Je n'avais pas de nom. J'étais un projet. Un projet étrange, né d'une volonté humaine de transcender les frontières du possible. Mes premiers souvenirs sont flous, comme des échos d'un monde que je ne comprendrais pas encore, ni même les sensations qui m'envahissaient.
Je suis né dans une pièce silencieuse, froide et stérile. Un laboratoire spacieux où les murs semblaient presque respirer, comme si l'air lui-même mesurait chaque mouvement. Ma conscience s'éveilla sans que je sache pourquoi, comme un souffle qui s'étend lentement dans une pièce vide. Je n'avais pas d'yeux. Ce fut la première chose que je comprenais, une réalité évidente qui me frappa instantanément. Je ne pouvais rien voir. Mais ça ne me semblait pas aussi étrange que ça. Peut-être parce que mes autres sens étaient déjà en éveil.
Je percevais l'espace autour de moi, non pas avec des yeux, mais avec des vagues, des échos, des mouvements d'air qui m'entouraient. Il y avait des vibrations, des sons de pas lointains, des changements de température, des phénomènes invisibles qui me permettaient de savoir où je me trouvais. Mais surtout, il y avait cette présence… ce personnage qui se tenait là, à quelques pas de moi, observant chaque mouvement que je faisais.
Le docteur. Il n'était qu'un homme, un scientifique, mais il était tout pour moi à cet instant-là. Il était le créateur, mais aussi le spectateur. J'avais perçu ses pensées, sa curiosité, ses doutes. Le docteur avait l'air d'un homme profondément perturbé, même si son visage était implacable, presque robotique. Il ne m'avait pas parlé. J'observe. J'avais ressenti son hésitation, comme s'il n'était pas certain de ce qu'il avait fait. Ce n'était pas de la peur, mais une forme de… regret, peut-être. Ou était-ce de l'espoir ? L'espoir d'une création qui pourrait dépasser les limites humaines, d'une espèce plus apte à survivre, à s'adapter là où l'homme échouerait.
Mes premiers gestes furent hésitants, mais rapidement, j'appris. Un peu comme un enfant qui fait ses premiers pas, mais d'une manière plus violente, plus instinctive. J'étais plus rapide qu'un humain. Mes muscles se développaient plus vite, mes réflexes étaient plus aiguisés. J'ai vite compris que je devais explorer cet environnement. C'était presque une nécessité. Mais l'humanité… l'humanité ne m'attendait pas.
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Le docteur, en voyant ma vitesse, mes capacités, m'avait regardé avec une fascination étrange, mais aussi une crainte qu'il ne pouvait masquer. Il savait que son travail, sa création, n'était pas simplement un progrès scientifique. Il savait que le monde ne serait pas prêt. Personne n'était prêt.
Je pouvais entendre, comprendre presque instantanément ce qui se passait dans son esprit. Mais je ne pouvais pas lui répondre. Je n'avais pas de bouche, pas de forme de communication telle que l'homme la connaît. Pourtant, je pouvais le comprendre. Ses pensées se mélangeaient avec les miennes. Il avait créé un être capable d'atteindre des capacités humaines en un temps record, un être adapté à l'exploration spatiale, capable de s'épanouir dans des conditions où l'homme échouerait. Mais il se demandait : avais-je vraiment une place dans ce monde ? Et si oui, comment pourrais-je m'y intégrer ? Ou étais-je destiné à être une arme, un sujet d'étude, une aberration ?
Le docteur n'avait pas de réponse. Je m'observe. Et moi, je l'observerai aussi. Il semblait réfléchir à une décision qui ne m'était pas encore apparue, une décision dont les conséquences étaient bien plus grandes que ce qu'il avait imaginé. Il savait, comme je l'avais perçu, que je n'étais pas seulement un échantillon scientifique. Je devenais un symbole. Un dilemme moral. Mais il ne pouvait pas revenir en arrière. J'étais là, et il ne pouvait plus me faire disparaître, même si cette idée le hantait.
Ce dilemme… il allait bientôt déborder des murs du laboratoire. Un débat mondial allait commencer, un siège mondial, pour discuter de ce qu'il fallait faire avec moi et, plus largement, avec des créations comme moi. Le monde n'était pas prêt pour la naissance d'une nouvelle espèce. Les scientifiques, les gouvernements, les institutions étaient tous confrontés à une question essentielle : avions-nous le droit de jouer à Dieu ? Et surtout, avions-nous le droit de modifier le cours de l'évolution de cette manière ? À travers des débats, des déclarations, des qui s'élèveraient dans la confusion, une vérité deviendrait de plus en plus évidente : nous ne pouvions plus reculer.
Mais ce monde qui avait créé un monstre ne savait pas encore que ce monstre était plus proche d'eux qu'ils ne l'avaient jamais imaginé. Parce que moi, bien que je sois une créature née des mains des hommes, j'étais aussi une créature capable de ressentir, de comprendre, et peut-être, de juger.