La cité d’Ezora était grouillante de vie en ce merveilleux début de journée. Les édifices dominaient le paysage du centre-ville par leurs apparences argentées et futuristes. Dans cette atmosphère, un bon nombre de ses habitants étaient contraints de se rendre au travail ou à l’école. Pour sa part, Lolya Mitressey faisait partie de la dernière catégorie. Chaque matin de semaine, l’adolescente de quinze ans quittait son domicile afin de se diriger vers un endroit où des disciplines assez particulières étaient enseignées. Malheureusement, son trajet fut un peu plus ardu qu’à l’habitude. Trois autres élèves de l’établissement l’avaient prise en chasse dans un quartier piétonnier. Par conséquent, l’infortunée fut obligée de se mettre à courir, tandis que ses longs cheveux violets, qui lui arrivaient au niveau des aisselles, suivaient les mouvements du vent.
— Laissez-moi tranquille ! supplia-t-elle alors que ses yeux de couleur améthyste étaient larmoyants.
— N’aie pas peur, Petite Fleur. Pourquoi ne viendrais-tu pas t’amuser avec nous ?
Entendre cette phrase la dégoûta au plus haut point, car ce surnom lui avait été attribué par ses défunts parents. Seuls ses amis l’appelaient désormais de cette manière. Dans la foulée, celle-ci décida de bifurquer dans une ruelle, mais se heurta rapidement à un obstacle. La silhouette marchante d’une mère et de son jeune fils se dessina un peu plus loin. N’ayant pas envie de les bousculer à la hâte, son unique option était d’utiliser les aptitudes qu’elle avait apprises. C’est ainsi qu’elle sauta sur le couvercle d’une benne à ordure, puis se propulsa dans les airs en zigzaguant le long des bâtiments adjacents.
— Wow ! Regarde, maman ! Un ninja !
Après sa cascade, l’étudiante retomba au sol et sa fuite se poursuivit. Hélas, les mésaventures ne touchaient point à leur fin. Au même moment, un autre habitant de la métropole faisait une promenade dans le secteur. Toutes les têtes semblaient tournées dans sa direction. Visiblement, celui-ci était l’un des quatre gardiens chargés de protéger la population. Son armure blanche lui donnait fière allure pendant que les deux extrémités du grand ruban carmin qu’il portait à la taille virevoltaient avec le vent.
— Gloire à vous, maître Gardien Rouge ! lui lança une femme en s’inclinant devant lui.
Cette salutation ne tarda pas à provoquer une réaction. Un simple mouvement de la main fut l’unique réponse qu’il lui envoya. Cependant, les déplacements du jeune homme furent subitement interrompus. Au cours de sa course, Lolya Mitressey le percuta de plein fouet. La malheureuse tomba avec violence au sol, mais l’angoisse commença à l’envahir lorsqu’elle leva les yeux vers la personne avec qui elle venait d’entrer en collision.
— Par l’Oracle toute puissante ! Je suis sincèrement désolée, maître Gardien Rouge ! Je ne regardais pas devant moi !
L’Ezoroise se releva et balaya la poussière s’étant déposée sur son t-shirt violet, ainsi que son jeans bleu. De son côté, derrière le masque métallique qui cachait son visage et le reste de son crâne, le concerné se contenta d’émettre une série de propos contradictoires.
— Ne vous excusez pas, c’est moi qui ne faisais pas attention.
La scène fut de courte durée, puisque la réalité rattrapa bientôt l’adolescente. Les voix de ses intimidateurs retentirent avec force dans la distance. Le cycle semblait vouloir recommencer. La catastrophe paraissait inévitable.
— Hé ! La voilà cette grosse idiote !
Sous le joug de l’affolement, leur souffre-douleur n’avait aucunement le temps de réfléchir, puis alla se réfugier derrière le guerrier en armure. Cela constituait la meilleure des solutions en vue de se sortir de l’impasse.
— Pitié ! Pouvez-vous faire quelque chose ? Ils me pourchassent depuis tout à l’heure !
Heureusement, le protecteur consentit à sa demande. De façon menaçante, il craqua ses jointures, puis se mis en position offensive. Toutefois, ce geste fut amplement suffisant. Le trio de poursuivants s’arrêta net en l’apercevant. Ses membres n’avaient aucune chance de gagner face à lui.
— Merde ! C’est le Gardien Rouge !
Pris de panique, la petite bande s’empressa de fuir dans la direction opposée. Leur retraite se résuma à disparaître dans une ruelle avoisinante. Apaisée par ce dénouement, Lolya ne put faire autrement que de soupirer de soulagement. Le pire venait d’être évité. En connaissance de cause, elle s’inclina poliment devant son sauveur pour lui exprimer sa gratitude.
— Je vous remercie infiniment, maître gardien.
— Ce n’est pas la peine, mademoiselle. Je n’ai pas fait grand-chose.
— Au contraire. Votre présence était largement suffisante. Je suis étudiante à l’École Supérieure d’Apprentissage des Arts Ninjas, mais je n’ai pas les capacités requises pour les affronter toute seule.
Dans un contexte standard, les louanges de la rescapée auraient pu se conclure par ces paroles. Hélas, la scène adopta une tournure inattendue quand son correspondant émit une remarque qui la bouleversa catégoriquement.
— Je suis déjà au courant, Lolya Mitressey, que vous êtes une élève de l’E.S.A.A.N.
Sa réaction fut immédiate. À la simple prononciation de son nom, de grands yeux étonnés purent être observés sur son visage. La maigre réputation que lui attribuait l’institution ne pouvait pas attirer l’attention de ce type de personnalités influentes.
— Vous savez comment je m’appelle !
— Bien sûr. Ce n’est pas la première fois qu’on se voit.
Malheureusement, cette réplique la rendit davantage confuse. De nombreuses interrogations commencèrent à lui marteler l’esprit. Le Gardien Rouge était le cadet de son escouade, du haut de ses seize ans. Cela le faisait s’impliquer envers les gens de son âge. Pourtant, ils ne s’étaient jamais rencontrés jusqu’à maintenant.
— Je crois que vous vous trompez. Je n’ai jamais eu l’occasion d’interagir avec quelqu’un comme vous.
Étonnamment, le jeune homme semblait convaincu du contraire. En guise de justification, il lui donna une légère tape amicale sur l’épaule. Des questions voulaient être posées. Hélas, l’échange arrivait à son terme. Le combattant d’élite en avait décidé ainsi.
— D’ici la fin de la journée, ça vous reviendra en mémoire. À présent, je vous conseillerais de partir. Vos cours auront lieu prochainement. Je ne souhaiterais pas être la cause de votre retard.
En agréant à ses propos, l’étudiante lui fit un salut militaire. Il ne s’écoula que peu de secondes avant la reprise de son trajet. Par chance, les derniers mètres se passèrent sans le moindre problème. Le bâtiment de briques, qui était entouré d’une impressionnante muraille, se présenta à elle. Une fois à l’intérieur, elle se dirigea vers la section où étaient disposés les casiers. L’un d’eux attira son attention. En agrippant l’étrange cadenas luminescent qui le maintenait verrouillé, des mots dans un mystérieux dialecte furent prononcés.
— Opahamé !
Un déclic ne tarda pas à retentir. Désormais, elle pouvait ouvrir la porte et saisir son matériel scolaire. Tout semblait se dérouler comme à l’habitude. Cependant, une voix résonna dans le système d’interphone et l’interrompit dans son geste :
— « Lolya Mitressey est priée de se rendre au secrétariat le plus rapidement possible. »
Intriguée par cet appel inusité, cette dernière referma la structure métallique et se mit en route vers ledit endroit. Heureusement, il ne lui fallut que quelques instants pour en connaître la raison. Kazèlia Nikoha, sa professeure de sciences, fut celle qui l’accueillit à son arrivée dans la pièce.
— Toutes mes salutations, Lolya. J’espère que je ne te prends pas au dépourvu.
L’enseignante déplaça une mèche de ses longs cheveux vert foncé derrière son oreille. Dès lors, elle lui tendit la feuille de papier occupant sa main droite. Des instructions importantes semblaient y figurer et sa destinataire s’en empara pour les examiner.
— Aujourd’hui, tu ne vas pas en cours. Nous avons une mission à te confier.
— Une mission ?
— Oui. Au cours des quinze dernières minutes, un appel anonyme a été réalisé sur notre ligne de requêtes. Pour une raison que j’ignore, le demandeur exige ta participation à une opération spéciale. Apparemment, un laboratoire clandestin, situé quelque part dans la forêt, effectuerait des expériences illégales sur des êtres humains. Les ordres sont de mettre fin à leurs activités. Les moyens létaux sont autorisés. Tous les détails sont sur le document que je t’ai fourni.
Un silence s’installa entre les deux femmes. La principale intéressée parcourait les directives d’un regard vif. Curieusement, lorsque cela fut terminé, un soupir d’exaspération émana de ses lèvres. Ladite demande ne semblait aucunement lui plaire.
— Je pense que le client risque d’être déçu. Pour une réussite assurée, je conseillerais l’envoi d’un candidat plus talentueux. Il ne doit pas savoir que je suis la personne la moins forte de l’école.
Son interlocutrice devint nerveuse. Celle-ci ne souhaitait pas lui donner raison de façon trop directe. Pour compenser, elle se mit à inspecter les alentours en essayant de cacher l’indignation reflétée dans ses yeux émeraude. Après mûre réflexion, l’institutrice jugea finalement de lui répondre avec honnêteté.
— C’est ce que nous lui avons expliqué. Néanmoins, sa décision restait dévolue sur toi. De toute manière, dans la pire des éventualités, tu as l’avantage d’être une sorcière de Kâ. Cela constitue un atout qui t’évitera certains problèmes.
Ces mots n’améliorèrent guère l’état de son élève. Un frisson lui parcourait l’échine. Les scénarios dramatiques se bousculaient à l’intérieur de sa tête. Heureusement, le courage semblait suffisant pour lui interdire d’abandonner.
— D’accord, je suppose que je n’ai pas le choix. Après tout, je ne serai pas seule. En cas de complétion, j’obtiendrai peut-être une note acceptable et je serai bien payé.
À présent, il n’était plus nécessaire de demeurer sur place. De ce fait, la jeune fille de quinze ans salua sa professeure. Un tournement de talons précéda sa sortie de la zone de rencontre. Toutefois, au moment où elle s’éloignait, Kazèlia l’apostropha :
— Hé ! Tu aurais pu fermer la porte !
Remédier à la situation s’imposait. Par conséquent, la voix de la fautive retentit dans le couloir. Une série de mots appartenant à une langue inconnue furent alors articulés :
— Ozaka Kaïto Mira !
À la suite de cette formule, un phénomène inédit se produisit. Un mystérieux halo d’énergie violacée enveloppa progressivement l’objet demandé. De toute évidence, cette prouesse relevait de la magie. Tout à coup, sans la moindre intervention humaine, la structure de bois débouchant sur le secrétariat finit par se clencher toute seule. Il s’agissait d’une démonstration parfaite de télékinésie.
Si un choix s’était présenté, l’apprenante aurait préféré assister à ses classes. Dorénavant, ses obligations la forcèrent à regagner son casier. Dix secondes plus tard, ses effets personnels y furent restitués. La première étape de sa nouvelle mission consistait à se rendre à l’extérieur. Une chose qu’elle exécuta en usant de pas languissants. Une fois dehors, elle fut abordée par Karaï Hokara, une amie d’enfance. Cette dernière essayait d’empêcher les deux petites queues-de-cheval arborant le dessus de sa courte chevelure écarlate de suivre les bourrasques capricieuses.
— Bon matin, Lolya. C’est rare de te voir ici. Normalement, tu attends le début des cours à la cafeteria en compagnie de Lassa. Et je remarque que tu n’as rien emporté. Tu risques d’être dans de beaux draps si tu ne t’occupes pas de cela.
Ses yeux bruns croisèrent ceux de sa camarade. À partir de là, la jeune fille lui montra le classeur à anneaux, puis l’étui à crayon qu’elle avait dans les bras. De son côté, son allocutaire, amusée par l’attention lui étant portée, s’empressa de lui faire un sourire.
— Ne t’inquiète pas pour ça. Figure-toi qu’on m’a demandé d’assister quelqu’un dans l’une de ses missions. Je compte sur toi pour me résumer ce que j’aurai raté aujourd’hui.
— Je vois. Avec ton niveau actuel, c’est plutôt surprenant.
— Merci du compliment, déclara sarcastiquement sa destinataire.
Au même moment, Kurohaki Kuzanèl, le petit-ami de la deuxième adolescente, s’avança dans leur direction. Il agrippa sa bien-aimée par la taille et lui embrassa la nuque, sous les grimaces dégoûtées de la sorcière aux pouvoirs surnaturels. Les cheveux turquoise arrivant à la base de son cou affichaient des mèches latérales partiellement surélevées. De plus, il possédait de merveilleux iris bleu-vert. Quand ses cajoleries furent enfin accomplies, il tendit la main en direction de Lolya, puis lui assena une légère pichenette sur le front en guise de taquinerie.
— Tiens, tiens. Notre Petite Fleur a décidé de déserter sa zone d’attente habituelle. Ce n’est pas normal. J’espère que tu n’es pas malade.
— Ha, ha. Très drôle, rétorqua la principale intéressée tandis que l’amusement ne s’exprimait point sur son visage. À ta grande surprise, tu sauras que…
En revanche, ses explications furent interrompues par le son de la cloche annonçant le début des classes. Dans la foulée, les trois amis se saluèrent sans bénéficier d’une conclusion. À présent, tous les élèves attroupés dans la cour se dépêchèrent de pénétrer dans le bâtiment d’enseignement. En les voyant partir, la combattante lâcha un long et profond soupir de lassitude. Pour se rafraîchir la mémoire, elle jeta un nouveau coup d’œil au document qu’elle avait reçue. Les coordonnées approximatives du laboratoire clandestin étaient apposées à la toute fin. Emprunter le service de transport en commun lui permettrait de conserver ses forces en cas de besoin. De ce fait, c’est par ce moyen qu’elle rejoignit l’une des sorties de la cité. Ce n’est que là-bas que ses aptitudes ninjas furent sollicitées. La forêt adjacente était vaste. Il ne lui fallut qu’un seul bond surpuissant pour atteindre la même hauteur qu’une épaisse branche d’arbre. Après quoi, ses déplacements s’enchaînèrent sur une distance de huit kilomètres en se propulsant à la surface de celles qui peuplaient les autres feuillus.
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Soudainement, la missionnée arriva aux abords d’une carrière abandonnée. L’endroit semblait correspondre aux coordonnées géographiques. Le doute n’était pas en mesure de s’implanter, puisqu’un mystérieux bâtiment y avait été érigé. Pour ne pas être repérée, celle-ci décida de l’observer depuis sa propre position. Cette décision lui fit donc prononcer une toute nouvelle incantation :
— Ludosia Visiona.
Ces mots déclenchèrent une mutation au niveau de ses pupilles, en lui permettant de voir comme si elle avait des jumelles. L’inquiétude s’empara alors de son corps. Des gardes étaient postés à l’entrée principale, tout en tenant des mitraillettes. La situation venait de se compliquer.
— Merde ! Il va falloir s’infiltrer à l’intérieur sans attirer l’attention. Espérons que l’autre ninja sera en mesure d’élaborer un stratagème. Je suis nulle pour ce genre de trucs. D’ailleurs, je me demande où il est. Je ne le l’aperçois nulle part pour l’instant.
Les hypothèses s’enchaînèrent à l’intérieur de son cerveau. Où pouvait bien se cacher l’instigateur de son affectation ? Ses songes l’avaient déconnecté de la réalité. À un point où la jeune fille de quinze ans ne remarqua pas que du mouvement survenait derrière elle.
— Hé, toi ! s’écria une voix masculine dans une intonation menaçante. Qu’est-ce que tu fiches là ?
Ces mots la firent sursauter de terreur. Les poils se hérissèrent sur l’intégralité de son métabolisme. Néanmoins, en retournant la tête, ce sont les traits d’une silhouette familière qui captèrent son regard. En effet, le gardien qu’elle avait heurté la veille se dressait maintenant devant l’adolescente en riant.
— Ha, ha, ha ! Mes plus sincères excuses, mademoiselle. Je n’ai pas pu m’en empêcher en vous voyant.
Ce mauvais tour n’amusa guère sa consœur. On pouvait l’admirer sur son visage. Son rythme cardiaque avait doublé à cause du stress. La malheureuse le démontra en serrant les poings pour accentuer sa colère.
— Sans vous manquer de respect, maître Gardien Rouge, ne refaites plus jamais cela ! J’ai failli être victime d’une attaque !
— Je suis parfaitement conscient que ça vous a effrayée, dit-il avec maladresse. Quelquefois, c’est assez difficile de conserver son sérieux lorsqu’on est reconnu pour avoir une personnalité comme la mienne.
En retrouvant progressivement son professionnalisme, le guerrier d’élite s’approcha du rebord rocheux où l’étudiante s’était réfugiée. Ensuite, le jeune homme extirpa un téléphone intelligent de son armure métallique, puis commença à inspecter les alentours à l’aide du zoom de l’appareil photo.
— Je ne comprends pas, s’immisça sa partenaire. À la base, vous ne vouliez pas que je rate mes cours, mais il s’avère que vous êtes celui qui m’a convoqué ici.
— Oui, c’est vrai. Seulement, j’ai changé d’avis en vous voyant partir.
— Pourquoi ? Vous êtes un gardien. Je ne vous serai pas d’une grande utilité pendant cette mission.
— Je vous expliquerai lorsqu’on aura terminé. Pour le moment, votre rôle consistera à me servir d’appât.
— D’appât ? Et comment est-ce que je fais ça, moi ?
— Comme ça !
Contre toute attente, son collègue la poussa crûment dans le vide à l’aide d’un solide coup de pied dans le dos. Un geste qui lui valut l’émission d’un hurlement paniqué, tout en alertant les individus chargés de défendre les installations. L’atterrissage douloureux qui s’en suivit devint le cadet de ses soucis. En touchant le sommet d’un monticule de sable, la jeune fille fut accueillie par deux canons de mitraillettes pointées dans sa direction.
— Les mains en l’air !
Lolya déglutit. Pour éviter que ses assaillants ne la criblent de balles, la malchanceuse ne broncha pas et s’exécuta presque instantanément. Quant aux deux gardes, ils s’échangèrent une série de regards inquiétants. L’un d’eux prit alors la parole pour prononcer quelque chose qui n’était absolument pas bon signe :
— Emmène notre invitée à l’intérieur. Je m’occupe d’avertir le docteur Van-Croft.
Le premier acquiesça à cet ordre d’un geste de la tête, tandis que l’autre agrippait son walkie-talkie. Ce fut sous la menace d’une arme à feu que la prisonnière se retrouva escortée dans les entrailles du bâtiment. Désormais, un dédale de couloirs et de portes se présenta à elle. La sorcière ninja fut ensuite conduite dans une pièce semblable à une salle d’opération. Après quoi, le garde l’attacha sur une civière munie de sangles en cuir. De plus, il lui colla un morceau de ruban adhésif sur la bouche. La prochaine étape pouvait s’enclencher. De ce fait, le geôlier quitta les lieux sans émettre le moindre son.
Tourmenté par l’affolement, l’élève aux cheveux violets commença à s’agiter dans tous les sens. Toutefois, la terreur atteignit son paroxysme lorsqu’un sexagénaire arriva sur place. Du sang tachait l’uniforme de chirurgien qu’il revêtait. Sans même se soucier de sa réaction, l’homme fouilla dans ses poches pour en sortir un magnétophone.
— Ici le docteur William Van-Croft, du centre d’extraction éthérique de la compagnie Red Dress. Il semblerait que nos agissements aient attiré l’attention, puisque certains de nos employés ont découvert, puis maîtrisés, ce qui s’apparenterait à un espion ninja.
Tout à coup, le tortionnaire ne se gêna pas pour ausculter sa captive. Sous ses gémissements étouffés, il tâta ses pantalons afin d’en dégager un portefeuille. Après avoir inspecté son contenu, il entama une brève recherche informatique sur l’ordinateur voisin.
— D’après la base de données publique de l’E.S.A.A.N., l’individu, de sexe féminin, répondrait au nom de Lolya Mitressey. Qui plus est, je peux voir qu’elle possède le gène Kaïto, la signature typique des sorciers de Kâ. Elle fera donc un cobaye parfait pour nos expérimentations. Selon son profil, elle est également orpheline depuis quatre ans à la suite d’un horrible incident impliquant sa famille. J’en conclus qu’elle ne manquera à personne.
Les souvenirs de cet évènement ne furent aucunement plaisants pour sa victime. Les larmes commencèrent à lui couler le long des joues. Elle ne pouvait rien faire d’autre pour exprimer sa tristesse. Dans la foulée, le médecin prit une seringue remplie d’un étrange liquide bleu et l’approcha dangereusement de son épaule immobilisée.
— Sais-tu ce que j’aime avec les gens dans ton genre ? C’est votre habileté de régénération qui vous empêche de mourir. Habituellement, cette injection est fatale. J’ai hâte de voir combien il faudra t’en administrer avant que la douleur n’ait raison de ta lucidité. Et n’essaie pas de lutter, l’endroit est muni de dispositifs anti-magie.
Au moment où celui-ci allait passer à l’action, la balance pencha en faveur de la jeune fille. Une puissante déflagration retentit, puis le son d’une alarme se propagea dans tout le complexe. Une infirmière pénétra alors dans la salle d’opération, complètement paniquée.
— Monsieur ! Le Gardien Rouge est entré dans le bâtiment !
— Quoi ? Comment cela se fait-il ?
— Je l’ignore ! Il a pulvérisé les portes blindées comme si elles n’étaient que du carton !
Fou de rage, le vieux chirurgien laissa tomber sa seringue au sol. Après coup, la combattante aux capacités ésotérique fut atteinte par une douloureuse gifle provoquée par son énervement.
— Sale petite garce ! Ta capture n’était qu’une diversion pour lui permettre de nous trouver !
Étant donné que Lolya était bâillonnée, celle-ci ne pouvait pas lui répondre. Néanmoins, son regard indiquait que la situation la réjouissait au plus haut point. Le temps était compté. Une seule solution s’offrait au sexagénaire et à son assistante. Ils agrippèrent les objets les plus imposants, puis bloquèrent l’unique moyen d’accéder à la salle d’opération. Cependant, leur stress fut intensifié lorsque toutes les lumières de l’édifice s’éteignirent au même moment. La pénombre était omniprésente et les cris retentissaient dans la distance. Des bruits de pas résonnèrent dans le couloir adjacent, avant de s’arrêter devant les portes de leur cachette. Sans bénéficier d’une quelconque visibilité, une cacophonie d’équipement fracassé précéda l’irruption de quelqu’un dans l’abri improvisé. Les hurlements s’étendirent durant de longues secondes, puis furent totalement étouffés. Dès lors, le système d’éclairage se ralluma mystérieusement, tout en dévoilant un spectacle parmi les plus macabres. Les murs étaient tapissés de sang et les cadavres meurtris des assaillants de la combattante ninja jonchaient le plancher encrassé.
— Pfiou ! déclara le gardien de la couleur rouge en essuyant le liquide écarlate ayant giclé sur son armure. Cet endroit aurait vraiment besoin d’une femme de ménage !
Cette remarque exaspéra vivement sa partenaire de mission. En revanche, elle se contenta d’émettre un son démontrant qu’elle souhaitait qu’on lui retire le ruban adhésif qui lui couvrait la bouche. Le protecteur d’élite arriva donc près d’elle et agrippa l’une des extrémités pour l’enlever avec délicatesse.
— Merci beaucoup, le remercia-t-elle en retrouvant la parole. J’ai failli vivre un sale quart d’heure.
Un évènement des plus atypique se produisit ensuite. Le garçon masqué empoigna les sangles qui la maintenaient immobile et les arracha sans le moindre effort. Stupéfiée par ce geste, sa rescapée se releva avec de grands yeux ronds, mais demeura assise sur le rebord de la civière.
— Comment est-ce que vous avez fait ça ?
— Eh, eh. C’est grâce à un appareil spécial installé dans mes gants. Ça m’est bien utile quand je dois secourir les demoiselles en détresse.
— Je vois. C’est vrai que c’est pratique. Je connaissais quelqu’un qui pouvait aussi faire ce genre de prouesse, mais il n’avait pas besoin de dispositif. Sa famille possédait ce don depuis des générations.
— Laissez-moi deviner ? Vous parlez des Onaya ?
La jeune fille ne fut point étonnée. Après tout, ce clan était très reconnu à Ezora. Seulement, tout comme avec les Mitressey, ses membres avaient été décimés dans d’affreuses circonstances. Sept ans s’étaient écoulés depuis le drame, mais la plaie demeurait vive dans la communauté.
— Oui, je faisais allusion à eux. C’est effroyable ce qui leur est arrivé et c’est injuste que les autorités n’aient jamais pu retrouver le coupable.
Un soupir suivit sa déclaration. Dans la même journée, plusieurs souvenirs douloureux avaient refait surface dans sa mémoire. Néanmoins, rien ne la prépara au commentaire que son sauveur lui envoya.
— Votre compagnon se prénommait-il Seth par hasard ?
Tout comme la veille, un regard étonné apparut sur le visage de la principale intéressée. Son corps ne réagissait plus correctement. Cela en était partiellement troublant. À part ses amis actuels, personne ne pouvait être informé de ce détail. Comment le Gardien Rouge pouvait-il connaître autant de choses ?
— Vous commencez vraiment à me faire peur, maître gardien. Pourquoi est-ce que vous savez son nom ?
Soudainement, le jeune homme lui posa son index ganté sur les lèvres afin de lui demander le silence. Le moment des explications semblait être venu pour le duo de ninjas.
— Il y a quelque chose que j’aimerais vous montrer, mademoiselle Mitressey.
Contre toute attente, le guerrier d’élite porta la main à son masque métallique. Il arborait les motifs de deux formes noires ressemblant à des yeux, sous lesquelles étaient connectées des pointes rougeâtres légèrement arquées. Un déclic se fit aussitôt entendre. Dans un mouvement lent et nerveux, ses doigts le remontèrent jusqu’au-dessus de sa tête. En temps normal, les gardiens n’avaient pas l’autorisation d’exposer leur visage. Lorsque Lolya découvrit enfin son apparence, des larmes commencèrent à lui couler le long des joues. Des cheveux de jais, partiellement ébouriffés, et un magnifique regard ambré caractérisaient l’individu qu’elle reconnut comme étant son ancien meilleur ami.
— Non, c’est imp… impossible, sanglota-t-elle sous l’effet de l’émotion.
En la voyant, l’adolescent de seize ans voulut la réconforter en l’enlaçant avec compassion. Cette révélation était hautement bouleversante pour la concernée. Les gémissements, ainsi que les pleurs, s’intensifièrent. C’était l’unique riposte convenable face à cette situation.
— Je suis désolé, Petite Fleur. Cette nuit-là, j’ai été le seul à m’en sortir. Malheureusement, les autres gardiens ont jugé qu’il était préférable de me déclarer mort. Je souhaitais te l’avouer. Hélas, mon emploi du temps m’empêchait de le faire. Lors de notre rencontre de ce matin, cela m’a donné une opportunité que j’ai immédiatement saisie.
L’étreinte de sa partenaire devint plus forte. Cette dernière ne désirait plus lâcher prise. Un sentiment de sécurité et de réconfort la dominait. De nombreuses minutes furent nécessaires avant que Seth Onaya ne puisse être en mesure de reculer. Dès lors, l’élève aux capacités magiques essuya ses yeux à l’aide de ses poings, puis un curieux sourire se dessina sur son visage, tandis qu’elle se relevait doucement de la civière en récupérant le portefeuille qui lui avait été subtilisé.
— Tu n’étais pas obligé de me pousser du haut de ce précipice pour m’avouer tout cela, tu sais.
Ces paroles ne tardèrent pas à lui octroyer une réaction saugrenue. Un gloussement amusé retentit de sa bouche. Ensuite, il se plaça la main derrière la tête pour démontrer ses regrets face à ses actions. À la fois, il semblait heureux et mal à l’aise vis-à-vis le déroulement de leurs péripéties.
— Pardonne-moi. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à un plan. J’ai appliqué la première idée qui m’est venue à l’esprit.
— C’est ce que je peux constater. Je m’en veux de ne pas avoir fait le lien plus tôt. Tu as pratiquement la même attitude imprévisible que lorsqu’on était enfant.
— Tu ne pouvais pas savoir. D’ailleurs, en parlant d’attitude imprévisible, il y a autre chose qu’il faut que je te dise.
— Euh, est-ce qu’on pourrait quitter cet endroit avant ? Je te signale que tu as exécuté tout le monde. Je n’en peux plus de discuter avec tous ces cadavres autour de nous. C’est morbide !
L’étudiante conclut sa déclaration par une grimace. Pour sa part, le guerrier d’élite réajusta son masque métallique par-dessus son visage, avant de lui tendre la main.
— Ha, ha. Bien sûr, jeune demoiselle. Laissez-moi vous escorter jusqu’à la sortie.
À présent, les deux adolescents s’empressèrent de déserter le bâtiment. Une fois dehors, la sorcière aux pouvoirs magiques en profita pour dissiper son anxiété en savourant une somptueuse bouffée d’air frais. Elle en avait assez vu pour aujourd’hui.
— Décidément, avec tout qui s’est produit, mon rapport pour l’E.S.A.A.N. sera éprouvant à rédiger.
— Si ça peut te rassurer, je peux m’en occuper, précisa son ami. C’est à cause de moi que tu as failli servir de cobaye, alors ce sera un moyen de m’excuser.
— Ça m’aiderait beaucoup, répliqua Lolya en soupirant. À la suite de ces mésaventures, la seule envie qui m’anime est de retourner à la maison et de me blottir au creux de mes draps pour me reposer.
— C’est compréhensible. Toutefois, me permets-tu de terminer ce que j’avais à te dire avant que je t’y autorise ?
— Aucun problème. Tu m’as déjà révélé que tu es devenu un gardien. Je suppose qu’une déclaration de plus ne me ferait pas de mal.
Contre toute attente, le jeune homme s’approcha d’un peu trop près à son goût, tout en relevant son masque une seconde fois. Un sourire narquois dominait son visage. Il semblait avoir quelque chose en tête. En voyant cela, l’étudiante ninja recommença à être la proie de la nervosité. Les multiples espiègleries qu’il avait orchestrées dans le passé lui revenaient en mémoire. L’excentricité de son compagnon suffisait à la rendre mal à l’aise en permanence, car tout était possible en sa présence.
— Attention les oreilles !
Le guerrier d’élite empoigna son téléphone, avant de tapoter sur quelque chose se déployant sur son écran. Tout à coup, une puissante explosion survint en engendrant un vacarme sans précédent. L’édifice derrière eux n’était plus qu’une gigantesque boule de feu, ainsi que de poussière. En outre, l’onde de choc qui en résulta fut d’une intensité si imposante que la rescapée fût subitement propulsée dans les bras de son sauveur en armure. Dès lors, ce dernier en profita pour déposer ses lèvres contre les siennes. Le temps semblait en suspens durant ce spectacle. Leurs deux cœurs battaient la chamade. Antérieurement, ceux-ci formaient le plus inséparable des duos. En les apercevant lors de leurs escapades, plusieurs adultes croyaient que leur relation évoluerait en vieillissant. Il n’y avait plus aucun doute à avoir. Ce geste venait de le confirmer.
Tandis que le vent dissipait ce qui restait de l’immeuble calciné, le visage de la sorcière aux yeux violacés commença à rougir. La gêne lui fit tourner le regard en direction du sol. Elle ne désirait plus observer son ami, qui réajustait à nouveau son masque pour récupérer son anonymat. Néanmoins, celle-ci avait apprécié l’expérience.
— Voilà ce que je souhaitais te dire. Malheureusement, mes responsabilités m’attendent ailleurs. J’espère que tu ne m’en voudras pas si je te laisse rentrer toute seule. Profites-en pour te reposer. Demain, je te fournirai de plus amples précisions.
Sans même lui permettre de répondre, Seth usa de son impressionnante vitesse ninja pour disparaître de son champ de vision. À présent, Lolya se dressait, isolé, au milieu de la carrière désaffectée où une forte odeur de brûlé caressait ses narines. Conséquemment, cela l’obligea à revenir à Ezora en solitaire. Sa mission avait été accomplie avec succès. Cependant, le Gardien Rouge venait d’entrer dans sa vie. À ce stade, son quotidien ne serait plus le même. La première interrogation lui traversant l’esprit fut de se demander ce que le destin allait lui réserver.
À suivre…
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Note(s) de l’auteure
- Mesdames et messieurs ! Ceci était le chapitre 1 de Guardians ! J’espère que vous l’avez apprécié. Il se peut qu’il y ait encore quelques fautes, mais si vous en trouvez tout au long de votre lecture, n’hésitez pas à me le signaler et je les corrigerai sur-le-champ.
- On est encore au début de l’aventure, mais je tenais à vous informer que cette histoire m’a été inspirée par les mangas Naruto et Soul Eater. J’ai également été influencé par le personnage de Raven dans l’émission Teen Titans pour créer les sorciers de Kâ et les pouvoirs de Lolya.
- Je tiens à vous dire que le motif sur le masque du gardien rouge me sert actuellement de photo de profil.
- Merci beaucoup d’avoir lu ce chapitre. Si vous l’avez aimé, n’hésitez pas à me laisser des votes, des commentaires, ou à vous abonner à moi, car ça m’encourage à continuer d’écrire des trucs.
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