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L'Empire de Cendres
CHAPITRE 15 : EROL

CHAPITRE 15 : EROL

Erol lui-même n’était pas sûr de ce qu’il avait vu quelques minutes plus tôt. La créature devait être aussi massive qu’un ours avec de larges épaules et un dos rond aux poils hérissés. Mais ses grandes pattes étaient semblables à celles d’un loup. Dans son esprit étaient ancrés ses immenses yeux aux couleurs des nuages.

La bête était-elle aveugle ? se demanda l’archéologue avant qu’il jugeât bon de quitter l’abri dans une relative sécurité.

Il ne l’avait pas entendu rôder près de leur cachette, mais il y avait cependant une forte chance qu’elle soit encore dans les parages. Peut-être à l’affût des petits gnomes roses pour s’en repaître.

Ils émergèrent sous un firmament digne des Enfers. À l’est, les premiers rayons du soleil transperçaient des nuages de sang et d’or. Les incendies de Renaissance se reflétaient dans le ciel brumeux au-dessus d’eux. On aurait dit des aurores boréales constituées de lave. C’était aussi beau que terrifiant.

Tout autour se dessinait un paysage morne, comme si la forêt avait souffert d’un gigantesque brasier ou qu’une nuée ardente l’avait dévastée avant qu’elle ne soit fossilisée. La terre était recouverte d’une poussière noire si fine que le moindre pas faisait virevolter ans les airs un nuage de cendres qui disparaissait avant même de retomber au sol. Par endroits se dressaient de timides bosquets sclérosés de ces arbres ténébreux et biscornus. Dénués de tout feuillage et repliés sur eux même. La sève de leur racine indiquait qu’ils étaient toujours en vie. Du moins, celui qui leur avait apporté refuge l’était. Aucun oiseau ne chantait. Erol n’entendait plus le bruit du vent. La tempête avait laissé un océan de vide et de silence.

« Sans les arbres, on pourrait se croire sur la lune, » commenta Suzanne en ramassant à ses pieds la fine cendre avant de la faire couler entre ses doigts.

Erol trouva la remarque de la jeune femme intéressante.

« Est-ce vrai ? Est-ce authentique que les hommes ont autrefois marché là-haut ? »

S’il devait imaginer la surface de l’astre solaire, Trisstiss était pour lui la meilleure représentation qu’il avait en tête.

« Oui. Des souvenirs que j’ai, il y avait des villes là-haut. »

Erol avait à maintes reprises observé la lune. Il n’avait jamais vu de mégalopoles. Néanmoins Suzanne devait certainement dire la vérité.

Il remarqua que c’était là la première fois qu’ils pouvaient effectivement dialoguer tous les deux et il se demanda ce qu’elle pouvait lui apprendre d’autre d’aussi délirant.

La buée qui sortait de sa bouche le ramena à la réalité. Il grelottait. Le désert noir de bon matin était une plaine gelée et il était torse nu, amoindri alors que le bourg était encore à quelques heures à pied.

Suzanne avait pris la direction des restes du ballon éventré. L’enveloppe était complètement déchirée à cause de la tempête. Elle gisait dans les branches d’un arbre noir.

Encastrée dans le pied de ce dernier reposait la nacelle en osier. Le panneau de commande était en pièce et du conteneur en fer s’échappait, en sifflant, un filet de gaz. Lorsque le propane lui chatouilla les narines, il s’arrêta.

« Aucune raison que ça nous saute à la figure, si ? demanda Erol en déchirant un lambeau des restes du ballon pour s’en faire un foulard avant que Suzanne ne lui réponde après avoir fait quelques pas en arrière :

— La veilleuse a l’air d’avoir été arrachée. Évitons juste de faire des étincelles. Il y a quelque chose à récupérer à l’intérieur ? »

La fouille du coffre qui se tenait auparavant sous le panneau de contrôle fut rapide. Le couvercle de fer grinça dévoilant des affaires d’aviateur turc, une gourde vide et un couteau que l’archéologue proposa à Suzanne. Ils pouvaient désormais se mettre en route vers l’ouest en direction du bourg portant le même nom que le comté : Trisstiss.

Mais avant, Erol inspecta le sol à la recherche de traces du monstre. Il n’en trouva cependant aucune et commença à penser que ce dernier devait avoir été le fruit de son imagination.

Après presque une heure de marche, ils rejoignirent un chemin qu’ils manquèrent presque tant celui-ci s’effaçait dans le paysage. Erol put néanmoins apercevoir de vieilles empreintes de chevaux et des marques de roues en gomme entre les pavés d’asphalte apparents.

« N’as-tu pas faim ? »

Son propre ventre gargouillait depuis leur départ de Renaissance. Ils avaient eu le temps de ne prendre aucune ration, mais quelques pièces se trouvaient au fond de sa poche. En nombre très limité. Comme la jeune femme lui fit constater, la suite du voyage s’annonçait difficile si Marian avait déjà quitté Trisstiss.

« Tu sais chasser ? demanda-t-il alors.

— Non. Et, nous mangions peu de viande à mon époque.

— Ah. Et aucune chance que tu nous ramènes ce lapin là-bas. »

Le rongeur sautait à quelques dizaines de mètres d’eux à l’ombre d’une dune de sable noir. Il n’avait que la peau sur les os. Erol dégaina son arme avant de la tendre à la jeune femme qui en avait fait des prouesses à l’Antre de Bacchus, mais celle-ci recula terrifiée.

« Quelque chose ne va pas ? » demanda Erol qui s’attendait à voir le monstre aux yeux blancs apparaître dans son dos.

« Je viens de me rappeler que j’ai tué un homme avec ça. »

Ses yeux se remplirent alors de larmes. L’adrénaline qui lui avait permis de contenir ses émotions pendant leur évasion et leur crash au milieu de Trisstiss s’était finalement dissipée de son organisme. Erol la serra maladroitement dans ses bras puis la rassura :

« Tu as très bien agi, là-bas. Nous n’avions pas d’autre choix.

— Pourquoi est-ce que tout empire à chaque instant ? J’ai l’impression que c’est une spirale de barbarie sans fin. »

Suzanne se retira de son étreinte avant de sécher ses larmes. Erol la vit faire de son possible pour rassembler ses esprits puis ses lèvres bougèrent, mais aucun son n’en sortit. Elle souhaitait lui dire quelque chose.

« Ne restons pas sur la route, reprit-il. Continuons jusqu’à trouver un abri et ensuite je pense que nous devrions avoir une petite discussion. Mais pour l’instant, gardons nos forces. »

Suzanne acquiesça et ils purent poursuivre leur marche vers l’ouest. Il fit de plus en plus chaud et le poids du blouson de cuir se faisait ressentir sur les épaules d’Erol.

Ce fut totalement déshydratés qu’ils arrivèrent finalement à un rocher incliné à quarante-cinq degrés par-dessus la route. Celui-ci reposait sur un éboulement de roches et d’acier. Là, Erol proposa à sa partenaire de faire la pause tant attendue.

Un écriteau de métal, criblé d’impacts non identifiables, leur indiqua que le bourg de Trisstiss n’était plus qu’à quelques encablures. Ils pourraient enfin trouver un peu de répit ainsi que de quoi boire et manger.

Suzanne avait pris position en hauteur, sur le rebord du rocher. Les jambes se balançant dans le vide, elle scrutait l’horizon. D’un signe de main il lui fit comprendre qu’il allait la rejoindre et lorsqu’il grimpa sur le perchoir de la jeune femme à la peau de nacre, il le retrouva debout, les épaules basses.

« Tu n’as pas envie de te mettre à l’abri du soleil quelques minutes ? »

Elle fit non de la tête.

« N’y a-t-il donc en ce monde rien d’autre que des territoires hostiles et des cités en ruines ? » demanda-t-elle, une pointe de tristesse dans la voie.

— Les rivages de l’ouest-est plutôt accueillant en cette période de l’année. C’est proche de l’océan. Mais tu as là ce que les Hautes-Terres peuvent offrir. »

Suzanne continua :

« Qu’allons-nous faire une fois avoir retrouvé Marian ? 

— Je pensais retourner à la capitale. Renaissance était le seul endroit sûr que je connaissais…

— Et si la cité est tombée pendant la nuit ? Vue du ciel, la situation était des plus catastrophique. »

C’était le scénario qu’il redoutait le plus. À quoi bon rejoindre le technomancien s’il devait vivre le reste de ses jours poursuivi comme un animal par l’Inquisition. Il ne serait jamais en sécurité dans les Hautes-Terres. Même à l’est, caché dans les montagnes. Même au-delà, dans les plaines appartenant aux Slaves.

Peut-être pouvait-il rallier le fleuve noir qui ondulait entre les Balkans. Mais pour atterrir où ?

Les questions continuèrent de fuser dans la tête d’Erol.

Le nord peut-être ? Les Nordiques leur trancheraient la langue. Ils étaient encore plus haineux que l’Inquisition.

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L’ouest était hors de portée pourtant les Colonies étaient une terre promise. Du moins jusqu’à la prochaine éruption.

Au sud alors ? Shandalaar ou les cités arabes libres. Le sud était une option. Celle de la dernière chance cependant, car il fallait gravir les plus hautes montagnes d’Europe. Ou traverser la mer luminescente. Une mort assurée.

Suzanne attendait une réponse. Il le voyait à son petit mouvement de nez et à son froncement de sourcils. Elle toussa. La neige jaunâtre s’était remise à tomber. La tempête l’avait déplacé au-dessus de Trisstiss.

De l’une des poches de son blouson il sortit un mouchoir taché dont les bords décorés de dorures s’émiettèrent au contact de l’air. Il lui fabriqua un foulard de fortune avant de lui tendre.

« Marian saura quoi faire, mentit Erol en tentant de la rassurer. Les technomanciens ont toujours réponse à tout.

— Tu sembles porter beaucoup d’espoir en lui. J’ai du mal à croire que personne d’autre ne puisse apporter des éclaircissements sur ce qui a conduit notre monde à sa chute.

— Mille ans nous séparent. C’est diablement long quand tout bascule de nouveau à l’âge de pierre.

— Tu n’as pas trouvé d’informations pertinentes en fouillant dans ces dossiers ? À mon sujet ou celui du Dammastock ?

— Il laissait peu de choses dans son bureau. Tout est dans sa tête malheureusement. D’ailleurs, des souvenirs te reviennent-ils ? »

Il la vit hésiter.

« Tu étais sur le point de me dire quelque chose tout à l’heure. »

Elle lui répondit enfin :

« Des pensées me hantent. Des rêves violents et d’autres plus agréables. »

L’intégralité des détails de la vie passée de Suzanne lui fut comptée. Il fut question d’un Tom, de la Lionheardt Corporation et du Josias, un certain projet de fusées à l’échelle planétaire dans le complexe souterrain sous le Dammastock. Tout cela fut cependant beaucoup d’informations à digérer.

« Je me rappelle aussi dans les jardins… concernant le blason de l’Inquisition. Tu m’as dit que tu le reconnaissais », lui demanda alors Erol qui essayait tant bien que mal de se faire un bilan dans sa tête.

Il aurait aimé qu’Octave soit là pour tout noter.

« Oui. Je l’ai vu en rêve. Le même rêve que celui où j’avais une blessure au ventre. C’était un symbole identique au logo présent sur les ordinateurs de Tom : un triangle cerclé.

— Étrange. Mais cela ne veut peut-être rien dire. Ils auraient pu trouver ce symbole quelque part. Dans un complexe par exemple.

— Je croyais qu’ils…

— Oh, ils y font leurs emplettes eux aussi. Une sacrée bande d’hypocrites si tu souhaites mon avis, plaisanta Erol en essuyant la sueur qui commençait à couler sur son front. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils pourchassent mon cyborg de maître. 

— Ils me traquent désormais.

— Oui. Le seul lien commun entre toi, Marian et moi étant le Dammastock, je me demande… »

Suzanne confirma ses craintes.

« Tu penses qu’ils savent pour les espèces de missiles ? »

Si le monde n’avait pas été soigné, le plan de ce Tom Lionheardt avait échoué. Son projet, s’il avait vu le jour, devait toujours se trouver sous la montagne.

« À défaut des informations de Marian… ou les miennes désormais… » poursuivit Erol.

Il maudit alors la nuit où il s’était infiltré dans le bureau de son mentor.

« Ils se sont rabattus sur toi. La none a vu clair dans ton jeu à l’instant où elle a posé les yeux sur toi. »

Mais une autre question lui trotta dans la tête. Encore une fois, Suzanne était arrivée aux mêmes conclusions.

« Focalisés sur le Dammastock comme ils sont, je suis convaincu qu’ils connaissent l’existence du projet orchestré là-bas. Ignorent-ils que ces fusées sont à but écologique ?

— Certainement.

— Ce ne sont pas des armes… Tom n’a pas fabriqué d’armes ! »

Ce Tom qui apparaissait dans ses songes. Et pas seulement…

« Ne t’a-t-il pas appelé à l’aide dans tes rêves ? s’enquit Erol.

— Des rêves ? Je dirai plutôt qu’il communique avec moi. Je suis persuadée qu’il est en vie. »

Elle tapota sa tempe, à l’endroit où se situait son implant.

« Penses-tu que l’Inquisition ou quelqu’un d’autre aurait pu le trouver lui aussi dans un dispositif de cryogénie ? Qu’il est retenu quelque part ? Que c’est de cette façon qu’ils sont au courant... demanda Suzanne.

— Possible, avoua Erol. Mais Marian connaissait également l’existence du complexe sous le Dammastock. Et je doute qu’il ait kidnappé un jour ton petit-ami…

—Pourtant il n’y a rien sur ce sujet ni sur lui dans le cyberespace. L’information a dû fuiter d’ailleurs ou bien... » l’entendit-il murmurer.

Erol accompagna du regard la jeune femme alors qu’elle se laissa tomber dans la poussière. Elle atterrit sans un bruit, pliant les genoux pour amortir le choc. Il y avait dans ce saut, une prestance féline.

« D’ailleurs en parlant de Marian… »

Elle marqua une pause.

« À quoi ressemble-t-il ?

— Marian ? C’est aujourd’hui plus une machine qu’un humain. De ce que je sais c’était un géant avant que l’âge ne le… ne l’atrophie ? J’ignore si c’est le bon terme. En tout cas, il était connu pour être un sacré colosse à la peau d’ébène. 

— Peau d’ébène ? » répéta Suzanne.

Sa réponse semblait la surprendre.

« Eh bien oui. Ce n’est pas la couleur d’épiderme la plus courante ici, mais… enfin ce n’est pas le genre de détail auquel nous faisons grandement attention. N’était-ce pas le cas à votre époque ? 

—  Portait-il un costume jaune ? »

C’était une drôle de question. Erol n’avait bien évidemment jamais rencontré Marian du temps où il était encore constitué à 100 % de chair et de sang, mais il ne l’avait jamais vu porter de costume. Et encore moins quelque chose de jaune.

« Pourquoi toutes ces questions ?

— Un grand homme à la peau noire et au trois-pièces jaune me rend visite pendant mes… rêves. J’ai l’impression qu’il n’appartient pas à mes souvenirs et s’installe comme une espèce d’observateur. À l’instar de Thomas. 

— Un individu s’incruste dans votre esprit quand vous dormez ? demanda Erol qui sentait la une mauvaise plaisanterie typique d’un technomancien.

« Tu penses que c’est lui ? Qu’il essaie de me contacter ? »

Erol avoua finalement que tout ça lui échappait totalement, mais qu’il y avait peu de chances que Marian et son visiteur soient la même personne.

« Mille ans de cryogénie laissent après tout beaucoup plus de séquelles qu’on aura pu imaginer, répondit-elle. J’ai l’impression d’être incomplète… qu’il manque une partie de moi.

— En tout cas, si tu ignores la cause de tout ceci, poursuivit-il en désignant de la main le désert noir. Tes contemporains t’ont emprisonnée dans un caisson bien avant.

— Aucune idée. Très certainement. »

Elle prit finalement la direction du chemin.

Pourquoi ai-je le sentiment que tout ceci va très mal se finir ? pensa Erol avant de la rejoindre et de se remettre en marche.

Il s’était définitivement mis dans de beaux draps le jour où il avait décidé de fouiller dans les affaires du technomancien.

Les arbres cadavériques se firent plus nombreux au gré des heures, jusqu’à de nouveau former une forêt des plus denses. La route, désormais entièrement pavée, se fit plus sinueuse et plus cabossée avant de finalement rallier un chemin creux dominé par de sinistres figures boisées. Là, un curieux brouillard enveloppait les troncs.

Un maigre vent soufflait enfin, il eut comme effet de faire danser les cimes sans feuilles qui surplombaient les deux voyageurs. Sur le sentier, les volutes s’emmêlaient formant des silhouettes humaines. Devant les yeux d’Erol virevoltaient des spectres blancs.

Le soleil disparut soudainement sous les branches noires qui constituaient un dôme touffu. L’obscurité tomba peu à peu tandis que régnait un silence de mort dans cette cathédrale végétale.

Mais, une ombre surplombait les deux égarés. Elle suivait leurs déplacements depuis maintenant quelques minutes. La poussière étouffait ses pas, et le bruit du vent sa respiration.

Pourtant, l’instinct d’Erol déjoua ses artifices et son regard se posa finalement sur l’animal. Par réflexe, il stoppa Suzanne et, sans quitter l’obscurité des yeux, il murmura :

« On ne bouge plus…

— Qu’as-tu... commença-t-elle avant d’apercevoir la créature. Ce loup est énorme ! »

D’un pelage de nuit, le carnivore faisait face aux aventuriers, mais demeurait totalement immobile, assis.

« C’est un loup ça ? Je croyais que c’était un ours. Il a cependant une curieuse façon de nous prendre en chasse », compléta l’érudit qui avait désormais la main sur le fourreau de son épée.

Suzanne, qui avait saisi le revolver, lui fit remarquer son regard étrange. Les yeux de la bête étaient d’un pan laiteux avec de subtiles nuances de gris. Ils brillaient dans la pénombre sans que la moindre source de lumière ne puisse s’y refléter. Pas une seule fois, le loup ne cligna des paupières.

« C’est celui de tout à l’heure. Tiens ! Donne-moi ça », demanda Erol en échangeant son épée pour son arme à feu. Suzanne posa sa main sur le bras de l’archéologue, lui interdisant calmement de viser la créature.

Avant toute protestation de la part du pilleur de tombe, le chasseur solitaire commençait à disparaître dans les ténèbres, happé par le brouillard. Seuls ses yeux restèrent figés l’espace d’un instant avant de s’évanouir eux aussi.

« Es-tu folle ? Cette bestiole va nous sauter dessus avant que nous n’atteignions le village ! s’emporta Erol en cherchant le monstre du regard.

— Calmons-nous. Ce n’est pas un animal ordinaire. S’il l’avait voulu, il nous aurait pris par surprise au lieu d’apparaître sur le chemin, répondit Suzanne. Il est d’ailleurs déjà reparti. »

En effet, la bête semblait s’être vaporisée dans le brouillard. Plongée dans l’obscurité, Erol tressaillit alors qu’un froid glacial commençait s’emparer de lui.

Quand les cheminées et les toits du hameau de Trisstiss se dessinèrent au sommet d’une petite colline dominant le sinistre bois, la nuit venait juste de tomber.

À travers la brume, Erol put apercevoir quelques embryons de lumière trahissant de discrètes fenêtres. Toutefois, le centre du village était inondé d’une puissante lueur jaune orangé perçant le brouillard. Une forte odeur de circuits électroniques brûlés vint lui envahir les narines.