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L'Empire de Cendres
CHAPITRE 18 : SUZANNE

CHAPITRE 18 : SUZANNE

Tout était devenu noir. Suzanne ressentit une curieuse sensation, comme si elle était soulevée du bassin dans lequel elle s’était plongée. Un vent froid caressa son corps tandis que ce dernier se mettait à la verticale. Puis, un courant électrique lui parcourra l’échine jusqu’au cerveau. Enfin, un désagréable bourdonnement apparut au même moment que des interférences déformèrent ses pensées.

Les quadrillages du cyberespace n’apparurent pas tout de suite. Il fallut un certain temps avant que des lignes grises ne paraissent à l’horizon. Elles formèrent alors des formes complexes puis vinrent s’ajouter des textures, ainsi que du son et enfin des sensations. Le monde prenait place autour d’elle. Il n’y avait qu’un lit à l’intérieur duquel dormait une jeune femme aux cheveux bruns.

Un réveil matin sonna. L’alarme était stridente et lui déchira les tympans. Suzanne n’avait jamais aimé les solutions lumineuses ou olfactives. Pour la tirer du pays des songes, il lui fallait la brutalité des équipements d’antan. Tom lui avait offert ce vieux modèle mécanique. D’un geste lent, elle l’éteignit.

« Tom ? »

Personne ne répondit. Suzanne ouvrit les yeux. Elle était dans une chambre aux murs noirs. Par réflexe, elle claqua des doigts. Les cloisons changèrent et dévoilèrent des parois de verre. Derrière elle vit les pans d’une montagne enneigée. Elle eut froid. Les puys se transformèrent instantanément en une plage tropicale avec du sable fin, une mer bleue et des cocotiers. Un parfait décor de carte postale.

Mais quand Suzanne sauta du lit, le paysage paradisiaque tourna au mauve. Une terre grise et triste se dessina. Elle était parcourue d’arbre tordu à l’écorce sombre. Une terrible douleur lui scia le crâne.

« Byte. Byte, il y a quelque chose qui ne va pas ! »

La voix métallique de Byte lui répondit, mais elle ne put la comprendre. Ce fut comme si elle s’adressait à travers une vitre. Pris de nausée, Suzanne s’effondra dos sur le lit. Quand elle retomba dans les draps blancs, elle ressentit comme un picotement électrique le long de son épiderme. La couverture devint bleue et elle commença à l’envelopper jusqu’à l’étouffer.

« Byte ! Byte ! hurla Suzanne.

— Tout va bien. On se calme.

— Je n’ai pas l’habitude de…

— Je vois. Rassurez-vous. Toutes les deux, en tant que conscience humaine, nous ne pouvons en être que spectatrices pour le moment.  Seule Jinko en a accès. Il ne peut rien t’arriver ! »

Suzanne respira un grand coup. Elle sentit un corps chaud. Le liquide de la piscine faisait enfin effet. Mais dans le cyberespace, elle était toujours seule au milieu de son lit aux draps de soie.

« Voilà. Dans un premier temps, contentez-vous d’inhaler et d’exhaler doucement. Détendez-vous… »

Le contact du cyborg la rassura. Elle n’avait plus froid, mais tremblait de tout son corps. Après un nouvel exercice respiratoire, son pouls redevint normal. Les murs arboraient de nouveau leur décoration des îles du Pacifique.

« Que cherchons-nous exactement ?

— Ce programme spécial est là pour rechercher toute preuve que Thomas Lionheardt arpente le cyberespace encore aujourd’hui, lui répondit Byte.

— Je n’aurais pas dû vous dire que je suis toujours en contact avec lui, dit Suzanne. J’ai dorénavant l’impression d’être utilisée comme appât.

— Faites-nous confiance. »

De nouveau une alarme sonna. Ce n’était plus le réveil matin. Le son strident des sirènes retentissait dans l’immense hangar secret où Suzanne se tenait désormais. Les passerelles de métal et de béton qui parcouraient les ténèbres surplombaient des profondeurs inimaginables où se trouvaient les usines souterraines. De ces dernières, on ne percevait que de discrètes lumières rouges, clignotantes dans l’obscurité. Les incommensurables mécanismes et rouages dégageaient un vrombissement tonitruant comme à l’intérieur d’une ruche.

À ce dernier s’ajoutaient parfois de lourds chocs métalliques qui faisaient trembler les énigmatiques tréfonds. Enfin venait un souffle brûlant qui envahissait les hauteurs à intervalle régulier tel un râle.

Il faisait chaud dans le complexe. Une goutte de sueur perla sur son front. Elle longea ensuite sa peau claire puis partit se perdre au niveau de son cou sous une fine combinaison blanche comme la neige.

De sa plate-forme métallique, elle emprunta à pas de course l’une des passerelles qui la conduisit en altitude là où tourbillonnaient de larges ventilateurs précédents les titanesques pipelines.

Uniques contacts avec la surface, les systèmes d’aération et de refroidissement évacuaient les fumées nauséabondes de l’usine souterraine, avec lequel son laboratoire de génétique partageait le complexe, tout en y propulsant un air filtré qui avait le luxe d’être aussi frais qu’un vent d’hiver.

N’ayant pas le temps de profiter du spectacle, elle continua sa route en hâtant le pas jusqu’à arriver au sein d’un bâtiment suspendu dans le vide. À peine la jeune femme avait posé le pied devant le sas de l’édifice qu’une agréable musique la prévint de l’ouverture des portes. Là, un garde de sécurité du laboratoire l’attendait. Derrière lui, un poste radio antique transmettait les dernières nouvelles.

Le vigile la salua. C’était un petit homme gras au bras mécanique et aux yeux améliorés. Il était l’allégorie parfaite du laisser-aller.

« Professeure. Vous étiez à la Ruche de si bon matin ? Une capsule est prête pour les cuves à…

— Bonjour. Oui, mais là je dois me rendre immédiatement auprès de Monsieur Lionheardt. Une capsule peut m’y emmener directement ? le coupa Suzanne.

— Sauf votre respect avec les nouvelles qui viennent de tomber, je doute que Monsieur Lionheardt soit disposé à.…

— Avez-vous une capsule pour moi ? insista Suzanne.

— C’est vous la boss. La C-36 est un express pour le département de recherche et développement, elle est à sa place sur le ponton. »

Sans plus attendre Suzanne prit la direction des sas du système de transport. Là, elle activa son sauf-conduit en même temps que le garde. Cette double sécurité, une fois levée, lui permit d’accéder au ponton du Loop souterrain du complexe.

« Et serrez les dents dans les virages ! » lui cria le vigile derrière elle.

Mais elle n’écoutait déjà plus. Dans sa tête passaient en boucle les informations matinales. Son IA personnelle avait du mal à filtrer les appels de journalistes et des membres inquiets de sa famille. Les gros titres promettaient un tumulte sans précédent. Elle ne pouvait cependant y croire.

Arrivée dans la capsule de transport, elle nettoya le bureau virtuel inondé de pop-ups relatant les récents événements. Ses yeux se posèrent quelques secondes sur le dernier :

Thomas S. Lionheardt : Instigateur d’un holocauste à l’échelle du système solaire

« Idiot ! Qu’est-ce que tu as fait ? » s’emporta-t-elle.

Avant qu’elle puisse activer la capsule, un homme la saisit par le bras. C’était le colosse à la peau d’ébène. Il avait une blouse jaune et l’air inquiet.

Dans sa main droite, il tenait un parapluie lui aussi de couleur jaune qu’il fit tournoyer jusqu’à bloquer la fermeture de la porte.

« Suzanne ! Suzanne ! cria-t-il. Il faut que nous parlions ! Écoutez-moi ! »

Il renversa son chocolat chaud sur le sol.

« Oui ? »

Sa voix résonna comme un écho, mais Suzanne ne put comprendre la suite de ses paroles. Une vision d’elle nue dans un bassin indigo lui traversa l’esprit. Elle perdait la raison.

Que lui voulait cet homme ?

Elle ne pouvait se rappeler son prénom. Elle le congédia. Il n’insista pas.

Cela semblait faux. Déphasé.

« Suzanne ? On a quelque chose. Accrochez-vous ! »

C’était une voix de femme, mais métallique. Elle disparut elle aussi.

La capsule s’arma et fonça à travers le cœur du complexe à la vitesse de l’éclair. En moins de quatre secondes, elle avait déjà rejoint le centre de commandement où se trouvait le bureau du fondateur de la Lionheardt Corporation.

Des dizaines de corpos et d’avocats tentaient de se frayer un chemin à travers les différents pontons de la gare de pods. Cette vague hurlante était pour l’instant retenue par un cordon de sécurité composé de robots scarabées surarmés. Les Sentinelles V1 étaient des mini-forteresses inébranlables. Boucliers d’acier et automitrailleuses gardaient jalousement l’entrée.

Suzanne s’identifia à l’une des Sentinelles qui l’invita à attendre l’intervention d’un officier humain. Ce dernier apparut derrière des portes blindées et convia la jeune femme à le rejoindre.

« Votre badge vous garantit l’accès à la zone de contrôle, mais je doute que vous puissiez vous entretenir avec Thomas. »

Lorsqu’il enleva son casque, Suzanne put apercevoir le visage de Martins le chef de la sécurité du complexe. C’était un grand chauve à la mâchoire proéminente. Comme tous les anciens du Corps de Défense Européen, Martins était un dur à cuir. Il avait cependant toujours été extrêmement courtois et honnête envers elle. Aujourd’hui il semblait mort d’inquiétude.

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« Vous y croyez-vous à tout ça ? Cette histoire de têtes biochimiques révélées par des hackers ? »

Il se mordit les lèvres.

« Ils nous ont collé des programmes anti-IA qui ignorent tous les pare-feux. Comment diable ont-ils pu pénétrer nos barrières ? On jurerait qu’ils nous les font pousser de l’intérieur ! »

Suzanne hésita. Bien sûr qu’elle y croyait. Mais ces missiles devaient normalement contrer le réchauffement climatique. Elle ne comprenait rien à cette histoire d’holocauste.

« C’est pour ça que je dois le voir, insista-t-elle.

— Ne soyez pas surpris que Lionheardt vous la mette à l’envers à vous aussi. Avec tout le respect que je lui dois, si tout cela s’avère être vrai je me chargerai moi-même de le traîner par la peau du cou à La Haye. 

— Il y a des chances qu’on y finisse tous. »

Les portes s’ouvrirent finalement sur un nouveau couloir en ébullition. Des cadres financiers et des ingénieurs s’agitaient dans tous les sens sous le son strident des sirènes. Les immenses battants du bureau de Tom étaient clos et gardés par deux Sentinelles deux fois plus grosses que celles du ponton.

Après avoir remercié Martins, Suzanne avança d’un pas lourd en direction de deux Sentinelles V2. Les monstres de titane s’écartèrent tandis que les portes s’ouvrirent.

Dans la pièce baignée dans le mauve des écrans d’ordinateur se tenait Thomas Lionheardt, désormais entouré des deux scarabées. Il avait les yeux rivés sur le moniteur principal qui surplombait la vaste console du contrôle du cœur du complexe. Là, la présidence des Nations-Unies s’adressait à une foule de journalistes. Le son était coupé. Tom suivait le discours à l’aide de ses oreillettes. Sur les autres écrans tournoyait le symbole du triangle cerclé.

« Le réchauffement climatique, hein ? » lança Suzanne.

Il ne bougea pas. Ses yeux étaient maintenant fixés sur le Secrétaire Général, mais son regard vitreux le trahissait perdu dans ses pensées.

« Ces hackers… murmura-t-il.

— Je ne les considère pas le cœur du problème.

— Le cœur du problème ? Je me suis attaqué au cœur du problème ! Ils voulaient de moi que je protège la planète. Or je leur ai expliqué qu’on ne pouvait pas sauver leur planète à moins de sacrifier autre chose.

— L’humanité.

— Ces êtres inutiles… »

Suzanne ne reconnut pas les mots de Tom. Quelque chose clochait. Elle espéra de lui de plus amples éclaircissements, mais une secousse violente cahota la pièce. Plusieurs écrans s’éteignirent en même temps que les plafonniers qui dispensaient jusqu’à présent une lumière blanche blafarde. Désormais, la pièce était plongée dans la lueur rouge des diodes de secours.

Au fond de la salle, les yeux mauves de Jéricho s’allumèrent. Il rejoignait sa forme physique. Les V2, eux, restèrent immobiles aux côtés de leur maître.

« Les sauvegardes orbitales sont effectuées. Le complexe est scellé. Confiné du cyberespace. Le projet se poursuit cependant », lança Tom en s’asseyant sur son fauteuil.

Jéricho arriva à leur hauteur. Ses yeux inexpressifs transpercèrent Suzanne. Il avait le même regard que Tom. La même absence d’humanité mélangée à un sentiment de haine profond.

Suzanne laissa échapper un rire nerveux.

« Poursuivre ? En nous gardant tous prisonniers ? N’as-tu pas remarqué l’agitation qui règne derrière ces portes blindées, cria Suzanne ce qui eut pour effet de faire réagir uniquement les Sentinelles cuirassées. Ils vont t’envoyer l’armée, Thomas ! »

Cette information venait de s’afficher dans l’un des bandeaux hologrammes en dessus du journaliste qui, à l’écran, disséquaient maintenant le discours du Secrétaire Général. Un autre précisait qu’une intervention était aux abords de Lucerne où se tenait le complexe européen et l’un des trois missiles, le Josias-01.

Une seconde explosion, moins violente résonna dans les coursives du centre. Aussitôt, le visage de Martins apparut sur l’un des moniteurs.

« Des commandos ont forcé l’entrée principale du complexe. Je n’ai plus accès aux portes blindées. Êtes-vous à l’origine de cette prise de contrôle monsieur ? Je vous suggère de coopérer. Ils n’ont pas envoyé d’humains pour le moment. »

La question du chef de la sécurité resta sans réponse, car Jéricho, certainement sous les ordres de Tom, coupa les liaisons extérieures. Sur les écrans s’affichaient désormais l’état du complexe et un plan détaillé du missile Josias. Divers hologrammes permettaient de visualiser l’immense hangar où reposait la monstrueuse fusée au travers des milliers de caméras disposées le long de l’usine. Les ouvriers robots étaient en train de le transvaser dans son silo.

« Les Nations-Unies m’ont coupé le budget. Ce projet tourne sur mes réserves personnelles et un consortium de fonds privés passant par les ports francs de Deimos. »

Suzanne fut surprise de la nouvelle.

Tom ne quitta pas des yeux son missile. Cette fois-ci silencieux, ce fut Jéricho qui répondit :

« Le projet actuellement mis en porte à faux par le secrétaire général et l’opinion publique est en fait un pur produit des Nations-Unis et de plusieurs conglomérats industriels. Grâce à l’intervention de ces anarchistes du web, il n’est désormais moins que nécessaire de vous cacher que le plan de base était d’éliminer la crasse de la civilisation pour partir sur de nouveaux fondements sans gaspiller nos dernières ressources terrestres.

— L’utopie de Mars les a conduits à ce choix. Mais ces arrivistes politiques ont vite compris qu’eux aussi n’étaient pas inclus dans l’équation, compléta Tom toujours focalisé sur l’avancement du transfert du missile.

— Je pensais que les gens comme toi pouvaient les contrôler, répondit Suzanne.

— À croire que non. Quinze milliards d’êtres humains en colère ont changé la donne. Ils n’ont visiblement que faire de la course aux étoiles. Remplir leur estomac est le paroxysme de leur existence.

— Je ne peux pas te laisser faire ça, pleura Suzanne. Je sais que tu ne peux pas faire ça.

— Tout est en place, Thomas », coupa Jéricho.

Celui-ci détourna pour la première fois le regard de ses écrans. Elle put voir la cicatrice qui lui entourait le scalp.

« Très bien. Avons-nous le contrôle total des Sentinelles V1 et V2 ? demanda Tom.

— Martins ne dirige personnellement que les V1 modèles P500 du cordon positionné au niveau 17, sur le ponton donc.

— Excellent. Évitons que l’armée ne gâche la fête.

— Quelle fête, Tom ? s’enquit Suzanne. Qu’est-ce qui t’arrive ? Quelle est cette… »

Une alarme retentit. Sur les écrans, le missile Josias-01 était en position dans le silo. Aux États-Unis et en Chine, les roquettes Josias-02 et Josias -03 s’armaient aussi.

Suzanne comprit rapidement ce qui était en train de se passer sous ses yeux et bondit en direction de Tom avant d’être stoppée par l’une des Sentinelles. L’un des bras métalliques de celle-ci lui broya la main droite ce qui lui décrocha un cri de douleur.

« Assez, V2 ! ordonna Tom. Suzanne ? Cela signifie que tu ne peux rien faire étant donné que le projet Nouvelle Aube a été lancé à l’instant où tu es entrée dans cette pièce. »

Rien ne put sortir de la bouche de la jeune femme qui contemplait maintenant les caméras du silo. Celles-ci jonglèrent rapidement avec celle surveillant l’entrée de Lucerne. Là, la sécurité automatisée du complexe mettait à mal l’avancée d’un groupe de soldats à grand renfort de mitrailleuses et de sabres-tronçonneuses.

L’écran grésilla et Suzanne fut prise de nausée. Ce n’étaient pas des Casques bleus. Parmi les ruines du corridor d’accès courraient des hommes à capes blanches.

Que se passe-t-il ?

Cela n’avait aucun sens, mais encore quelques minutes ils seront devant les lourdes portes blindées du centre abritant le Josias. Sa tête lui faisait si mal.

Un fracas métallique survint de l’autre côté des battants fortifiés. Un aperçu des caméras permit d’observer Martins et ses V1 tenter de forcer la porte. Cela n’inquiéta ni Jéricho ni Tom qui continua son explication.

« Les deux autres missiles ont été lancés. »

L’écran principal montra successivement le ciel de la capitale tibétaine ainsi qu’un aperçu satellite des grandes plaines américaines. Un nuage jaune de fines particules recouvrait désormais l’atmosphère et s’étendait à la vitesse du son.

« Celui de Lucerne a été retardé par suite de l’intervention cette nuit du groupe de hackers. Apparemment, un super-virus aurait fait quelques dégâts, mais celui-ci est presque sous contrôle, continua Jéricho après avoir pris place près de la plate-forme de commande tactile. Le lancement peut s’effectuer en manuel. »

Un commutateur descendit du plafond pour se positionner devant Jéricho, à quelques mètres de la console principale.

Suzanne resta figée.

Les missiles avaient déjà détoné depuis les autres complexes ? C’était de la folie !

Une explosion jeta l’androïde et Suzanne au sol tandis qu’une nouvelle alarme stridente lui déchira les tympans. Les V2 se précipitèrent en direction des portes blindées, pliées par le souffle, et furent accueillies par plusieurs salves de balles. Ces dernières ricochèrent contre les parois et touchèrent Jéricho au niveau du thorax pendant que celui-ci se relevait. L’androïde fut plaqué au sol alors qu’émergeait de la fumée le chef de la sécurité et ses V1.

« Martins ! Êtes-vous devenu fou ? » hurlèrent Jéricho et Tom à l’unisson.

L’ancien militaire lui répondit de plusieurs décharges de pistolet avant d’être accompagné par ses Sentinelles. Les V2 répliquèrent aussitôt après avoir formé un mur protecteur devant Tom. Martins fut blessé au bras et du reculer après avoir lâché son arme.

Plusieurs V1 tombèrent, mais les autres se retirèrent en direction de la porte. L’homme à la peau noire escortait Martins. Jetant un regard par-dessus les débris il vit alors Suzanne qui lui ordonna de se replier.

Trop tard. Une charge explosive envoyée par l’un des V2 sauta entre la jeune femme et l’individu à la blouse blanche. Empoigné par l’un des soldats, ce dernier fut emmené à l’abri de l’autre côté des fragments de la porte. Suzanne, elle, fut tirée derrière par l’androïde qui avait récupéré du choc.

Alors que les hurlements des balles continuaient, la fumée se dissipa. Suzanne aperçut l’arme de Martins à quelques centimètres de sa position. Repoussant la poigne de fer de l’androïde, elle roula en avant.

Une nouvelle charge lui frôla le dos et vint se perdre au fond du couloir d’accès, provoquant une mortelle explosion pour les V1 restés en arrière garde.

« Non ! Suzanne ! Mettez-vous à l’abri ! » mugit Jéricho de sa voix métallique.

Tom apparu de derrière son bureau tandis que les V2 faisaient plier une nouvelle offensive de Martins.

L’arme empoignée, Suzanne tira deux coups en direction du levier de commande à côté duquel Jéricho se tenait il y a quelques secondes, détruisant le seul moyen d’activer l’ouverture du silo depuis le poste de contrôle.

Sans plus attendre alors que Martins et ses Sentinelles tombaient sous les balles des esclaves robotiques de Jéricho, Suzanne vida le reste du chargeur en direction de Tom. Celui-ci fut touché à la gorge avant que Jéricho n’intervienne.

Les Sentinelles V2 firent soudainement volte-face, armant leurs mitrailleuses en direction de Suzanne. Plusieurs balles lui traversèrent le ventre. Désormais allongée sur le sol, elle aperçut le visage de Martins et de l’homme à la peau noire. Ces derniers crièrent alors qu’apparut l’ultime V2 au coin de sa vision.

Lorsque tout devint flou, la voix de Tom résonna dans sa tête. Elle était calme et n’avait rien à voir avec celle qui lui avait expliqué avec froideur le véritable but des missiles Josias. Elle venait de l’autre côté du bureau où devait se trouver Tom, blessé.

« Suzy ? Tu… tu aurais aimé que cela finisse comme ça, non ? Une bonne fois… bonne fois pour toute, articula-t-il difficilement.

— Oui, répondit Suzanne, confuse.

— Moi aussi, confia Tom. Ou au moins, voir Alpha du Centaure. »

Suzanne était toujours sur le sol du centre où désormais le silence régnait. L’odeur de poudre et de métal fondu emplissait la pièce. Une nouvelle secousse la ramena à la réalité.

« Ils arrivent, toussa Tom.

— Les Casques bleus ?

— Non, Suzy. Les Paladins et la Sainte. Ils sont bientôt à la porte du complexe. À portée du dernier Josias. Tu dois faire vite. »

Le reste ne fut que le cri déchirant de Jéricho et de Thomas, comme si leurs âmes avaient été broyées dans les Enfers.