Novels2Search

Chapitre 3

Chapitre 3 :

Zéfirin :

J'attendais depuis longtemps, tellement longtemps. Les jambes recroquevillées sur ma poitrine.

Ils s'étaient fait déchiqueter. Les membres arrachés. Je sentais l'odeur âcre du sang, leur sang. Le sang de mes camarades de classe.

J'étais terrifié.

Je perdis connaissance, sûrement à cause de la douleur et de l'angoisse.

Je ne voyais rien. Tout ce que je percevais était le bip régulier d’une machine sûrement à côté de moi. J'étais totalement désorienté. J'avais les yeux ouverts, j'en étais sûr, mais je ne voyais rien. Voulant vérifier si j'avais les yeux fermés ou bien si quelque chose bloquait ma vue, je relevais le bras mais il fut bloqué. Des menottes. On m'avait attaché. Je commençais à paniquer. Je me débattais comme un fou, sans pouvoir me détacher.

Des personnes arrivèrent en courant pour retenir mes jambes.

Je hurlais.

- Calme-toi, cria une femme.

- Lâchez-moi ! Lâchez-moi, hurlai-je.

- Appelez la sécurité, on a besoin d'aide ! On a besoin d'aide !

- Détachez-moi ! Détachez-moi !

Toujours aveugle, je hurlais : « détachez moi ! » jusqu'à ce que quelqu'un m'injecte un calmant. J'étais vaseux, et quand une personne attrapa ma tête, je ne pus réagir.

Elle poussa sur ma paupière pour bien dégager mon œil et fit de même de l'autre côté.

- Ses pupilles ne réagissent toujours pas, dit un homme.

- Zéf ! Zéf ! Tu m'entends ?

Je reconnaissais la voix de ma mère qui criait.

- Maman, demandais-je. Maman, je vois rien ! Maman !

- Chut, du calme.. Pourquoi il ne voit rien?

- Je ne sais pas, il a dû tomber et prendre un coup sur l'arrière de la tête… répondit un homme.

- Je suis où ?

- À l'hôpital chéri…

- Hein ?

Ma mère m'expliqua que la police m'avait retrouvé dans le parc, inconscient et en piteux état. À quelques mètres de moi, on avait trouvé trois corps. Les trois corps de mes camarades. Jessica, William, et Sofiane étaient bel et bien morts. Elle me dit que la police voulait m'interroger, mais les médecins avaient refusé de les laisser m'approcher tant que je n'étais pas totalement remis. Ce fut alors avec une grande joie et beaucoup d'entrain que j'entamais une convalescence forcée par les médecins et par ma mère.

Je m'endormis difficilement, les images de la veille, de mes « amis » qui hurlaient de terreur, le son des os qui se brisaient, de la chair qui se déchirait, des lambeaux de peau suintants qui tombaient au sol, les crocs des créatures s'enfonçant dans leur corps, et claquant dans le vide… Ces affreux cauchemars revinrent en boucle toute la courte nuit.

Je me réveillais en sueur le lendemain, plus fatigué qu'autre chose. Effectivement, je n'avais pas passé une très bonne nuit… Dès que je fermais les yeux, je les revoyais. Tous.

Je restais 8 jours à l'hôpital :

Le premier jour, on me fit des examens complets, et je pûs faire la rencontre de ma psychologue et de mon psychiatre. Je dus leur parler pendant des heures et des heures de cette nuit-là, et de mon «traumatisme». Des heures à raconter et revoir les horreurs que je voulais oublier à tout prix . Des heures à me remémorer chacun des détails effroyables, chaque heures passées au parc, chaque minutes à être terrifié, chacune des secondes fatales. Des heures à raconter ça : cette sensation de n'être rien, sinon une proie au milieu des prédateurs ; heures après heures, minutes après minutes, secondes après secondes…

Plus ça allait, et plus on me demandait de détails, mais j'en avais déjà tellement donné que je voyais mal quoi ajouter, si ce n'est que j'appuyais sur le fait que je ressentais cette sensation étrange de n'être rien, qu'un imposteur à tout le reste, qui ne servait à rien…

Tellement étrange. J'avais d'autres, comment dire ? Sentiments ? Mais je les ai gardés pour moi car les médecins me considéraient déjà comme un fou, je ne voulais pas aggraver les choses.

Est-ce que ça vous est déjà arrivé d'apprendre ou de vous rendre compte de quelque chose qui change totalement votre façon de percevoir le monde, tout le monde ?

Je pourrais dire que moi, oui, quand j'ai entendu ces choses attraper mes compagnons, j'ai comme pris tout à coup conscience que l'homme, l'espèce humaine, n'est rien, on se force à ignorer les choses qui dépassent l'entendement, ces choses qui ne peuvent s'expliquer par la science, ces choses classées dans le « paranormal ». Ces monstres, ces créatures, ou appelez-les comme vous le voulez, ils sont réels, et bien supérieurs à nous, pauvres humains, tellement plus inférieurs. Nous ne sommes bons qu’à se créer des cases dans lesquelles tout doit rentrer sous peine d'y être forcé. Dans un cadre qui nous sert à ne pas regarder la vérité en face. S'il n'y avait ni cadre ni case dans lesquelles rentrer, personne ne serait « bizarre ».

Enfin, il y avait une part de moi qui s'efforçait de me dire que le surnaturel, la magie, les créatures fantastiques et caetera existent, et une autre qui me criait de ne pas y croire, qu'il y avait forcément une explication logique à tout ça...

Mon esprit se déchira ainsi pendant une semaine.

Durant cette semaine, les infirmières commençaient à ragoter sur moi. Un jour, j'ai entendu l'une d'entre elles dire à une autre :

- Il est quand même mignon le gars de la 316.

- Ouais, j'aime bien les blondinet aux yeux verts. En plus, il est bien bâti.

- Mais il est un peu jeune.....

- Comme on dit l'amour n'a pas d'âge, répondit l'autre en soupirant.

- Et la prison a des barreaux.

If you find this story on Amazon, be aware that it has been stolen. Please report the infringement.

Après avoir surpris cette discussion, j'ai demandé à ce que l'on me change de chambre en sortant des excuses bidon et en espérant avoir d'autres infirmières. Tout ce charabia porta ses fruits puisque non seulement j'avais eu une chambre plus grande, mais j'étais tombé sur une petite, jeune, et charmante infirmière assez timide. On aurait dit moi-même en fille - et avec mon caractère.

Dès le premier jour une sorte de respect mutuel s'était installé entre nous sans que je ne puisse expliquer pourquoi.

Quand elle venait voir l’amélioration de ma vue, on discutait un peu de tout et de rien. Elle m'écoutait, et commentait parfois mes récits. Avec elle, j'avais l'impression de pouvoir tout dire, que dans tous les cas elle me comprendrait. Et elle avait compris comment me vider la tête et me changer les idées.

À la fin de la semaine, la jeune infirmière vint dans ma chambre. Elle déposa un paquet sur le bout de mon lit.

Il était écrit :

“pour Zéfirin

de Ary”

- Tu t'appelles Ary ? demandais-je.

- Oui.

- C'est un beau prénom.

- Merci, murmura-t-elle en détournant le regard. Tu veux bien m'attendre pour l'ouvrir, j'en ai pour 10 minutes ?

- Oui bien sûr. Je me change et je t'attends, de toute façon ma mère n'arrive que dans une demi-heure, trois quarts d'heure…

- Ok, à tout de suite.

Je relevais mes couvertures et m'assis sur le rebord du lit, je me redressais péniblement. J'attrapai la pile de vêtements déjà prête et l'enfilais. J'étais maintenant vêtu de mon ensemble gris de survêtement adidas. J'allais mettre mes chaussures, mais je me dis que je serai plus à l'aise en chaussettes en attendant ma mère. Ensuite, je m'assis en tailleur pour attendre Ary.

Après quelques minutes, elle apparut dans l'embrasure de la porte. Elle avait l'air totalement différente : elle portait un slim blanc troué partout qui remontait juste sous le nombril avec un crop top vert kaki moulant et elle avait détaché ses cheveux pour les laisser former une auréole autour de son visage. L'ensemble me faisait redécouvrir Ary, avec sa blouse je n'avais jamais vraiment vu à quoi elle ressemblait vraiment, mais là… Le blanc et le vert faisait ressortir son teint doré, elle portait aussi de petite pierres émeraude en boucles d'oreilles. Ensuite, son visage, ovale et doré était fait de sourcils épais bien dessinés bruns, une bouche charnue rosée, un nez fin qui remontait légèrement au bout, et enfin : ses yeux, ils avaient une forme d'amande et de longs cils très noirs les parfaisaient puis, la chose la plus attirante sur son visage : ses iris pomme et quelques pointes de orange autour des pupilles.

Je crois que Ary avait remarqué que je la fixait depuis un moment puisqu'elle s'assit vite et rougit.

- Ah, eum… J'aime bien ton… pan… pantalon, expliquai-je maladroitement.

- Oh, j'aime bien ta tenue aussi, même si je préfère Nike, répondit-elle pour essayer de me mettre à l'aise.

- Ha ! Merci… Bon alors le…

- Le cadeau, oui.

Elle attrapa le petit paquet sur mon lit et me le tendit gênée.

- Tiens, c'est quasiment rien mais…

- Non ! C'est déjà trop gentil de m'avoir préparé quelque chose !

J'attrapai dans ses mains le paquet et le regardai attentivement entre mes mains. Je sentais, je ne sais quoi émaner du cadeau. Et je ne saurais pas dire si c'était positif ou négatif. Ary me lançait un regard interrogatif, elle devait se demander si elle avait fait le bon choix.

Avec un peu d'hésitation, je déchirais le petit paquet et tombai sur un cordon noir, je l'extirpai et découvris une pierre polie noire ovale, grande d’un centimètre environ. J'étais surpris par la profondeur et l'intensité du noir de la pierre.

- C'est de l'onyx… dit Ary en remarquant mon étonnement. Elle sert à renforcer l'estime de soi, la confiance, et améliorer le contrôle de soi-même. Je pense que ça pourrait t'aider… Enfin, si tu ne l'aime pas, tu n'es pas obligé de le mettre !

- Non, je t'assure je l'aime beaucoup ! Pour tout te dire, il y a quelque chose de cette pierre qui m'attire… Je vais le porter tout le temps !

- Vraiment ?

- Bien sûr !

- Tu me promets de le porter quoi qu'il arrive, me demanda-t-elle soudain comme si la survie du monde en dépendait.

- Oui, si tu veux oui, je te le promets.

- Merci.

J'ouvris l'attache du collier et le passais autour de mon cou mais j'avais beau contorsionner les mains, impossible de refermer le collier…Je relevais la tête vers Ary, elle contemplait mon incapacité à fermer mon collier avec compassion.

- Tu as besoin d'aide ?

- Euh… Oui.

La jeune fille s'avança vers moi et se pencha tendant le bras droit et exposant une bonne partie de sa poitrine, avant d'en voir plus -en réalité, je n’avais rien vue-, je la repoussai brusquement en détournant la tête.

- Euh… Vaut mieux que tu passes derrière moi, dis-je gêné, je sentais mon visage rougir.

- Oh, euh… D'accord…

Elle se releva , contourna le lit et s'agenouilla derrière moi, je sentais son souffle chaud sur mon cou, ses doigts fins attrapèrent l'attache et me chatouillèrent la nuque. Elle était tellement près de moi. Peut-être même un peu trop près… Une question coupa court à mes pensées.

- Tu veux que je le resserre plus ? me demanda-t-elle.

- Oh, euh non merci, ça va. Enfin, si peut être un peu…

Elle se remis à triturer mon collier, quand elle eût fini, la jeune femme vint se rassoir à côté de moi et me dit avec franchise qu'elle espérait vraiment que j'allait porter le collier. Je le lui assurais en plantant mon regard dans le sien. Nous restâmes comme ça quelques longs instants, jusqu'à ce que ma mère débarque dans la chambre – largement en avance.

Le contact se brisa d'un coup sec, comme un fil qu'on casse.

Ma mère arriva comme une furie devant moi sans faire attention à la présence d'Ary et de ce qu'il se passait avant qu'elle n'arrive.

- Ça y est ! Tu vas enfin pouvoir rentrer à la maison ! Ton père ne faisait que de me casser les pieds à me demander quand tu allais rentrer !

Mon père ? Je regardais par-dessus l'épaule de ma mère pour l'apercevoir dans l'embrasure de la porte, il se tenait encore loin de moi. Mais il était là. Cet homme que je côtoyais à peine depuis ma naissance, il avait fallu que je sois aux portes de la mort pour qu'il daigne venir prendre de mes nouvelles. Je ne saurais dire si j'étais heureux de le voir, mais je ne crois pas… Les seules fois où je le voyais à la maison c'était quand il venait se reposer après des mois de travail, il buvait et buvait encore, à la limite du comas éthylique. Une fois, quand je devais avoir dix ou onze ans, il avait voulu m'emmener en vacances loin de chez moi. Dès le premier soir, j'avais dû appeler le SAMU parce qu'il avait perdu connaissance. Ma mère était venue me chercher et ramener mon père chez nous. Si jeune, devoir se débrouiller seul face à ça, c'était trop pour moi.

Dès qu'il proposait à ma mère de m'emmener quelque part seul avec lui, je faisais une scène pas possible à ma mère pour ne pas y aller. Je ne comprenais toujours pas pourquoi ma mère l'aimait encore… Pour moi, il n'était qu'une connaissance, à peine. Quand il revenait à la maison pour une semaine, je faisais mon maximum pour ne pas le croiser. De toute façon il n'en avait rien à faire de moi ou de ma mère, la seule chose qui le ramenait chez nous c'était l'argent de ma mère pour acheter de l'alcool.

Je regardais mon paternel d'un mauvais œil, je crois que Ary et ma mère le remarquèrent car l'infirmière s'excusa et partit en vitesse, et ma mère me dit d'enfiler mes chaussures, prit les affaires et se dirigea d'un pas pressé vers la sortie de ma chambre.

Ma vue était encore un peu bizarre, c'est comme si elle était trop nette, j'avais du mal à m'y faire et me pris quelques meubles, chariots et portes avant de quitter l'hôpital.

En arrivant devant la voiture de ma mère, mon père se dirigea vers un autre véhicule, un pick-up vert, je fus soulagée de voir que je n'aurais pas à passer les quarante-cinq prochaines minutes avec mon géniteur.

Je montais à l'avant de la vieille voiture, ma mère démarral'engin avec énervement. Visiblement agacée par mon comportement envers mon père elle me dit :

- Pourquoi t'es toujours comme ça avec lui ?

- Tu sais très bien pourquoi, bougonnais-je.

Elle ne répondit rien. Je me renfrognai dans mon siège en regardant la route.

- Tu sais, il a arrêté de boire… Et quand il a su pour toi, il s'est vraiment inquiété… C'est moi qui lui aies dit de venir, parce que je sais qu'il veut faire partie de notre vie, être plus présent… Pour toi…

- Ouais… C'est bien…

J'eus l'air plus désintéressé que je ne l'étais. En réalité, je pensais que ça pourrait aider ma mère… Et puis, quand il était sobre, Louis était un homme gentil. J'espérais que ce soit vrai, je voulais y croire. Vraiment. J'en avais besoin.

- Sinon, euh… Quand je suis arrivée dans la chambre tout à l'heure… J'ai interrompu quelque chose ?

- Quoi ! Non ! Pas du tout ! Ary m'aidait juste à mettre mon… mon collier, ma voix baissa au fur et à mesure que je me rendais compte de ce qui m'attendait.

- Tu as un collier toi ? Je ne savais pas…

- Non mais laisse tomber, c'est pas important.

-Oh! C’est son collier ! Un collier demi-cœur ! Oh! C’est meugnon !

-Non! C’est un cadeau pour ma sortie !

- Ouh... Un cadeau, dit ma mère en se tournant lentement vers moi en haussant les sourcils.

- Regarde la route, et arrête.

- Oui, oui...

Je soupirais fort pour qu’elle entende. Je passai le reste du chemin à éviter les regards lourds de sous entendu de ma mère.

_______________________________________________________________________________________________________________________________________________

Pour plus d’infos sur les personnages, et sur le livre, retrouvez-moi sur instagram @ghoul7.writer

Previous Chapter
Next Chapter