Un duel ? Soyez raisonnable, marquis. Véter est un duelliste vétéran, connu dans tout le royaume. Même vous n’arrivez pas à le battre, c’est du suicide ! » dit Henry d’un ton exaspéré.
« Sur ce point, je ne vais pas vous donner tort. Même en vous entraînant d’arrache-pied jusqu’au duel, vous ne serez jamais prêt... à moins que... » Le marquis Eldorien sourit encore plus fort.
« À moins que quoi ? » s'impatienta Henry.
« Dites-moi, altesse, vous droguez-vous ? » interrogea le marquis.
« Non, pourquoi cette question ? »
« Et votre ventre ? »
« Je ne vous cache pas que j’aime la bonne chère. »
« Mouais, cela fera l’affaire. » Eldorien sortit une petite boîte et l’ouvrit. À l’intérieur, deux bagues serties de petites pierres d’améthyste, gravées de runes légèrement lumineuses d’une teinte violette.
Henry reconnut instantanément la nature de l’objet, bien qu'il s'agisse de la première fois qu'il voyait ces bagues.
« Un artefact ? » répondit Henry, ahuri par l’objet.
« Exactement, altesse. »
Les artefacts datant de l'ère magique étaient des reliques d'un autre temps, une infime fraction du pouvoir divin offert aux hommes. Henry voyait de ses yeux un objet d’une telle valeur que de nombreux princes et théocrates du Saint Empire vendraient leur titre pour un tel trésor.
« Et vous me présentez un objet si précieux comme ça, sans aucune fioriture ? »
« Quoi, auriez-vous préféré une petite chanson et une explosion de paillettes ? »
« Comment avez-vous mis la main là-dessus ? »
« Un vieil ami me le prête. »
« J’ai peur de connaître les effets de ces… bagues, » répondit Henry, toujours abasourdi par la situation, ne sachant comment qualifier l’artefact.
Le marquis récupéra l’une des bagues avec une grande délicatesse. « Essayez-la, altesse. »
« Dois-je vraiment mettre ça sur mon doigt ? Je ne vais pas exploser ou mon corps ne va pas se retourner comme une chaussette à l’envers ? » pensa Henry, hésitant.
Le marquis remarqua la réticence de Henry. « Altesse, cela vous aidera... non, cela nous aidera à nous venger de Véter. »
« Ma vengeance ne vaut pas ma vie, Eldorien. »
Le marquis passa l’une des bagues à son doigt.
« Qui vous a parlé de payer un tel prix, altesse ? » dit-il d’une voix grave et assurée, presque terrifiante.
Henry se sentit obligé de porter l’anneau à son doigt.
Un tourbillon aspira l’esprit de Henry. Il se retrouva distordu, allongé comme un élastique, des nuances de violet illuminant ses yeux. Bientôt, il vit la fin du tunnel.
« Oh la vache, qu’est-ce qu’il s’est passé ? J’ai eu la peur de ma vie... mais où suis-je ? »
Henry ouvrit les yeux. Il vit un homme en tenue raffinée, quoique légèrement dodu, arborant un visage que l’on qualifierait de passable.
« Ça ne vous a pas trop secoué, altesse ? »
« Attendez, cette voix... c’est... c’est ma voix... et cette tenue... attends, mes mains... »
« Cela choque toujours la première fois. »
« Arrêtez de parler ! Oh mon dieu, c’est perturbant de jacter avec cette voix... »
Henry regardait son propre corps, intrigué mais aussi terrifié. « C’est à ça que je ressemble ? Je me voyais plus… majestueux, disons. »
« Vous voyez maintenant pourquoi un duel sera à notre avantage. »
« Vous prendrez le contrôle de mon corps lors du duel ? » Henry sourit, plein d’espoir.
« Bingo, Henry. Vous n’aurez qu’à siroter un verre pendant que je combattrai le duc. »
« Ce n’est pas exactement la vengeance que j’imaginais. Je ne serais que spectateur... enfin, peu importe, le résultat est le même. Mais attendez... le duc n’acceptera probablement pas un duel à mort. »
« Vous comptez le tuer dans ce duel ? » demanda Henry d’un ton légèrement paniqué.
« C’est un peu le but de notre discussion, altesse. Si cela peut vous rassurer, je ne le tuerai pas d’un simple coup d’épée dans le ventre. Je vais probablement le rendre infirme, ou je me débrouillerai pour qu’il meure d’une lente et douloureuse infection. Si vous avez peur d’être accusé de l’avoir tué, un assassin pourrait lui décocher une flèche une fois que j’aurai retiré son casque. Les moyens de le tuer ne manquent pas, mais les opportunités, elles, doivent être saisies, » expliqua le marquis en agitant ses mains comme pour énumérer les différentes façons de tuer Véter.
« Très bien... et comment retrouvons-nous nos corps ? »
« C’est simple, altesse : retirez l’anneau de votre doigt, et le tour est joué. »
Henry retira l’anneau, et le même tourbillon emporta son esprit jusqu’à son corps.
Une fois de nouveau dans son corps, Henry ressentit une nausée qui ferait peur à n’importe quel marin. Sa tête tournait, ses jambes tremblaient comme de la gelée. Cette sensation lui rappela le matin de sa première cuite, celle où il avait été piégé.
« Oh la vache... ça vous fait ça aussi, Eldorien ? » demanda Henry, le visage livide, la main devant la bouche.
« C’est une sensation qui ne disparaît pas, même après des dizaines de fois. Vous feriez mieux de vous y habituer, » répondit le marquis.
Une fois qu'il s’était remis de ses émotions, Henry remarqua une main tendue vers lui. Il saisit la main calleuse du marquis.
« Alors, altesse, prêt à se battre ? »
Dans un petit village forestier perdu, une femme nommée Marie puisait de l’eau au puits.
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« Et voilà, c’est encore moi qui me tape tout, » marmonna-t-elle. « Je te jure, laisser sa femme enceinte bosser pendant que monsieur coule des jours tranquilles... Qu’est-ce que j’ai été bête de l’épouser... »
Marie, une jeune paysanne aux traits délicats, avait toujours été admirée dans son village. Depuis l’adolescence, elle attirait les regards des jeunes hommes, parfois même des plus âgés et des mariés. Courtisée sans cesse, elle avait fini par épouser le fils du forgeron, espérant qu’il serait souvent absent à cause de son travail et assez aisé pour lui offrir une vie confortable. Cependant, son mari était resté à la maison tout l’hiver, la laissant gérer les tâches domestiques.
« Oh la vache, qu’est-ce que c’est lourd, » râla-t-elle en levant le seau d’eau.
C’était le matin, et la gelée nocturne recouvrait encore les plantes. Les chasseurs braconniers revenaient avec leurs prises attachées à leurs ceintures, tandis que le village se réveillait doucement, sortant de la torpeur de l’hiver.
« Bonjour, Marie. Bien dormi ? Besoin d’un coup de main avec ton seau ? » lança un homme en passant.
« Ferme-la, » répondit-elle sèchement.
Mais qu’est-ce qu’il me veut encore ? pensait-elle. Je suis enceinte, c’est pourtant clair !
Marie traversa le village, se dirigeant vers sa maison. Ses cheveux étaient ébouriffés et son teint pâle, mais elle restait d'une beauté saisissante. En marchant, elle aperçut son père, un homme de petite taille aux cheveux bruns, s’approchant d’elle.
« Marie, comment vas-tu, ma fille ? »
« Bien, papa. Que veux-tu ? » répondit-elle, un peu agacée.
« Rien de spécial, cela fait longtemps que tu n’es pas venue à la maison. Ta mère s’inquiète. Elle m’a demandé de te ramener ça. Ce n’est pas grand-chose, tu sais bien que ta mère et moi ne roulons pas sur l’or, mais je crois que cela te fera plaisir, » dit-il en sortant une petite bourse en toile de jute.
« Oh, mais papa, il ne fallait pas, c’est très gentil, » répondit-elle en ouvrant la bourse.
À l’intérieur se trouvaient des bonbons au miel. Marie fut un peu déçue de ne pas y trouver de l’argent, mais elle serra son père dans ses bras.
« Merci, papa. »
« C’est rien, mais je crois que tu as fait tomber ton seau d’eau. »
« Oh non, pas ça... »
« Ce n’est rien, donne-le-moi, je vais te le remplir. Va te reposer, ce n’est pas un travail pour une femme enceinte. »
« Merci beaucoup, papa. »
Son père s’éloigna, seau à la main. Marie, ne voulant pas rentrer immédiatement pour voir son mari ne rien faire, s'assit sur une chaise devant la maison.
Enfin, il est gentil, ce n’est pas le problème, mais il m’étouffe. Cette maison me fait suffoquer...
Elle prit un bonbon et laissa le sucre envahir sa bouche.
« Merci, papa, » murmura-t-elle.
Quelques minutes plus tard, elle aperçut son père revenir avec le seau rempli. Mais quelque chose attira son attention au loin.
« Attends, qui sont ces gens ? » murmura-t-elle.
Des hommes vêtus d’armures se mirent en ligne. Marie comprit immédiatement qu’ils n’appartenaient pas à l’armée du seigneur local et qu’ils n’étaient certainement pas venus en amis.
Son père, au loin, comprit lui aussi et commença à courir de toutes ses forces. Mais avant qu’il n’ait pu faire un seul cri, une flèche l’atteignit en plein cœur.
Marie devint blanche, des sueurs froides parcourant son échine. Elle n’eut ni la force de crier ni de pleurer, tellement l’événement était brutal. Se retournant pour s’enfuir, elle vit ces mêmes hommes qui venaient d’assassiner son père sortir des fourrés, lui bloquant le chemin.
« Une femme, les gars ! »
« Dès le début, on a de la chance, et en plus, elle a un joli minois, » dit l’un des hommes en souriant.
« Attendez, elle est enceinte ! » fit remarquer un autre.
Marie chercha un moyen de s’échapper, mais partout où elle regardait, des soldats en armure pénétraient les maisons, pillant et massacrant. Avant qu’elle n’ait eu le temps de réagir, une flèche lui traversa la cuisse. Elle hurla de douleur, sentant une douleur atroce lui traverser la jambe.
« Et alors, elle est enceinte ? On est trois cents, va trouver une femme pour chaque homme dans ce trou paumé ! Moi, je vais pas faire mon difficile, » dit l’un des bandits en arrachant les vêtements de la jeune femme.
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Pendant ce temps, Isaac se promenait dans le village, observant la scène. Aucune maison n’avait été épargnée, et les villageois n’avaient opposé aucune résistance. Partout où il posait les yeux, il voyait ses hommes festoyer, boire dans les tavernes comme si de rien n'était, et violer les femmes en pleine rue.
« Quelle barbarie, » murmura-t-il en passant à côté d’une scène macabre. « Terrible, même… mais bon, ils n’avaient qu’à ne pas être là. Les frontières sont des endroits dangereux. »
Isaac continua à déambuler dans le village, une main posée sur un mouchoir pour éviter les odeurs nauséabondes des cadavres. Il vit une scène où trois soldats violaient une femme à tour de rôle, ses yeux livides fixés sur un point lointain, sans plus aucun signe de vie en elle.
« Quelle animalité… » murmura Isaac, tout en continuant son chemin.
Il remarqua une petite bourse en toile de jute au sol. En la ramassant, il y trouva des bonbons.
« Voilà longtemps que je n’ai pas mangé de bonbons, » dit-il en souriant. « Merci, Seigneur Séraphique, pour cette généreuse offrande. »
Il continua à marcher, dégustant les bonbons au miel. En arrivant devant une maison qui semblait épargnée, il décida d’entrer. À l’intérieur, il trouva un homme d'une quarantaine d’années, endormi sur un lit.
« Il dort malgré tout ce raffut ? » Isaac le bouscula violemment, réveillant l’homme en sursaut.
« Oh la vache, tu m’as fait peur ! » s’écria l’homme, confus.
« Dégage, » ordonna Isaac froidement.
« Quoi ? Mais vous êtes qui ? »
« Tu ne vois pas mon armure, idiot ? Maintenant, sors d’ici. Ça fait longtemps que je n’ai pas bien dormi, et je ne veux pas tâcher ce lit. »
L’homme, effrayé, balbutia : « Attendez... attendez que ça passe, messire… »
« T’es stupide, ma parole ! » rétorqua Isaac avec mépris.
Avant que l’homme ne puisse réagir, Isaac lui enfonça un poignard dans la trachée. L’homme gargouilla, son sang inondant sa gorge.
« Désolé, ce n’est rien de personnel. Disons que je suis un peu à cran en ce moment. Dans une autre situation, je t’aurais laissé filer, mais je ne peux pas prendre ce risque, » murmura Isaac, tandis que l’homme s’écroulait, essayant vainement de ramper pour survivre.
Isaac le regarda partir en silence, puis il retourna à la maison, désormais vide.
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Isaac referma la porte derrière lui, observant l'intérieur spartiate de la maison. Pas de luxe ici, mais cela ferait l'affaire pour une nuit. Il s'étendit sur le lit, laissant son esprit vagabonder.
"Il faut éviter de se faire remarquer par le prince de Kholm. D’ici quelques jours, si les nouvelles du pillage ne sont pas encore arrivées à ses oreilles, je pourrai prendre un territoire gobelin et en faire mon fief. Après ça… on verra. Construire une seigneurie à partir de rien avec une bande pareille , ça ne sera pas une mince affaire. Mais cela vaut mieux que de rester sous la coupe de la couronne mieux que d’être un roi sans pouvoir ."
Ses pensées furent interrompues par un bruit venant de l’extérieur. En se redressant, il entendit des pleurs d’enfant, faibles mais persistants. Il se leva lentement, curieux. En sortant, il aperçut un petit garçon qui s'approchait de lui, brandissant un couteau de cuisine avec maladresse. L'enfant tremblait, mais ses yeux étaient remplis de rage.
« Enfoiré ! Tu l’as tué ! » hurla le garçon en se jetant sur Isaac, tentant de le poignarder à travers son armure.
Isaac recula d'un pas, observant calmement l'enfant. « Oh, tu fais vraiment chier… Tu n’aurais pas pu ne pas être là, gamin ? »
« Fils de pute ! Tu n’avais pas le droit de le faire ! Pourquoi tu l’as tué ?! » criait le garçon, les larmes aux yeux, frappant inutilement contre la plaque d’acier d’Isaac.
Isaac soupira, exaspéré. « Tais-toi, je ne comprends rien avec ton accent... »
L'idée de tuer un enfant ne plaisait guère à Isaac, mais il savait qu'il ne pouvait pas simplement le laisser partir. Trop risqué, Le garçon pleurait maintenant à chaudes larmes, ses petits poings frappant encore et encore l’armure d’Isaac. De la morve ruisselait sous son nez, et ses cris perçaient le silence pesant du village dévasté.
« Un coup bien placé, et… » murmura Isaac. Mais quand il essaya de frapper, l’enfant ne fut même pas assommé. Au lieu de cela, il pleura encore plus fort.
Isaac, agacé, le saisit d’une main ferme par la taille et le porta comme un sac de patates.
« Tais-toi, le mioche. C’est pour toi que je fais ça. Tu n’as pas idée du nombre de personnes qui, à ma place, t’auraient déjà tué. C’est de la charité pure, tu comprends ? »
L’enfant se débattait, essayant de mordre, griffer et frapper Isaac, mais rien n'y faisait. Quelques heures plus tard, Isaac déposa le garçon dans la forêt, loin du village
« À plus, bonhomme. »
Le garçon, les yeux remplis de larmes, hurla : « Je vais me venger, et te tuer, salopard ! »
Isaac sourit, amusé. « Mais oui, c’est ça… je n’attends que ça, gamin. »
« C’est quoi ton nom, connard ? »
Isaac éclata de rire. « Tu crois vraiment que je vais te donner mon nom alors que tu viens de dire que tu allais me tuer ? » Il réfléchit un instant, puis ajouta : « Écoute, oublie tout ça. Reconstruis ta vie. Trouve-toi une femme, c’est bien mieux pour toi. Mais bon, au cas où… »
Isaac saisit la main du garçon et, d’un coup de lame net, il trancha l’auriculaire et l’annulaire.
L’enfant poussa un cri perçant, tenant sa main mutilée, du sang coulant abondamment de ses doigts sectionnés.
« Pourquoi t’es étonné ? Tu as dit que tu allais me tuer. C’est normal que je prenne mes précautions, non ? » lança Isaac, sans aucune trace de remords, avant de tourner les talons et de s’éloigner.