Mes yeux s’ouvrent, et les ténèbres ne se dissipent pas. Pendant quelques secondes, je panique, me demandant où je suis, et pourquoi je ne vois rien. Ma respiration s’accélère alors que quelques sons étouffés tente de sortir de ma bouche. Ma gorge est sèche et ma voix rauque. Je sens sur ma peau le contact d’un vêtement, presque un drap, recouvrant mon corps. Je lève difficilement une main, tout mes muscles douloureux, et mon dos torturé par la sensation de l’endroit sur lequel je repose, qui n’est certainement pas un matelas. Je finis par réussir à attraper le drap au-dessus de mes yeux, et l’écarte sans ménagement, le projetant presque sur le sol. En-dessous de celui-ci, je porte une simple blouse blanche de patient d’hôpital. Je suis dans une salle blanche, éclairée faiblement par la lumière atténuée de néons tremblotant tout autour de moi. Mes yeux s’accommodent difficilement à la luminosité, alors que je tente désespérément de comprendre ce qui m’est arrivé.
J’étais dans un bus avec mes potes, et on allait… où ? Je n’arrive pas à m’en rappeler. J’ai aussi fait ce rêve étrange avec des êtres bizarre. On avait parlé de… À ce moment, je suis frappé par la réalisation du sort de mes camarades. Ils sont… morts ? Je m’effondre une nouvelle fois, incapable de réfléchir aux implications de mon songe. J’ai une seule chose à l’esprit. Stefan, Ed, Louis, Fanny, Arthur, Claire… Ils ont tous… disparus. Ils sont partis. À tout jamais.
-Non… non… non !
Je me lève péniblement de mon lit arrachant au passage les seringues plantés dans mes bras, et certains de mes pansements. Plusieurs voyants virent au rouge sur le petit ordinateur installé à côté de moi, et une petite alarme commence à sonner. Des gouttes de sang viennent éclabousser le carrelage impeccable de cette salle d’un blanc aussi pur, et je m’effondre à moitié, alors que la douleur revient, et avec elle, les souvenirs de ce moment fatidique. Je me souviens du bus qui s’était arrêté au milieu de la route, du chauffeur qui s’était effondré sous mes yeux, son corps large presque découpé en deux par une épée large ensanglantée. Les cris, les pleurs, les portes du bus qui refusaient de s’ouvrir et tout les autres qui se faisaient massacrer, comme de vulgaires bêtes, tout autour de moi. Ceux qui avaient tentés de répliquer. Deux de mes amis, Louis et Ed, s’étaient jetés sur l’être. Enveloppé dans une cape pourpre duquel ne dépassait qu’un masque blanc, sans yeux ou bouche, celui-ci progressait méthodiquement, plantant son épée de manière bien trop calme et calculée dans les corps des jeunes lycéens, s’assurant bien de leur mort.
Lorsque mes deux amis l’ont attaqué, il les a rejetés violemment vers l’arrière du bus, où ils ont percuté les vitres arrières dans un grand fracas. Dans la panique, je me suis jeté sur une des boites contenant un marteau pour briser les vitres du bus, j’ai saisi l’objet, alors que le monstre continuait à avancer, silencieusement, et que tout les autres s’effondraient dans la douleur et les cris. Tout autour de nous, plusieurs alarmes résonnaient, ajoutant toujours plus de chaos. Une voix robotique, presque surréelle, décrivait les nombreux problèmes des systèmes du bus. Les coups étaient si puissants qu’ils tranchaient sans ralentir un seul instant à travers les sièges des fauteuils. Il était déjà arriver à la moitié du bus, et les gens commençaient à pousser vers le fond, s’éloignant de toute issue. Stefan, mon meilleur ami, s’était mis à côté de moi, et empêchaient les gens de trop me bousculer. J’ai saisi le marteau, et j’ai frappé de toute mes forces sur la vitre, qui affichait une image montrant qu’il s’agissait d’une vitre brisable. Sous la puissance de l’impact, ma seule issue m’a échappée des mains, et est tombée sur le fauteuil au dessus duquel je me tenais. Mes yeux se sont écarquillés alors qu’une sensation de désespoir s’emparait de plus en plus de mon esprit. Au moment où le marteau avait touché la vitre, un espèce de flash sombre m’avait aveuglé. Il avait repoussé mon coup, et la vitre était resté intacte, comme intouchée.
Les quelques personnes, qui, dans leur panique, m’avait vu essayé de briser la vitre et s’était amalgamés autour de moi me fixèrent tous pendant une fraction de seconde, leur colère, leur haine, leur désespoir et leur peur me transperçant, comme autant de lames plantées dans mon corps. Et à ce moment, l’épée longue s’abattit. Et plusieurs personnes s’effondrèrent, dans des cris de peur et de douleur, implorant la merci du démon qui nous surplombait. Mais son bras ne faiblit pas, et les coups continuèrent de pleuvoir. À partir de là, mes souvenirs sont confus, trop confus. Je me souviens de Stefan hurlant, prenant le marteau dans ses mains, alors que je restait immobile, acceptant mon destin. Je me souviens du bruit des sirènes de la police, et du moteur des drones se rapprochant à toute vitesse. Je me souviens de la douleur dans ma poitrine, alors que je m’effondrait, que cette épée sanguinaire réclamait une nouvelle vie.
En levant ma main jusqu’à la poitrine, je sens immédiatement une irrégularité sur ma peau, une longue ligne qui ressort, et la douleur qui vient avec mon toucher. Je réussis à baisser mon regard, malgré les larmes qui coulent maintenant à flot sur mes joues, et je voit, à l’emplacement de mon cœur, une balafre blanchâtre, pas encore complètement cicatrisé.
Je m’effondre une nouvelle fois sur le sol, alors qu’une douleur insoutenable et un chagrin gigantesque viennent s’abattre sur mes épaules, et un voile opaque recouvre mon champ de vision, transformant cette salle faiblement éclairé en un abyme de ténèbres.
Je m’évanouis.
* * *
Je rouvre les yeux une nouvelle fois. Je remets quelque seconde à me souvenir de ma situation. Je suis de retour sur le lit. Cependant, cette fois rien ne recouvre mes yeux, et quelqu’un se tient à mes côtés. Un vieil homme doté d’une longue barbe blanche, un de ceux qui se tenait devant moi dans mon étrange rêve de la nuit précédente.
Celui-ci remarque rapidement que mes yeux sont ouverts, et se penche pour saisir une bouteille d’eau située à côté de la chaise sur laquelle il est assis. Il me la tend.
-Prends, tu dois avoir soif.
Les premiers mots que j’entends de la bouche de cette homme, hors de mon rêve. Sa voix semble maintenant, dans le monde réel moins éthérée, moins mystique. Je lève ma main, hésitant, mais toute la douleur que je ressentais lors de mon dernier réveil semble avoir disparu. Je prends la bouteille, et la vide rapidement, humidifiant enfin ma gorge et ma bouche. En même temps, je me redresse de mon lit, et je jette un nouveau coup d’œil à ma poitrine, encore à moitié recouverte par une blouse blanche. Ma blessure, qui été à peine refermé seulement quelques minutes plus tôt, où au moins c’est l’impression que j’en ais, à maintenant l’air d’avoir plusieurs années. Je passe ma main sur mon torse, et la ligne semble s’être adoucie, je peux à peine la sentir lorsque je promène mes doigts sur la cicatrice.
Je lève les yeux vers l’homme, qui me regarde faire silencieusement. J’hésite une poignée de secondes avant de prendre la parole.
-Mon rêve… Ce n’était pas un rêve, c’est ça ?
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Il arbore un petit sourire immédiatement et me répond sans perdre son calme.
-Comme je te l’ai dit à ce moment là, c’était bien ton rêve. Mais encore une fois, est-ce si important ?
Un nombre incalculable de questions se bouscule dans ma tête. Si cet homme existe bien, alors tout ce qu’ils m’ont dit dans mon rêve est vrai ? Ces histoires d’ange, de démon, et tout le reste ? Et où suis-je, d’ailleurs ? Où sont mes am…
-Dans ce cas, mes amis sont vraiment… ?
Je demande, d’un ton hésitant, ma voix rauque et désespéré, alors que je connais déjà la réponse à cette particulière question. L’ange me répond de sa voix douce et tranquille.
-Malheureusement oui, Nils. Ce qui est arrivé à tes amis s’est bien déroulé. Mais ne t’inquiète pas à propos de ça. Je te jure de faire tout en mon pouvoir pour venger leur mort. D’ailleurs il faudra que tu me raconte ce qui s’est passé, quand tu sera prêt, évidemment.
Une nouvelle fois, des larmes humidifient mes joues. Je sais qu’il est possible que l’ange soit celui qui a provoqué la mort de mes amis, mais je rationalise en repassant les souvenirs dans ma mémoire, et quelque chose attire mon attention. Cet éclat de lueur noir lorsque j’ai abattu le marteau… Ça doit être de la magie démonique ! En tout cas ça ne ressemblait pas à de la magie angélique, donc j’imagine que j’ai choisi le bon camp.
D’ailleurs, cette histoire de magie me perturbe aussi, et je ne peux m’empêcher de reprendre la parole.
-Donc, ça veut dire que je peux… faire de la magie ?
Ma voix est toujours un peu tremblotante, mais la tristesse et le désespoir laisse place à une trace d’espoir.
L’homme hoche la tête, son sourire apaisé toujours plus large sur son visage.
-Oui, Nils. Enfin tu ne peux pas encore, mais je vais faire en sorte de t’entraîner aux arts magiques, et si tout se passe bien, d’ici quelques décennies tu seras un excellent magicien.
-Quelques décennies ? Attendez, vous êtes immortels ?
-En réalité non, mais nous avons une durée de vie bien plus longue que celle des humains. Cela implique cependant aussi un développement physique ralenti, et une tendance à la stagnation chez presque tout les membres de notre peuple.
Un peu secoué par les deux révélations, que je suis basiquement immortel et que je peux faire de la magie, je commence à imaginer toute les possibilités, l’étendue presque infinie de choses que je peut apprendre, découvrir, dans un tel laps de temps, et c’est vraiment incroyable. Cependant, j’ai l’impression de me distraire de la chose la plus importante. La mort de mes amis. Je me dois de les venger, de tout faire pour qu’ils obtiennent justice. Si les démons sont responsables, comme j’en ai l’impression, alors je dois devenir fort, m’entraîner et un jour tuer ceux qui ont causés leur mort. Si les anges sont responsables, alors je me jure à moi-même que je les vengerais de toute façon, même si ça inclut affronter ceux qui m’ont aidé.
Je ne peux pas me permettre de les oublier. Je les vengerais.
La porte se mit brusquement à briller en rouge à intervalles régulier, un signal classique pour prévenir une personne à l’extérieur, mais je ne peux m’empêcher de sursauter, alors que je suis encore à moitié perdu dans mes pensées.
Je jette un regard interrogateur à l’ange, alors que plusieurs questions dont je n’ai toujours pas eu la réponse refont surface dans mon esprit dissipé. Où suis-je ? Quand ?
Après un bref regard dans ma direction, Karel se lève, et marche devant la porte, avant d’appuyer sur la poignée calmement. Elle s’ouvre en silence en se repliant sur elle même. Je peux apercevoir de ma position deux hommes d’âge moyen, portant tout deux la même tenue, des chemises blanches sur des pantalons gris. Les deux hommes rentrent l’un après l’autre dans la pièce après que l’ange leur ait adressé un hochement de tête.
Ils s’approchent tout les deux de moi et le premier d’entre eux, un homme blond affublé d’une courte barbe blanchissante, commence à me parler d’une voix douce.
-Bonjour Nils, je suis Arkael, et voici Kiritael. Nous sommes les deux assistants de Karel, et nous allons t’aider à apprendre la magie, l’histoire et la science des anges. Si tout se passe bien, tu pourras un jour devenir un ange très important, et nous sommes là pour t’accompagner dans ton trajet.
-Mais est-ce…
Arkael me coupe brusquement la parole en m’envoyant un regard un peu sévère me signifiant que ce n’était pas à moi de parler. Il me donne vraiment l’impression d’un professeur un peu trop sévère, ce qui me pousse à me méfier un peu de lui.
-Comme je disais, nous t’accompagnerons dans ton trajet. Tu as beaucoup de choses à apprendre, et ça prendra plus que quelques heures, mais je peut déjà répondre à quelques unes de tes interrogations.
Je me prépare à reprendre la parole pour formuler ces interrogations, mais je me ravise en le voyant continuer sur sa lancée.
-Pour commencer, tu n’es pas le seul jeune ange, et tu rencontreras bientôt plusieurs camarades, tous d’à peu près ton âge, au moins mentalement. Ensuite, nous sommes maintenant à Valiute, dans un QG plutôt secret des anges dans la ville. C’est ici que sont rassemblés tout les jeunes anges francophone depuis un certain temps déjà. Ici, vous êtes entraînés, élevés et préparés aux dangers du monde magique.
Le nom de cette ville, Valiute, me dit fortement quelque chose. Je crois que c’est une ville du nord de la France, près de Lille. C’est une assez grosse ville, mais je n’y suis jamais allé. Le cours de mes pensées est cependant encore une fois interrompu par le discours d’Arkael.
-Je serais donc chargé de t’apprendre les sciences, magiques et non magiques, Kiritael sera chargé de l’histoire de notre monde, et Karel vous apprendra, à toi et à tes camarades, la magie angélique.
Après avoir attendu quelques secondes pour vérifier qu’il avait bien fini, je reprends la parole.
-Et ma famille ? Mes parents ? Que vont-ils devenir ? J’ai le droit de les voir ?
Arkael et Kiritael échangèrent un regard un peu hésitant, puis se tournèrent tout deux vers Karel. Celui-ci se rapprocha à nouveau de moi et posa une main sur ton épaule.
-Je suis désolé, Nils, mais tu ne pourras pas revoir tes anciennes connaissances, en tout cas pas durant ton entraînement. Pour tes parents, tu as disparu de ton lit d’hôpital, et c’est la seule chose qu’ils sauront de toi.
-Mais ils vont s’inquiéter ! Me chercher ? Et s’ils me voient ? Où que quelqu’un me reconnaît ?
Karel hoche la tête et me réponds rapidement.
-Nous avons… interféré… avec tes parents, pour faire en sorte qu’ils ne te cherchent pas. Ne t’inquiète pas, rien de grave ou de permanent, juste histoire d’être sûr que tu pourras vivre en paix ici. Cependant tu as quand même interdiction de les rencontrer. Mais nous parlerons de tout ça plus tard. Maintenant que tu vas un peu mieux, il est temps pour toi de rencontrer tes camarades. Ils attendent en-bas. Je te laisse quelques affaires pour te préparer, et tu pourras nous rejoindre quand tu seras prêt.
Sur ces mots, Kiritael et Arkael quittent la salle, suivi par Karel, après qu’il ait murmuré quelques mots dans sa barbe et agiter sa main, ce qui fait apparaître sous mes yeux, dans une pile parfaite à côté de mon lit, des habits.
Une fois seul, je me lève rapidement pour regarder ces habits, ressemblant étrangement à un uniforme universitaire mais repeint en blanc par quelqu’un avec un sens étrange du style . J’enlève ma blouse et m’habille en quelques secondes, en essayant de détourner mon esprit de toute les choses que l’on vient de me révéler. Une fois habillé, en finissant de fermer les boutons de ma chemise, je m’assois sur mon lit, et décide de respirer un grand coup avant de quitter cette salle.
Je suis prêt.