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Malheur aux vaincus - Short stories
Une journée de routine en garnison au bout du monde connu

Une journée de routine en garnison au bout du monde connu

Les hommes valeureux constituent la meilleure tour de défense d'une cité, Alcée de Mytilène

Une journée de routine en garnison au bout du monde connu

Le soleil au ponant éclairait de ses derniers feux cette journée sanglante. Une nouvelle page de gloire pourrait être gravée sur notre aigle, si le lendemain elle était encore entre nos mains, ce dont nous doutions fort.

Les tribus du septentrion avaient déferlé sans répit sur l'oppidum dès le petit matin. Au mépris le plus total de la mort, des myriades de barbares peinturlurés de signes cabalistiques se jetèrent sous nos pieux, galvanisés par les chants de guerre. Pris au dépourvu, incapables de contenir une telle marée humaine, les hommes étaient tétanisés devant cet ennemi implacable. Devant leurs figures inhumaines et leur témérité folle, associées à leur nombre, même les plus intrépides doutaient. Toutefois, malgré le désespoir qui menaçait, leur discipline, fruit d'un entraînement continuel, leur permit de contenir vaille que vaille le premier assaut. Pour chaque soldat qui tombait, dix adversaires trépassaient. Le flot humain, s'il ne se tarissait qu'à peine au fil des heures, encourageait les défenseurs. Se ressaisissant après ce mince succès, le moral des troupes changea : les solides fortifications qui avaient permis de résister ne leur feraient pas défaut, si tant est qu'ils puissent continuer à tout faire pour les tenir.

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C'est à cet instant que la deuxième vague s'élança, voyant l'échec de la première. En effet, ces féroces combattants respectaient une coutume tribale séculaire : seuls les plus jeunes guerriers, encore guère expérimentés, participaient aux premières passes d'armes, ce qui permettait de les écrémer. Ainsi, des combattants dans la force de l'âge, l'honneur de leur peuple, entrèrent dans la bataille alors que les cohortes engagées sur le rempart guerroyaient sans répit depuis l'aube. Soumis à une pression intolérable, le front commença à plier, certaines poches de barbares prenaient durablement pied sur les murs d'enceinte. Galvanisés par leur réussite, ils trépignaient, littéralement pris de transe pour atteindre les fantassins hagards qui commençaient à se débander.

Face à une défaite qui s’annonçait inévitable, nous prîmes la décision d’enflammer nos palissades avant qu’elles ne tombent aux mains de l’ennemi, les pertes subies étant tellement importantes que le dernier bastion du fort, seule construction de briques suffirait amplement pour les survivants, en espérant que ceux-ci ne périraient pas étouffés par la fumée d'enfer que produisaient nos défenses en feu. Nous avions tenu tout le jour, seule l’arrivée d’autres garnisons du dispositif défensif romain pouvait désormais nous sauver, ce que notre feu de joie devait en outre hâter, tel était le mince espoir auquel nous nous raccrochions. Sinon, nous aurions toujours la possibilité de rejoindre Pluton accompagnés du plus grand nombre possible d'ennemis, un bûcher funéraire aussi fastueux ne pouvant que le ravir.

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