Pendant des années, il avait renié sa vraie nature. L'Équilibre était clair à ce sujet. Un homme se devait d'aimer sa femme, et une femme se devait d'aimer son mari. Tout autre type de relation était contre nature, et aimer une personne du même sexe était aussi pervers qu'aimer un animal. Mais à cent vingt ans, on avait un autre regard sur la vie que celui imposé par des textes religieux, et plus important encore, on apprenait à s'accepter.

Il caressa le bras de l'homme à ses côtés en s'apprêtant à le réveiller en douceur, mais n'en eut, au final, pas besoin : une alarme assourdissante se fit entendre, ayant pour effet immédiat de réveiller Kesef en sursaut.

̶ Que se passe-t-il ? demanda celui-ci avec une pointe d'inquiétude dans la voix.

̶ Je ne sais pas. Quand l'alarme du village retentit, ce n'est jamais bon signe. Je dois rejoindre mon poste, et je te conseille d'en faire autant, dit Nééman d'un ton sérieux.

̶ Fais attention à toi, lui dit Kesef en se mordant la lèvre.

̶ Depuis quand ma sécurité t'est-elle importante ? demanda le chasseur, avant de disparaître avec un sourire aux lèvres.

L'une des choses auxquelles Nééman prenait particulièrement plaisir, depuis qu'il était devenu Miktsoane, c'était de pouvoir voler. Et c'est exactement ce qu'il fit. En une fraction de seconde, il surplombait le village de plusieurs dizaines de mètres.

Cependant, la scène se déroulant sous ses yeux fit immédiatement disparaître le sourire ayant persisté sur ses lèvres après qu'il eut quitté Kesef, laissant place à un frisson lui parcourant tout le corps. D'innombrables torches entouraient la totalité du village, illuminant celui-ci aussi bien que l'aurait fait un soleil au zénith.

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Le simple fait que les torches soient assez nombreuses pour totalement encercler le village, bien qu'il soit devenu six fois plus grand, démontrait qu'elles pouvaient se compter par millions.

Bien sûr, ce qui l'inquiétait vraiment n'était pas les torches, mais les mains les tenant. De toute évidence, les bandits étaient revenus, et devant des ennemis si nombreux, il était clair que le village n'avait aucune chance.

À quoi rime un tel acharnement contre un village aussi mineur que le nôtre ?! ne put s'empêcher de se demander Nééman, en ressentant une chose qu'il croyait pourtant qu'elle l'avait quitté... de la peur. De la peur pour ses proches, et pour le village qu'il avait juré de protéger.

Yashar et les onze autres Miktsoanes ne tardèrent pas à faire également leur apparition, affichant tous la même expression de désespoir que Nééman.

̶ Peut-être que c'est du bluff, et qu'ils ne possèdent pas autant de Miktsoanes que nous, espéra à haute voix le Miktsoane de Mordim.

Mais comme s'ils l'avaient entendu, une vingtaine de sonars spirituels, équivalant chacun à la signature d'un Miktsoane, parvinrent à eux.

̶ Ordonnez l'évacuation du village ! dit Yashar, avant de sortir une carte noire s'illuminant d'un feu vert un court instant, avant d'être réduite en cendres.

***

La balance d'argent trembla légèrement, mais le Frère et la Sœur n'y prêtèrent pas attention. Sur les cases de l'échiquier résidant au-dessus, une nouvelle case enneigée était illuminée de mille feux.

Bien sûr, celle-ci n'était qu'une case parmi des milliers de cases traversées de scènes similaires. Cependant, alors que la Sœur était concentrée sur la civilisation Geth, localisée dans des cases bien plus éloignées représentant une autre planète, le Frère portait sur celle-ci un regard particulièrement scrutateur.

C'est dans le danger qu'un Cultivateur peut débloquer tout son potentiel. Va-t-il parvenir à atteindre le quatrième Pas ? se demanda le Frère, avec une pointe d'attente dans les yeux.

Fin du Tome 1