Chapitre 1 :
Quelques années plus tôt :
Point de vue : Zéphirin :
- Fait chier, fait chier, fait chier ! Merde... J’vais encore être en retard, m’écriai-je en courant le plus vite possible sur les pavés mouillés.
Il ne manquait que quelques rues à traverser et je serais arrivé ! Enfin ! J’étais devant l’académie des Arts. J’arrivai devant l’immense bâtisse avec mon sac tombant à moitié de mon épaule. Je remis vite mes cheveux et mes vêtements en place avant d’entrer dans le bâtiment vitré de haut en bas, et de long en large.
Pile à l’heure.
J’entrai dans le long couloir et filai dans les toilettes des garçons pour me changer et mettre mon uniforme bleu nuit et blanc.
Je rejoignis rapidement ma classe, et m’assis à ma place tandis que le professeur faisait l’appel.
- Zéfin... Zéfinin, Zéfi... essaya en vain l’enseignant.
- Présent, répondis-je sèchement en levant la main pour arrêter le massacre inutile de mon nom, comme depuis le début de l’année, à croire qu’il le faisait exprès.
Comme à leurs habitudes, l’ensemble de la classe fut hilare. Je me concentrais donc sur le fait de chercher mon cahier d’histoire dans mon sac, essayant de faire abstraction des moqueries autour de moi.
Les heures défilaient, pourtant, le temps me paraissait figé à la même scène :
Un professeur faisant cours à des élèves qui n’en avaient, pour la plupart, rien à faire...
Je griffonnais distrait, sur mon cahier pendant le cours de français. Quelques formes confuses se dessinèrent. Je fus sortis de ma rêverie par une boulette de papier qui m’arriva sur la tête.
Je l’attrapai et vis une lettre sur le côté, je dépliai alors la boule chiffonnée, et lu ce qu’il y avait été écrit :
Salut, tu voudrais venir avec nous ce soir ?
On va au vieux parc
Je me retournai en direction de là où je supposais que venait l’invitation. La bande d’idiots me regardaient en souriant de toutes leurs dents. Je secouai la tête en signe d’exaspération, et repris mes essais au brouillons.
Après une longue attente - deux heures-, la pause déjeuner arriva enfin. Les trois guignols m’accostèrent brutalement :
- Mec ! Pourquoi tu veux pas v’nir, me demanda un premier garçon.
- T’as peur avoue ! C’est ça, railla un autre rieur en papillonnant des yeux.
- Non, arrêtez avec ça, c’est bon là, répondis-je désobligé.
À cause de ces histoires à faire dormir debout, plus personne n’allait dans le vieux parc de peur que ces « histoires » soient véridiques. On avait aussi peur de croiser ces énormes chiens ou le fantôme d’une adolescente mutilée -on raconte qu’il traîne dans le parc et qu’il effraie les froussards qui s’approcheraient trop de l’entrée du parc.
Apparemment, le vieux square était populaire, et plein de touristes venaient voir le magnifique mur d’eau qui s’y trouvait. Mais un jour, un petit garçon de quatre ou cinq ans avait été retrouvé à moitié mort, il se serait trop éloigné de ses parents et aurait été attaqué par un chien errant. Suite à cet évènement, le parc a été fermé et plus personne ne voulait y aller, sauf les jeunes qui se lançaient des défis idiots, c’est à ce moment que des choses étranges ont commencé à arriver.
La sonnerie retentit pour arracher les élèves - et professeurs en retard- à leurs occupations, et tous nous rappeler aux cours. Je rejoignis ma classe qui se trouvait au second étage du bâtiment, au pas de course. La journée me semble interminable.
Le soir, je rentrai chez moi à pied car j’avais une nouvelle fois raté mon bus, profitant tout de même du soleil couchant d’hiver. Les températures commençaient doucement à baisser, je portais mon uniforme d’hiver avec un énorme sweat noir par dessus -sweat que je n’avais pas le droit de porter dans l’enceinte de l’académie car l’établissement est très sévère sur le port de l’uniforme, les standards de l’uniforme doivent être scrupuleusement respectés. Sur le chemin, je pris quelques photos du paysage merveilleux que m’offrait cette soirée.
Je rentrais dans ma petite maison le plus discrètement possible pour éviter ma mère, mais elle m’attendait déjà, d’un air décidé, dans la cuisine :
- Zef ? m'interpella-t-elle. Tu m’expliques pourquoi tu as séché ton cours de maths mardi soir, et pourquoi tu as raté ton bus aujourd’hui, encore ?
- C’est bon… En plus j’ai récupéré mon cours, répondis-je distraitement.
- Et alors ! Zef, tu m’inquiètes sérieusement ! T’es de plus en plus distant, et tu vas jusqu’à sécher des cours ! Qu’est-ce qu’il se passe, me demanda-t-elle en commençant à hausser la voix. Tu as tllemnt changé !
- C’est bon j’te dis, dis-je énervé. Vous m’énervez tous à me dire que je change je sais pas trop quoi ! Vous me faites chier !
- Zéphirin ! Me parles pas comme ça ! Attends, c’est pas ce que je voulais dire, commença-t-elle démunie face à ma réaction.
Je partis en claquant la porte. C’était chaque fois la même chose. A chaque fois il fallait me faire une remarque sur ci ou sur ça, à chaque fois j’avais ce sentiment qu’on me jugeait. Ce n’était que des petites choses, mais au fur et à mesure qu’on les accumule, ça devient énorme. Ce sentiment d’infériorité qui faisait naître une colère en moi. Ça s’entasse, comme un composte, on accumule les petits déchets, ça devient un énorme tas qui pourrit et fertilise pleins d’idées qui, mises ensemble, forment un amas de pensées plus noires les unes que les autres.
J’en avais assez de toutes ces remarques, qu’elles viennent de ma mère, de mes camarades de classe ou d’autres personnes ! J’en avais juste marre qu’on me prenne pour un moins que rien.
Énervé, je me rendis dans une petite supérette pas loin pour m’acheter un sandwich. Il était environ dix-huit heures trente quand je sortis du commerce, il me restait une petite demi-heure pour me rendre chez William.
Je mangeais mon sandwich en marchant lentement vers ma destination.
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Dans la précipitation de mon départ, je n’avais pas eu le temps de me changer ou même de prendre une douche. Je me dis qu’en enlevant ma chemise et en arrangeant mon pantalon, on ne verrait peut être pas que je ne m’étais pas changé. Je trouvai un petit coin où personne ne pourrait me voir, et enlevai mon pull et ma chemise que je mis dans mon sac de cours -relativement vide- que j’avais oublié de laisser chez moi. J’enfilai mon sweat à capuche et fis des ourlets à mon pantalon, il paraissait presque noir avec les ombres de la soirée. Ensuite, je détachai mes cheveux. Je les sentis retomber sur les côtés de mon front. Je cherchais mes lunettes dans mon sac, une fois trouvées, je les mis sur mon nez. J’espérais ne pas paraître trop négligé.
J’arrivai le premier chez William, les autres me rejoignirent peu après mon arrivée. En premier, ce fut Sofiane, plutôt grand et baraqué. Ses cheveux étaient bruns, noyés dans le gel pour les ébouriffer, il était métisse et ses yeux lui donnaient un air renfrogné presque en colère. Il portait un jean délavé, noir, et troué avec des Jordan rouges et un T-shirt Metallica couvert d’une veste en jean noire également. De taille moyenne pour un adolescent de 16 ans, il était tout de même un peu plus grand que moi.
Ensuite, ce fut William qui descendit de chez lui pour nous retrouver sur le trottoir. Lui, était plus petit que moi, un mètre soixante, soixante-dix je dirais. Il était frêle mais rapide, il arborait une mine de premier de la classe – sans vraiment l’être. Il était roux et avait des tâches de rousseurs sur les joues et le nez, des yeux marrons et d’affreuses lunettes rectangulaires. Il était vêtu d’un simple sweat marron et d’un jean troué assorti avec une paire de vieilles baskets usées.
La dernière personne à arriver fut Jessica alias “Jess”, je crois qu’elle l’avait fait exprès, comme à son habitude, car j’ai remarqué qu’elle aimait se faire désirer. Elle, elle était belle, et elle le savait, donc elle en profitait. Ce soir, on aurait dit qu’elle allait à une soirée plus que dans un parc abandonné et interdit, sûrement plein de ronces : la brune avait opté pour un débardeur noir moulant avec un décolleté digne d’un tapis rouge, assorti d’un slim gris, des bottes en faux cuir noires à talons compensés et une veste en cuir bordeau. Son visage me fascinait, il faut l’avouer, elle avait de grands yeux ronds verts pomme marbrés de vert émeraude, une peau pâle comme une feuille vierge et des cheveux ébènes -qui rendaient son teint encore plus pâle. Après s’être tous salués, nous nous dirigeâmes vers le parc. Je restais relativement silencieux pendant qu’eux spéculaient sur des soit disantes apparitions récentes des fameux “esprits”, ou encore des “chiens démons”.
À vrai dire, je n'étais pas vraiment rassuré à l’idée d’entrer par effraction dans un vieux parc qui avait été l'hôte d’affreux évènements, et qui, disait-on, abritait aussi des créatures paranormales. Non pas que je sois superstitieux, non, j’étais rationnel, mais des chiens errants, il était fort probable qu’il y en ait dans le parc, et franchement, je n'appréciais pas vraiment les chiens, grands ou petits, même mignon.
Donc, c'était peu rassuré que je pénétrais dans le vaste parking qui se trouvait en face de l’espace vert. Il y avait quelques barrières en ferrailles à l'entrée, certainement censées barrer le chemin aux curieux. Elles se fondaient dans les buissons sombres de ronces et d’arbustes. On ne pouvait pas voir au-delà de l’entrée.
- Les gars… Vous êtes sûrs que c’est une bonne idée, dis-je en voyant l’entrée du parc.
- Bah alors, on se dégonfle, me demanda William, moqueur, pendant que les autres se retournaient.
- Non, non, répondis-je, comme pour me convaincre moi-même, en vain.
Je savais pertinemment que ce n'était pas une bonne idée.
Mais voulant à tout prix faire bonne impression aux autres, je m'avançais vers l'inconnu. Un inconnu sombre et lugubre, dans lequel on pouvait percevoir le hululement d'une chouette. J'enjambai la barrière et atterris sur l'herbe haute qui m'arrivait aux genoux. Le vent s'engouffrait dans le creux formé par les arbres et les buissons entourant le parc. Il faisait tellement sombre que je ne voyais pas mes pieds. Je décidais d'allumer la lampe torche de mon téléphone. Je me retournai vers la bande d’amis qui m'avait amené ici.
- Vous venez ou pas, demandais-je sarcastiquement.
Ils sautèrent la barrière et me rejoignirent puis allumèrent, eux aussi, la lampe torche de leur téléphone. Nous commençions tout juste à marcher vers le centre du parc, lorsqu'un craquement nous arrêta. Je vis les visages de Sofiane et Jessica se décomposer.
Nous nous retournâmes, hésitants, vers la source du bruit, la lumière vive de nos portables éclairant un buisson. Nous ne vîmes rien que le buisson et l'herbe frissonnantes sous le vent. J'essayais tant bien que mal de cacher ma nervosité grandissante.
Après quelques minutes de mutisme à regarder le buisson, William fut le premier à bouger pour aller vers le fond du parc, où se trouvaient les jeux pour enfants. C’était aussi à cet endroit qu'avaient été retrouvées les deux victimes, mutilées et vidées de leur sang. Voyant que l'on ne le suivait pas, le rouquin s'arrêta et se retourna vers nous avec un regard impératif. Nous le rejoignîmes lentement, en traînant des pieds, peu enjoués et surtout effrayés, mais nous ne l’aurions jamais admis.
Je balayais anxieusement les alentours du regard, puis le ciel dépourvu de nuages.
Il était empli d'étoiles, aucun nuage ne venait gâcher cette toile magnifique. La lune, quant à elle, était imperceptible, on la devinait à peine lorsqu’ elle n'était pas éclairée par le soleil.
C'était la nouvelle lune. Sans la lumière de nos téléphones portables, on n’y aurait rien vu. C'est alors que l'une des petites lumières s'éteignit et un bruit sourd retentit. Tout le monde s'arrêta net. J’éclairai mes camarades pour voir qui il manquait. C’était Jessica.
- Jess, demanda Sofiane au bord de la crise de panique, le visage déformé par la terreur.
- Oui, c'est rien ! Je suis juste tombée parce que ma lampe s'est éteinte…. Je crois que je n'ai plus de batterie, répondit-elle.
La brune se releva et ramassa son téléphone, il n'avait manifestement plus de batterie. Nous reprîmes le chemin pour aller jusqu'à l'aire de jeu pour enfant, il devait nous rester une trentaine de mètres à faire, après on prendrait des photos et on s'en irait tranquillement. Nous continuâmes à avancer en se disant que les deux premiers incidents n'étaient que de pures coïncidences : « auto-persuasion ». Le problème c'est que ça ne marche que si tu y crois vraiment, mais il y avait une part de moi qui ne pouvait pas y croire…
J'avais toujours aimé le fantastique et les créatures incroyables. J'avais toujours aimé croire que, peut-être, sur cette planète, se trouvait une part de mystère incroyable et fabuleux. J'aimais y croire… Jusqu'à ce soir là.
Quand nous fûmes enfin arrivés à la balançoire avec le toboggan cassé, nous pensions que c'était fini, qu'on avait réussi.
On allait prendre un selfie de nous quatre sur la structure rouillée, donc William posa son téléphone dans l'herbe et mis un retardateur. Au moment précis où la photo fut prise, nous poussâmes une sorte de cri de joie. William alla récupérer son téléphone pour mettre de la lumière. Jessica, Sofiane et moi avions éteint nos lumières pour la photo, le rouquin regarda confus son téléphone.
- Euh… les gars, venez voir, it-il en affichant un air grave.
Je m'avançai à l'aveuglette vers le visage du roux illuminé par l'écran de son téléphone portable. En voyant la photo je fus paralysé de terreur. Nous étions tous les quatre, William et Sofiane derrière, Jessica et moi, grand sourire, fiers, seulement, au-dessus du grand brun baraqué il y avait une paire d'yeux réfléchissant la lumière, comme ceux d'un chien mais en bien plus gros. On pouvait distinguer très clairement une énorme gueule béante juste derrière la tête de Sofiane, prêt à la lui arracher.
Je regardais instinctivement autour de moi, Sofiane n'était plus là.
- Hé ! Vous avez pas vu qu'il était plus avec nous Sofiane, demandais-je en sachant pertinemment la réponse.
- Non…
- Moi non plus.
Je ne saurais décrire ce qu'il se passa à ce moment précis dans ma tête.
J'étais tétanisé, incapable de bouger, incapable de parler, incapable de respirer, les pensées se bousculaient, tout se mélangeait et s'entrechoquait. Je commençais à trembler. Une énorme gueule béante, des crocs gigantesques, des yeux de chien… mon cerveau ne voulait plus réfléchir, je ne contrôlais plus rien. L'air vint à me manquer quand, derrière Jessica s'éleva une masse monumentale à l'apparence lupine avec deux yeux ronds, hypnotisants. Son énorme gueule s'ouvrit au-dessus de la brune qui regardait encore l'image, et d'un coup sec, la chose referma sa mâchoire sur la tête de la jeune femme qui n'avait même pas eu le temps de hurler que son crâne explosa.
Mes jambes se mirent à courir d’elles-mêmes pour me cacher dans l'un des nombreux abris qu'offrait la structure de jeux pour enfants. De là, j'observais la scène horrifiante qui se déroulait : un énorme chien se déchaînait sur le corps de Jessica tandis qu'une autre bête infligeait un coup de griffe phénoménal dans la nuque de William. Le téléphone du rouquin tomba au sol et la lumière s'éteignit. Tout était noir. Je ne voyais rien. J’entendais seulement les sons affreux de déchirures, des grognements, des gémissements de douleur.
Puis, plus rien, le hurlement tonitruant du silence. Mon souffle saccadé, mon cœur qui battait la chamade.
Rien d'autre.
Soudain, à quelques centimètres de mon visage, ces yeux, ronds, réfléchissants, hypnotisants. La bête me renifla, je sentais son souffle fétide. Elle repartit, me laissant seul avec ma peur.
Le rythme des battements de mon cœur ne voulait pas redescendre. J'avais l'impression que mes tempes allaient exploser. Les yeux exorbités par la terreur.
Il faisait noir, pas le noir qu'on met sur des vêtements ou le noir qui nous sert à écrire, non, ce noir là, celui dont on a peur dès notre plus jeune âge.
Celui où on se sent sans arrêt épié, observé, surveillé.
Celui qui nous fait voir des formes, des ombres effrayantes.
Celui qui nous engloutit petit à petit…
C’est de ce noir sombre et terrifiant que je parle. Ce noir dont tout le monde a peur, même le plus courageux des hommes, même la plus courageuse des femmes. Aucun n'oserait s’y aventurer par choix.
Cela devait faire une bonne vingtaine de minutes que j'étais là, accroupi, paralysé par l'effroi. J'aurais tout donné pour voir. Rien qu'un tout petit peu… Car là, j'étais comme aveugle, tout était plus sombre que le fin fond des océans.
Pour tout vous dire, quand on ne voit pas, mais que l'on entend et sent tout, c'est d'autant plus effrayant.
L'impression d'être seul dans l'immensité qu'est la nuit.
Imaginez :
Imaginez vous, là. Fermez les yeux et imaginez...
Imaginez la chose la plus effrayante pour vous, et voyez ce que ça fait d’être comme moi cette fois-là.
Un enfant qui a peur du noir.