Lorsque le voile entre les mondes se déchira, la lumière des doubles arcs-en-ciel s’intensifia jusqu’à devenir aveuglante. Le monde d’Eldarion semblait suspendu, comme si l’univers retenait son souffle. Une colonne de lumière émergea du ciel, transperçant les nuages jusqu’au sol. Ce n’était pas une simple lueur : elle pulsait, vivante, iridescente, et chaque pulsation faisait vibrer l’air et la terre.
Les créatures du monde d’Eldarion, des plaines aux montagnes, relevèrent la tête. Les bêtes, les oiseaux, même les arbres, paraissaient réagir à cet événement. Au cœur d’une vallée verdoyante, une étrange sphère lumineuse apparut, flottant doucement au-dessus d’un lac aux eaux cristallines. Lentement, la lumière sembla s’effondrer sur elle-même, laissant place à un œuf gigantesque, son enveloppe translucide parcourue de fissures lumineuses.
À l’intérieur, deux silhouettes se distinguaient, leurs traits flous, presque éthérés. Ce n’était pas leurs corps physiques qui avaient traversé le voile séparant les deux mondes, mais leurs âmes. Aelion, bien qu’enveloppé dans un état de semi-conscience, ressentait une intensité viscérale : chaque battement de lumière autour de lui semblait résonner dans sa propre essence.
Une onde de magie parcourut la forêt alentour, éveillant les esprits dormants du lieu. Des feuillages scintillants vibrèrent sous l’effet de cette force, et des créatures bioluminescentes s’échappèrent des arbres creux pour observer l’étrange œuf. Au loin, un hurlement s’éleva, rauque et guttural, comme si une bête millénaire sentait que quelque chose venait de troubler l’équilibre de son territoire.
Un premier craquement retentit, brisant le silence mystique. La coquille de l’œuf, parcourue de fractures luminescentes, se fissura lentement. Une lumière dorée s’en échappa, emplissant la clairière d’une douce chaleur. Aelion ouvrit les yeux. La sensation fut étrange, comme s’il les utilisait pour la première fois. Son regard s’arrêta sur ses mains : elles étaient les mêmes, mais différentes. Sa peau semblait plus résistante, légèrement écailleuse, et chaque mouvement lui donnait l’impression d’une force contenue, prête à exploser.
Amara, de son côté, poussa un léger cri d’émerveillement en écartant les morceaux de la coquille. Ses grands yeux brillaient d’une curiosité enfantine, mais aussi d’un trouble qu’elle n’avait pas encore les mots pour exprimer. Elle s’agrippa à son père, cherchant une réponse dans son regard.
La forêt qui les entourait semblait vivante. Des arbres gigantesques, leurs troncs torsadés par des siècles de croissance, formaient une canopée dense laissant passer une lumière tamisée. Des lianes lumineuses pendaient des branches, leurs teintes oscillant entre le bleu et le vert. Le sol était tapissé de mousse scintillante, et de petites fleurs dorées émettaient une douce lueur.
Aelion sentit une chaleur familière en lui, une énergie qui n’était pas là auparavant. Mais en même temps, un étrange vertige l’envahissait. Il n’était plus exactement lui-même. Il posa une main sur Amara, cherchant à se rassurer autant qu’à la protéger.
Le grondement sourd d’une respiration colossale emplit soudain l’air. Les feuillages s’écartèrent doucement, comme pliant sous la volonté d’une force invisible. Au sommet d’un promontoire rocheux, Zuuri Di Raziel apparut, majestueux et écrasant. Sa taille dépassait l’imagination, ses écailles bleues abyssales capturant chaque reflet de lumière, tandis que ses yeux dorés, tels deux astres anciens, scrutaient Aelion et Amara avec une intensité presque insoutenable.
Amara, pétrifiée, se recroquevilla derrière son père, ses petites mains agrippant son vêtement. Aelion, bien que troublé, ne détourna pas le regard. Il sentit la force de Zuuri, non pas comme une menace, mais comme une promesse. Ce dragon était plus qu’une créature mythique : il était une légende vivante, l’incarnation même d’un pouvoir et d’une sagesse inaccessibles.
Zuuri s’avança lentement, chaque pas résonnant comme un battement de cœur géant dans la forêt. Lorsqu’il parla, sa voix, grave et résonnante, sembla imprégner chaque feuille, chaque pierre.
« N’aie pas peur, petite. »
Un souffle doux, chargé d’une chaleur réconfortante, s’échappa de ses narines, caressant Amara. La fillette releva timidement la tête, son regard rencontrant celui du dragon. Zuuri inclina légèrement sa tête massive, une tendresse inattendue émanant de ses mouvements.
« Viens. Approche. Regarde. »
Avec un simple mouvement de sa griffe, Zuuri fit apparaître un groupe de lapins lumineux, leurs corps émettant une douce lumière bleutée. Ils sautillaient joyeusement autour d’Amara, leurs longues oreilles frémissant. La fillette, d’abord hésitante, éclata de rire lorsqu’un des lapins vint frotter son museau contre sa main.
Aelion, observant la scène, sentit une étrange sérénité l’envahir. Ce n’était pas seulement une démonstration de magie, mais une preuve tangible de la bienveillance que Zuuri portait à Amara.
Le dragon reporta son attention sur Aelion, son regard devenant plus perçant.
« Tu as entendu mes appels. Je t’ai guidé, envoyé des fragments de mon savoir dans tes rêves. Tu n’étais pas prêt, mais tu as survécu. Toi, Aelion, et ta fille… vous êtes les seuls dignes. »
Aelion hocha lentement la tête, une étrange clarté envahissant son esprit.
« Vos rêves… Vos murmures… Je pensais devenir fou. »
Zuuri émit un grondement guttural, presque amusé.
« La folie est souvent la porte vers une vérité que d’autres ne peuvent comprendre. Mais toi, tu as su résister. »
Le dragon détourna légèrement son regard, observant la forêt qui l’entourait. Un profond soupir s’échappa de lui, comme si le poids des âges pesait sur ses épaules.
« Ce monde… Il est corrompu. Les races qui l’habitent ne méritent pas ce que je protège. Pendant des siècles, j’ai cherché des héritiers parmi eux. Des rois avides, des mages ambitieux, des guerriers arrogants… Aucun n’a vu au-delà de son propre intérêt. »
Un mépris glacial s’infiltra dans sa voix, chaque mot tranchant comme une lame.
« Ils m’ont traqué, tenté de voler mon pouvoir, réduit mes pairs à des trophées de guerre. Leur existence n’est qu’une insulte à la grandeur. »
Zuuri reporta son attention sur Aelion, son regard doré brûlant d’une intensité nouvelle.
« Mais toi, tu n’es pas comme eux. Tu as connu la perte, la douleur, et pourtant tu as tenu bon. Ta volonté ne s’est pas brisée, même face au désespoir. Tu comprends que le pouvoir n’est rien sans une cause qui le transcende. »
The tale has been illicitly lifted; should you spot it on Amazon, report the violation.
Le dragon marqua une pause, ses yeux se posant sur Amara, qui continuait de jouer avec les lapins lumineux.
« Et elle… Sa lumière est encore pure. Elle porte l’avenir que je n’ai jamais pu espérer trouver ici. Ensemble, vous porterez mon héritage. »
Aelion sentit un mélange d’humilité et de fierté monter en lui. Le poids des paroles de Zuuri n’était pas une charge à prendre à la légère, mais une responsabilité qu’il se savait prêt à porter.
Zuuri se redressa, sa silhouette dominant à nouveau la clairière. Sa voix résonna comme un serment gravé dans le marbre.
« Je n’ai plus beaucoup de temps. Il faut que je vous transmette ce que je n’ai jamais pu offrir à ce monde indigne. »
Le dragon leva une griffe, et trois sphères lumineuses apparurent, flottant doucement devant Aelion et Amara.
« Ces dons sont le fruit de ma puissance, de mes siècles de règne et de sagesse. Ils seront vos piliers pour bâtir un empire que personne ne pourra ébranler. »
La lumière des trois sphères flottait dans l’air, pulsant doucement comme des cœurs vivants. Aelion sentit une étrange chaleur émaner d’elles, une énergie qui semblait à la fois ancienne et infinie.
Zuuri les désigna d’un geste majestueux de sa griffe.
« Le premier don : l’Aura Draconique. Une énergie brute et indomptable qui circule désormais dans vos veines. Elle fera de votre corps une forteresse et de vos coups des raz-de-marée. Apprenez à la maîtriser, et aucun ennemi ne pourra vous égaler. »
La première sphère s’éleva, éclatant en un faisceau de lumière qui enveloppa Aelion et Amara. Une chaleur puissante envahit leurs corps, comme si chaque battement de leur cœur résonnait désormais avec la force d’un volcan.
« Le second don : la Lame Draconique. Forgée à partir de mon essence même, cette arme évoluera avec vous. Elle portera votre volonté et se transformera pour répondre à vos besoins. Elle est plus qu’une arme : elle est une extension de vous. »
La deuxième sphère se transforma lentement en une lame éthérée, flottant devant Aelion. Lorsqu’il tendit la main pour la saisir, il ressentit un lien profond, presque intime, avec cette arme. Elle vibrait faiblement, comme un être vivant en attente de son maître.
Zuuri observa Aelion un instant, une satisfaction silencieuse dans son regard, avant de désigner la dernière sphère.
« Et enfin, le troisième don : l’Invocation des Chevaliers Draconiques. Ces guerriers ne sont pas de simples serviteurs. Ils sont des fragments de votre propre pouvoir, des extensions de votre volonté. Ils vous protégeront et porteront votre héritage avec une loyauté indéfectible. »
La troisième sphère explosa dans une lumière éclatante, révélant quatre silhouettes imposantes. Les chevaliers draconiques, vêtus d’armures noires gravées de runes scintillantes, s’agenouillèrent devant Aelion, comme pour sceller un serment silencieux.
Alors que les dons prenaient place dans leur destinée, une lueur douce et éthérée illumina la clairière. Loriel apparut, flottant légèrement au-dessus du sol. Sa silhouette gracieuse et lumineuse contrastait avec l’aura imposante de Zuuri. Ses longs cheveux argentés ondulaient doucement, et ses yeux dorés, empreints d’une sagesse infinie, se posèrent sur Aelion et Amara.
Zuuri inclina légèrement la tête, un geste rare pour le dragon ancestral.
« Voici Loriel. Elle est la gardienne de tout ce que j’ai accumulé : mon savoir, ma mémoire, mes secrets. Elle sera votre guide et votre alliée dans ce voyage. »
Loriel s’avança avec une élégance surnaturelle, inclinant la tête devant Aelion et Amara.
« Je suis Loriel, témoin des âges et protectrice de cet héritage. Mon rôle est de veiller sur vous et de m’assurer que ce que Zuuri a bâti ne tombe jamais dans l’oubli. »
Amara, captivée par la douceur de Loriel, cessa un instant de jouer avec les lapins lumineux pour s’approcher timidement.
« Tu es un ange ? »
demanda-t-elle avec innocence.
Loriel sourit doucement, une tendresse sincère dans son regard.
« Pas tout à fait, petite étoile. Mais si cela te rassure, alors oui, je suis ton ange. »
La lumière autour de Zuuri semblait faiblir, et son souffle, bien qu’encore puissant, était plus lent. Aelion sentit l’inévitable approcher, une tristesse sourde alourdissant son cœur.
Zuuri posa son regard sur Amara, qui, voyant les lapins lumineux s’estomper, courut se réfugier dans les bras de son père. Le dragon inclina sa tête massive pour la regarder à hauteur d’enfant.
« Sois forte, petite. Ton père portera le poids de ce monde, mais toi, tu en seras la lumière. »
Amara hocha timidement la tête, tandis qu’Aelion serrait doucement sa main pour la rassurer. Zuuri se redressa une dernière fois, dominant la clairière de toute sa majesté.
« Aelion, Amara… Mon temps est écoulé. Je retourne à l’éther dont je suis issu, mais mon essence vivra à travers vous. Faites-en bon usage. »
Loriel, toujours à genoux, baissa la tête, les larmes brillant dans ses yeux dorés.
« Seigneur Zuuri, votre héritage sera protégé. Je le jure. »
Le dragon, dans un dernier élan, déploya ses ailes titanesques. Une lumière éclatante jaillit de son corps, inondant la forêt d’une chaleur douce et réconfortante. Peu à peu, son immense silhouette se désagrégea en poussière lumineuse, se dispersant dans le vent.
Lorsqu’il disparut entièrement, un silence sacré enveloppa la clairière. Les arbres, les feuilles, et même le vent semblaient retenir leur souffle.
Après un long moment de silence, Loriel se releva, son expression empreinte d’une détermination nouvelle. Elle tendit la main, et une carte gigantesque apparut dans les airs, flottant devant Aelion et Amara. Les détails complexes des terres d’Eldarion se dessinaient avec une précision envoûtante.
« Voici le monde qui est désormais le vôtre, »
dit Loriel. Sa voix, bien que douce, portait une gravité indéniable.
« Eldarion est vaste, et chaque région recèle des mystères, des dangers et des alliés potentiels. Votre destin est lié à ces terres. Vous devez les explorer, les comprendre, et les protéger. »
Aelion fixa la carte, absorbé par l’immensité des territoires inconnus. Amara, les yeux écarquillés, murmura d’une voix émerveillée :
« C’est... tellement grand. »
Loriel hocha doucement la tête.
« Et chaque coin de ce monde a son propre rôle à jouer. Mais n’oubliez jamais : de nombreux ennemis vous guettent. Ils convoitent ce que vous portez. »
Aelion serra le poing, sentant la responsabilité peser sur ses épaules.
« Nous sommes prêts, »
déclara-t-il, sa voix résonnant avec une détermination inébranlable.
Loriel fit disparaître la carte d’un simple geste.
« Alors, le voyage commence. »
Aelion et Amara jetèrent un dernier regard en arrière, là où s’étaient dissipées les dernières traces de Zuuri. La forêt, bien qu’immense et majestueuse, semblait plus silencieuse sans la présence du dragon ancestral.
Loriel les guida doucement, marchant à leurs côtés. La lumière du soleil, filtrée par les feuillages, créait un chemin scintillant devant eux, comme si la forêt elle-même leur ouvrait la voie.
Amara serra la main de son père, son insouciance enfantine tempérée par une étrange gravité.
« Papa... On va réussir, hein ? »
Murmura-t-elle.
Aelion se pencha légèrement pour la regarder dans les yeux.
« Oui, Amara. Nous allons réussir. Parce que nous n’avons pas le choix. Ce monde est le nôtre, et nous le protégerons. Ensemble. »
Loriel, marchant un pas devant eux, tourna légèrement la tête, un sourire subtil sur les lèvres.
« Vous avez déjà fait le premier pas. Maintenant, il est temps de prouver que vous êtes dignes de l’héritage de Zuuri. »
Ainsi commença leur voyage. Dans le silence apaisant de la forêt millénaire, une nouvelle ère prenait vie. Aelion, Amara et Loriel marchaient vers un avenir incertain, porteurs d’un héritage ancien et d’un pouvoir encore inconnu, déterminés à bâtir un empire qui marquerait l’histoire d’Eldarion.