Chapitre 4
Je m’endors d’un sommeil sans rêve, pour me réveiller frais et dispo. Heureusement pour moi, l’hygiène est plutôt bonne pour l’époque. En tout cas pour la noblesse qui connait le savon et la brosse à dent. La qualité n’est pas terrible, d’où l’usage important, voir trop important du parfum. Je mets alors ma seconde casquette, celle d’influenceur. Je commence par Nicolas qui me sert d’affiche vivante, en lui faisant utiliser un savon moderne, de bien meilleure qualité. De nombreux fils de nobles de petit statut se pressent autour de lui, intrigué par ce parfum inhabituel. J’en profite pour distribuer des échantillons gratuits, nommant la guilde de marchands qui les produit, prenant bien soin de leur en parler comme en passant. Il s’agit d’une organisation gérée par un compatriote français qui se développe à grande vitesse dans le royaume de Pendragon. Après tout, la France a besoin d’or et il nous faut vendre des biens pour en obtenir.
Cette petite opération nous a permis de marquer des points auprès de nos camarades, nous permettant d’augmenter notre statut à Nicolas ainsi qu’à moi-même, qui en avions bien besoin.
Après une semaine de cours théoriques, nous sommes près d’une dizaine à manger ensemble le midi, quasiment toutes classes confondues. Damien, le marquis harceleur, nous évite toujours, même si je continu à sentir son regard noir sur moi. Au fil des repas, j’apprends que la très grande majorité des étudiants ont à peine réussi à colorer leur cristal et que certains sont déjà au maximum de leur capacité. Frédéric III, le prince, toujours sous sa fausse identité de fils de duc, a également été rejoint par une vingtaine de membres. Ils font tous partie de la classe « Diamant », et sont les futures élites de l’Empire, si j’en crois leurs titres et leurs prédispositions à la magie.
Puis, vient enfin la pratique, avec notre professeure qui nous emmène à ce qui ressemblent furieusement à un champ de tir, situé au nord de la Tour des Dragons. Il y a même des cibles me faisant penser à des épouvantails, au fond du terrain. La professeure nous donne les consignes suivantes :
* Vous allez lancer un sort de flèche de feu. D’abord touchez votre cristal et imaginez le sort comme je vous l’ai enseigné. Cela devrait vous prendre la moitié de votre énergie, mais ne vous inquiétez pas, votre endurance et votre efficacité s’amélioreront petit à petit. L’important, c’est de continuer à pratiquer.
Je suis excité, pour la première fois, un Terrien va lancer un sort ! Je me mets en position et me concentrant sur mon catalyseur, je lance le sortilège. Une véritable flèche de feu surgit du cristal que j’ai en main et fonce droit vers la cible que je manque de peu. Je peux constater que personne, à part le Prince, a touché l’épouvantail au fond du terrain, mais je suis quand même satisfait. La professeure nous autorise, pour ceux qui le souhaitent, à lancer un second sort. Quelques élèves tentent mais aucun n’arrive à lancer un second sortilège, l’endurance semblant être un paramètre très limitant pour un sorcier. Soucieux de ne pas me faire remarquer, je reste à l’écart et je me contente de regarder.
La journée se passe ainsi et le soir, je décide de ne pas rejoindre directement mon dortoir et de passer par le terrain de tir. Normalement, l’endurance revient après une bonne nuit de sommeil mais je pense pouvoir faire mieux qu’un seul sort. Je me concentre donc à nouveau et je tire une nouvelle flèche, puis une autre et encore une autre et, avec beaucoup de difficultés, une dernière qui touche enfin la cible de plein fouet. Je comprends mieux l’écoulement de mana et je suis confiant dans ma capacité à faire mouche plus souvent, à partir de maintenant.
Alors que je repars, très fatigué, une silhouette sort de l’ombre d’un bâtiment proche. Elle s’approche et je peux reconnaitre Frédéric III qui n’a pas dû perdre une miette de ma performance. Comme par hasard, des gardes sont présent en nombre à proximité. Il m’interpelle en me disant :
* Je pensais être le seul à vouloir tester mes capacités. Tu as réussi 4 incantations dans la même journée, c’est très impressionnant.
* Je suis sûr que vous pouvez en faire autant.
* J’ai essayé et j’ai réussis à en faire 2 et presque 3, tu es bien meilleur que moi et pourtant, tu dois savoir qui est mon père.
Comme cela ne sert à rien de nier, j’acquiesce de la tête et il continue :
* Je te veux dans mon équipe. Un mage de ton talent ne peut rester dans les marges de l’Empire, ce serait du gâchis. La capitale, Camelot est le seul endroit pour les gens de ton calibre. A la fin des 3 années, si tu parviens à obtenir un joyau de couleur vert, je ferais de toi le futur mage de la cour. Comme tu le sais certainement, Taran, le plus puissant mage de tout Pendragon a atteint cette couleur à l’âge de 21 ans puis a dû s’entrainer pendant 50 années supplémentaires pour obtenir son joyau bleu.
Tout le monde dans l’Empire connait l’histoire du mage royal, mais je ne peux pas accepter son offre, du moins pas pour le moment. Je dois rester libre de mes mouvements pour réaliser les différentes missions que me confieront l’Etat français. Il sera toujours bon, plus tard, de changer d’avis. De plus, le jeune adulte que j’ai en face de moi n’est pas assuré de prendre le trône et je ne veux pas être une victime collatérale de ce jeu de pouvoir :
* Je reconnais la valeur de votre offre mais je dois la décliner, car je ne suis pas libre de mon propre avenir. Mon père souhaite que je reprenne le domaine familial.
Le Prince est surpris par ma réponse et semble même mécontent. J’espère que je ne m’en suis pas fait un ennemi, mon excuse me parait plausible.
A mon retour, je constate que Nicolas est encore réveillé et il me fait part de ses inquiétudes qui l’empêchent de dormir. Son père, le marquis de Lancel veut prouver aux autres nobles que son fils est un véritable membre de l’aristocratie. Il a une sœur d’un an plus jeune que lui et s’il ne réussit pas cette année, sa sœur ne pourra pas intégrer à son tour, l’école de Magie l’année prochaine. Je comprends ses inquiétudes, ayant moi-même une grande sœur et un petit frère que je ne veux pas décevoir, même s’ils ne savent pas exactement en quoi consiste mon travail. J’essaye de le rassurer du mieux que je peux. Ses angoisses sont dues à ses difficulté à suivre le rythme de la première classe. Pour l’aider, je lui propose que nous allions nous entrainer le soir.
Le mois suivant, alors que nous avons tous appris à utiliser plus ou moins bien notre cristal et lancer quelques sorts basiques, un nouveau cours vient s’ajouter. C’est un de ceux qui m’intéressent le plus, aussi bien pour ma mission que par intérêt personnel, celui sur les créatures magiques ! Le bestiaire Elyséens comprend aussi bien des créatures que l’on pourrait croiser sur la Terre, une preuve de plus que les passages entre les 2 mondes existent depuis très longtemps, que des créatures uniques à cet endroit. Du moins c’est ce que pensent les scientifiques de la base de Lutèce. Les nombreuses légendes de notre monde proviennent de la présence des monstres d’Elysium passant à travers un portail et je n’ose imaginer les difficultés des habitants de notre monde pour affronter ce type de menace sans l’aide de la magie.
C’est Romain de Laboit, un homme très jeune, âgé au maximum de 5 ans de plus que nous, qui se charge de nous éduquer sur les créatures magiques. Avec ses lunettes, il ressemble à un doux rêveur. Pendant plusieurs semaines, nous apprenons tout sur les dangers de chaque créature, son type d’habitat et tutti quanti. Il y a quelques sujets qui ne sont pas abordés comme les dragons. Quand un élève pose la question, l’enseignant lui réponds qu’il doit patienter jusqu’en troisième année, puisque le sujet est complexe et qu’une bonne compréhension de la magie est nécessaire.
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J’apprends également un élément très intéressant, les cristaux que nous possédons proviennent de créatures magiques puissantes. Situés près du cerveau, ils leur permettent d’utiliser la magie, comme le vol pour les Wywernes par exemple. A leur mort, le cristal devient blanc et peut alors être utilisé par les humains ou d’autres races, comme les elfes et les nains. Le mode de récolte des catalyseurs, consiste à chasser et tuer des monstres extrêmement dangereux. C’est évidemment très risqué et les pertes en vie humaine sont inévitables. Cela explique le nombre limité de cristaux disponibles, d’autant qu’ils se cassent au bout d’une 5uantaine d’années. Je comprends maintenant le prix de l’adhésion à l’école, cela permet de payer les aventuriers chasseurs de créatures magiques, outre le fait de servir de sélection pour s’assurer que l’aristocratie reste au pouvoir. Si la France avait eu le même système, je ne sais pas si la révolution française aurait pu réussir.
Afin d’illustrer ce cours, nous sommes invités à sortir de la Tour des Dragons pour rejoindre un bâtiment où je ne suis pas encore entré, situé au sud de la Tour. Il est immense et sur plusieurs étages, sans aucune fenêtre.
Une fois entré, je vois avec surprise qu’il fait clair à l’intérieur. C’est grâce à de petites boules de lumière ressemblant à des soleils miniatures. Je ne suis pas revenu de mon étonnement, car le bâtiment est séparé en différents biomes. Il y en a des désertiques, des marins et d’autres encore plus surprenants. Tous sont séparés par des sortes de vitres très résistantes et je doute fortement que ce soit du verre renforcé, vu la technologie locale. Notre guide nous emmène voir différentes créatures, jusqu’à ce nous arrivions à un biome ressemblant à une clairière et au milieu de laquelle se trouve un véritable griffon ! Il a le corps d'un aigle avec sa tête équipée d’un bec jaune et ses ailes immenses. Ses serres coupantes sont comme des lames de rasoirs qui auraient été greffées sur l'arrière d'un lion surdimensionné. Sa musculature lui permettra de porter facilement un être humain. Pour compléter le tableau, il possède des pattes puissantes et une longue queue qui traine au sol. Je vois même ses oreilles de cheval. Heureusement que notre professeure ne nous demande pas de le monter car j’en serais bien incapable. Je souffre de vertige en altitude, les rares fois où j’ai dû prendre l’avion, j’ai laissé la vitre du hublot fermé en permanence et je me suis senti nauséeux.
Alors que nous sommes presque tous en train de l’admirer, sauf certains nobles, comme le Prince, qui a priori ont déjà rencontré une telle créature, Monique Evegold, l’adjointe du directeur de l’école, entre et sourit. C’est le premier sourire que je lui vois arborer depuis la cérémonie d’entrée. Elle s’approche de nous et nous demande d’une voix où l’on peut ressentir de la fierté :
* Il se nomme Lelantos, il est beau, n’est-ce pas ? Je l’ai ramené d’un de mes voyages quand il était encore bébé. Il est majeur depuis peu de temps maintenant et j’ai pu faire un pacte magique avec lui, pour qu’il devienne mon familier.
Nous acquiesçons tous et son sourire s’élargit encore :
* Je vais faire une exception pour vous alors, je vais vous laisser entrer. Je vous préviens, personne n’a le droit de le toucher, nous sommes bien d’accord ?
Personne n’ose dire le contraire de peur de ne pas pouvoir entrer et nous sommes donc une trentaine, accompagnés par les 2 employés de l’académie, à passer à travers la matière du biome. C’est assez étrange comme sensation, c’est comme si je passais à travers du coton. Le griffon, très hautain, nous toise de haut et s’intéresse uniquement à sa maitresse qui lui donne une friandise, un morceau de sucre roux. Il l’engloutit rapidement et avec un plaisir visible mais sort soudain les griffes et se retourne d’un coup. Je comprends très vite d’où vient le problème car Damien Lonfole, l’harceleur des premiers jours lui a marché sur la queue ! Il a beau très vite reculer, il ne peut pas éviter la patte qui le percute et moi aussi par la même occasion, puisque j’étais juste à côté de lui. Je suis presque étourdi par le choc mais j’arrive de justesse à ne pas tomber, en prenant appui sur mes 2 jambes, mes séances de gainage ont enfin payé. Heureusement, sa propriétaire arrive à le calmer et nous sortons rapidement des lieux. Une fois en sécurité de l’autre côté de la vitre magique, elle nous demande :
* Que s’est-il passé ?
N’ayant rien à cacher, je lui réponds simplement :
* Damien lui a écrasé la queue.
Le fils de marquis se retourne d’un bloc vers moi, son visage rendu méconnaissable par la rage :
* Comme oses-tu m’accuser comme cela, le cul-terreux ? Ton père ne gère que quelques villages alors que mon père a la gestion du territoire de Lonfole ! Cela fait trop longtemps que je tolère ton insolence, mais là, c’en est trop! Je te défie en duel !
Il devait s’attendre à ce que je sois énervé par ses paroles, mais le baron Tillsman n’étant pas mon vrai père, cela m’en touche une sans m’en toucher l’autre. Mais, je ne vais pas m’écraser devant ce petit merdeux d’aristocrate, c’est pourquoi je lui réponds en le regardant droit dans les yeux :
* C’est d’accord, je relève ton défi.
Aussitôt, les élèves de notre classe commencent à commenter mes paroles et je me dis soudain que j’ai peut-être fait une bêtise. D’une part, mon rôle d’espion me demande de rester discret et d’autre part, je n’ai aucune idée de ce qu’implique un duel. Habituellement c’est à l’épée, mais il y en a de différents types, comme à main nue ou en poésie. Le cours se termine ainsi et le soir, après la classe, je suis convoqué chez le directeur, Tempus. C’est la première fois que je rentre dans son bureau et je peux voir que ma professeure principale Dominique Nobel, et l’adjointe du directeur, Monique Evegold sont également présentes. Alors que je m’assois sur le siège qui m’est proposé, le vieillard me dit d’un ton paternaliste :
* Mon garçon, Damien Lonfole nous a confirmé sa demande de duel mais il l’annulera si tu lui fais des excuses publiques pour l’avoir accusé. Je pense que c’est la meilleure des choses à faire, car son père est un des membres les plus influents de la cour et l’un des donateurs de l’académie.
Je souris intérieurement, car cela me fait penser à l’éducation nationale et son célèbre slogan « surtout, pas de vague ». Toutefois, je refuse de céder, il me reste plus de 2 ans à faire dans ce lieu et l’idée de croiser le petit visage satisfait de cet harceleur tous les matins, me serait insupportable. De plus, comme dit mon vrai père, « les brutes ne comprennent qu’une seule chose, la force ». Je secoue donc la tête en signe de négation.
C’est au tour de Dominique Nobel, de prendre la parole, de sa belle voix de baryton
* Robert, tu devrais réfléchir, Damien est un aristocrate d’une certaine stature, il a demandé un duel à l’épée car il est sûr de gagner. Il a dû bénéficier d’un professeur d’escrime toute sa vie. Il connait de nombreuses techniques secrètes alors que toi…
Elle ne finit pas sa phrase, mais comme j’ai été déclaré comme héritier légitime il y a peu de temps et qu’en plus, je suis un noble inférieur en terme monétaire et de notoriété, elle doit être persuadée que je ne sais pas me servir d’une lame. Je me tourne alors vers Monique Evegold et je lui pose la question suivante :
* Comment va Lelantos ?
Surprise par ma demande, elle me répond d’un ton calme :
* Il va bien, il a juste été surpris.
Je hoche la tête et continue :
* Le jour de mon entrée ici, on m’a indiqué que je faisais partie des futurs dirigeants de notre glorieux empire. Est-ce digne d’un membre du royaume de Pendragon de s’excuser, alors que je n’ai fait aucune faute ?
Le directeur soupire, ne s’attendant pas à ma réponse, tandis que les 2 femmes me sourient, appréciant ma réponse. Il m’explique ensuite les termes du duel. Celui-ci commencera dans une semaine, sur un des terrains d’entrainement de l’académie. Les épées seront mouchetées et comme il s’agit d’un simple duel d’honneur, il devra s’arrêter au premier sang. Le gagnant fera des excuses publiques à l’autre et l’affaire s’arrêtera là.
On me donne ensuite congé et je retourne au dortoir où m’attend un Nicolas, mort d’inquiétude. Il me questionne immédiatement sur ce qu’il s’est passer et je lui réponds en toute franchise. Il panique presque quand je lui parle de la date du duel et je remarque que c’est la première fois que quelqu’un s’inquiète autant pour moi, ce qui me fait un petit pincement au cœur. Même ma famille sur Terre m’a toujours laissé me débrouiller, ce que j’ai toujours trouvé normal. Je le rassure autant que je le peux, lui indiquant que je sais également manier une lame, mais il me prend pour un bravache inconscient. Il faut plusieurs heures pour qu’il se calme et que je puisse enfin m’endormir.