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Chapitre 8 : Flux et Fedora

Chapitre 8 : Flux et Fedora

Le parc est presque désert. Quelques joggeurs et cyclistes passent de temps en temps, le plus souvent avec des écouteurs dans les oreilles. À part eux, quelques familles se baladent lentement, à proximité de l’aire de jeux.

Je m’éloigne assez rapidement, et trouve une zone à peu près déserte, dans un des coins du parc. Je me mets dos à un arbre, m’assis le plus confortablement que je le peux, sur le sol encore légèrement humide.

Je sors mon téléphone, et projette devant moi l’hologramme du cercle que je suis censé renforcer. Je ferme les yeux, et étend mon sens du Flux au maximum de mes capacités, à quelques dizaines de mètres autour de moi.

Même à cette distance, je ne peux que commencer à détecter une partie du cercle, celle la plus proche de moi. Si j’évalue les distances correctement, le centre de celui-ci est au milieu du parc, mais je n’ai pas besoin d’y être pour agir.

Je me remémore une dernière fois les instructions, et commence à les appliquer. D’abord, entrer en contact avec le cercle. Pour quelque chose d’aussi simple et d’aussi subtil, pas de formule. Je me contente de canaliser au plus possible toute l’énergie m’entourant, et je concentre toute mon attention sur une ligne entre moi et le point du cercle le plus proche.

Une fois que je pense avoir assez d’énergie, je projette le Flux sur cette ligne, espérant qu’il touche le sort, et qu’il crée ainsi une connexion. Ma première tentative échoue, le Flux se dissipe plus d’une dizaine de mètres avant le contact.

D’après Élise, il lui a fallu plus d’une douzaine d’essais pour réussir, donc je ne devais pas m’attendre à réussir du premier coup, mais je reste un peu déçu de mon échec. Pendant une demi-seconde, j’hésite à utiliser mon anneau, et à utiliser ce Flux interne que Karel m’a décrit, mais je reviens vite à la raison.

Nous sommes au milieu de Valiute, et l’attaque de la dernière fois m’a appris à être particulièrement prudent ici.

Je réessaye donc une seconde fois. Puis une troisième, une quatrième, et c’est finalement mon cinquième essai qui sera le bon.

À l’instant où la connexion s’établit, je commence à sentir toute l’énergie du sort traverser le fil de Flux, et passer à travers moi, avant de retourner dans le cercle.

Donc, si j’ai bien compris, l’énergie fonctionne pour les cercles magiques comme un courant, qui le maintient activé en répétant indéfiniment des cycles pré-établi pour alimenter tout ses composants. Presque étonnamment, ce processus n’est absolument pas douloureux ou même gênant pour mon corps d’humain.

Enfin, j’imagine que je n’ai plus vraiment de corps d’humain, en réalité. C’est donc un des, sans doute nombreux, avantages d’être un ange ?

Je sens, et vois, tout ce Flux, une quantité gargantuesque, presque inimaginable, me traverser à chaque instant. Il y en a tellement, bien plus que dans la pièce où les artefacts sont entreposés, dans les sous-sols du building des anges. Je me demande un peu quelle est la véritable utilité de ce sort immense.

D’ailleurs, même faire partie du cercle n’étend pas vraiment ma perception de celui-ci. Je ne sais vraiment de lui rien de plus qu’avant.

Laissant tomber mes tentatives répétées d’étendre mes sens à travers la circulation du Flux, qui agit même presque comme une résistance à mes petites explorations, je rouvre les yeux, et me concentre sur la formule magique qui apparaît en surbrillance au-dessus du cercle. Je commence à la réciter, en murmurant pour rester discret.

-Virdun Esharvid Reflonis ev Rolneris Streorslom Arsovis, Virdun Esharvid Reflonis ev Rolneris Streorslom Arsovis, Virdun Esharvid Reflonis ev Rolneris Streorslom Arsovis, Virdun Esharvid Reflonis ev Rolneris Streorslom Arsovis…

Je poursuis cette litanie inlassablement, et après un temps qui m’a semblé durer une éternité, mais qui ne devais être en réalité que quelques minutes, je commence à sentir les effets du sort. Le Flux, tout autour de moi, commence à se transformer, se tordre.

Contrairement à ce qu’il a fait lors de mes premiers essais, où seulement le Flux qui me traversait était collecté pour mes sorts et manipulations, maintenant, une bonne partie le Flux que je peux percevoir, jusqu’à plusieurs mètres autour de moi, se détourne lentement de son orientation naturelle, de ses courants originaux, pour se tourner vers moi.

Vague après vague, le Flux me frappe et rentre en moi, avec plus d’intensité que jamais auparavant. Une fois en moi, il est emporté dans la rivière venant du cercle.

Le terme de rivière me paraît d’ailleurs de plus en plus inapproprié. Dans celle ci, le Flux extérieur ne se contente certainement pas de fusionner aveuglément avec le reste.

Maintenant que le phénomène se produit en moi, je perçois clairement que ce courant à une structure, aussi bien défini que celle du cercle magique, et d’ailleurs, elle lui ressemble étrangement, en étant juste un peu plus… 3D.

L’image la plus parlante est sans doute celle du train. Après sans doute plus d’une heure à manipuler le Flux en récitant la formule, à observer tout les détails des changements en moi, je pense que c’est celle qui se rapproche le plus.

Le sort est comme un train, qui entretient ses rails en roulant dessus. Le problème, c’est que pour réparer les rails, le train utilise des parties de lui-même, et ce que je fais, c’est simplement donner des matériaux pour que le train se reconstruise, et qu’il fasse perdurer les rails.

C’est, honnêtement, assez magnifique. C’est si complexe, et pourtant, tout le processus me semble… si naturel. J’ai l’impression, alors que je récite cette formule, de faire partie d’un cycle plus grand, de quelque chose qui me dépasse, que je peux à peine commencer à comprendre. Je suis subjugué par la beauté de la magie qui m’entoure, et qui me traverse.

Alors que je me perds dans la contemplation et l’admiration de cette magie, je n’entends pas mes paroles s’accélérer, je ne vois pas les courants du Flux s’agiter, je ne sens pas l’énergie vorace s’épuiser autour de moi.

Et d’un coup, tout s’effondre.

Après une vague de Flux particulièrement violente, qui me fait presque perdre mon souffle et ma concentration, tout se vide.

Il n’y a plus un atome d’énergie dans toute la zone m’entourant. Pas un courant n’alimentant le train. L’énergie magique me fuit maintenant, refusant de quitter le cercle.

Je vacille pendant que ma voix meurt lentement dans ma gorge. Ne comprenant pas, et paniquant, avide de retrouver cette sensation d’extase qu’y m’habitais, j’étends mes sens à la recherche d’une source de Flux. D’une particule de Flux. De quelque chose, n’importe quoi, qui me rendra ce que je viens de perdre !

J’ai beau aller au maximum de mes capacités, je ne sens rien. Le vide et les ténèbres, qui me rappelle ma faiblesse, mon existence en tant qu’humain. Tout ces moments où j’étais inutile, impuissant, comme dans ce foutu bus.

Avec ma concentration qui se brise, ma connexion suit rapidement. Dans un claquement violent, le lien se rompt, me séparant du cercle, et encore plus du bonheur des instants précédents.

L’énergie toujours en moi explose et se disperse, et mes nouvelles résistances d’ange ne semblent pas suffire à annuler tout la puissance de celle ci. Je m’effondre, avec l’impression qu’on vient de me donner un énorme coup dans le ventre.

Je peine à reprendre ma respiration, et quand j’ouvre les yeux, je peux voir les buissons dans la direction du bord du cercle encore en train de vibrer, comme s’ils avaient eux aussi ressenti le choc de mon erreur.

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Je me ressaisi, et essaye de me concentrer sur autre chose que sur le Flux. Ça ne marche qu’à moitié, mais je retrouve suffisamment de calme pour arrêter mes tentatives stupide d’étendre plus mes sens.

Alors que je reprends mes esprits, je me concentre sur les explications de Sekir de ce matin. Il m’avait prévenu que l’utilisation du Flux en si grande quantité pouvait avoir un effet un peu euphorique, mais j’étais loin d’imaginer la puissance de celui-ci.

Quand à l’épuisement du Flux autour de moi, c’est, d’après mes camarades, un phénomène naturel qui se produisait quand trop de Flux était épuisé dans une petite zone, et ce dernier devrait commencer à réapparaître dans les prochaines heures.

En tout cas, rester immobile ne servira a rien, et, malgré la douleur, violente, de la rupture, je suis en bon état physique, à peine fatigué. Je me lève donc, m’étire, mes muscles encore douloureux et raidis de mes heures assis sur le sol, mon dos posé sur un arbre.

Le parc s’est un peu rempli, des étudiants sont dispersés sur la pelouse, qui a séché après ces heures de grand soleil. L’air s’est réchauffé, et même si l’été est loin d’être là, la froideur hivernale semble partie pour de bon.

Je jette un coup d’œil à ma montre, qui m’indique qu’il est presque 11h. Pas tout à fait l’heure de retrouver les autres, mais je ne sais pas vraiment quoi faire d’autre. Par acquis de conscience, je fais un petit tour rapide, cherchant des traces de Flux à canaliser, mais tout le parc, et même les petites rues alentours semblent désespérément vide.

J’ai vraiment été trop loin, si j’ai épuisé autant de Flux, j’espère qu’il reviendra vite.

Pour passer le temps, je me décide à repartir vers le centre-ville. Je remonte lentement les rues menant à celui-ci, sous l’ombre des grattes ciel. J’hésite à sortir mes écouteurs, et à me distancier de ce monde bruyant, surtout du bruit presque assourdissant des drones me survolant à intervalles régulier, souvent en transportant divers colis.

Je sors de la voie principale, convaincu d’avoir trouvé un raccourci vers le centre-ville, dans une petite allée entre deux buildings, mais je me rends compte quelques centaines de mètres plus loin que je n’ai plus aucune idée de ma position.

Je sors mon téléphone de ma poche, active la localisation, malgré les nombreux avertissements des anges sur l’importance de la sécurité de ses informations sur internet. Je trouve rapidement un plan de la ville, et un itinéraire vers le centre-ville.

Il implique de rester dans les petites allées sombres de la ville pendant un petit moment, mais je ne m’inquiète pas vraiment. Je suis un ange après tout, un être immortel !

Je reprends mon chemin entre les grandes poubelles et les sorties de secours, et suit diligemment les instructions vers la ville, tout en restant à l’affût. Qui sait si je ne vais pas tomber sur un démon, ou n’importe quel autre de mes ennemis. Je doute que vampire et loups-garous se montrent particulièrement sympathique avec moi.

Depuis que je suis sorti du parc, j’ai d’ailleurs retrouvé le Flux, qui se comporte parfaitement normalement. Je pense être maintenant trop loin du sort, mais ça me rassure un petit peu. Je ne suis bien pas devenu complètement aveugle après ma sur-utilisation de me pouvoirs.

-AAAAAAAHHHHH !!

Mes pensées sont violemment interrompus par un hurlement résonnant dans ces allées sordides. Je ne prends pas le temps de réfléchir. Et si c’était une attaque ? Des démons ? Je n’ai pas reconnu le hurlement, mais je m’élance quand même. D’autres bruits, étouffés, me guident jusqu’au conflit.

Je jaillis d’un coin de rue, me préparant à attaquer, et aperçoit devant moi trois… humains. En tout cas en apparence au moins.

Un homme est dos à moi, et il est, si je lis bien la situation, l’agresseur. Il est de taille moyenne et porte un longue veste sombre et une espèce de vieux chapeau démodé, il me semble qu’on appelle ça un fedora ? Et il a une main agrippant le bras d’une fille de mon âge, et l’autre, que je peux voir sur le visage de cette dernière, étouffant ses cris.

En face d’eux, une autre jeune fille, de mon âge elle aussi, qui regarde l’homme d’un air furieux, en tenant dans sa main une petite matraque métallique, sans doute un genre de taser.

Tout ça se passe à une bonne dizaines de mètres de moi, et personne ne m’a encore aperçu. Je me prépare à agir, à sprinter les derniers mètres sans perdre mon élan et à libérer l’otage.

Alors que je commence à peine, je vois l’homme relâcher la jeune fille. Je sprint vers lui, et essaye de lui sauter dessus. Je ne suis pas extrêmement athlétique, mais ces derniers jours m’ont appris qu’avoir un corps d’ange n’avait pas comme seul avantage l’utilisation de la magie.

Je suis déjà plus rapide, plus fort que la grande majorité des humains, et celui-ci ne fera pas exception.

Sauf qu’il fait exception. D’un grand mouvement, il m’évite, se projetant sur le côté avec une dextérité et des réflexes incroyable. Je parviens à peine à m’arrêter, mais je me mets entre lui et la fille, et me redresse, prêt à reprendre le combat.

Au même moment, alors qu’il est occupé à me dévisager, l’autre jeune fille s’élance à son tour, et lui plante par surprise sa matraque dans les côtes. Il se raidit, et je peux discerner les petits arcs électriques parcourir son corps.

En quelques mouvements, il s’éloigne encore plus de nous, esquivant nos deux attaques, et finalement, moins d’une dizaine de secondes plus tard, se retourne brusquement et part en courant à une vitesse bien trop grande pour être humaine.

J’hésite à partir à sa poursuite, mais j’ai l’impression qu’il va plus vite que moi, et si il est allié au démon, il pourrait être en train de me conduire dans un piège. Je préfère donc rester ici, avec les deux filles.

Je me retourne vers la victime de cette attaque, qui s’est effondrée en pleurs sur le sol, après que l’autre l’ai relâché. La deuxième fille est déjà à ses côtés, la réconfortant. Je décide de rester en retrait pour ne pas les gêner, tout en gardant l’œil ouvert, prêt a un éventuel retour de l’homme, qui risque en plus d’être avec des amis.

Après un petit temps, les deux filles se relèvent. Celle qui s’est battue à mes côtés ramasse sur le sol son taser, qu’elle avait laissé tombé, et le range dans un sac, que je n’avais même pas remarqué jusqu’à maintenant. Elle se tourne vers moi, un petit sourire sur les lèvres.

Elle me fixe et prends la parole d’une voix douce tranchant totalement avec le comportement agressif qu’elle avait lors du combat.

-Merci de ton aide.