Novels2Search
Le grand exode - Daria (french)
Chapitre V: Réflexion

Chapitre V: Réflexion

Dans la salle du conseil, Bhorurn était installé sur un banc en pierre en attendant que tous les anciens prennent place. Les 24 membres du conseil, représentant les 24 grandes familles, prenaient leur temps pour arriver. Certains avaient une excuse valable, ils était infirmes, fatigués, en mauvaise santé. D'autres, Bhorurn en était certain, arrivaient en retard afin de montrer leur importance. Il détestait les nains avec un tel ego et ils lui faisaient perdre son temps, un temps qu'il jugeait à tout instant, précieux.

Il n'aimait déjà pas ce qui allait se passer, et devoir être le centre de l'attention au cours d'une grande partie de ce conseil exceptionnel de l'aidait pas plus. Rigeth non plus, ne l'aidait pas à se détendre, à faire les cents pas derrière lui.

- Vas-tu cesser? Gronda Bhorurn, en jetant un regard noir à Rigeth

Celui-ci se figea aussitôt puis comme si de la lave refroidie constituait son corps, il vint de mettre aux côtés du général.

- Tu es insupportable, soupira ce dernier.

- Merci.

- Et insolent!

- Merci.

- Ce n'est pas un compliment.

Rigeth sourit. Soudain Bhorurn eût une idée, il décida de renverser la vapeur et de taquiner son ami, en plus cela l'aiderait à passer le temps, un double avantage:

- Et le mariage?

- Hum?

- Pour quand est-il prévu? insista Bhorurn, il voyait l'incompréhension dans les yeux de son aide de camp.

- Aurais-tu bu pour prendre du courage? Ou alors une pierre t'es tombé sur la tête? De quoi parles-tu enfin?

- Je vais parfaitement bien, je te remercie de te soucier de ma santé. Je te demandais quand allait avoir lieu ton mariage .

Rigeth en eut le souffle coupé.

- Alors? continua le général

- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit son ami.

- De ton mariage. Avec ma soeur?

De nouveau, Rigeth en eut le souffle coupé et le rouge lui monta aux joues. Bhorurn s'amusa de cette situation.

- J... je... Co... Comment? répondit-il manquant de s'étouffer.

- Comment ça comment? Tu sais bien comment se déroule un mariage, non?

- Non! Enfin si! Mais ! s'exclama Rigeth, avant de continuer en baissant le ton: Comment as-tu deviné que je souhaitais épouser Magla?

- Cela se voit comme ton gros nez au milieu de ta grosse figure! Il ne te reste plus beaucoup de temps, tu attends quoi?

- J'ai la trouille.

- La trouille?

- Qu'elle refuse.

Bhorurn eut un petit rire:

- Elle ne refusera pas, tu lui plais. Et si tu veux tout savoir, vous avez ma permission!

Rigeth sourit et répondit:

- Je ne crois pas que Magla apprécierait savoir qu'on a ta permission.

- Tu as raison, elle bondirait en disant que je ne suis pas père et que je n'ai aucun droit de lui dicter sa vie ou ses choix

Ils rirent tous les deux doucement, en l'imaginant bondir sur ses pieds et crier sur son frère.

- Je finalise la conception de la bague que je vais lui offrir en lui faisant ma proposition.

- Quartz? Émeraude? Lapiz?

- Jade

- Parfait, s'exclama Bhorurn, il était temps!

Et l'attente continua. Quand enfin le dernier membre du conseil s'installa sur le banc, le maître de cérémonie désigné pour cette séance, commença son discours:

- Mesdames et Messieurs, les plus vénérables parmi les plus vénérables, nous sommes réunis ce jour afin de prendre connaissance d'une nouvelle importante et de décider de la suite à donner à celle-ci.

Reprenant son souffle, il continua:

- Tôt ce matin, un homme seul s'est présenté devant notre montagne afin de nous faire une offre. Le lieutenant Rigeth est le premier à l'avoir rencontré, il a ensuite été chercher Bhorurn. Ce sont les deux nains à avoir communiquer avec cet homme.

Il fit signe à Rigeth de s'avancer au centre de l'assemblée, ce dernier une fois arrivé, se releva de tout son long et commença:

- Très chers anciens et très chères anciennes, ce matin un homme seul et qui semblait sans arme approchait de notre très aimée montagne. Informé de cette nouvelle par les sentinelles qui me dirent que cet homme avait arrêté d'avancer et restait debout au centre de la plaine sans rien faire à part fixer l'horizon, je décidais d'aller à sa rencontre. Une fois en ma présence, le bougre ne fit que dire "Je souhaite parler d'une affaire importante avec votre chef". Je tentai de lui soutirer les vers du nez, croyez moi bien. Mais faisant choux blanc, je décidai de trouver Bhorurn, que j'estime en tant que chef, plutôt que de vous faire tous déplacer. En effet, il pourrait s'agir d'un piège pour tuer tous nos anciens, qui nous guident. Je suis part la suite retourné avec le général afin de questionner cet étrange individu.

Tout au long de son discours, Rigeth vit son général secouer la tête de dépit, ce qui le mit en joie.

Son tour venu, Bhorurn se leva et rejoignit son aide de camp au centre de l'assistance en le fusillant du regard.

- Il nous a dit vouloir nous aider à combattre et vaincre les hommes, déclama le général.

Un murmure d'étonnement se répandit.

Support the creativity of authors by visiting the original site for this novel and more.

Alors qu'il s'apprêtait à repartir et les laisser à leurs discussions, il entendit :

- Comment ça nous aider?

Bhorurn décida de prendre la parole avant son adjoint, il savait que celui-ci se moquerait de cette question en expliquant la signification du mot "aider" et que cela n'aiderait personne à avancer.

- Lorsque je me suis présenté devant lui c'est la phrase qu'il a énoncé.

Une autre voix demanda:

- Pourquoi faire une telle chose?

C'était Lilru, ancienne représentant la famille Zontaka. La vieille naine, était droite et fière sur le banc, sa longue tunique rouge était parsemée de dorures. Ses longs cheveux blancs étaient tressés et retombaient en une jolie natte sur son épaule droite. Ses yeux bleus foncés le regardait avec intensité.

- C'est la question que nous lui avons posé. Il semble qu'il y ait des dissensions au sein de la communauté des hommes. Certains n'appréciant plus leur sauvagerie et les différents sacrifices que les prêtres accomplissent.

- Y croyez-vous? Demanda Lilru

Bhorurn leva les épaules en signe de doute:

- Pourquoi venir seul nous parler? C'était un risque, on aurait pu le tuer sans poser de question, sans chercher à comprendre pourquoi il était là. On aurait pu le capturer et le torturer pour obtenir des informations. Mais c'est aussi très malin s'il s'agit d'un jeu de traître. Car le fait de prendre ces risques, peut pousser à croire en ses dires.

- Qu'a-t-il proposé? demanda Emim, représentant de la famille Etensell.

- Rien de bien concret. Il a dit qu'il nous enverrai des informations pour vaincre les armées de son pays en temps voulut et il est reparti.

- Vous ne l'avez pas arrêté?

- Non, visiblement.

- Vous auriez dû, déclama Emim.

Bhorurn grinça des dents.

- Il est facile de dire ce qu'il aurait dû faire sans avoir été présent. Nous ne savons pas ce que nous aurions fait. Cette annonce nous a tous intrigué alors imaginez vous à la place de nos deux soldats! répondit Lilru.

Le général lui fit un signe de tête pour la remercier de son intervention.

Différents cercles de conversation se créèrent spontanément au sein de l'assemblée discutant des bienfaits de cette décision, ou plutôt de cette non intervention des deux nains présents devant eux. Ils n'étaient finalement que les corbeaux de l'étrange homme.

- Avez-vous une idée de comment nous allons procéder par la suite, demanda un autre membre du conseil que Bhorurn ne reconnut pas :

- Oui. Peut-être. Je ne sais si c'est la solution mais c'est une proposition qui mérite votre attention. Nous ne pouvons pour l'instant qu'attendre. Envoyer un espion chez les hommes n'est pas envisageable, il serait bien trop rapidement démasqué. Nous pouvons questionner notre invité afin qu'il nous confirme la version des faits de cet homme étrange.

- Ne serait-ce pas une façon pour eux de le récupérer?

Bhorurn leva la main:

- Je n'aime pas être interrompu. Et non, je ne pense pas, cela fait bien trop longtemps que notre invité est chez nous pour que cela inquiète seulement aujourd'hui les hommes. Je pense qu'ils ignorent qu'il se trouve chez nous. Comme je le disais donc, nous pourrions confirmer certains des dires de l'homme. De plus, il nous a seulement dit qu'il allait nous donner des informations, alors attendons ses informations. Vérifions-les. Et si elles semblent véritables, pourquoi ne pas en prendre avantage par la suite?

- C'est dangereux! s'exclama Emim

- Tout comme la guerre! Nous ne pouvons pas continuer à vivre, au plutôt à survivre ainsi. Dans la peur de la mort et de la guerre à tout instant, formant nos plus jeunes à l'art de la guerre et forçant les adultes à enfanter pour pérenniser notre civilisation. Répondit Lilru.

Les débats continuèrent jusqu'à la tombée de la nuit, certains conseillant de ne rien faire, d'autres de foncer tête baissée car c'était peut-être notre unique chance de défaire les hommes, d'autres encore d'attendre un présage et finalement, certains de demander conseils aux Dieux.

Ces discussions interminables, ponctués de cris, avaient laissé Bohrurn et Rigeth lessivés. Les deux nains rentrèrent dans leur maison respective et se couchèrent sans manger ou parler à quiconque en chemin.

----------------------------------------

Ram se réveilla en sursaut, sa femme allongée à ses côtés toujours endormie. Il respira doucement, reprenant son souffle petit à petit. Ses mains étaient moites et il se rendit rapidement compte qu'il était trempé de transpiration. Sa conscience ne cessait de le tourmenter. Il n'avait pas passé une nuit complète depuis qu'il avait reçu cette satanée missive. Déjà que le sommeil le fuyait depuis quelques mois, ces derniers jours c'était pire. Lorsqu'il parvenait enfin à se reposer, un cauchemar le surprenait dans ses songes et finissait son sommeil.

Soupirant Ram se leva et se dirigea sur le petit balcon, prenant soin de faire le moins de bruit possible afin de ne pas déranger sa femme endormie.

L'air frais de la nuit lui fit du bien.

Il repensa au dernier cérémonial et frissonna. Tous ces éléments s’enchaînaient: les guérisseurs qui devenaient de plus en plus nombreux, en dépit de la persécution dont ils étaient l'objet, l'augmentation des tentatives de rébellion de la part des esclaves et surtout la réussite de la dernière. Les prêtres refusaient de voir la tragédie du cérémonial comme une réussite mais c'était bien le cas. Les esclaves s'étaient révoltés. Ils n'avaient peut être pas réussit à fuir, comment auraient-ils pu par ailleurs, mais ils étaient parvenus à gâcher la cérémonie et à enlever des âmes aux Trois Grands. Non pas seulement les âmes des esclaves mais aussi celles de certains fidèles dont des prêtres. Le visage de la rebelle apparaissait toujours lorsqu'il fermait les yeux, même en pleine journée. Elle se battait avec le visage du jeune prêtre sacrifié par les siens pour avoir apporté du réconfort à l'un de ses soldats mourants.

Que lui arrivait-il? Il ne comprenait pas et ne parvenait pas à mettre des mots sur ce qui le tourmentait. Il avait envie d'en parler, non il avait besoin d'en parler. Mais il ne savait à qui se confier. Qui ne le trahirait pas? Ne penserait-on pas qu'il est un traître? Il n'en était pas un pourtant, il croyait en les Trois Grands, mais il avait aussi des sentiments qui étaient une preuve de faiblesse dans les Enseignements: de la pitié, de la peine, de la tristesse et même du dégoût concernant les sacrifices.

Les sacrifices. Il avait maintenant hâte de retourner en guerre, il n'aurait pas à assister aux meurtres des nouveaux nés. Avait-il bien pensé "meurtre"? Non, il ne s'agissait pas d'un meurtre, on ne tuait pas les esclaves, ont les amenait au sacrifice.

Il repensa à sa femme et à leur mariage. Était-ce là que ça avait commencé? Il ne l'avait pas épousé parce qu'il la désirait physiquement ou parce qu'on lui avait imposé une union. Il l'avait choisit parce qu'il l'aimait. Il ne s'en était pas rendu compte tout de suite, ou plutôt, si, il le savait mais il l'avait caché aux autres et à lui même. Ram aimait voir sa femme rire, il aimait voir le rouge monter à ses joues lorsqu'il la taquinait, il adorait entendre le son de sa voix et par-dessus tout, il adorait lire ses poèmes. C'était le jardin secret de son épouse, qu'elle n'avait dévoilé qu'à lui seul, le soir elle lui lisait une de ses œuvres et à chaque fois il en était transporté de bonheur.

Lorsque son premier enfant était né, il avait eu l'impression de monter dans les nuages, il lui avait fallut plusieurs jours pour redescendre de son nuage. Une fille, une magnifique petite princesse qui ressemblait tant à sa mère. Contrairement à tant d'autre père de famille, il prenait le temps de jouer avec sa fille et de l'éduquer. Lorsqu'il était présent, il veillait sur son sommeil lorsqu'elle était malade et il l'éduquait, lui enseignant l'histoire et les stratégies militaires. Sa femme, elle, avait mal vécu la naissance de leur premier enfant. Elle était triste constamment et elle ne voulait plus bouger du lit conjugal. Alors, c'était Ram qui avait pris le relais. Il n'avait pas forcé pour une seconde grossesse, il ne l'avait pas forcé à avoir des relations intimes, il avait été patient et avait attendu qu'elle se relève tout en lui prêtant appui lorsqu'elle en avait besoin et lorsqu'elle le voulait.

Aujourd'hui, ils étaient parents de trois magnifiques enfants. Le chiffre parfait. Ils étaient intelligents, vif d'esprit, taquins et surtout heureux et en bonne santé. Ram s'imagina amener ses enfants à l'âge de 3 jours au sacrificial et il sentit des larmes couler le long de ses joues. Il pleurait?

Entendant de doux pas derrière lui, il essuya rapidement ses joues.

- Mon époux?

- Tout va bien, retourne te coucher, j'arrive. Dit-il sans se retourner.

Elle ne bougea pas. Il finit par sentir une douce pression chaude contre son dos et des bras lui entourer le buste.

- Tu sais que je dors mal lorsque tu n'es pas là? Tu es souvent absent ces derniers temps alors lorsque tu es enfin à la maison, j'exige que tu restes à mes côtés la nuit.

Il sourit, ce qu'elle avait dit sous la forme d'un ordre, elle l'avait prononcé sous le ton d'une demande.

- Je suis désolée ma douce. Je n'arrivait pas à trouver le sommeil.

- Tu veux en parler?

Ram soupira

- Pas tout de suite, pas maintenant. Il se retourna gardant les bras de sa femme autour de lui et l'embrassa avec passion.

Sa main glissa doucement sur la hanche de celle qu'il aimait. La laissant reprendre son souffle, il lui glissa à l'oreille:

- Peut-être que tu pourrais m'aider à retrouver le sommeil?

Un rire cristallin accompagna ces paroles et elle lui prit la main pour le guider de nouveau vers le lit qu'il n'aurait jamais dû quitter. La chaleur du corps de sa femme, lui apaisa l'âme.