étaient. Lilith avait trouvé une longue cape, un peu moins épaisse, ainsi que des gants. Lloyd avait un manteau noir dans une main, et de l’autre, il cherchait plus de produits dans un bac. Elizabeth avait un manteau vert et attendait sur un banc. Hildegarde, ayant terminé ses recherches, tenait un manteau long, boutonné jusqu’au col, avec des gants, un foulard. Charlie peinait à trouver quoi que ce soit, tout comme Frédérique. Hugo s’affolait avec ce dernier devant des capes. Killian, ainsi que le noble, attendaient également en retrait, leurs articles aux bras.
Kei semblait encore une fois être prêt à leur faire une fleur. Aileen en était embarrassée. Il payait presque toujours! Le faisait-il par gentillesse? Était-ce pour démontrer sa fortune? À moins qu’il ne prenne réellement plaisir à ce périple, et veuille les gâter, ce qui semblait le moins probable à la jeune fille. Pourtant, là était la raison. Kei tenait à financer ces choses-là, car elles rendaient l’expérience plus amusante, et ainsi, il se rapprochait de ses compagnons de fortune.
Après quelques minutes passées à errer entre les allées, tous avaient décidé de leur choix. Aileen se rendit à la caisse avec Dahlia, qui était restée avec elle. Certains les attendaient déjà, tandis que d’autres les rejoignirent. Kei tendit plusieurs pièces d’or, et le vendeur fit le compte avant de leur souhaiter une bonne soirée. Ils enfilèrent leurs nouveaux achats, et s’aventurèrent vers l’extérieur en remerciant à nouveau l’homme.
Aileen fut frappée de plein fouet par le vent du nord en sortant. De la neige s’était ajoutée à l’équation, brouillant un peu leur vision. Elle espérait trouver rapidement un abri, sans quoi elle ne survivrait pas.
« Tu viens d’ici, si j’ai bien compris? », demanda Charlie à l’intention de Killian, ce dernier répondant par un hochement de tête.
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« Est-ce que tu connaîtrais un hôtel, ou une auberge? » questionna Hildegarde.
Killian sembla réfléchir un instant. Il allait répondre, mais fut devancé par Hugo, ayant une idée en tête.
« Et si on allait chez toi? »
L’intéressé ne répondit pas en continuant la route. Un malaise s’installa, car tous attendaient sa réponse.
« Allez, pourquoi pas? » supplia Dahlia.
Killian s’arrêta, sans pour autant se retourner. Il laissa échapper de l’air de sa bouche, dans ce qui semblait être un soupir, et de la buée s’en échappa. Il regarda ses pieds.
« Allons, je vous rappelle qu’on est supposé être dans une académie. Il ne veut peut-être pas inquiéter sa famille », tenta Hildegarde.
Le groupe abandonna, et Killian reprit sa marche rapide, emboîté par ces derniers. Après quelques instants, Dahlia intervient, se posant des questions sur leur destination. Elle peinait à le suivre, tout comme Aileen.
« Où est-ce que nous allons? »
L’intéressé ne s’arrêta pas pour répondre, pourtant, il expliqua.
« Une auberge. La patronne n’est pas aussi commode que Molly, mais c’est ce que vous aviez demandé. Il n’y a pas vraiment d’autres choses risquant d'avoir de la place », présenta le jeune homme, gardant fière démarche.
La balade fut longue, mais Aileen préféra observer les lumières plutôt que de se laisser ennuyer. Elles étaient si belles et diversifiées! La jeune fille leur trouvait un charme contrastant beaucoup avec l'ambiance de la ville. Cette nation froide et sévère, décorée de part et d'autre de petites lumières joyeuses la fit sourire.
Hildegarde sembla soudainement se rappeler de quelque chose d’important, car elle sortit le livre sacré de sous sa cape.
« On devrait déjà commencer à penser à l’artéfact. Voici le poème. Réfléchissons-y donc en marchant », proposa-t-elle.
« Pas la peine, c’est ici », pointa Killian en s’aventurant sur des marches non déblayées, menant à une porte en bois.
Ils étaient donc arrivés. Aileen, ainsi que ses compagnons, le suivirent à l’intérieur. C’était poussiéreux et sale. Visiblement mal entretenu. Ce n’était guère comme dans l’auberge de Molly, où c’était sale, mais chaleureux, accueillant. Ici, c’était presque abandonné. Une femme, semblable à une vieille sorcière des contes qu’Aileen aimait tant lire, arriva après les avoir entendu arriver. Même si la jeune fille appréciait ces histoires, elle ne souhaitait nullement se trouver dans l’une d’elle.
« Ah, des clients. Combien de personnes? Combien de chambres? » croassa-t-elle.
« Onze, deux ou trois chambres. Combien de lit? » continua Hildegarde, s’adaptant au rythme de la gérante.
« Un. J’ai trois chambres. C’est… 20 nacl par nuit, mais plus si vous êtes bruyants. Couvre-feu était il y a quinze minutes, mais je laisse passer pour cette fois », expliqua la sorcière en attrapant les pièces comme si elles étaient des trésors.
Personne ne bougea attendant les clef, qui ne vinrent pas.
« Qu’est-ce que vous faites là, hein?! Allez, morveux! Les trois premières chambres, 1, 2, 3, b’soin d’une carte? » cria la femme en pointant l’escalier, que tous s’empressèrent de prendre.
Les escaliers craquaient, semblaient usés par le temps. Aileen comprit, devant la porte, pourquoi il n’avaient pas besoin de clef. Les chambres se barraient seulement de l’intérieur, ce qui ne lui plut pas trop. Tout le monde pouvait y entrer en l’absence du client.
« Qui avec qui? »
« Nous trois ensembles! » imposa Dahlia en passant ses bras par-dessus les épaules de Charlie et Aileen.
« Je peux les rejoindre », proposa Lilith, suggestion qui fut aussitôt acceptée.
Hugo, Frédérique et Lloyd se mirent en équipe, et les quatre restants partagèrent une chambre. Aileen, ainsi que sa troupe, prirent la direction de la première chambre. Elles se préparèrent rapidement avant de rejoindre le lit, où elles étaient à l’étroit.
« Je peux aller sur ce fauteuil », suggéra Aileen en quittant.
Les trois autres opinèrent, tandis que la tricoteuse s’y dirigeait pour dormir. Elle fit sa prière, et peina à atteindre un état de sommeil sur les coussins à peine rembourrés.
***
La tricoteuse se réveilla avec les paupières collées. La froid pénétrait dans la chambre, alors elle se recroquevilla, voulant continuer à dormir. Aileen n’y arriva pas, donc elle se dirigea vers la salle de bain pour se préparer, et ressortit quelques minutes plus tard, prête pour la journée.
Ses camarades de chambre sortaient à leur tour d’un sommeil léger, en raison du vacarme occasionné par sa préparation. Elles se préparèrent à leur tour tandis que la jeune fille patientait sur le fauteuil. La neige qui ne cessait de tomber l’empêchait de deviner l’heure.
Lorsque l'entièreté de la chambre un fut prête, elle sortit. Dans le couloir, la groupe vérifia aux deux autres groupes s’ils s’étaient préparés. En frappant à chaque porte pour ne découvrir personne, le quatuor réalisa qu’il était le dernier debout. Elles prirent toutes quatre l'escalier grinçant pour tomber sur la sorcière, qui les jaugeait d’un œil furieux.
« J’ai déjà dit à vos amis de ne pas faire de bruit le matin, alors dehors! Je voulais dormir, moi! » cria-t-elle en leur présentant la porte.
Aileen, à sa suite Charlie, Dahlia et Lilith, prirent la direction indiquée pour fuir. Elles avaient heureusement enfilé leur attirail hivernal, et étaient donc prêtes à accueillir la rafale de vent glacé. Aux côtés de la porte figurait le restant du groupe, également jeté dehors pour la matinée.
« Ah, finalement, vous êtes là », dit Kei en se relevant du mur.
« On peut aller manger, maintenant? » supplia Hugo.
Aileen devait admettre qu’elle avait également faim. Après le voyage jusqu’ici, leur dîner n’avait pas fait long feu. Le sommeil difficile n’avait pas aidé.
« Oh, oui, j’ai tellement faim! », approuva Dahlia.
« Quelle heure? », demanda Killian.
« Hum… 8h57 », répondit la cuisinière en vérifiant sa montre.
Celui ayant posé la question réfléchit un instant, cherchant sûrement un restaurant ouvert à cette heure, avant de débuter la quête vers un déjeuner. Le groupe le suivit, à la hâte. Seulement leur motivation de déguster un bon plat les fit continuer à avancer, sans cela, ils seraient restés au lit.
Le chemin ne fut guère long, car, rapidement était dressée devant eux une bâtisse avec quelques fenêtres entrouvertes sur un espace confortable. La pancarte, pendant au-dessus de leurs têtes et se balançant au gré du vent, indiquait « Café Hirondelle ». Killian pénétra le premier dans ces lieux, et fut talonné par les autres. Une odeur de café fraîchement rôti atteignit leurs narines, tout comme la température les soulagea. Finalement au chaud! Leur manteau étaient de bonne qualité et faisaient bien leur travail, mais aucun miracle.
Le groupe prit place à une table, et Aileen prit l’un des menus posés. Ce n’était pas si cher : entre 10 et 20 nacl pour un déjeuner, breuvage inclus.
Après mûre réflexion, déchirée entre le dilemme de chocolatine - thé et salade de fruits - lait au chocolat, elle choisit la seconde option, qui semblait être servie en portion plus large que la première.
Hildegarde, accompagnée de Killian, passa la commande au comptoir, où ils furent accueillis d’un sourire chaleureux. La guerrière présenta leurs décisions finales avant de reprendre place à leurs côtés, mais son compagnon resta un peu plus longtemps. Il dit quelque chose à la serveuse, qui ne broncha pas, avant de répondre au même volume par quelques phrases. De leur place, Aileen ne pouvait entendre un traître mot de ce qu’ils disaient, mais jugea le tout peu important, car, lorsque l’intéressé revint parmi eux, il ne semblait pas perturbé.
Dahlia paraissait curieuse, mais avant d’ouvrir la bouche, elle fut interrompue par un coup de pied de sa camarade ainsi qu’un regard comme avertissement, lui rappelant l’incident de la journée précédente.
Le silence fut rompu par Frédérique, discutant avec Hugo. Aileen regardait la serveuse préparer leur plats, car son estomac lui interdisait de faire quoi que ce soit qui n’impliquait de la nourriture.
Après quelques minutes, elle vint, les bras chargés de mets à l’apparence alléchante. La moitié du groupe reçut de quoi, et le reste devait attendre que la dame revienne avec d'autres couverts, ce qui ne fut bien long. Aileen était servie, et ne se gêna pas pour plonger dans sa salade fraîche et son lait au chocolat revigorant.
Après quelques instants où tous étaient obnubilés par leur repas, payé par leur camarade bien généreux aux fonds sans fin, la conversation de groupe reprit. Comme à l’habitude, Dahlia était bien bavarde, ne cessant de parler de tout et de rien. Charlie et Aileen ne faisaient que l’écouter, quoique cette dernière ajoutait de temps en temps des remarques. Hildegarde participait un peu à la conversation, tout aussi animée par le duo de joueurs que la cuisinière. Elizabeth restait mystérieuse dans son coin, et les jumeaux, tout comme le noble, ajoutaient des remarques de temps à autre, même si celles de Kei étaient souvent désobligeantes, tandis que celles de Lloyd étaient majoritairement des blagues. Killian scrutait la surface imperturbée de son café comme si elle avait tué quelqu’un.
Lorsque Lloyd se mit à imiter la sorcière, ce qui fit bien rire tout le monde, ou presque, la clochette à l’entrée retentit. Des gens bruyants pénétrèrent. Ce n’était pas comme s’ils étaient déjà les seuls dans le restaurant, bien loin de là, mais ceux qui rentraient avaient donné un mauvais pressentiment à la jeune fille, qui se retourna pour éviter de leur faire face.
Elle n’était pas la seule à se sentir ainsi, car même si Lloyd continuait à faire rire certains, Hildegarde lui lança un regard lourd de sens. La tricoteuse prêta attention aux nouveaux arrivants, du moins, auditivement. Comme des clients bien normaux, ils réservèrent une table avant de commander, puis se rassirent.
« Ah, vraiment, ils auraient pu au moins nous envoyer à Calidum ou quelque chose, pas dans le nord! », se plaignit un premier.
Aileen réfléchit un instant à ce qu’il venait de dire. Les voix de certains de ses camarades l’empêchait de se concentrer, mais au moins, elle avait compris qu’ils cherchaient sûrement quelque chose,vu que leur destination ne semblait pas déterminée.
« Ah, ouais, je te comprends! Il fait un froid de canard! Je vois pas pourquoi des jeunes viendraient se cacher ici! » appuya le deuxième.
« Ouais, c’est sûr qu’ils ne sont pas ici, mais le blé, c’est le blé! » fit un troisième.
« Non, mais sérieusement, pourquoi on aurait pas pu rester au quartier », continua le premier avant de prendre bruyamment une gorgée de breuvage.
« On devrait commencer à travailler dès qu’on le pourra. Le fric, c’est le fric, comme dit George. Alors, ils sont combien, ces fugueurs », détourna le deuxième.
« Hum… fit le troisième en sortant une feuille. Onze! »
Aileen se figa, comprenant enfin pourquoi ces hommes lui donnaient froid dans le dos. En regardant Hildegarde, la tricoteuse vit qu’elle avait bien entendu. Son air sombre trahissait le stress montant dans cette dernière. Il fallait absolument qu’ils partent, et immédiatement. C’était la gendarmerie. La gendarmerie envoyée à leurs trousses.