Jore s'amusait beaucoup, ces derniers temps, il avait pour nouvelle mission de débusquer les traîtres au sein de son peuple et c'était un passe-temps qui lui plaisait énormément. Il en profitait pour mettre à profit ses talents si particulier.
Haut prêtre de Royt, il appréciait particulièrement son travail.
Alors que ses oreilles se régalaient encore des cris du dernier torturé, il se nettoya rapidement du sang qui avait giclé sur lui et changea de tenue. Un peu déçu de ne pas pouvoir profiter plus longtemps de l'odeur musqué du sang frais. Jore aimait beaucoup rester regarder le corps des torturés une fois son travail terminé. Il aimait voir la vie quitter leurs yeux, cela lui procurait un plaisir indiscutable.
Rapidement, il écrit un court compte-rendu sur son interrogatoire légèrement musclé et pris la route vers la maison des Honters. L'esclave était encore en vie, il s'était calmé. Ceux qui donnent des informations doivent rester en vie le plus longtemps possible. Celui-ci n'avait sûrement pas craché tout ses secrets et si c'était le cas, il le renverrait parmi les siens et attendrait quelques semaines avant de le soumettre de nouveau à la question.
Sur le chemin, il se réjouit des regards furtifs remplis de peur que lui jetaient les quelques esclaves qui étaient dehors et encore plus lorsque ce regard appartenait à un homme. Il était quelqu'un d'important. Il aimait cette position. Que même ses semblables ressentent ce sentiment de peur et d'infériorité face à lui, lui procuré un autre type de plaisir
Petit, il avait grandit en se battant pour avoir assez à manger, il aurait sûrement dû être sacrifié, d'ailleurs s'il trouvait un gamin des rues lui ressemblant, il l'inscrirait au cérémonial. Mais à force de ruses et de malices, il était parvenu à survivre jusqu'à ses 9 ans et ensuite il était entré au service de Royt. La vocation de prêtre lui avait paru plus que parfaite pour ses ambitions, aussi avait-il suivit son enseignement avec rigueur. Les cours qu'il appréciait le plus était ceux où ils apprenaient à utiliser un couteau et ceux où ils apprenaient à obtenir des informations. Certains de ses camarades avaient vomi pendant ces séances, lui jamais, il ressortait avec un grand appétit de ce genre de spectacle, la tête remplie d'idée et la main tremblante de volonté.
La première fois qu'il avait entendu dans son esprit la voix des Trois Grands, cela avait été un moment exceptionnel. Plus qu'une révélation. Une fois les voix éteintes, il était parti se défouler de ce trop plein d'énergie sur les esclaves, laissant libre court à son imagination, que certains caractérisaient de malsaine, mais toujours dans son dos. Et depuis, il attendait avec impatience d'entendre de nouveau ces voix dans son esprit.
Après avoir marché pendant une vingtaine de minutes, il était enfin arrivé devant l'imposante demeure et sonna à la cloche. Un esclave ouvrit.
- Je veux voir ton maître.
L'elfe gardant la tête baissée, se décala pour laisser entrer le prêtre. Puis il le guida le long des différents passages, et Jore se délecta des paroles que les elfes prononçaient à son passage et des petits regards terrifiés qu'ils se lançaient. L'esclave qui le guidait était plus grand que lui, il avait aussi plus de muscle. Dans un combat, un contre un, l'esclave le réduirait en poussière et pourtant, c'était l'esclave qui était terrifié par lui. Le prêtre avait le pouvoir. Et il en usait et en abusait. Un instant, il crut reconnaître l'une de ses victimes préférées qui avait été louée. Il ralentit le pas et la regarda plus en détails, elle était plus en joues mais c'était bien elle. Parfait, sachant où elle se trouvait, il pourrait demander son retour au sein de la colonie. Relevant sa toge, ils montèrent des escaliers avant que l'esclave frappe à une imposante double porte gravée de différentes chimères, un bel ouvrage.
- Qui est-ce?
Jore répondit, l'esclave n'ayant pas le droit d'adresser la parole au chef de maison, ceci-dit il attendit un peu, pour voir si l'elfe allait oser répondre (cela lui aurait donné la possibilité de le punir et lui aurait confirmé qu'il se passait quelque chose de malsain dans cette maison), rien ne vint:
- Jore, Haut Prêtre de Royt, déclama-t-il
- Ouvre la porte à notre invité, esclave, et va chercher des rafraîchissements. En vitesse!
Le prêtre se faufila à l'intérieur dès que les portes furent entrouvertes. Il venait d'entrer dans la magnifique bibliothèque de la famille Honters. Construite dans une tour, sur plusieurs étages, de grandes étagères supportant des rouleaux et des livres emplissaient la pièce. Deux escaliers en colimaçon et des échelles, permettait d'accéder à tous les ouvrages?
Les deux hommes réunit autour d'une table, se tournèrent vers lui et s'inclinèrent légèrement:
- Prêtre Jore, que pouvons-nous pour vous? demanda Cynro
- Pas grand-chose mon cher ami, je passais par là et je me suis dis que j'allais venir vous saluer. Comment vont les choses de votre côté? Mentit-il comme un arracheur de dents. Son interlocuteur n'était pas dupe mais il entra dans son jeu.
- Comme d'habitude, répondit laconiquement Cynro.
- Je vois que vous vous intéressez à notre beau pays, dit le prêtre en se rapprochant des deux hommes et en désignant les cartes étalées sur le bureau.
L'esclave était revenu et il s'attelait à déposer de quoi rafraîchir les hommes sur une petite table. Sa rapidité laissait penser au prêtre que soit, il y avait des chemins plus rapides que celui qu'ils avaient emprunté, soit les rafraîchissements avaient été préparés par habitude en cuisine dès qu'il avait fait sonner la cloche. Une fois sa tache accomplie, l'elfe s'éclipsa sans demander son reste et en tentant d'attirer le moins possible l'attention vers lui.
- Et bien ma foi! Je suis pris la main dans le sac! Nous avons reçu la missive et depuis lors nous cherchons des solutions.
- Ah?
- J'ai demandé à maître Roland de me trouver toutes les cartes qu'ils pouvaient afin d'étudier nos possibilités.
- Nos possibilités?
- Il nous faut plus d'âmes pour les Trois Grands, non? Les précédentes batailles ne nous en rapportaient pas assez, à mon humble avis. Alors je cherche où ces satanés nains pourraient encore se cacher. Comment nous pourrions les prendre à revers? Ce genre de détails. Où sont-ils les plus nombreux? Où sont-ils les plus fragiles? Il serait peut-être dans notre intérêt de regrouper une grosse partie de l'armée pour attaquer un point sensible de l'ennemi? Ou alors de capturer des nains et de les réduire en colonie comme les elfes?
-J'ignorais tout de vos talents dans la stratégie de guerre, insinua le prêtre qui n'en croyait pas un mot.
- Je n'ai aucun talent dans la guerre, mais je suis un bon commerçant. Je sais dénicher les bonnes routes, celles conviennent pour transporter l'approvisionnement, celles qui sont plus utiles pour aller vite. Et je sais gérer les stocks. Je me suis dis que c'était toujours ça de pris. Et si mes réflexions ne mènent à rien, et bien je n'aurais perdu que mon temps et celui de Maître Roland.
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- Effectivement. Et comment cela avance-t-il? Demanda Jore en regardant Roland
- Pas très bien, haut prêtre.
- Mais encore?
- Comme vous l'avez fait remarqué, ni moi, ni Cynro, ne sommes de grands stratèges. Alors on réfléchit en regardant des cartes mais on n'avance pas énormément. Du moins, c'est l'image que ça me donne. Peut-être pourriez-vous nous aider?
- Je ne suis pas là pour ça, déclara-t-il. J'aimerai vous parler en privé Cynro, si votre épouse souhaite se joindre à nous, elle est plus que la bienvenue.
Le maître des lieux fit un signe de tête à son ami qui quitta la pièce en saluant les deux hommes. Roland n'aimait pas Jore et il parvenait à le cacher avec difficulté. C'était sûrement dû aux rumeurs qui circulaient à son sujet, des rumeurs qui étaient loin de la vérité en réalité. Le maître de la demeure prit le temps de ranger les cartes avant de dire:
- Suivez-moi.
Ils se dirigèrent vers deux fauteuils bien garnis, disposés l'un en face de l'autre au centre de la bibliothèque. Le plafond de verre au dessus, laissait entrer un filet de lumière plus que bienvenue et agréable. Une fois confortablement installé, Cynro prit la parole:
- Je doute que mon épouse se joigne à nous mais maître Roland va aller lui proposer de nous rejoindre. Elle est quelque peu malade ces derniers temps. Que puis-je faire pour vous?
Jore songea que la dame était malade à chaque fois qu'il passait chez eux, comme c'était étrange.
- J'espère que dame Isumi se rétablira vite, cela fait longtemps que je ne l'ai vu.Qu'est-ce qui vous dit que ce n'est pas moi qui peut faire quelque chose pour vous?
Cynro leva un sourcil, Jore reprit:
- Avez-vous entendu parler des guérisseurs?
Nier ce fait, prouverait qu'il mentait, Jore savait déjà ce qu'il allait répondre mais il avait appris à y aller en douceur:
- Oui.
Intéressant, il ne renchérit pas. Pas de déclamations comme quoi ce sont des traitres qui méritent la mort. Trop d'entrain à dénigrer les autres cache un secret bien lourd en général.
- Et que savez-vous d'eux?
- Ils sont quelques-uns et cherchent à mettre en péril le culte des Trois Grands, notamment en soignant les personnes malades ou blessées.
- Pas seulement mais poursuivez.
- Ce sont les seules rumeurs qui me sont parvenues, il y en auraient autant chez les hommes que chez les femmes, chez les pauvres que chez les riches, chez la lie de la population que chez les hauts fonctionnaires.
- Ils semblent vénérer une autre entité.
- Une autre entité? Mais enfin, sont-ils stupides?
- Certainement. Nous n'avons pas encore réussit à leur soutirer un nom mais selon les informations que j'ai pu recueillir à travers les divers interrogatoires, il s'agirait d'une déesse qui prônerait la bonté et la bienveillance.
Pas de réaction. Cynro semblait réfléchir. Jore sourit et en se penchant vers son interlocuteur, il demanda sur le ton de la confidence :
- Si je vous dis que j'en fais partie?
- Je ne vous croirais pas mais je me verrai dans l'obligation d'en référer à vos supérieurs, tout en émettant mes doutes.
- Si je vous demandais de vous joindre à moi pour trouver ces traîtres?
- Je vous demanderais comment je peux vous aider.
- Si je vous disais que je pense que vous et votre femme en faites partie?
- Je vous répondrais que vous vous fourvoyez, mais que je suis prêt à subir la question pour prouver ma dévotion aux Trois Grands.
- Pourquoi ne vous a-t-on pas vu pendant les Cérémonials, dernièrement? demanda Jore en changeant de sujet.
- Ma femme est malade ces derniers temps, comme vous le savez. Nous prions tous les jours pour la grandeur des Trois Grands.
- Votre présence est plus que nécessaire pour les prochaines cérémonies. Maladie ou non.
- Je comprends. Aviez-vous un autre sujet sur lequel vous souhaitiez converser avec moi?
- Oui. Concernant la dernière missive?
- Que puis-je faire pour vous?
- Vous n'y êtes pas opposé? demanda-t-il scrutant la moindre des réactions de son interlocuteur.
- Je n'ai pas à m'opposer à la volonté des Dieux! s'exclama Cynro. J'obéis aux Enseignements comme n'importe quel fidèle.
- Bien, bien. Je me suis peut-être inquiété pour rien, dit-il en regardant une harpe posée prêt de la fenêtre. Vous jouez de la musique?
- Non. J'ai de gros doigts, je suis incapable de sortir une note. Ma femme a un certain talent ceci dit.
- Lorsqu'elle n'est pas malade.
- Effectivement. Sa constitution fragile m'inquiète mais si les Trois décident de la rappeler à eux, ce sera une bénédiction pour notre famille. Étant donné que vous êtes en face de moi, puis-je vous poser une question?
- Mais bien sur, je vous écoute.
- Pouvez-vous me donner des nouvelles de mon dernier fils?
- Il n'est pas sous mon autorité mais de ce que j'ai entendu, il suit les cours avec assiduité et est plutôt doué. Pas du talent de ceux qui font de grandes choses, mais du talent de ceux qui participent à la stabilité de la société.
- Merci. J'espère qu'il honorera notre famille dans ses fonctions.
- Moi aussi. Pour en revenir aux "guérisseurs". J'aimerai que vous m'aidiez à trouver les traîtres.
- Comment puis-je faire ceci?
- Vous êtes marchands, vous entendez beaucoup de choses. Je souhaite que vous me fassiez un rapport personnel de façon hebdomadaire, de toutes les rumeurs que vous entendez, de toutes les paroles suspectes émises par vos clients et vos confrères.
- Cela risque de nuire à ma profession.
- Pour les Trois Grands.
- Pour les Trois Grands, approuva Cynro.
Jore se leva:
- Bien, j'attendrais donc avec impatience vos rapports. Je suis certain que nous ferons une très bonne équipe. Ne vous levez pas, je trouverai le chemin du retour seul.
Le prêtre reparti de la bibliothèque, passant devant le plateau de rafraîchissements auquel ils n'avaient pas touché. Il n'avait pas obtenu ce qu'il voulait mais c'était un début. Toutes les réponses de Cynro étaient parfaites, trop parfaites. Jore n'en avait pas cru un mot. Il savait que sa femme, la belle Isumi, le détestait. Et que c'était pour cette raison qu'elle se prétendait malade à chacune de ses visites. Le fait qu'on ne voit quasiment plus les deux époux aux Cérémonials ne faisait qu'attirer l'attention sur eux. Mais, se dit Jore, ce n'était pas logique, ils étaient intelligents, suffisamment pour ne pas vouloir attirer l'attention sur eux en ne se présentant pas aux sacrifices. Un casse-tête, il en était excité. Déambulant dans les couloirs, il prit le temps d'observer les esclaves qui travaillaient. Cela ne lui plaisait pas. Ils avaient tous l'air en bonne santé et aucun n'avait de trace de fouet récente.
Soudain, il la retrouva. Comment se nommait-elle déjà? Elya, oui Elya c'est ça. Jore s'approcha doucement d'elle.
-Prêtre Jore!
- Ma dame, s'inclina Jore en se retournant.
Cette dernière se baissa à son tour, bien plus bas que le prêtre.
- C'est à moi de m'incliner devant un représentant de la foi, dit-elle. Comment allez-vous?
- Je me porte à merveille. Et vous?
- Malheureusement, je ne suis pas au meilleur de ma forme. Vous avez déjà fini de discuter avec mon époux? J'ai à peine eu le temps de me préparer pour me joindre à vous.
Isumi était magnifique, comme d'habitude, elle portait une longue robe bleu clair qui mettait en valeur ses formes généreuses. Un collier simple mais brillant attirait le regard sur son cou.
- Vous êtes toujours aussi sublime, complimenta honnêtement le prêtre.
Elle passa son bras sous le sien et l'enjoignit ainsi à marcher à ses côtés.
- Mon mari vous a-t-il donné satisfaction?
- Comme toujours très chère.
Il jeta un coup d'oeil derrière lui, Elya continuait à frotter le sol de ses petites mains fragiles qu'il aimait tant briser. Dommage, il ne pourrait pas profiter de la terreur dans ses petits yeux aujourd'hui.
- J'ai appris que vous jouiez d'un instrument de musique.
- Oh très maladroitement, je suis encore novice mais j'espère qu'un jour je pourrais participer à certaines cérémonies en mettant mon travail au service des Trois Grands. Lorsque je pourrais tenir plus de quelques minutes sans tomber de fatigue, bien sur.
- Bien sur, répéta Jore.
Arrivé à la porte d'entrée, Jore ne se fit pas prier pour prendre congés.
- Je vous remercie de votre courtoisie, remerciez votre mari pour moi, je crois avoir oublié mes manières.
- Ce n'est rien, voyons, vous êtes toujours le bienvenue dans notre humble demeure, mentit éhontément Isumi.
Hochant la tête, Jore aperçut maître Roland derrière la dame, un peu retrait qui lui jetait un regard noir. Il se dit qu'un jour il l'aurait entre ses mains et lui ferait subir les pires outrages pour ses années de mépris à peine voilé. Reportant son attention sur la dame, il se dit que cela serait très plaisant de s'occuper d'elle également.
- Au revoir madame, au plaisir de vous revoir rapidement.
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Isumi attendit d'être certaine que le prêtre Jore était bien loin avant de fermer la porte et de déclencher une nouvelle fois la cloche. Soupirant, elle ravala une envie de vomir. Par les Trois Grands, ce qu'elle haïssait cet homme, son regard de serpent, son haleine putride, ses mains crochues, son visage honnit et ses paroles remplies de haines et de mensonges. Elle en frissonna. Si elle ne l'avait pas rejoint à temps, il en aurait sûrement profiter pour rabrouer physiquement l'un des elfes sous sa protection.
Elle se dirigea vers la bibliothèque, sans un mot et en compagnie de maître Roland. Ils allaient avoir une discussion qui risquait de s'éterniser et ils allaient devoir faire office de présence aux cérémonials, elle en frémissait de dégoût d'avance.