Chapitre 9
Je passe mon temps entre les cours, la pratique de la magie et mes exercices physiques quotidiens. Une fois par semaine, je dîne chez le marquis de Lafroge, avec Emilia et le reste de sa famille, qui sont tous très sympathiques.
La fin de l’année scolaire arrive enfin et je peux faire le bilan de tout ce que j’ai appris. Il existe 4 types de magie enseigné : l’eau, la terre, le feu et l’air, comme quoi Aristote avait bien raison, il s’est juste trompé de planète. Les 2 autres éléments, la Lumière et les Ténèbres sont complètement ignorés par les professeurs de la Tour des Dragons. Le premier est l’apanage des prêtres, bien que je ne comprenne pas pourquoi, car ils utilisent des joyaux comme les mages de l’académie. Pour l’instant, les autorités françaises ne savent pas si les Dieux existent dans ce monde et préfère jouer la carte de la prudence, en ne faisant aucun mal à un membre du clergé. Certains des espions français ont essayé d’intégrer les rangs de l’Eglise de la Renaissance, mais ils se sont fait refouler. La tradition impose que seuls des orphelins élevés par les institutions de l’Eglise peuvent devenir prêtres. Mais le gouvernement français n’a pas baissé les bras et tente d’en soudoyer certains afin d’obtenir des informations. Je ne connais pas les résultats de cette opération.
Le cas des Ténèbres est plus intéressant, car il concerne les malédictions et la nécromancie. Il y a un tabou concernant ce sujet dans l’Empire de Pendragon, qui n’est pas le même partout, car certains Royaumes tolèrent ce genre de magie, même si l’Eglise condamne fermement ce laxisme. Il faudra sans doute, à un moment où un autre, que je quitte le royaume pour l’apprendre. Contrairement à ce que l’on peut voir dans les films, je ne pense pas que les utilisateurs du « sombre » pouvoir soient maléfiques, mais je suppose que j’en saurais plus quand j’en aurais croisé un.
J’ai appris également pourquoi l’apprentissage de la magie est si lent et laborieux. Seuls les fils de nobles ont le loisir de lancer un sort, se reposer durant le reste de la journée et ainsi de suite pendant 3 ans. Je n’arrive pas à passer complètement la couleur orange pour que mon cristal devienne jaune. Dominique Nobel, ma professeure principale est bien au fait de la situation et me propose une solution. Pour elle, je dois débloquer mon potentiel et affronter un autre magicien. J’avoue être septique, d’autant que le tournoi de fin d’année est réservé normalement aux secondes et troisième année. Il est rare d’y voir un première année, mais cela arrive parfois. Je décide donc d’y participer. Ma mission première est de devenir un magicien expérimenté.
Quelques jours plus tard, la compétition commence. L’arène où tout va se jouer est située au-dessus des terrains d’entrainement, tout au nord de la Tour des Dragons. Elle ressemble énormément au colisé de Rome avec sa structure ovale et un grand nombre de places assises. Le sol est recouvert de sable, comme au temps des jeux du cirque. Je dois avouer que l’ensemble est très intimidant, surtout quand des centaines d’étudiants crient en même temps. Certains professeurs ont créé une barrière en forme de dôme afin d’éviter que les spectateurs ne soient blessés. D’autres observent les candidats et veillent à la sécurité des compétiteurs. Bien sûr, il y aura toujours des blessés mais des prêtres sont également sur place dans leurs longues robes blanches aux motifs dorés.
Nicolas est là aussi et comme le jour du duel à l’épée avec le marquis Lonfole, il m’encourage bruyamment. Le Prince me fait même un petit signe de la main et enfin Emilia, qui est aussi compétitrice, lève le pouce à mon attention. C’est gentil de sa part, même si je sais que si je dois l’affronter, je n’aurais aucune chance. Mon premier adversaire est une personne que je connais un peu, il était avec Damien lors qu’ils avaient insulté Nicolas, le premier jour de mon arrivée dans cette école. C’est un des 2 comtes qui s’étaient éclipsés sans demander leur reste. Là, il semble remonté et il me sourit d’un air mauvais, comptant sans aucun doute prendre sa revanche. J’ai l’impression d’être dans le film Gladiator, heureusement que nous n’allons pas combattre jusqu’à la mort, du moins je l’espère. C’est Romain de Laboit, qui a laissé de côté sa casquette de professeur des créatures magiques pour celle de commentateur sportif. Il s’adresse aux spectateurs, sa voix étant parfaitement audible grâce à un porte-voix :
* Bienvenue au sixième combat de la journée, je répète une nouvelle fois les règles. Si vous êtes blessé par un sort, même légèrement, si vous tombez d’épuisement ou si vous déclarez forfait, vous serez jugé comme ayant perdu le duel.
Il fait une petite pause dramatique, avant de continuer :
* Dans le coin gauche, vous trouverez le fils du comte Benjamin Derrhus, en deuxième année, avec un cristal de couleur orange. Dans le coin droit, une des 2 célébrités des premières années, j’ai nommé le fils du baron Robert Tillsman avec également un cristal orange.
Je suppose que la seconde célébrité est Frédéric III. C’est dommage, j’ai vraiment essayé d’être discret et de faire profil bas, mais de toute évidence, je n’ai pas réussi. J’en suis là de mes réflexions quand le présentateur commence un compte à rebours allant de 5 à 0. Juste avant que celui-ci se termine, mon adversaire lance un sort et une pierre de la taille de mon point fonce dans ma direction. C’est de la triche, mais je m’y attendais et je l’esquive sans difficulté grâce à une roulade. Nous sommes à une cinquantaine de mètre l’un de l’autre, ce qui me permet de voir le danger arriver.
Je suis maintenant couvert de poussière et de sable mais je ne m’en soucie guère car mon opposant persiste dans ses attaques et je continue à sauter dans tous les sens. J’invoque un bouclier de pierre pour quelques secondes juste quand je suis sur le point d’être touché, ce qui préserve mon endurance. Sentant qu’il n’y arrivera pas ainsi et ne disposant que d’une réserve de magie limitée, il change de tactique et invoque une grosse boule de feu de la taille d’une Tesla. C’est l’occasion que j’attendais et j’en invoque une aussi grande et juste après une simple flèche de feu, très fine et caché par le premier sort.
Les 2 sorts de boule de feu se percutent dans une grande explosion, s’annulant complètement l’une et l’autre mais ma flèche continue son chemin et touche mon rival, le prenant complètement par surprise. Sa peau est simplement roussie par l’attaque, mais Romain de Laboit lève son drapeau rouge, indiquant que le combat est terminé. Benjamin a beau protester qu’il peut encore combattre, sa réserve d’énergie n’étant pas complètement à plat, rien n’y fait et je suis déclaré gagnant.
Je reçois de timides applaudissements, et bien sûr, mon compagnon de chambre descend rapidement dans l’arène pour me féliciter avec ses grandes claques dans le dos habituelles. Mon prochain combat étant demain, je décide d’aller prendre un bon bain bien chaud pour enlever ce sable et cette poussière. Pour cela, je connais le lieu parfait, l’auberge de la dernière fois où j’avais pris mon équipement. Je décide d’y aller à pied, pour acheter sur le trajet une brochette de légumes dans un des stands qui bordent la route. Alors que j’entrais dans une ruelle, je sens un violent coup derrière le crâne et je tombe inconscient.
Je me réveille sans aucune notion du temps passé depuis mon évanouissement. L’endroit où je suis est très sombre, les volets sont fermés et la pièce est seulement éclairée par une petite bougie posée dans un bougeoir à même le sol. J’ai le goût du sang dans ma bouche, j’ai dû me mordre inconsciemment la langue. Et j’ai surtout très mal derrière la tête. Pourtant, je m’efforce de comprendre la situation, j’ai été kidnappé en pleine rue par un ou plusieurs individus et trainé dans une chambre, qui ressemble à un véritable taudis.
On doit être dans les quartiers pauvres et l’odeur est difficilement supportable. Maintenant que j’ai repris mes esprits, j’applique le protocole d’urgence. J’ai beau être assis sur une chaise, mes mains dans le dos solidement liées à l’aide d’une corde et sans mon joyau, ma tête est toujours libre. J’arrache avec les dents le premier bouton de ma veste, avant de l’avaler come une pilule. Certains pourraient me prendre pour un fou, mais je viens de déclencher ma balise de détresse et je me suis assuré que même si je suis entièrement déshabillé et déplacé, je continuerai à émettre.
Prenant mon mal en patience, j’attends, comptant le nombre de secondes pour m’occuper. Au bout d’une heure, un homme d’une trentaine d’années à la mine patibulaire entre dans la pièce. Voyant que je suis réveillé, il sort rapidement et revient avec 2 autres hommes du même acabit. L’un d’eux, que j’imagine être leur chef car il porte une épée alors que les autres n’ont qu’une dague, m’adresse la parole :
* C’est bien, tu es un petit gars intelligent. La plupart des personnes que l’on amène ici, hurlent comme des porcs que l’on égorge dès qu’elles se réveillent, mais tu as su te tenir tranquille.
Je n’ai en effet pas crié. Je sais très bien que si mes ravisseurs n’ont pas pris la peine de me mettre un bâillon, c’est que nous sommes dans un quartier où personne ne me viendra en aide. Il continue ensuite :
* Pas de bol pour toi, tu as énervé la mauvaise personne et on m’a payé pour te briser les 2 jambes et les 2 bras. Alors tu vas être gentil et nous dire où tu as planqué ton argent, si tu fais cela, on essaiera de le faire le moins douloureusement possible.
Il me montre ensuite mon cristal jaune, qu’il tient par sa chaine et m’indique :
* Si on te tue, on pourra vendre ton cristal, mais on n’est pas payés pour cela, alors on va te le laisser près de ton corps, tu vois, on est très gentil nous aussi.
Ses 2 acolytes s’esclaffent bruyamment et comme je dois gagner du temps pour que l’équipe d’intervention ait le temps de débarquer, je décide de jouer le jeu :
* Vous n’avez pas peur de la justice de l’Empereur, s’en prendre à des nobles, c’est un aller simple pour l’échafaud.
Mon interlocuteur ne semble guère impressionné et me réponds :
* Petit, tu n’es qu’un fils de baron de la campagne et celui qui nous a payé est bien plus élevé que toi. On va commencer par te briser le bras gauche et on verra si tu continues à faire le fier.
Il retourne dans le couloir et revient avec un grand gourdin dans sa main. Il semble vouloir mettre sa menace à exécution et lève bien haut son arme, prêt à me briser le bras. C’est à ce moment précis que l’enfer se déchaine. Tous les volets éclatent en même temps, puis 4 objets que j’identifie comme des grenades incapacitantes sont lancés dans la pièce et explosent exactement en même temps avec un grand flash lumineux et faisant un bruit insupportable.
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Je deviens sourd et aveugle instantanément et au bout de quelques secondes, je sens quelqu’un qui me tire gentiment mais fermement la tête en arrière et lève mes paupières. Je me laisse faire et je sens quelques gouttes d’un produit dans mes yeux. Il me faut plusieurs minutes pour que j’y vois un peu plus clair et je distingue 4 silhouettes en armure tactique complète, portant un fusil d’assaut HK 416 F. C’est un modèle différent de celui que j’ai utilisé contre les ravisseurs du Prince, plus compact, il est parfait pour le combat urbain. Ils n’ont pas l’air de s’en être servis, car je peux voir clairement qu’ils ont chacun un pistolet taser à la main. Leurs victimes étendues sur le sol ont encore quelques spasmes suite à l’utilisations de ses armes non létales.
Aucun autre bandit ne s’est manifesté, soit les trois ravisseurs étaient les seuls dans le bâtiment, soit leurs complices se sont enfuis. Nous ne devrions pas être dérangés, au vu du boucan, aucun habitant n’osera sortir pour voir ce qu’il se passe avant un bon moment. Je reçois un nouveau traitement, pour mes oreilles cette fois. Au bout de quelques secondes, je peux entendre, faiblement, le sergent de cette escouade, si j’en crois son insigne, me dire :
* Vous allez bien ?
J’acquiesce, encore incapable de parler et j’accepte avec reconnaissance la gourde qu’il me tend. Boire un peu d’eau fraiche me fait beaucoup de bien et après quelques minutes, je demande au sous-officier :
* Où sommes-nous ?
Il me répond, rassuré par mon état :
* Dans une auberge désaffectée, dans la banlieue de la capitale, elle appartient à une bande de voleurs et autres coupe-jarrets qui se nomment eux-mêmes Les Loups Noirs. Nous avons surveillé la situation avec une caméra articulée et dès que la situation est apparue critique, nous sommes intervenus. Maintenant, nous allons vous laisser, l’auberge du Lion d’argent n’est qu’à une centaine de mètres d’ici. Nous avons prévu de prendre ces hommes avec nous, vous aurez le résultat de l’interrogatoire après accord du commandant de la base de Lutèce.
Je hoche la tête, car je sais que les militaires de ma nation disposent de sérum de vérité très efficace. Ils me libèrent les mains et repartent avec les 3 bandits, par les toits. Je suppose qu’il y a une petite base camouflée non loin où il y a tout le nécessaire pour réaliser le genre de mission de sauvetage des agents en danger. Je ne suis pas au courant de l’emplacement exacte, mais je sais qu’il y en a une ou deux près de chaque endroit stratégique, comme la capitale.
J’ai encore les jambes ankylosées, mais j’arrive à sortir de cette baraque et à rejoindre un quartier un peu plus sûr. Je dois faire peur aux autres piétons car ils m’évitent tous. Je m’en fiche royalement et je vois l’aubergiste qui vient à ma rencontre. Il a dû être prévenu par le groupe tactique qui m’a sauvé. Je lui en suis reconnaissant et quelques minutes plus tard, je suis dans un bain bien chaud. L’aubergiste arrive peu de temps après et me donne des affaires propres, j’ai même droit à un nouveau bouton pour remplacer celui que j’ai mangé.
Je peux donc m’habiller et après avoir remercié le propriétaire des lieux, je rejoins l’école où je peux bénéficier d’un bon repas. J’ai encore un peu mal aux oreilles mais c’est supportable et j’écoute la discussion sur les combats de magie de ce jour et les pronostics sur ceux de demain. Le soir, je reçois le rapport de l’interrogatoire grâce à la radio et, comme je le soupçonnais, c’est bien Benjamin Derrhus qui a essayé de se venger. J’apprends même que ce n’est pas la première fois qu’il sollicite le gang pour cette basse besogne et je ressens une furieuse envie de lui mettre mon poing dans la gueule. Pourtant, je me maitrise et ce n’est qu’au petit matin que je l’attends à la sortie du dortoir avant le petit déjeuner.
Il est très surpris de me voir intact et j’en profite pour l’amener rapidement à l’écart. Une fois seul, je lui annonce :
* J’ai reçu hier, la visite de tes amis.
Il se reprends vite et me réponds, d’un ton plein de morgue :
* Je ne vois pas de quoi tu parles.
Il n’est vraiment pas croyable ce type, c’est le bon moment pour lui rabattre son caquet :
* Je parle de Gontran, Madog et Dragan. Ils m’ont donné les noms des 7 personnes que tu as fait tabasser. Je pense que si je contactais leur famille, ils seraient très intéressés et rendraient rapidement une visite à ton père.
Même si ce ne sont que des membres de la petite noblesse comme moi, 7 cela fait beaucoup, même pour un fils de comte. Pour preuve, son visage devient blanc et j’en profite pour enfoncer le clou :
* A partir de maintenant, tu vas me dire tout ce qui se passe entre toi et le fils du marquis Lonfole. Si je me prends un sale coup de sa part ou de la tienne, tout ce que je sais sera envoyé directement aux personnes concernées.
Il me regarde avec des yeux remplis de colère et crie presque :
* Tu bluffes ! Tu n’es qu’un petit noble de province, tu n’as pas ce genre de contact.
Je le regarde avec un grand sourire. Il n’a aucune idée de qui je suis réellement alors je lui réponds en lui murmurant à l’oreille :
* Si tu ne me crois pas, essaye de retrouver les membres des Loups Noirs.
Sur ces dernières paroles, je quitte les lieux, content de moi. Les 3 coupe-jarrets vont être emmenés devant le baron Tillsman dans un chariot de marchandise, drogués. Mon « père » a déjà reçu le rapport et les as condamnés aux travaux à perpétuité dans une mine. Parfois, appliquer la justice locale a du bon car Damien ne les trouvera jamais. Même s’il mène son enquête, il entendra juste parler d’un bruit ressemblant à une explosion dans un taudis et c’est tout.
Je peux ainsi me concentrer sur mon second combat, face à une deuxième année, que je vois pour la première fois, qui manie la magie de l’eau avec beaucoup de facilité. Elle crée une grande bulle d’eau avec une telle rapidité que je me fais toucher à la tête dès le début. L’eau s’y accroche comme un casque de cosmonaute, m’empêchant de respirer. Mon opposante utilise toute sa concentration pour la maintenir en place. Elle doit s’attendre à ce que je panique, mais j’ai fait de l’apnée en mer Méditerranée et je sais que je dispose d’une bonne minute avant de manquer d’air. Alors je tends simplement la main contenant mon joyau dans sa direction et je lance une flèche de feu, le premier sort que j’ai appris, le plus simple. Il touche sa cible, la blessant très légèrement, mais c’est suffisant pour gagner et la jeune femme annule son sort, vaincue. J’ai droit aux félicitations habituels de Nicolas et même le Prince me complimente pour ma performance.
Au début du tournoi, il y avait 200 élèves de deuxième année et 100 de troisième année. Après le premier tour, il n’en restait plus que la moitié, soit 150 candidats. Aujourd’hui, au troisième tour, plus que 75 élèves, la grande majorité étant des troisièmes années. C’est donc avec beaucoup d’appréhension que je découvre mon nouvel adversaire et je n’ai vraiment pas de chance, car je tombe sur Emilia ! J’ai devant moi une dernière année, adjointe d’une professeure et qui en plus possède un cristal jaune, certes très pâle, mais elle reste à un niveau bien supérieur au mien.
Elle a mis le bandeau que je lui ai offert et je ne peux m’empêcher de lui sourire. Elle semble également de bonne humeur et m’indique de faire de mon mieux. C’est bien ce que je compte faire, même si je n’ai pratiquement aucune chance. Romain de Laboit réalise le compte à rebours habituel et dès que le zéro est prononcé, la jeune femme m’envoie directement une bourrasque qui me fait tomber. Elle a dû étudier mon premier combat et a compris que j’arrivais à esquiver certains projectiles. Elle enchaine directement avec une pluie de pierre que j’arrive à arrêter à grande peine avec un bouclier magique. J’arrive péniblement à me remettre debout, mais elle me relance une rafale de vent et je tombe à nouveau à la renverse ! Si cela continue ainsi, je vais finir enfoncé dans le sable ! Jouant le tout pour le tout, je lance également des sorts de vents, dispersant ses projectiles et me permettant de rester debout. Le problème est que j’ai pratiquement consommé toute ma réserve de mana. Emilia aussi semble à bout, alors je commence à avancer vers elle, utilisant des boucliers de l’élément contraire à chacun de ses sorts. J’avance pas à pas, il n’y a plus que 40 mètres entre nous deux, puis 30, puis 20, puis 10 et au moment où je pense enfin pouvoir la toucher, je m’écroule, inconscient, mon endurance complètement épuisée.
Je me réveille dans l’infirmerie de la Tour des Dragons, allongé dans un lit et entouré de gens que je connais fort bien, Nicolas, Frederic III et Emilia. Nicolas est le premier à voir que j’ai ouvert les yeux et il me prend aussitôt la main, me disputant d’une voix inquiète :
* J’ai été très inquiet à cause de toi, tu as toujours besoin de te donner à fond ?
Je lui répondis d’une voix encore faible et avec un léger sourire le visage.
* J’essaye de faire de mon mieux.
Il ne semble guère apprécier mes paroles et m’ordonne d’un ton sans réplique :
* La prochaine fois, pense un peu plus à toi.
C’est au tour du Prince de prendre la parole :
* Tu fais vraiment tout pour te rendre intéressant.
Je lui réponds, surpris par sa réflexion :
* Je ne comprends pas.
Il me montre mon torse et ajoute :
* Regarde un peu ton cristal.
Je baisse ma tête, lentement vu mon état de fatigue, et constate que mon cristal est devenu jaune. C’est un jaune encore plus pâle que celui de ma dernière opposante, mais un jaune quand même ! Finalement Monique Evegold, la professeure principale avait raison, et je n’ai pas fait tout cela pour rien. D’ailleurs c’est au tour d’Emilia de s’avancer et sentant qu’ils sont de trop, les deux jeunes nobles s’en vont. J’ai même droit à un pouce levé de la part de Nicolas et je lui aurais volontiers lancé mon oreiller si j’en avais eu la force. Au lieu de cela, je me contente de le maudire intérieurement. La jeune femme n’a pas remarqué le geste de mon compagnon de chambrée et me prends la main également mais l’effet n’est du tout le même que lorsque c’était le rouquin. Je n’ai de toute façon ni l’envie ni la force de me dégager et nous restons ainsi de longues minutes sans parler. Finalement, je prends mon courage à deux mains et je lui demande :
* Comment tu te sens ?
* Je suis très fatiguée, quand tu es tombé, j’étais à 2 doigts de m’écrouler également. Tu es devenu extrêmement fort en l’espace d’un an.
Je n’ajoute rien, je sens que mon visage commence à devenir rouge et en plus, elle n’a toujours pas lâché ma main. A nouveau, un long moment de silence arrive et cette fois-ci, j’aimerais qu’il dure l’éternité. Trop vite à mon goût, une infirmière rentre dans la pièce et indique que l’heure des visites est terminée, je dois me reposer. Mon invitée acquiesce et me prenant par surprise, elle dépose très rapidement un baiser sur mon front. Je suis estomaqué, sachant toute l’importance dans ce monde, de ce genre de geste, puis elle file, sans se retourner.
Je dors très mal cette nuit, n’arrêtant pas de me retourner. Je ne sais plus quoi penser, j’ai l’impression que mon cœur et mon esprit sont en ébullition. Finalement, je prends une décision, ne pas penser à Emilia jusqu’à la rentrée de la seconde année, en septembre 326. Elle aura son diplôme dans 2 semaines et quittera l’académie. On verra alors ce qu’il en est. Soulagé d’avoir résolu ce problème, même de manière temporaire, je me laisse emporter d’un sommeil sans rêve.