Mécaniciens 1.0
Chapitre 2 - Premiers rameaux
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Le faisceau de ma lampe me révèle l'aspect abandonné du couloir qui me fait face. Le papier peint, qui représente un patchwork de toutes sortes de tissus de couleur, de plusieurs bois et métaux, se décolle clairement des murs. Ici encore, comme sur la statue, des traces de griffures sont présentes et semblent complètement inhumaines. Toutes les portes sont même défoncées, voire presque totalement en miettes. Je m'approche alors de la première porte et lis l'inscription dessus. Oscar. Qui qu'ait été cet Oscar, il ne doit plus être vivant ou a fui cet endroit, même si c'est moins probable au vu du bazar qui règne dans le hall. Qui sait, peut-être était-ce un cousin ou un oncle ? Je pénètre alors lentement par l'entrée en faisant attention à ne pas marcher sur des choses qui pourraient me faire glisser.
La pièce est bien plus vaste que ce que je ne l'imaginais. Une grande table se trouve au centre et aux murs sont plantés des crochets sur lesquels devaient surement être suspendus les outils que je vois éparpillés au sol. D'après ce que je constate, Oscar travaillait le bois et la pierre. Quelques projets en cours trônent encore sur la table. Je m'approche et les examine un par un. Il y a des pieux en bois et une roue en pierre. Ils portent tous un symbole que je devine être sa signature : un cercle dans une étoile. Je me déplace et observe le reste de la pièce. J'y trouve deux autres portes. La première mène à une salle où sont disposées plusieurs autres installations dont je ne connais pas le nom, mais la deuxième est complètement différente. C'est sa chambre.
Dedans, j'y trouve plusieurs étagères renversées qui me barrent le passage. Je tente tout de même d'aller jusqu'à la commode au fond qui semble être en meilleur état que le reste. J'ouvre les tiroirs et n'y trouve qu'un seul carnet qui ressemble à un agenda. Beaucoup de choses sont griffonnées dedans. J'y trouve dans ses pages jaunies un anniversaire, deux ou trois spectacles et les jours où il indique « projet à rendre » suivi du nom de la personne concernée.
Je ressors alors de cet atelier et me dirige vers le suivant. La porte, en morceaux, m'indique que cet endroit appartenait à une certaine Bertha. Dans sa pièce principale, je trouve ce qui ressemble à des tapis. Il y en a partout par terre, ce qui me donne l'impression de marcher sur une moquette très épaisse. Sur les murs, tiennent encore des cintres et des habits, qui ont visiblement été des nids à mites. S’ils avaient été plus propres, je pense qu'ils auraient été à mon goût. Il y a aussi sur l'établi, au centre de la vaste pièce, ce qui me parait être à vue d'œil des tonnes de tissus de toutes les couleurs. Elle devait aussi être staffeuse car de nombreux éléments de décoration sont présents. Le tout est recouvert d'une telle couche de poussière que je suis à deux doigts de tousser à chaque pas que je fais. Je m'approche de la porte située au fond et l'ouvre lentement. J'appréhende le moment où je découvrirai ce qui se cache derrière. Et s'il y avait un cadavre ? Je ne vois finalement qu'une pièce en relativement bon état. Un morceau de papier est glissé dans ce qui semble être une fissure dans le mur. C'est une note.
Je n'arrive pas à lire tous les mots, certains sont un peu effacés, d'autres sont plutôt victimes de ce qui semble être de la moisissure, mais je comprends l'essentiel du message. Ces mots sont destinés à quelqu'un d'inconnu ( le nom n'est pas lisible ) et racontent des choses troublantes dans une écriture tremblante. Ça parle d'un monstre et de massacre. Aussi de partir. J'ai la tête bouillonnante de questions. Bouillonnante de cet affreux mélange de peur et de savoir que l'on se jette dans l'inconnu, un inconnu qui se montre soudainement mystérieux et menaçant. Qui était ce monstre ? Est-ce lui qui les a tous fait fuir ? Je ne peux m'empêcher de ressortir la photo et de regarder yeux dans les yeux, chacun des membres du manoir. Peut-être était-ce l'un d'eux qui a causé tous ces malheurs. Je commence alors à penser que je n'aurais peut-être pas dû rire de me sentir suivie dans le hall aux grandes portes. Peut-être qu'il est encore en vie et qu'il rode non loin d'ici. Allez ! Reprends-toi Ellie ! Tu es venue ici pour découvrir une histoire, pas pour en avoir peur !
Je ressors de la pièce, pas plus rassurée et m'avance, l'estomac noué, vers une autre porte. Elle ne porte pas de nom et un coup d'œil me permet de comprendre que personne ne vivait dans cette pièce. Dans la suivante non plus d'ailleurs. Le dernier atelier qu'il me reste à visiter se trouve au fond. J'entre dans la pièce avec un étrange mélange d'appréhension et d'excitation. L'endroit que je découvre alors, malgré la présence de moisissure au plafond, est magnifique. Il y a des bijoux partout et toutes sortes de mécanismes d'horlogerie. J'examine certains des travaux de Mathilde, comme indiqué par l'écriteau cabossé au sol. C'est un vrai travail d'orfèvre que je découvre, chaque bijou semble être sculpté avec tant de détails qu'il me faudrait beaucoup de temps pour découvrir l'ensemble des arabesques de ses œuvres. Je peux même l'imaginer en train de travailler, concentrée sur son travail et y mettant de son âme. Il n'y a rien de plus, dans cet atelier cependant. Je ressors donc et en passant devant la porte de Bertha, je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour elle, pour tous ceux qui ont vécu dans ce couloir. Où que vous soyez, j'espère que vous y êtes en paix...
Je reviens dans le hall des Mécaniciens et me dirige alors vers le deuxième battant en bois, le cœur lourd de n'avoir rien découvert dans cette première partie. Je ne me décourage pas pour autant, même si un tas de questions concernant ce qu'il s'est passé ici me turlupinent encore. J'arrête un instant l'orage qui gronde dans ma tête et me recentre sur l'instant présent. Bon, le couloir que je vais explorer est celui des Ingénieurs. Je vais surement y trouver toute sortes de plans et de schémas. Et je n'ai pas tort sur ce coup-là, parce qu'en passant le battant, ma lampe torche me révèle une immense salle circulaire avec plusieurs sièges, un tableau au fond et plusieurs plans sur le bureau au centre de la pièce. Les ombres me paraissent menaçantes, la lumière qu'émet l'objet dans ma main n'est plus si rassurant que ça. La couleur bleue omniprésente a le don de me donner l'impression que je suis enfermée ici et que les parois qui m'entourent se rapprochent petit à petit de moi.
Je marche lentement, comme si le moindre bruit ou mouvement brusque pouvait accélérer l'avancée des murs. Je m'approche de la table où sont posés des schémas et jette un coup d'œil derrière moi. La statue, elle vient de bouger non ? Ce devait être une ombre chassée par le faisceau de ma lampe. Je me retourne alors, pas le moins du monde rassurée, et examine les croquis, même si je n'y connais pas grand chose. Des armes y sont représentées, et sous la petite pile de feuilles, je découvre ce qui ressemble fortement à un croisement entre un pistolet et une arbalète, ainsi que des munitions. Qu'est-ce qu’il s'est passé ici ? Je regarde le tableau et des inscriptions y sont notées. Je peux y lire des thèmes sur lesquels réfléchir, comme « Barricades » ou encore « Armes ». C'est joyeux tout ça… Il y a des plans qui dépassent de derrière la surface blanche. Je la retourne alors et y découvre d'autres plans, accrochés par des aimants. Ils traitent d'un ascenseur à construire. On dirait qu'ils ont abandonné ce projet pour celui des armes.
Je note alors sur mon calepin « Armes ? ». C'est une question à laquelle je vais devoir répondre, je pense. Je relie aussi cette question à « Traces de griffes ». C'est plutôt alarmant, mais comprendre tout ça et trouver une réponse à toutes ces questions me permettra surement de mieux comprendre mes parents et tous ceux qui auraient dû être les miens. J'aurais aimé vivre dans ce manoir. Je me demande où j'aurais vécu, quel aurait été mon quotidien. Je me pose souvent ces questions. Que se serait-il passé si j'avais pu vivre ici ? Ma mère m'en parlait rarement. Ça semblait si douloureux pour elle... Tout ce que j'ai pu tirer d’elle, c'est qu'elle
avait peur que je découvre ce qu'il s'était passé ici - même si elle semblait avoir compris que ma curiosité allait l'emporter - et que la famille était divisée en plusieurs branches à spécialité. Elle évoquait peu ce pan de sa vie. Je ne savais même pas de laquelle elle venait. Je pousse alors un soupir et m'extrais de mes pensées.
Je m'approche d'une porte située à ma gauche. Contrairement au reste du manoir, elle est en plutôt bon état. Il est indiqué que cette chambre appartenait à un certain Nélin. Je rentre et observe attentivement ce qu'il y a autour de moi. Il y a beaucoup de choses dont je ne connais pas l'utilité, beaucoup de paperasse aussi. Je regarde quelques feuilles et comprends qu'elles servaient plutôt de brouillon à ses pensées. Je n'arrive pas très bien à lire et encore moins à comprendre ce qu'il y a écrit. Son écriture est épouvantable et il n'utilise que des mots qui ne forment pas de phrases, comme si tous ces mots-clés pouvaient lui rappeler son cheminement de pensée. Je m'éloigne rapidement car je ne trouve rien d'intéressant, ou bien ce qui l'est est juste incompréhensible. Je m'approche de son étagère. Des figurines représentant diverses choses y sont posées, enfin, plutôt renversées et brisées. Une seule d'entre elles est encore debout et intacte. C'est une réplique miniature de la statue du hall. Je l'effleure. Elle a l'air d'avoir une grande importance ici. J'ai envie de la prendre avec moi, ça me rappellera tout ça quand je serais partie d'ici. Mais j'hésite. Est-ce que je ne devrais pas plutôt tout laisser en l'état actuel ? Ou alors je devrais tout de même la prendre parce que plus personne ne reviendra ici ? J'inspire. J'expire. Je la prends. Excuse-moi Nélin.
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À peine l'ai-je saisie que je remarque qu'il y a un mécanisme en dessous. Dans un discret bruit de frottement, l'étagère se met à tourner et une salle secrète se révèle à moi. Instantanément, une excitation comme je n'en avais jamais ressenti s'empare de moi. Tout ce qui s'y trouve semble avoir été épargné par le temps. Il y a beaucoup de photos sur les murs. Je reconnais tous les visages présents dessus car ils sont sur celle que j'ai. À force de fixer cette dernière et à me demander ce qui avait bien pu se passer, j'ai fini par avoir, gravé sur la rétine, chacune de leur expression faciale. Une personne semble être présente sur presque toutes les images. J'imagine que ce doit être celui qui vit dans cet endroit. Il est brun, avec les yeux marron. Il ne me ressemble pas si ce n'est peut-être que je reconnais en lui quelques traits de mon visage, rien de plus. Un papier est posé sur la table. Il y est écrit « Tue-le ».
Tue-le ? Qui devait tuer qui ? Je sors mon calepin et m'empresse de noter « Meurtre ? ». J'en profite aussi pour répondre aux autres questions que j'y ai inscrites. Y'a-t-il eu un membre de ma famille qui en a tué un autre ? J'ai des sueurs froides rien qu'à l'imaginer faire. Et si c'était Nélin, le fléau qui s'était abattu sur le manoir ? Cette note a tout l'air de lui être adressée et ça me rassure encore moins sur ce qu'il s'est passé ici. Ces mots funèbres au milieu des visages souriants et heureux sur les photos... Il n'aurait pas pu le faire tout de même, alors qu'il y avait apparemment tant de bonheur dans sa vie ? Je regarde alors chacune des photos, troublée. J'ai l'impression de comprendre sans comprendre. Je ressors, l'esprit en proie à une tempête intérieure. Ça ne peut pas être lui, je finis par me dire. À lui tout seul, il n'aurait pas pu.
Je m'assois sur l'une des chaises dans le hall et contemple la grande salle circulaire bleue autour de moi. Est-ce que cet endroit à été le théâtre d'un quelconque tueur ? Je me lève après un moment et me dirige vers la porte à la droite de celle de Nélin. Fabien. Bonjour Fabien, j'espère que tu n'es pas toi aussi un tueur ! Allez, je vais m'amuser à fouiller ton espace personnel ! Youpi ! Je délire complètement. Un tueur. Dans ma famille. Je lâche un rire nerveux qui se répercute comme un écho dans la pièce derrière moi. M'avançant et me repérant grâce à la lumière de ma lampe, je remarque alors tout plein de bouteilles au sol. Lui, ça devait être un alcoolique. Qu'est-ce qui l'a amené à boire autant ? Il y a une lettre sur son bureau. Je la lis. Elle parle de lui, de sa femme Éléonore, de son fils Louis aussi. Et elle parle aussi de quelque chose d'autre d'intriguant :
“ On subit un siège. Cette putain de créature a compris qu'on ne tiendrait pas longtemps sans nourriture, mais on peut encore inventer quelque chose qui va nous permettre de le trucider. Enfin c'est ce que disent les autres. J'ai arrêté d'y croire. J'ai vu des membres de notre famille se faire tuer et démembrer par ce truc. On n'y arrivera pas. Y'a plus de lueur d'espoir dans ma tête. Malgré tout, je compte sur toi pour faire quelque chose. Bon courage.
Fabien ”
Comme par hasard, le nom du destinataire est illisible à cause de quelque chose. Bon, ce n'est pas grave. Je trouverai bien à qui cette lettre est adressée, enfin j'espère, parce que je sens la frustration pointer le bout de son nez. Je ne m'attendais, certes, pas à trouver une grande banderole qui allait me dire explicitement ce qui s'était passé, mais tout de même, je m'attendais à plus d'indices. Et puis qu'est-ce qui a bien pu leur faire subir ce siège ? Qu'était cette créature ? Toutes mes interrogations sur Nélin me reviennent mais je les chasse rapidement. Je n'en sais pas suffisamment pour savoir si c'était vraiment lui qui a tué chacun d'entre eux.
Je ressors, ne trouvant rien d'autre. Pauvre Louis, il a dû voir son père dépérir lentement, petit à petit sans pouvoir rien faire. J'imagine très bien ce que ça lui a fait. Au bout d'un moment, on finit par mentir quand on nous demande s'il n'est pas un fardeau. J'ai l'humeur sombre, comme si un orage passait au-dessus de ma tête. Celle-ci est une fournaise, des éclairs n'arrêtent pas de s'y écraser. Reprends-toi Ellie ! La prochaine porte mène à la chambre d'Anne.
Lorsque j'arrive dans celle-ci, je suis surprise par ce qu'elle contient. Il n'y a qu'une table et un lit. C'est tout. Le reste n'est que papier peint qui s'étend même jusqu'au sol. Il représente toutes sortes de motifs et d'arabesques qui viennent se rejoindre au centre en formant une mosaïque. La mosaïque en question représente la statue dans le hall. C'est à la fois si magnifique et si étrange. Encore cette femme… Qui était-elle ? Je m'approche, m'accroupis et pose ma main sur le chef-d'œuvre au centre de la pièce. J'aurais espéré qu'il y ait une pièce secrète ici, vu le peu qu'il y a déjà. Je me lève, m'approche de la table et n'y trouve qu'un morceau de céramique. Il rentre peut-être dans un des motifs au sol ? Je retourne donc voir la représentation de la femme avec ma trouvaille en main et m'emploie à inspecter plus attentivement le sol. Bingo ! Après plusieurs secondes, je trouve enfin un discret trou dans le sol, il a la forme exacte du morceau de céramique sur lequel je suis tombée. Je l'insère dedans et soudain, une trappe s'ouvre non loin de moi. Incroyable !
Je vais vers ce mystérieux passage et jette un coup d'œil dedans. Il n'y a pas de danger. Descendant l'échelle, je ne peux que me dire que cette Anne était très ingénieuse pour avoir réussi à trouver une idée pareille. Une petite pièce, à l'instar de celle dans la chambre de Nélin, se révèle alors à moi. Là aussi il y a beaucoup de photos. Certaines la représentent avec une autre femme, d'autres avec un homme et deux enfants. Ce devait être sa sœur, son mari et ses enfants, ou peut-être même que ces derniers étaient sa fille et son fils. La joie et le bonheur qui se dégagent de ces images sont frappants. Un net contraste s'établit entre cet endroit qui semble rapidement chaleureux et le manoir abandonné et froid. C'est comme une poche, où l'atmosphère ineffable et teintée d'un soupçon de mélancolie, me permet de décompresser, de me sortir de la tension, de l'électricité omniprésente qui semble régner partout dans le reste de l'énorme bâtisse.
Je ressors à contrecœur, j'ai encore tant de choses à voir ici… C'est drôle, j'ai vraiment l'impression qu'il y a quelqu'un, c'est comme si l'âme de chaque personne qui a vécu ici tentait de me faire partir. Je suis désolée, mais il me faut la vérité. Je m'avance vers la dernière porte de cet endroit, et y trouve un nom que j'ai déjà lu précédemment. Louis. Louis qui a vu son père décliner. Mais peut-être que ce n'était pas lui, peut-être, était-ce un autre Louis. Je pousse la porte, le cœur battant d'une étrange émotion. D'une part, j'ai bien envie de découvrir ce qui se cache ici, d'autre part, j'ai peur d'y découvrir les vestiges du désespoir d'une personne que je n'aurais jamais dû trouver. Pourquoi est-ce que ce serait si différent là, maintenant ? Parce que dans les autres chambres et ateliers, je n'ai pas découvert grand chose de personnel, à part les photos. À cet instant au contraire, je sais de par la lettre de Fabien que Louis était quelqu'un de… différent des autres membres de ce rameau de ma famille.
La pièce que j'y découvre est pleine d'objets enfantins. Il y a des jouets, des doudous et tant d'autres choses encore. Beaucoup sont brisés, comme si cet endroit était le symbole même d'une enfance irréparable. Au milieu de ces sortes de décombres, j'y trouve, après une fouille minutieuse sous le lit, un bouton. Fabien n'avait jamais réussi à trouver quel mécanisme cachait cet interrupteur, ni même s'il servait à quelque chose en fait. J'appuie alors dessus mais rien ne se passe. C'est normal, je suis presque sure qu'il manque une pièce à ce puzzle, comme s'en doutait le père de l'occupant de cette chambre. Je regarde la pièce, ne sachant pas quoi chercher. Je me dirige vers le bureau au fond. Un tiroir est entrouvert. Son contenu, poussiéreux, est en fait une enveloppe qui a l'air de contenir un sacré paquet de lettres. Je l'ouvre et constate que ce sont en réalité des photos. Encore des images. Cette fois-ci, il y a du texte derrière chacune d'entre elles. La première n'est en fait même pas une photographie, c'est un dessin d'un appareil photo. Au dos, les mots indiquent : « J'ai toujours voulu être photographe, immortaliser les moments d'une vie. Mais personne au Manoir ne considère cela comme un art et je me retrouve coincé ici, avec mon père, ma tante et mon oncle ».
Ça a dû être si dur pour lui...
La deuxième montre un jeune garçon devant les grandes portes à l'entrée de l'habitation désormais abandonnée. Il sourit et est rayonnant de bonheur, mais une triste lueur semble se tapir au fond de ses yeux : « C'est l'heure, je vais choisir dans quelle branche je veux continuer ma vie. J'ai le droit de choisir la branche des Artistes, n'est-ce pas ? Et pourtant, je n'en ai pas l'impression. On me met la pression pour que je reste chez les Mécaniciens, comme mes parents et tous les autres. Le Hall des Branches peut se montrer cruel parfois ». La prochaine met en scène deux garçons et une fille : « Mes deux meilleurs amis ( et cousins ) Bertha et Oscar ne m'abandonneront jamais ». Je regarde les autres, ses phrases me font ressentir tellement de tristesse. Ce n'est qu'un Ingénieur qui n'a pas eu la chance de pouvoir choisir où il voulait aller. Un homme dont les rêves d'enfant ont été brisés par des parents qui avaient surement trop peur de le laisser s'envoler. J'ai la sensation de m'immiscer dans la vie d'une personne, une personne qui a gardé beaucoup de traces des évènements de sa vie. C'est ça sa particularité, c'est qu'il accorde énormément d'importance aux souvenirs de son enfance.
Je soupire. Enfin bon, on ne peut plus rien pour lui, il a dû périr comme les autres, ici où personne ne retrouvera son cadavre pour lui offrir une sépulture. Qu'est-ce que cet endroit peut être triste. Il me fait même ressentir la nostalgie des personnes qui y ont vécu... Je ressors, ne trouvant rien d'autre. Il n'y a plus rien ici.
Je repasse par la salle circulaire et retourne au hall des Mécaniciens. Je m'assois sur l'espèce de comptoir, et je pleure même si ça ne sert à rien, pour tous ceux qui sont morts ici et pour tous ceux qui n'ont pas pu avoir l'avenir qu'ils voulaient.