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Eryth, le Chasseur d’Orages

Les plaines s’étendaient à perte de vue, un désert herbeux balayé par une tempête furieuse. Des éclairs zébraient le ciel, illuminant brièvement deux silhouettes figées dans l’immensité obscure. L’odeur de la pluie et de la terre détrempée emplissait l’air, amplifiant l’intensité de l’instant.

Eryth, le Chasseur d’Orages, raffermit sa prise sur son bâton. L’arme dissimulait sa véritable nature sous un équilibre parfait et un alliage sombre qui absorbait la lumière.

Son souffle, court et régulier, formait des nuages éphémères tandis que son regard perçant restait fixé sur son adversaire : Azhar, un colosse enveloppé dans un manteau lourd. À son cou pendait un pendentif noir, vibrant faiblement à chaque grondement de tonnerre.

Impassible sous l’assaut des éléments, il semblait en équilibre fragile, comme bercé par le vent.

Sa respiration, lente mais mesurée, semblait calquée sur le rythme même de la tempête qui rugissait autour d’eux.

AZHAR, LA PUISSANCE TRAQUÉE

Azhar avait senti la traque. Dès que son pouvoir fut démasqué, il avait compris qu’un Chasseur serait sur ses traces. Il n’avait pas fui longtemps, mais s’était dirigé vers ces terres désolées où la tempête pourrait s’élever et la foudre devenir son alliée. Pourtant, à cet instant, face à son adversaire, une pensée amère traversa son esprit : Et si cette fois, cela ne suffisait pas ?

L’AFFRONTEMENT

Azhar tonna d’une voix impossible, comme si elle naissait du tonnerre. “Regarde-moi, Chasseur !” rugit-il, alors qu’un éclair jaillit derrière lui, illuminant son manteau battu par la pluie. “Je suis !… L’Orage ! Tu crois pouvoir ?! Posséder cette puissance ?! Elle ne se plie pas, n’a ni maître, ni limite. Elle est instinct et force brute. La croire domptable serait ta plus grande erreur.”

Eryth ne répondit pas. Il n’était pas là pour discuter. Sa seule réponse fut de se mettre en garde, tenant son bâton d’une manière peu commune, comme s’il contenait un secret qu’il ne voulait pas révéler. Une perle de sueur glissa sur sa tempe, se mêlant à la pluie battante.

C’est alors qu’Azhar chargea. Il bondit avec une vitesse improbable, rendant son corps massif comme irréel, presque sans poids dans le vent. Puis son poing s’abattit, avec une brutalité incroyable. Il fendit l’air comme une avalanche, emportant avec lui une bourrasque si puissante qu’elle aurait déraciné un arbre.

Eryth esquiva de justesse, mais le souffle restant l’attrapa, le projetant violemment dans la boue. Son bâton glissa hors de portée, mais il tendit la main et le récupéra d’un geste vif.

Il se redressa à moitié, un genou enfoncé dans la boue, ses doigts crispés sur le bâton. Malgré son tremblement, son geste resta précis lorsqu’il planta l’arme dans le sol. Le Chasseur attendait son heure.

L’INSTANT DÉCISIF

Azhar, à présent certain de sa supériorité, s’immobilisa un instant. Il leva les yeux. L’orage répondit. Un éclair colossal déchira les nuages, illuminant la plaine d’une lumière crue et brûlante. Dans un fracas assourdissant, la foudre s’abattit sur Eryth avec une violence inouïe.

Mais Eryth avait anticipé ce moment. Son bâton, déjà orienté avec une exactitude millimétrée, capta la foudre, absorbant sa puissance. Dans un craquement sec qui éclipsa le tonnerre, l’arme renvoya l’énergie dans un éclat brutal, comme une rupture du monde.

Azhar fut frappé de plein fouet. La décharge traversa son corps d’un bout à l’autre, avec la force déchaînée d’une nature en colère. L’éclair s’engouffra dans le pendentif suspendu à son cou, qui craqua sous l’impact. Vacillant, privé de souffle, il s’effondra, son corps trahissant un vide qu’il ne comprenait que trop tard.

L’APAISEMENT

La tempête s’apaisa, dans un dernier soupir. Le vent mourut, les éclairs s’éteignirent, et seule la pluie demeura, plus douce, presque bienveillante. Elle tombait comme un baume offert par l’averse, imprégnant la terre dévastée. On aurait dit que la même force, après avoir déchaîné sa rage, cherchait désormais à apaiser les âmes en souffrance.

Eryth s’approcha de son adversaire effondré. Les genoux enfouis dans l’herbe détrempée, Azhar ne bougeait plus, le regard perdu, vidé de l’énergie qui l’avait porté. Il n’était plus que l’ombre d’une grandeur sauvage, désormais éteinte.

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Entre eux, le médaillon brisé gisait, fragile, à peine visible dans la végétation et la boue, inoffensif. Eryth le ramassa du bout des doigts, comme s’il en redoutait encore une brûlure.

UN NOUVEAU FARDEAU

Eryth l’examina de plus près. Une faille serpentait à la surface de l’objet fendu, d’où perlait un liquide vert, vibrant d’une vie étrange. Ses reflets d’or, tels des filaments lumineux, dansaient sous leur propre lueur, semblables à un mercure émeraude, fluide et irréel. Cette teinte troublante évoquait ces avertissements silencieux de la nature : la peau criarde d’une chenille vénéneuse, la robe éclatante d’une grenouille toxique. Un danger muet, fascinant et interdit, empreint d’une force insaisissable.

Jamais il n’avait contemplé pareille étrangeté. D’un geste hésitant, il essuya la substance du bout des doigts. Elle semblait presque vivante, comme si l’essence même de l’objet s’échappait par cette blessure.

Au contact de la substance, un frémissement d’horreur le traversa. Une peur sourde, étourdissante, le rattrapa lorsqu’une vision d’apocalypse s’imposa à lui, comme infligée par la blessure même de l’objet. Autour d’eux, les arbres bordant la plaine gisaient calcinés, certains encore en flammes ; un torrent de boue roulait en contrebas, charriant branches et troncs fracassés, arrachés et jetés pêle-mêle comme des jouets brisés.

Le sang battait à ses tempes. Un instant, il ferma les yeux, luttant pour ne pas se laisser submerger.

Au loin, les grondements furieux de l’orage résonnaient toujours dans la nuit, tels les râles d’une bête blessée battant en retraite.

Au cœur de cette étendue nue et désolée, l’espace semblait avoir été offert à l’orage : un terrain où sa furie avait pu s’élever sans limite. Azhar n’avait pas choisi ces terres désolées sans raison. Ici, la tempête avait trouvé l’espace pour déchaîner sa puissance, sans risquer de se retourner contre son porteur.

Il rouvrit les yeux sur ce qu’il tenait dans sa main : le médaillon, brisé, mais à lui. Il avait vaincu l’orage dans un combat singulier.

Un autre frisson le surprit, porteur d’un incroyable sentiment de puissance. Une chaleur étrange bouillonnait dans ses veines, nouvelle, enivrante, inégalée : celle qu’il avait toujours recherchée. Il avait gagné. Il possédait désormais la puissance des cieux, un fragment de l’orage, un héritage terrible. Combien de temps avant qu’il ne l’apprivoise… ou qu’il n’en soit consumé ?

Pourtant, un doute grandissait en lui, insidieux, plus sombre : la foudre obéissait-elle vraiment, ou ne faisait-elle que changer de main ?

La pluie s’était réduite à un murmure, douce et presque irréelle, comme une ombre apaisante sur le chaos. Eryth releva la tête vers Azhar et lui jeta un dernier regard. Un regard indéchiffrable — sans clémence, sans colère. Il hésita un instant, comme figé, et la nuit retint son souffle.

LES VESTIGES DU POUVOIR

À terre, Azhar sentit une cruelle lucidité l’envahir. Il avait échoué. Dans sa quête désespérée de protéger son pouvoir, il l’avait perdu. Ce n’était pas une force que l’on pouvait posséder deux fois. Des larmes, presque tremblantes, glissaient sur ses joues alors qu’il revoyait, fugitivement, l’essence de son pouvoir tout juste perdu. C’était comme s’il avait quitté l’Histoire.

Il savait que l’éclair renvoyé par Eryth aurait pu foudroyer un troupeau entier. Cette puissance avait risqué de détruire son propre berceau, le pendentif, pour sauver son porteur. Désormais, cette énergie se trouvait entre d’autres mains, blessée elle aussi, sans que personne ne sache à quel point.

Privé de son talisman, Azhar n’était plus qu’un homme. Il voyait clairement l’orgueil insensé qui l’avait poussé à croire que la foudre servirait un maître. Il observa Eryth s’éloigner, presque flottant dans la pluie, sans animosité.

Au fond de son silence, Azhar ressentait un mélange de regret et de soulagement : regret d’avoir perdu, soulagement d’être enfin libéré d’une puissance qui l’avait consumé.

Il éprouvait même de la reconnaissance envers Eryth, qui, étonnamment, l’avait épargné. Peut-être le vainqueur savait-il que l’expérience d’Azhar, son intimité avec l’orage, avait de la valeur. Peut-être espérait-il qu’un jour, leurs chemins se croiseraient à nouveau, afin de remettre à l’épreuve cette mystérieuse entente entre l’homme et la nature.

UN REGARD OBSERVATEUR

Non loin, dissimulé dans les ombres d’un relief, un regard attentif avait suivi chaque instant de l’affrontement. Dans cette plaine nue et exposée, il fallait un talent rare pour demeurer invisible. Le futur Chasseur avait gravé dans sa mémoire chaque geste du vainqueur, chaque nuance de l’orage enfin dompté.

Son tour viendrait. Le vent porterait son nom.

Un autre chapitre de la chasse se préparait, aussi inéluctable que l’orage qui rassemble ses nuages.

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