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Chapitre 2 : Les Anges

Je descend en quelques pas un long couloir vide, marchant silencieusement sur la moquette douce, et passant devant plusieurs portes fermés, toutes identiques à celle donnant sur la salle d’où je suis sorti, avant d’arriver, au bout du couloir, devant une porte clairement différente, un peu plus imposante, et qui porte un petit écran affichant les mots ‘salle de réunion’ en majuscules. Je n’hésite pas longtemps avant d’ouvrir la porte, et de rentrer.

La salle est grande et luxueuse, tranchant avec l’ambiance médicale et vide de celle dans lequel je me suis réveillé. C’est un salon, et trois canapés sont placés en triangle au milieu de la pièce, centrés tout autour d’une petite table ronde en verre. De chaque côté de cette formation, des grandes tables rectangulaires entourées de chaises de bureau occupent la majorité de l’espace. Deux robot aspirateur se promènent silencieusement sur les tuiles blanches du carrelage, arborant le sigle FORGE, celui de la plus grande compagnie du monde. Je ne peux m’empêcher d’être un peu surpris du fait que même les anges utilisent cette technologie.

En face de moi, Karel m’attend silencieusement, assis sur une des chaises de bureau. Kiritael et Arkel ne sont pas dans la pièce, mais au milieu de celle-ci, tranquillement assis sur les canapés, mes ‘camarades’, comme Karel les a appelés, sont bien présents. Ils sont au nombre de cinq, et chacun d’entre eux porte le même uniforme que moi.

Ils se retournent tous vers moi quand je rentre dans la pièce. Il y a 2 filles et 3 garçons. La personne la plus à droite est un mec de mon âge, avec des cheveux blond, un petit sourire arrogant sur les lèvres alors qu’il me dévisage sans dire un mot. À gauche de lui, une fille brune avec des cheveux plutôt court, elle aussi de mon âge, lui murmure quelques mots à l’oreille en me jetant un regard détourné, probablement la cause du grand sourire de l’autre. Sur le canapé à sa gauche, un autre garçon, dont la barbe brune me suggère qu’il est un peu plus âgé, m’adresse lui aussi un sourire, mais bien moins condescendant et beaucoup plus accueillant. À côté de lui, une deuxième fille aux cheveux blonds sourit poliment, l’air un peu mal à l’aise. Le dernier membre de ce petit groupe, un jeune au crane rasé, me dévisage avec un air blasé.

J’hésite un peu avant de m’avancer, et je décide de les saluer.

-Bonjour, je m’appelle Nils.

J’essaye d’afficher un sourire confiant, alors même que je me sens encore mal à l’aise, et que je suis toujours en train d’essayer de comprendre ce qui se passe.

Le blond semble vouloir me répondre, mais Karel intervient avant qu’il n’ait eu le temps de prendre la parole, tout en pointant du doigt les cinq jeunes, en commençant par le blond.

-Et voici tes nouveaux camarades. Ce sont Valarion, Eliphaelle, Sekir, Elise et Antoine. Certains d’entre eux étaient, comme toi, des Changeurs, tandis que d’autre sont des fils et filles d’anges. Cependant, quel que soit votre vie passé, je voudrais commencer par rappeler qu’ici, vous avez tous le même statut. Vous êtes tous des anges, des combattants de la lumière, et rien d’autre.

Il s’interrompt quelques secondes pour lancer un regard appuyé à Valarion, qui détourne le sien.

-Tu n’as à obéir qu’à mes ordres, ceux d’Arkael et ceux de Kiritael, rien d’autre.

Karel s’arrête une nouvelle fois, le temps de transmettre le message à celui à qui il est destiné, Valarion. Puis reprend une nouvelle fois la parole en se retournant vers moi, cette fois un peu plus souriant.

-Pour ce qui est de ta nouvelle vie ici, ne t’inquiète pas, tu vas très vite prendre le rythme. Comme on te l’a expliqué tout à l’heure, tu es ici pour apprendre, apprendre à vivre avec les anges, à t’intégrer dans notre société, mais cet endroit est aussi un peu plus que cela. Tu fais actuellement, pour le dire simplement, ce que les humains appellent ces dernières années un service militaire. Normalement tu ne devrais pas avoir à te battre, mais en cas de problème, sache que tu pourras être impliqué dans des affrontements.

Je me fige, choqué par les implications de ce que Karel est en train de dire. Celui-ci remarque mon visage surpris, et juste avant que je ne prenne la parole, m’interrompt.

-Une question ?

Un peu pris de court, j’hésite quelques instants, avant de me décider de dire ce qui me tient à cœur.

-Comment ça, un service militaire ? Je croyais que vous étiez des milliers d’anges… Je ne pense pas être prêt à… ça ?

Karel me regarde droit dans les yeux, ne perdant pas un seul instant son calme.

-Effectivement, il y a de nombreux anges adultes qui adoreraient participer à une guerre contre les Ténèbres, cependant, si un combat global se déclenchait, on peut être sûr qu’en quelques heures, le monde entier serait au courant. Depuis le début de l’âge de l’information, c’est devenu de plus en plus dur pour nous de rester discret.

-Mais, ce n’est pas exactement ce que vous voulez, que tout le monde sache que vous existez ? Pourquoi ne pas se révéler, dans ce cas ?

-Encore une fois, c’est un peu plus compliqué que ça. Nous voulons certes être reconnu par les humains, mais aussi les guider. Nous n’avons plus assez d’influence sur les gouvernements actuels, et ils ne nous écouterons pas, car ils sont tous influencés par les démons pour laisser leur monde dépérir. Si nous nous révélons aujourd’hui, nous nous retrouverions en guerre contre tous, humains et démons. Et quand à la raison pour laquelle toi, et les autres jeunes anges sont notre principale force de combat, c’est un traité que nous avons signé après notre dernier affrontement avec les démons, qui régularise un peu nos conflits.

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Il se tait, et je sens en lui une certaine colère, sans doute envers les démons, ainsi qu’un ressentiment. Le blond, Valarion, profite de ce silence pour donner son avis sur le sujet.

-De toute façon, tout ça sera bientôt réglé, et on sera enfin débarrassé de ces salauds de démons !

Karel jette un regard clairement partagé entre son envie d’encourager le jeune ange, et celle de le réprimander pour être intervenu, et décide finalement de choisir la première option, sans doute encouragé par les acquiescement silencieux de deux des autres jeunes, Eliphaelle et Elise.

-J’espère bien. Mais ne nous excitons pas trop, ces monstres sont puissants, eux aussi. Bon, je vous laisse faire des présentations un peu plus détaillé, je vais rejoindre vos deux autres professeurs. Et cet après-midi, vous êtes libérés. Sauf toi, Nils, tu me rejoindras en salle de travail, je compte bien t’apprendre rapidement les bases de la magie angélique, cela devrait te permettre de rattraper un peu ton retard.

Un cours, alors que je viens à peine de sortir d’un coma ? On dirait bien que cet endroit n’est pas beaucoup plus sympa que mon lycée. Mais la magie angélique, ça semble quand même un peu plus intéressant que la plupart de mes cours normaux.

-D’accord monsieur.

Après avoir attendu ma réponse, Karel sort de la salle par la porte derrière moi. Pendant quelques secondes après son départ, les autres jeunes et moi-même nous nous regardons dans le blanc des yeux , attendant que quelqu’un ne prenne la parole. Je m’apprête à le faire lorsque Valarion me vole l’opportunité.

-Bien, vu que personne ne veut le faire, je vais m’en occuper. Bonjour, Nils, bienvenu parmi nous. Je m’appelle Valarion Valyster, je suis, contrairement à toi, un ange pur, né de l’union sacré d’un archange et d’une ange. Que les choses soient bien claires, tu n’es pas comme moi, tu es, et seras toujours, inférieur. Donc je te conseille d’écouter ce que je dis, et de ne pas faire d’histoire, d’accord.

Un peu désarçonné par l’agressivité apparente de l’ange, qui méritait bien la petite leçon de Karel, même s’il ne semble clairement pas l’avoir écouté, je ne peux m’empêcher de le remettre à sa place.

-Je ne sais pas qui tu es, et qui tes parents sont, et je m’en fous. Je ne compte pas m’incliner devant toi, ni devant personne.

Surpris par ma réponse acerbe, Valarion blêmit, cherchant clairement une réponse, mais un autre ange, Sekir, lui ôte sa chance de répliquer en prenant la parole à son tour.

-Et tu as bien raison. N’écoute pas Valarion, il fait son petit numéro à chaque fois. Je suis Sekir, je suis aussi le fils de deux anges, mais je ne partage pas exactement la vision du monde de l’autre idiot. Ravi de te rencontrer, Nils.

Sur ces mots, Sekir me tend la main, et je répond à son geste. Après cette poignée de mains, Valarion finit par regagner suffisamment son assurance pour répliquer.

-C’est ça, Sekir, fraternise avec les Changeurs, traître à ton sang ! Un jour, on aura plus à supporter tout ces gars, vous verrez bien !

Toujours énervé, le blond se lève et quitte la salle en tapant des pieds comme un enfant capricieux. Il claque la porte derrière-lui, laissant toutes les personnes encore présentes visiblement choqué par son action immature.

La fille qui lui murmurait à l’oreille lorsque je suis entré dans la pièce, Eliphaelle, est la plus choquée de nous cinq, et elle se lève rapidement pour aller à sa poursuite, prenant juste le temps de lancer un regard furieux à Sekir, avant de murmurer quelques mots entre ses dents.

-Il a bien raison, traître.

Le silence retombe à nouveau après son départ de la salle, mais il est de nouveau brisé par l’intervention d’Elise, la deuxième, et dernière, fille de cette troupe d’ange, qui semble avoir remarqué mon air un peu désolé du comportement des deux autres.

-Ne t’inquiète pas, ils ont fait quasiment la même chose quand je suis arrivé.

-Super ambiance !

Je lui répond, tentant de rendre la situation un peu plus légère avec un peu d’humour. Elle sourit, et reprends la parole.

-Ça va s’arranger, il finit toujours par s’en remettre. Au fait, je suis Elise, une Changeuse devenue ange, comme toi. Et la fille qui vient de partir en courant derrière Valarion, c’est Eliphaelle Lyaé, autre ange ‘pur’, comme elle se présente normalement. Elle n’est pas aussi… euh, stupide ? qu’elle en a l’air. Je suis ravie de te rencontrer moi aussi, bienvenue chez les gentils !

-Et je suis Antoine, un Changeur aussi. Bienvenue.

-Eh bien, ravie de vous rencontrer aussi. Mais si vous êtes des Changeurs tout les deux, ça veut dire que vous aussi, vous avez vécu un… événement ?

J’ai honnêtement un peu besoin d’une réponse à cette question. Je veux savoir pourquoi j’ai perdu tout mes amis, tout ces gens, que je connaissais depuis tant d’années.

À ma question, Elise évite mon regard, et je vois une larme briller dans ses yeux perdus dans le vide , probablement retournée dans le souvenir qui l’a faite Changer. Antoine, lui, se contente de me fixer silencieusement. Sekir se balance d’un pied à l’autre, clairement gêné de se retrouver dans cette conversation, lui qui n’est pas un Changeur.

Me rendant compte du mal que je viens de causer en posant cette question presque sans réfléchir, je reprends la parole.

-Je suis désolé, je ne voulais pas… c’était une question stupide.

En les voyants revivre leurs Changements, je ne peux m’empêcher de repenser au mien, à ce bus horrible qui alimentera plus que probablement mes cauchemars jusqu’à la fin de ma vie. Si seulement j’avais été plus fort, j’aurais pu les sauver ! Je sens une nouvelle fois une boule d’émotions bouillir en moi, la colère, la tristesse, le désespoir, tous s’accumulant et se renforçant, comme une bouteille trop agitée, sur le point d’exploser. Je sens mes yeux s’humidifier. Je baisse la tête, et une première larme se forme.

Non ! Je ne peux pas me permettre d’être faible ! Je vais devenir fort, le plus fort de tous. Je découvrirais qui est le vrai coupable, et je le tuerai de mes propres mains !

-Ne t’inquiète pas, c’est juste que… j’essaie de ne plus y penser. Et tu as souffert aussi comme nous. Un jour, tu verras, tes blessures guériront.

Après ces quelques mots, Elise, qui m’avait sorti de mon état de deuil prit mon bras d’un geste presque tendre et le serra doucement. Lorsque je leva mon visage, je vis dans ses yeux un miroir de mes sentiments, de ma colère. Malgré ses paroles, il semblerait qu’elle aussi n’ait pas encore surmontée son propre fardeau. Dans un espoir de la réconforter comme elle m’a réconforter, je lui rends son sourire amical, et pose ma main sur la sienne.

Nous portons la même douleur, dans un sens. La même peine, et avons dû tout deux, en fait non, même tout les trois, car Antoine a sans doute aussi vécu quelque chose de similaire, abandonner tout ce qu’on a jamais connu, après avoir été transformés par un événement douloureux.

Dans cette grande salle, au milieu de l’immeuble des anges, qui sont maintenant ma nouvelle famille, je me rends compte que je ne suis pas seul, que je peux partager le poids de mes pertes. Et même si certains d’entre eux semblent être des véritables enculés, j’espère pouvoir trouver en eux la force qui me permettra de continuer. Et j’espère aussi, plus que tout, avoir prit la bonne décision, et ne jamais devoir les affronter.

En attendant, je dois devenir plus fort. Et ça commencera avec l’entraînement de Karel.