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Le départ

- Alimatou, réveille-toi ! Ton oncle est là, va te préparer et rejoins-nous dehors.

-Oui.

En vrai je m'étais levée et apprêtée depuis des heures. Je pris mon sac et sortie de ma chambre qui deviendra sans doute celle de mes petites sœurs et cousines.

-Ahh te voilà Alima. Je suis ton oncle Cheikhou je vais te conduire chez mon amie. Tu vas travailler pour elle. Soit une bonne fille.

-Bonjour Tonton (génuflexion) oui je travaillerai bien.

-Fanta tu as bien éduqué cette petite ! Quel âge as-tu ?

-J'ai 16 ans tonton.

-16 !? Tu aurais dû être mariée toi ! Mais bon, nous en reparlerons. Tu es prête à partir ?

-Oui tonton.

-Alors nous partons. Momar ta fille est entre de bonnes mains ne t'en fais pas mon frère.

Ma mère me prit une dernière fois dans ses bras, elle pleurait. Et mon père me serra brièvement contre lui. J'ai pris mon sac et suivi mon oncle. Au même moment Thieyacine sortit de sa case et me fit un triste sourire et agita la main en guise d'adieu. Je lui rends son signe. Mon oncle, marchant à grandes enjambées, était déjà à côté de sa voiture. Il m'y attendait le coffre déjà ouvert. Il a pris mon sac et l'a mis dedans. Avant de monter dans la voiture il me prit à part

-Ecoute moi bien la dame chez qui tu vas travailler a beaucoup d'argent si jamais tu fais des bêtises là-bas je viendrai moi-même te faire ta fête tu as compris !? J'ai besoin d'argent donc tu te tiens à carreaux et tu fais ce qu'on te demande compris !?

-oui tonton.

-Bien. Ta mère t'a bien dressé euh je veux dire éduqué.

Connard. Je viens de le connaître mais je le déteste déjà. Cette nouvelle vie à la capitale me laisse un peu de marbre je peux m'habituer à n'importe quel environnement tant que j'ai une distraction. J'étais déjà en voiture et l'autre vint enfin la démarrer et nous pûmes nous mettre en route.

Le trajet a duré tellement longtemps que j'ai eu le temps de faire trois siestes, terminer ma boîte de beignets salés*[1], vider la batterie du cellulaire acheté en cours de route par mon oncle. Je n'ai plus aucune notion du temps et parler à cet "oncle" c'est hors de question ! Il devait être 19 heures ou 20 je n'en ai aucune idée. On arrive enfin devant une gigantesque maison. Malgré la pénombre sa beauté est remarquable. Donc c'est ici que je vais travailler.

-Hey nous sommes arrivés voici la maison où tu vas travailler. Tâche de bien faire ton boulot compris !?

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-Oui oncle.

J'avoue je l'ai dit le plus froidement possible mais je suis reconnaissante d'être arrivée. Cet homme me donne la gerbe. On descendit et il descendit aussi mon sac par la même occasion. Par excès de gentillesse, ou de je ne sais quel sentiment, il le porta jusqu'à l'entrée de la maison. Il frappa trois coups sonores et attendit. Une dame très belle nous ouvrit le portail.

-Asalamou Aleykum Adja! Comment vas-tu ?

-Aleykum Salam Cheikhou. Je vais bien Dieu merci. Comment était le voyage ? Tranquille j'espère ?

Tout en parlant elle nous guida vers à travers la vaste cours. Pas si grande mais remarquable quand même. Il y avait des plantes partout et un coin avec des chaises. Je les verrai quand il fera jour.

-Ahh oui oui Adja très bien même. Voici ma nièce dont je te parlais. Alimatou, dit bonsoir !

Tout en parlant il me jeta un regard moitié noir moitié "ne me fais pas honte". Vivement qu'il s'en aille.

-Bonsoir madame (génuflexion) je suis Alimatou Keita. Merci de m'accueillir chez vous.

-Comme elle est polie! Appelle-moi Tata ma fille. Venez, entrez, faites comme chez vous. Je vous présente mon mari Hassan.

Hassan voici Cheikhou et sa nièce, elle va travailler ici. C'est elle dont je te parlais.

Elle parlait à un homme plus ou moins vieux, couché sur l'un des canapés de ce grand salon. Il se redressa et nous fit un sourire en nous souhaitant la bienvenue. Étonnamment il dégageait quelque chose à la fois rassurant et imposant le respect. Je me détends un peu dans cet endroit inconnu de mes sens.

Les adultes parlaient entre eux. Je me demande comment sont leurs enfants. Apparemment ils en ont trois, deux filles et un garçon. J'observais le salon bien décoré et ne fis plus attention au monde environnant.

Une tasse remplie d'eau me sortit de ma rêverie. Une fille d'à peu près mon âge me l'a tendait. Elle ressemblait à la dame trait pour trait. Je me rappelais de ce qu'elle me tendait et le prit en chuchotant un " merci". J'entendis ce crétin d’oncle lui dire merci en la couvrant d'éloges. Elle haussa les épaules et s'assit près de son père qui la prit dans ses bras. J'eus un pincement au cœur. Jamais mon père ne m'avait fait ça et je me suis sentie jalouse d'elle.

-C'est ma fille cadette Zeynab. Si tu te sens perdu dans la maison demande lui. Elle sait tout ici. Même si un objet se perd elle pourra te dire où il est. Les adultes riaient et la concernée souriait un peu. Elle ressemblait encore plus à sa mère.

-Elle c'est Alimatou. Elle va travailler ici et vivre avec nous d'accord ?

Zeynab me fixa un moment et haussa encore les épaules. Faut croire que rien ne l'intéresse…

-Soit la bienvenue. J'espère qu'on s'entendra bien.

Elle n'avait pas dit ça avec la même chaleur que son père mais plutôt avec un ton taquin. Je ferais mieux de l'éviter.

-Eilen ! Khalid ! Venez saluer.

Je suppose que ce sont les deux restants. Une fille qui a l'air d'avoir 19 ans entra suivie de près par…un géant ?

-Salam Aleykum. Ils ont parlé en même temps mais la voix du garçon dominait. Il était gros ou grand ou les deux.

-Dites bonsoir. C'est Cheikhou et sa nièce Alimatou. Elle va vivre ici et travailler pour nous. Eux, ce sont les aînés. Zeynab est la petite dernière mais vu que tu es plus jeune tu es la nouvelle thiate*. [2]

J'allais rire quand j'entendis Zeynab dire

-Y'a pas moyen. Elle n'est même pas de notre sang.

Mon rire s'envole aussi vite qu'il est venu. Elle a raison, je ne suis pas des leurs et je n'ai aucune envie de prendre sa place. Mais les autres eux riaient.

Après ça mon oncle prit enfin congé. Me voilà seule à Dakar avec cette famille. Le père parti se coucher et Tata Adji (j'appris son prénom par la suite) dit à ses filles de m'offrir l'hospitalité pour la nuit. Elles m'aidèrent avec mon sac et on allât dans leur chambre. En passant je vis la chambre du garçon. Il y était de dos et là j'eus envie d'aller discuter avec lui. Il m'était sympathique malgré sa carrure.

La nuit sur des tapis de joga (je sais plus le nom employé par Zeynab), plus confortables et plus doux que mon lit, fut la meilleure de ma vie.

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[1] Ce sont des galettes de riz avec du poisson fumé et de l’huile de palme que les gens du village de Alimatou aiment particulièrement .

[2] Thiate est un terme wolof qui désigne le ou la dernière-née d’une famille

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